Vivre avec un ado : Mode d'emploi - Michel Delagrave - E-Book

Vivre avec un ado : Mode d'emploi E-Book

Michel Delagrave

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  • Herausgeber: Mardaga
  • Kategorie: Ratgeber
  • Sprache: Französisch
  • Veröffentlichungsjahr: 2024
Beschreibung

L’adolescence est souvent redoutée par les parents : conflits, oppositions, attentes parentales, scolarité, etc. C’est pourtant une période formidable et une étape-clé de l’évolution de nos jeunes. Le défi des parents ? Réussir à guider leur ado pour le voir évoluer positivement tout en respectant ses propres limites. Un challenge de tous les jours !

C’est tout l’objet de cet ouvrage. L’auteur y dresse un panorama des grandes étapes de l’adolescence et identifie les principaux défis à relever pour nos ados. Il propose ensuite les clés pour les accompagner et les encadrer de manière bienveillante.

Michel Delagrave offre un livre accessible et pratique avec des pistes de réflexion et d'action concrètes. Il s’adresse à tous les parents qui désirent établir une relation sereine, une communication respectueuse et ouverte avec leur ado, tout en maintenant une autorité conforme au rôle éducatif qu’ils souhaitent incarner.

À PROPOS DE L'AUTEUR


Michel Delagrave est travailleur social, psychothérapeute, formateur et conférencier renommé.

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Seitenzahl: 172

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Couverture

Page de titre

À mes deux fils, Jean-Michel et Pierre-Luc, qui m’ont beaucoup appris sur la vie et sur moi-même.

Avec toute ma tendresse de père,je vous dis merci d’être au monde et d’être devenusdes adultes dont je suis très fier.

Note de l’éditeur

Les caricatures des pages 19, 27, 37, 40, 55, 58, 65, 132 et 133 sont d’André-Philippe Côté et propriété de l’auteur du livre.

Les caricatures des pages 79 et 104 sont reproduites avec l’aimable autorisation de monsieur André-Philippe Côté, caricaturiste au journal Le Soleil de Québec.

Les caricatures des pages 84, 99 et 117 sont reproduites avec l’autorisation de monsieur Gilles Carignan, éditeur du journal Le Soleil, et de monsieur André-Philippe Côté.

La caricature de la page 35 a été reproduite avec l’aimable autorisation de madame Mira Falardeau.

Préface

Voici un livre qui risque d’inspirer bien des parents et des éducateurs. Comment aider nos adolescents, à un âge où ils prétendent ne plus avoir besoin de nous, les adultes ? Comment leur exprimer notre amour sans qu’ils rouspètent ? Comment les accompagner dans leur cheminement vers la maturité et l’autonomie ?

Pour répondre à ces questions, il faut d’abord comprendre ce qu’est l’adolescence, ce temps de grands dynamismes, de grands espoirs et de grands découragements. Il faut revenir à soi-même et se rappeler ses propres ambivalences, ses propres doutes et certitudes à la même époque ; le temps passe et, tout en demeurant les mêmes, les hommes et les femmes changent.

L’auteur présente ici en raccourci le phénomène de l’adolescence et rappelle aux parents des vérités qu’ils savent depuis toujours, mais qu’ils ont tendance à oublier lorsqu’ils se retrouvent devant les frasques de leurs jeunes.

Dans un style simple et direct, à partir de son expérience de travailleur social et de père, l’auteur donne aux parents diverses pistes de réflexion et d’action. Il affirme que tout en aimant leurs adolescents, les parents ont le droit et le devoir de les encadrer et de les diriger. En réalité, aimer ses enfants, c’est aussi leur mettre des limites lorsque c’est nécessaire. Cette affirmation peut paraître surprenante dans une société où la non-intervention est à la mode. Pourtant, si cet encadrement est souple et compréhensif, les jeunes le vivent comme une marque d’amour.

Toutefois, comment se fait cette supervision des adolescents, au quotidien ? Il ne s’agit pas seulement de comprendre. Il faut aussi agir et réagir.

L’auteur a le mérite de suggérer des moyens faciles et efficaces, basés sur des attitudes de respect et de bienveillance. Il présente des moyens, non des trucs. En effet, il faut du doigté et de la perspicacité pour agir auprès des adolescents – comme d’ailleurs auprès de toute personne.

Le lecteur peut lire l’ouvrage d’une seule traite, comme on prend un grand verre d’eau fraîche. Il peut aussi le lire et le relire par tranches, au besoin, quand vient le temps de se ressaisir face à ses adolescents pour mieux les comprendre.

Marie Berlinguet, Ph. D.

Travailleuse sociale

Introduction

Ce qui ressort, chez les parents d’adolescents en difficulté, c’est leur état de déroute et de perte de confiance dans leurs capacités parentales. Parce que leur jeune a des comportements nouveaux et déconcertants, ils sont portés à croire que l’expérience qu’ils ont accumulée jusqu’à ce jour ne leur est plus utile. Bien que les adolescents d’aujourd’hui se trouvent devant de nouveaux défis inhérents au contexte social, la dynamique de leur quête d’identité se rapproche en plusieurs points de ce que leurs parents ont vécu. Ces derniers oublient parfois qu’ils ont eux-mêmes été adolescents et, qu’à ce titre, ils en savent plus qu’ils ne le croient sur cette période de la vie.

L’adolescence est une étape de croissance importante, accélérée, au cours de laquelle le jeune apprend à se passer de plus en plus de ses parents. Devant ce désir croissant d’indépendance et face aux choix de l’adolescent, le parent développe facilement un sentiment d’impuissance. Plusieurs sont tentés de démissionner. Or, le fait de céder à cette tentation ne ferait que des perdants.

À l’instar de Virginia Satir, une travailleuse sociale très réputée, nous pensons que le « métier » de parent est un des plus difficiles à pratiquer. La tâche est compliquée, chargée d’anxiété, et elle demande énormément de patience, de sens commun, d’engagement et d’amour. De plus, n’oublions pas qu’au moment où le parent « enseigne » la vie à son jeune, il est lui-même en train d’apprendre à être parent. S’il est dans la quarantaine, peut-être remet-il même en question plusieurs des valeurs qu’il avait faites siennes jusque-là.

Il est normal que vous soyez parfois exaspérés et que vous vous posiez des questions. Si vous êtes en train de lire ce livre, c’est probablement que vous êtes à la recherche de réponses. J’espère que mes propos sauront vous rassurer et vous aider à mieux comprendre cette étape de votre vie familiale.

Quant au titre du volume, il reprend avec humour la réflexion spontanée faite par un adolescent après avoir lu quelques pages du manuscrit : « C’est un vrai mode d’emploi pour les parents ». Nous devons reconnaître que les enfants et les adolescents ne portent pas sur eux leur « mode d’emploi », comme une étiquette sur un vêtement. Le présent livre ne prétend pas proposer de recettes infaillibles. Cependant, les connaissances qu’il apporte sur l’adolescence, doublées de celles que vous avez déjà, sauront vous aider – je l’espère – à tirer profit des pistes de réflexion et d’action qui y sont présentées. Il revient donc à chacun d’établir son propre « mode d’emploi ».

La première partie du livre présente les grandes étapes de développement de l’adolescence ainsi que les principaux défis que le jeune doit relever. Elle donne aussi plusieurs pistes pour aider les parents à ne pas faire de cette étape de développement de leur jeune une « maladie de parents ». La seconde partie s’adresse aux parents en perte d’autorité qui, on doit le reconnaître, sont de plus en plus nombreux. Nous y proposons plusieurs éléments concrets pour aider ces parents à retrouver leur autorité et procurer ainsi une vie familiale saine à tous les membres de la famille.

PARTIE I – Un portrait de l’adolescence et des pistes de réflexion pour ne pas faire de cette période une maladie de parents

« L’adolescence est vraiment une période de la viequi est excitante, enrichissante, voire exaltante…mais pour qui ? Probablement pour les psychologues,les thérapeutes, les travailleurs sociaux…Pour les parents, c’est plutôt…« Y vont-tu finir par avoir 18 ans ? »

YVON DESCHAMPS, humoriste québécois

Chapitre 1L’adolescence à grands traits

L’adolescence est une étape du développement au cours de laquelle il y a une remise en question profonde de l’identité déjà acquise. C’est une transformation qui aboutit à un sentiment plus personnel et différencié de son identité. C’est l’étape du « que vais-je devenir ? », du « je ne suis plus un enfant, mais quel adulte serai-je ? ».

Cette étape de croissance constitue un processus ayant un début et une fin. Il est bon de se le rappeler, surtout les jours où vous avez l’impression que l’adolescence de vos jeunes vous fait vieillir prématurément !

Cette période de changements accélérés s’étend généralement de 11 à 18 ans. Il est cependant difficile d’en établir la limite précise, étant donné le contexte social que nous connaissons. Que ce soit en raison d’études prolongées ou de la difficulté à trouver un emploi, la période de dépendance face à la famille se prolonge. On n’accède pas à l’âge adulte aujourd’hui comme il y a 30 ans. À cette époque, tout arrivait en même temps : le diplôme, l’emploi, le mariage et l’autonomie qui s’ensuivait. Actuellement, les jeunes acquièrent souvent leur autonomie par étapes, qui ne sont pas nécessairement synchronisées dans le temps.

L’imagerie populaire donne de l’adolescence une perception négative : « Notre monde a atteint un stade critique. Les enfants n’écoutent plus leurs parents. La fin du monde ne peut pas être très loin. » ; « Cette jeunesse est pourrie jusqu’au fond du cœur. Les jeunes gens sont malfaisants et paresseux. Ils ne seront jamais comme les jeunes d’autrefois. »

La première des citations précédentes est attribuée à un prêtre égyptien et remonte à 2 000 ans avant Jésus-Christ ! La seconde a été découverte récemment dans les ruines de Babylone sur une poterie d’argile datant de plus de 3 000 ans !

Dans les conversations de tous les jours, on associe constamment le mot adolescence au mot crise, comme si cette période de la vie du jeune devait nécessairement être une période tourmentée. Or, il n’en est rien. Un rapport récent du Conseil de la famille et de l’enfance affirme clairement que « la très grande majorité des adolescents traversent cette période de la vie loin de la crise majeure. Ils optent plutôt pour négocier avec leurs parents de plus en plus d’autonomie, d’indépendance, dans un monde qui change rapidement1 ». Les spécialistes, dont Richard Cloutier, sont généralement d’accord pour affirmer qu’environ 15 % des adolescents éprouvent de grandes difficultés pendant cette période de leur vie2. C’est donc dire que la majeure partie d’entre eux (85 %) traverse l’adolescence sans problème grave. Alors, quand on parle de l’adolescence comme d’une période très éprouvante, ne fait-on pas surtout référence aux parents d’adolescents ? En fait, on traite de l’adolescence comme d’une période difficile en oubliant tout le côté exaltant, extrêmement intense et emballant qui fait partie de cette étape et qui la rend si attachante.

Enfin, puisque l’adolescence n’est pas une maladie, peut-on, comme parents, s’assurer de ne pas la considérer comme telle ? Rappelons, à cet égard, le thème particulièrement évocateur d’un colloque ayant eu lieu il y a quelques années : « Franchir l’adolescence… un problème d’adulte ? » Poser la question, c’était déjà amorcer une réponse.

L’adolescence est une période de la vie où l’opinion des autres compte beaucoup. Il y a beaucoup d’insécurité dans l’air. L’adolescent est particulièrement préoccupé par son image et se demande souvent s’il est aimé. C’est pourquoi on le retrouve si souvent devant un miroir, en train de se peigner pour la énième fois de la journée.

C’est aussi une période de grande affirmation de soi qui se manifeste souvent en étant plutôt « contre » que « pour », face aux adultes. C’est la façon qu’ont les adolescents de se tailler une place, de se faire une idée, de tester l’opinion des adultes autour d’eux. Françoise Dolto ne disait-elle pas : « Ma mère m’a aidée à savoir ce que je voulais à force de s’y opposer3. »

Caricature d’André-Philippe Côté

Comme quoi les désaccords et les différends entre adolescents et parents servent à quelque chose.

Une étape de développement en cinq temps

L’adolescent vit un développement accéléré et de profonds changements sur cinq plans : physique, intellectuel, psychologique, émotif et social. Il sera plus facile de saisir l’ampleur du chantier en construction si nous en faisons une brève présentation.

Mon Dieu qu’il a grandi !

La puberté se présente de plus en plus tôt. Certaines jeunes filles deviennent pubères dès l’âge de 9 ans et, chez certains garçons, le début de la puberté se situe vers l’âge de 11 ans. Par ailleurs, « près de quatre filles sur cinq, à cet âge (13 ans) rapportent qu’elles ont eu leurs premières menstruations4 ». Cela entraîne des changements physiques marqués et accélérés qui sont déstabilisants pour l’adolescent, qu’il s’agisse de changements dans la taille, le poids, les proportions des différentes parties du corps ou encore du développement des caractéristiques sexuelles.

L’adolescent, garçon ou fille, a tout un travail d’intégration à faire en ce qui concerne l’image qu’il a de lui-même. Il doit faire le deuil de l’image de son corps d’enfant pour intégrer l’image de ce nouveau corps qui n’en finit plus de se transformer sur une période de plusieurs mois. Ce déséquilibre entre le corps enfant et le corps adulte est difficile à vivre.

Il s’agit d’apprendre à s’accepter avec son corps tel qu’il devient. On revient à l’insécurité et à la grande préoccupation de l’image extérieure dont on parlait plus haut. On comprend mieux alors la difficulté que peut représenter, par exemple, l’acné juvénile. Il est difficile de vivre avec un corps en mutation, en déséquilibre.

De plus, apprendre à composer avec la fonction sexuelle, une nouvelle fonction qui aura une si grande importance pour le reste de sa vie, n’est pas une tâche qui se réalise en quelques semaines. Or, ce qui se passe, c’est que les changements physiques se terminent bien avant la fin des changements psychologiques associés à l’adolescence. Biologiquement, presque dès le début de l’adolescence, les jeunes sont en mesure d’exercer des fonctions sexuelles complètes, y compris celle d’engendrer la vie, mais sans avoir la maturité qui devrait accompagner cet événement. Corps d’adulte, maturité d’enfant, ou presque. On voit où le bât blesse.

Comprendre le monde… et rêver de le changer

Sur le plan intellectuel, l’adolescent se découvre de nouvelles capacités. Il apprend à jouer avec les idées et s’exerce vraiment à le faire ; certains appellent cela du jogging intellectuel. La capacité de conceptualiser l’amène à des niveaux jamais connus auparavant. Il peut tout remettre en question dans sa tête et prendre un recul par rapport au monde et à la vie, ce qu’il ne pouvait faire auparavant.

C’est l’époque des grandes causes à défendre, des grands principes, des grandes questions sans réponses vraiment satisfaisantes. Il s’agit d’interrogations auxquelles nous ne trouvons pas nécessairement une réponse une fois adultes, mais avec lesquelles nous apprenons à vivre, ou pour lesquelles nous renonçons à trouver une réponse.

L’adolescent manque souvent de réalisme dans son discours et son raisonnement. Et il ne se rend pas compte que son point de vue sur ceux qui l’entourent est biaisé par son âge. À titre d’exemple, un jeune adulte, pas tout à fait encore sorti de sa vision adolescente, faisait sur son père une réflexion amusante et très typique : « Quand j’avais 15 ans, disait-il, je trouvais mon père extrêmement con. À 20 ans, je le trouve pas mal moins con. C’est incroyable comme il a changé en cinq ans ! » Comme quoi, un point de vue, faut-il se le rappeler, c’est aussi une façon de ne pas voir. Cependant, au fil des mois et des ans, le jeune apprend à se faire des opinions de plus en plus personnelles. Bref, il passe du « agir avant de penser » au « penser avant d’agir ».

La vie en perspective

Chez l’adolescent, la principale caractéristique du changement psychologique, c’est le changement de perspective à l’égard de la vie menée jusque-là. Il développe une capacité à prendre une distance face à ses parents et à l’éducation qu’il a reçue, et à porter un jugement personnel à leur sujet. Il est capable de réinterpréter son passé et sa relation avec ses parents. C’est comme si, en plus d’être acteur de sa vie, il en devenait aussi l’observateur. Il faut voir là le signe irréfutable que le jeune n’est plus un enfant. On peut donc parler d’une conscience nouvelle de sa vie passée et de l’avenir qu’il anticipe.

C’est aussi l’heure des jugements sans nuance. Il est alors très souhaitable que les parents aient une bonne réserve d’estime de soi, car il se peut que, du jour au lendemain, tout ce qu’ils ont fait pour leur enfant ne semble plus valoir très cher. C’est que l’adolescent doit faire un autre deuil, celui de l’image qu’il a de ses parents, depuis qu’il est tout petit. Il les découvre autrement, en percevant plus leurs limites que leurs forces, c’est-à-dire le contraire de ce qu’il voyait avant. Il doit aussi faire le deuil de la toute-puissance qu’il accordait à ses parents et cela le renvoie à lui-même, à ses propres forces et faiblesses. De plus, c’est maintenant l’adolescent lui-même qui règle la distance entre lui et les autres, et non plus ses parents.

Aller jusqu’au bout

Sur le plan affectif, nous observons une grande instabilité, des changements d’humeur instantanés et sans raison apparente. L’adolescent est à la recherche de sensations fortes. Il a le goût du risque, d’aller à la limite de ses capacités, de faire des excès de vitesse en ski ou en automobile, ou encore de se « défoncer » avec de l’alcool ou des drogues. Pour une majorité de jeunes, c’est aussi la découverte bruyante et exaltante de la musique. Celle-ci peut répondre à des besoins divers : communiquer avec ses amis, s’exprimer (particulièrement s’il en joue), s’évader ou se distinguer des adultes. C’est le temps des idoles. Les goûts se précisent.

L’adolescent est avant tout intense : grandes peines, grandes joies. L’adolescent apprend ainsi à goûter, puis à gérer progressivement le monde des émotions. Il découvre des sentiments nouveaux d’amitié et d’amour, à un degré jamais vécu auparavant.

Être « en gang »

En fait, l’adolescent veut être traité comme un adulte, confondant grandeur physique et maturité psychologique. Sa principale activité, surtout entre 13 et 16 ans, c’est d’être « en gang ». Il veut, en même temps, se distinguer de ses parents et se conformer aux normes de ses amis. Nous y reviendrons plus loin.

Bref, sur les plans physique, intellectuel, psychologique, affectif et social, l’adolescent vit des changements accélérés qui s’entrecroisent et s’influencent. Cela l’amène à ressentir une grande fragilité, un grand dénuement. Françoise Dolto compare l’adolescent au homard qui doit perdre sa carapace pour grandir. Pendant la période où le homard se défait de sa vieille carapace et s’en construit une autre, conforme à sa nouvelle taille, il est d’une extrême vulnérabilité. Ainsi en est-il de l’adolescent.

Devenir quelqu’un : tout un contrat !

Pour parvenir à l’âge adulte, l’adolescent doit réaliser nombre de tâches. Il doit notamment apprendre :

•À accepter son corps disproportionné et boutonneux ainsi que ses déséquilibres affectifs ;

•À se faire accepter par les autres adolescents, à s’affirmer face à eux, bref à se débrouiller avec la pression sociale ;

•À développer son jugement personnel ;

•À dire ce qu’il pense ;

•À faire usage de sa liberté nouvelle ;

•À devenir une femme ou un homme sexué avec tout ce que cela comporte comme apprentissage, incluant l’identification de son orientation sexuelle ;

•À vivre l’intimité dans ses relations ;

•À chercher le sens de son existence, à se fixer des buts, à s’interroger sur ce qu’il veut faire pour gagner sa vie, bref à devenir autonome.

Cette énumération, même incomplète, permet de mesurer l’ampleur du chantier. Ces diverses tâches peuvent se regrouper sous trois notions-clés qu’il importe de bien saisir si l’on veut comprendre la dynamique de tous ces changements. Ces trois notions sont la recherche d’identité, la socialisation et la quête d’autonomie.

Qui suis-je ?5

La recherche d’identité est de loin le processus dynamique qui caractérise le plus l’adolescence. Certains parlent de crise d’identité, d’autres d’interrogation profonde. Il n’est toutefois pas nécessaire qu’il y ait crise pour que le processus réussisse. L’adolescence est essentiellement une remise en cause de sa propre identité par le jeune lui-même ; c’est un cheminement au cours duquel l’adolescent doit faire plusieurs deuils quant aux images de toute-puissance qu’il a eues de ses parents et quant à sa propre image ; deuil aussi de son enfance et de ses anciennes certitudes. Il s’agit d’un processus de séparation et d’individualisation qu’il vit à l’égard de son entourage : il doit se reconnaître comme singulier, différent, avec un sexe, des émotions et des raisonnements qui se distinguent de ceux des autres.

L’adolescent fait face à des interrogations fondamentales : Qui suis-je ? Que fais-je ? Qu’est-ce que je veux ? Avec qui est-ce que je veux faire des choses et au nom de quoi ?

Selon le pédopsychiatre Michel Lemay, l’identité est précisément la somme des réponses que l’adolescent parvient, au fil des ans, à donner à ces questions. Vers l’âge de 9 ou 10 ans, les questions de fond ne sont pas très élaborées et les réponses que le jeune y apporte sont simples ou en conformité avec celles des adultes de son entourage. À 15 ans, les réponses ne sont plus aussi simples et conformes. Le phénomène pubertaire vient tout bouleverser. Les changements ne se limitent pas aux organes génitaux ; c’est la philosophie et la psychologie de l’adolescent qui se modifient. La vision du monde qu’on lui a transmise ne le satisfait plus. Il veut s’en développer une nouvelle.

Il s’interroge sur l’amour, la souffrance, la mort, l’amitié, la sexualité, le mariage, le divorce, la contraception, l’avortement, le plaisir, la drogue, la religion, la mondialisation, l’environnement, etc.

Rappelez-vous le plaisir que vous avez trouvé, au cours de votre adolescence, à discuter avec vos amis pendant des heures et des heures de tous les sujets. On a le sentiment qu’on peut défaire le monde et le refaire en une soirée.

L’adolescent est en évolution constante sur tous les sujets qu’il aborde. Il est donc important de ne pas paniquer si la solution qu’il trouve à l’un ou l’autre de ces problèmes existentiels n’est pas celle que vous souhaiteriez.

Une des façons de se faire sa propre idée, c’est de la tester auprès de son entourage, à commencer par ses parents, souvent en émettant une opinion-choc. Pour le jeune, émettre ce genre d’opinion en présence de ses parents comporte plusieurs avantages : s’affirmer, les faire réagir et, enfin, connaître leur opinion sans avoir à la demander. On se définit toujours à partir de quelqu’un, d’un modèle auquel on adhère ou que l’on rejette, en tout ou en partie. Si l’adolescent n’a personne de clairement identifié à qui se frotter, il risque d’avoir beaucoup de difficulté à se définir lui-même.