Voyage à Fémicoeur - Anne-Marie Allard - E-Book

Voyage à Fémicoeur E-Book

Anne-Marie Allard

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Beschreibung

Amélie fait parte de ces femmes victimes de trop nombreuses violences. Après avoir été une nouvelle fois sauvagement battue par son mari, elle sombre dans le coma. Toutefois, durant son inconscience, elle bénéficie d'une merveilleuse opportunité : celle de faire un choix crucial. D'un côté, continuer à subir comme l'ont fait sa mère et sa grand-mère ; de l'autre, transformer ses souffrances et enfin assumer sa vie en conscience. Telle une authentique héroïne, elle va entreprendre un voyage initiatique. Celui-ci la conduira du"Féminin blessé" au "Féminin sacré". Elle évoluera à Fémicoeur, un pays imaginaire parcouru de ruisseaux et traversé par la célèbre rivière Ora. Comme dans toute quête, elle y rencontre des guides. De plus, la magie omniprésente permet aux arbres sacrés de parler, aux huiles essentielles de se transformer en nobles Dames, aux sorcières de se montrer maternelles, de prodiguer de bienfaisants massages et d'autres bienfaits encore. Affronter courageusement un dragon, faire face au terrible sorcier Cy-Quer ou encore sauter dans le Trou du Diable, tout cela octroie à la jeune femme autant d'occasions d'observer et de transcender ses ombres. Avec son authenticité, sa force et sa fragilité, Amélie touche à plusieurs reprises à la Vastitude et au Sacré. Elle découvre aussi sa connexion à Terre-Mère, son lien avec l'eau, symbole de vie, et parvient enfin à ouvrir son coeur et à pardonner. Ce premier tome - suivi de l'ouvrage intitulé "Le Trésor de Fémicoeur" - aborde également le problème des blessures de l'enfance et fait intervenir diverses techniques de développement personnel.

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Veröffentlichungsjahr: 2022

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Voyage à Fémicoeur

Voyage à FémicoeurAvant-propos.La famille d’Amélie.1. Le Féminin blessé.Au Pays de Fémicœur - Table des matières2. La Forêt de Keurakeur.3. Les Guides.4. La Mère.5. Le Père.6. La Tour Phallo.7. La Tour Du Silence.8. L’enfant Intérieur.BibliographiePage de copyright

Voyage à Fémicoeur

Quand j’arrive en France, encore sous l'effet d'un profond burnout, une naturopathe m’invite à trouver une occupation qui me procure de la joie. Tout naturellement, les mots sortent pour décrire l’arrivée d’Amélie à Fémicoeur. Ces phrases, à l’image de mon moral, se traduisent sous forme de tempête des éléments, de blessures physiques et psychiques.

L’écriture d’un livre se dessine à l’horizon, tout s’enchaîne. Je lui adjoins aussitôt une lignée maternelle et paternelle. Je dessine Fémicoeur, cette union sacrée entre féminin et cœur, puis je le matérialise sous la forme d'une sculpture en terre que je réalise patiemment.

Je sais profondément que je désire y ajouter en filigrane les concepts, connaissances et expériences de ma quête vers une pacification intérieure. Neuf mois plus tard, le premier tome du voyage initiatique d’Amélie sort de presse avec pour thème : du féminin blessé au Féminin sacré.

Suivra ensuite le second tome intitulé "Le Trésor de Fémicoeur", également disponible aux formats Ebook et papier... Mais c'est une autre histoire !

Avant-propos.

Toi qui gardes l’accès à toutes les dimensions,

Je recherche les chemins de ta Médecine

Pour amener sur terre mes visions,

En voyant aujourd’hui la vérité en moi.(1)

Il m’apparaît d’emblée que mon ressenti très intense et ma faculté à saisir les mots au vol, doivent s’appuyer sur une démarche intellectuelle. Pour plus de facilité, je scinderai cette démarche en cinq grands volets :

Mon parcours psychothérapeutique ;

La famille maternelle d’Amélie, ainsi que des articles glanés sur internet ;

L’Histoire et quelques livres choisis ;

Ma foi chrétienne ;

Le Voyage à Fémicœur. 

1. Mon parcours psychothérapeutique.

En ce début de livre, je m’approprie le dernier paragraphe de la prière du mois d’avril dédiée à La Mère de Clan de La Quatrième Lune. Effectivement, j’aurais pu débuter cette histoire par : « Il était une fois une femme prénommée Anne-Marie, qui demanda un rendez-vous à la psychologue du groupe Femmes Autonomes, à Liège. Cependant, écrire une autobiographie m’est impossible, car de nombreux pans de ma vie ont été accueillis, pardonnés, voire en partie oubliés. D’où mon choix de transposer mon vécu sous la forme d’un roman.

Je choisis donc d’honorer l’être que je suis aujourd’hui. Pour ce faire, je décris mes ressentis et mon questionnement presque au quotidien.

D’une part, ce modus operandi reflète les neuf étapes du cursus du Féminin Sacré ; cursus effectué sous la houlette de Yaël Catherinet. Celle-ci m’a proposé d’ancrer mes multiples prises de conscience au moyen des rituels retranscrits au fur et à mesure de ma quête. Ceux-ci reviennent çà et là dans mon récit.

D’autre part, ce « Voyage à Fémicœur » se veut l’écho de personnes qui, avec amour, ont choisi d’être le reflet de mes ombres. Ce « voyage » me donne surtout l’opportunité de remercier une fois encore les « apprend-tisseuses et apprend-tisseurs » qui m’ont transmis leur savoir avec tant d’empathie et d’ouverture de cœur, parfois aussi avec quelques exigences. Ils m’ont permis de broder l’étoffe unique de ma vie.

À maintes reprises, l’enseignement donné à Amélie s’inspire fortement des cours d’Approche psycho-énergétique de l’Être, suivis auprès de Martine Struzik à Liège. Elle-même a suivi un cursus de plusieurs années auprès de Richard Moss. À ce propos, le nom de « la » tilleul hermaphrodite de la Place de la Paix – Riche-Tille-la-Juste – est un clin d’œil à ce monsieur empli d’amour et d’empathie. J’adresse un remerciement tout spécial à Martine, qui m’a encouragée et a relu certains passages de ce livre.

Ce roman m’offre l’occasion de souligner mon amour pour les huiles essentielles. Cependant, je décline toute responsabilité quant à leur emploi. Si ce livre incite à les utiliser, j’invite le lecteur ou la lectrice à s’adresser à un spécialiste et/ou à lire attentivement les précautions d’usage reprises dans l’article très exhaustif de la Compagnie des Sens(2). Je tiens pour acquis certains savoirs ; par ailleurs, je propose une brève bibliographie à la fin du livre, afin de poursuivre ce périple.

Enfin, au cours de l’écriture du livre, j’ai croisé pour mon plus grand bonheur, Minthé, chamane belge d’origine wallonne. Sur son site, elle se décrit comme Femme-médecine et missionnaire de l’eau, adoptée par Grand-Mère Oh Shinnah Fast Wolf, de qui elle a reçu l’initiation de « Femme Guerrière » dans la tradition apache. Avec elle, j’ai participé à une initiation aux Porteuses d’Eau et à un stage de Sacred Breathwork.

2. La famille maternelle d’Amélie, et quelques articles glanés sur internet.

En ce qui me concerne, la violence sous toutes ses formes – notamment le viol – illustre une partie de ces comportements du patriarcat qui causent aux femmes des blessures tant physiques, que psychologiques et spirituelles, avec pour conséquence, leur assujettissement. En août 2015, Agnès Stienne a d’ailleurs écrit un article intitulé « Viols en temps de guerre, le silence et l’impunité », dont je vous livre un court extrait :

Privilège des vainqueurs, soumission des vaincus, le viol est le symbole fort de la victoire. Les femmes deviennent le « lieu » de la bataille ou du conflit. Le viol systématique est une arme de terreur, une arme de guerre, une stratégie psychologique déstabilisante qui agit sur le moral des combattants pour éliminer toute forme de résistance.(3)

Trois générations de femmes interviennent dans mon roman. Dans un souci de cohérence, celui-ci commence en 1962 et se termine en 2016. Ainsi, le début du récit coïncide avec la fin de la guerre d’indépendance d’Algérie. Des recherches sur le net m’ont permis de découvrir que l’État français n’a reconnu ce conflit comme une « guerre » qu’en 1990 !

De retour d’Indochine, les soldats français partent en découdre en Algérie où, entre 1954 et 1962, la pratique du viol devient monnaie courante, à la ville comme à la campagne. L’armée française se disperse pour débusquer les résistants dissimulés dans le maquis. Loin de leurs supérieurs hiérarchiques, les petits chefs en profitent pour imposer leur loi et terrorisent la population en se défoulant sur les femmes. Certaines sont détenues dans des prisons sordides où elles subissent tortures sexuelles et viols à répétition.(4)

Dans sa résolution 1820 votée en 2008, le Conseil de sécurité de l’ONU reconnaît que les violences sexuelles peuvent représenter « un crime de guerre, un crime contre l’Humanité ou un élément constitutif du crime de génocide. (…) Après la guerre, les hommes sont souvent agressifs, « hyper-masculins », et combattent pour s’adapter en temps de paix ».

En France, il faudra attendre 1980 pour que le viol devienne un crime passible de 15 ans de réclusion criminelle.

Pour l’élaboration de ce roman, je présuppose sans grande difficulté qu’un égrégore de silence s’est formé au cours de deux ou trois générations de Français et d’Algériens. Ce laxisme des autorités militaires et judiciaires a entraîné l’impunité de ces faits répréhensibles, mais elle a également laissé peu de latitude aux victimes pour entamer un processus de guérison.

3. L’Histoire et les livres choisis.

Après avoir évoqué les diverses sources sur lesquelles je m’appuie pour décrire la famille maternelle d’Amélie, il me semble important de rattacher l’héroïne à l’Histoire plus vaste.

Yaël Catherinet me propose un jour de lire le « Féminin Sacré actualisé », de Lise Côté, paru aux Éditions Ariane. Ce livre enflamme mon âme et, par la suite, mon imaginaire. Il évoque notamment les débuts du matriarcat en Lémurie et en Atlantide, thème que j’aborderai dans le deuxième tome.

Je ressens alors le besoin d’approfondir mes connaissances sur ce sujet, et j’écume les rayons de la bibliothèque de Guéret, qui offre précisément une large collection d’ouvrages sur ces premières civilisations. Cependant, chaque auteur donne sa version, voire échafaude plusieurs hypothèses, surtout à propos de leur localisation sur le globe terrestre. Mon choix se porte alors sur Anton Parks, un érudit égyptologue, auteur de l’ouvrage « Le Testament de la Vierge », paru aux Éditions Nouvelle Terre. Cette retranscription de textes sumériens et égyptiens m’apporte vibrance et joie, même si je n’en comprends pas tout le contenu.

L’étude d’Anton Parks commence par ces deux phrases :

« Maudit soit l’esprit de celui qui prétend que les récits de l’Écriture n’ont d’autres significations que leur sens littéral. » Le Zohar, « Le Livre de la Splendeur », tome V.

« Tout ce qui concerne la manière d’interpréter l’Écriture est soumis en dernier lieu au jugement de l’Église, qui s’acquitte de l’ordre et du ministère divin de garder et d’interpréter la parole de Dieu. » Dei Verbum n.23, (18 novembre1965). Texte officiel du Vatican, toujours en vigueur.

Sa quatrième de couverture se termine par ces mots :

Nous avons besoin de nous réveiller d’un profond sommeil d’ignorance, afin de percevoir pleinement la vraie nature du réel ainsi que la spiritualité lovée au fond de notre conscience, héritage que l’homme partage avec ses « créateurs ».

Le Dr. Gérard Leleu propose, quant à lui, le livre « Sexualité, la voie sacrée », paru aux Éditions Albin Michel. Dans le chapitre « Femme, je te désire et je t’adore », il apporte une description claire et pertinente de l’ère matriarcale qui a perduré jusqu’au néolithique. Il subsiste trop peu de traces de cette période pendant laquelle la femme est considérée comme « reine du gîte ». Outre ses pouvoirs de maternité et de sexualité, elle possède les dons de guérison, de prophétie, ou encore de modification de conscience. En effet, elle entre en relation avec le pouvoir des profondeurs. Le lait et le sang qui s’écoulent ne sont-ils pas surnaturels ?

À la page 76 de son ouvrage, Gérard Leleu apporte un éclairage précis sur l’archétype de la Déesse-Mère :

La société matriarcale est une société qui vénère la vie. La femme qui conçoit et enfante sait le prix de la vie. Elle considère tous les vivants comme ses enfants.

Il décrit ensuite le passage très progressif vers l’ère du patriarcat : l’être humain chasse, puis se sédentarise, cultive et possède des biens.

À mon grand étonnement, ce serait l’introduction massive de viande dans l’alimentation qui apporterait non seulement les protéines pour le cerveau, mais qui permettrait à l’homme de prendre un rôle plus essentiel au sein de la famille.

Une découverte importante permet d’augmenter encore son prestige : l’homme apporte le sperme, alors que la femme n’est qu’un « récipient ». Cependant, ce renversement de l’importance des fonctions génère l’envie, les peurs et les guerres. La Déesse disparaît progressivement ; elle laisse d’abord place à un panthéon de dieux et de déesses, puis à un Dieu unique, masculin, coléreux et guerrier.

G. Leleu explique ce phénomène par l’énumération d’un grand nombre de peurs que l’homme éprouve vis-à-vis de sa compagne, de son sexe… en un mot, vis-à-vis de la sexualité, avec pour conséquence, le besoin de la contrôler par de trop nombreuses manières.

Je le cite :

La répression de la sexualité s’accompagne toujours d’une répression de la femme, comme si celle-ci était responsable des désirs de l’homme. Inversement, la sacralisation de l’amour va de pair avec le respect, voire la vénération, de la femme.(5)

Quant à Régis Boyer, dans son essai « la Grande Déesse du Nord », il décrit la spiritualité des premiers hommes de Scandinavie qui attribuaient à la Femme, c’est-à-dire à la Terre-Mère : beauté, savoir, pouvoir, mais surtout Fertilité et Fécondité. Ces quelques phrases résument les propos précédents, ainsi que l’évolution de la spiritualité :

La Femme s’imposa, parce que la valeur majeure de tous nos systèmes de représentation a toujours été la Vie et qu’elle en est un gage indispensable. […] Et j’accuse les Indo-Européens, à l’existence et au rôle déterminant desquels je crois, d’avoir été responsables, entre autres interventions dans le cours de notre Histoire, de l’émergence de l’Homme en tant que divinité première et essentielle. […] Avant eux, bien longtemps avant eux, il y eut la Femme, la Grande Déesse, la Déesse-Mère. […] La puissance de la Terre qui abrite et se nourrit des morts, afin sans aucun doute de favoriser la vie. (L’idée est bisexuée parce que la vie implique les deux sexes.)

Lise Côté, pour sa part, décrit le déclin du Féminin Sacré sur terre par ces autres mots :

Dans la Genèse adoptée par les Pères de l’Église, Ève sera dépeinte comme la femme impure qui a volontairement dupé son époux et l’a livré au démon. Ce mythe de la création tel qu’il est entretenu et sanctionné par le pouvoir en place, s’inscrira dans l’inconscient collectif des femmes et marquera insidieusement le ventre-sexe de femmes de toutes générations subséquentes.

Au chapitre suivant, elle propose heureusement cette voie unificatrice, à la fois Femme-Homme et Humain-Divin :

Il n’y a pas d’épanouissement possible sans permettre une belle danse harmonieuse entre les principes masculins et féminins en vous, et sans redonner à chacun ses lettres de noblesse, c’est-à-dire le sens véritable du sacré au féminin et au masculin. TOUT, et vraiment TOUT ce qui est manifesté, vibre au diapason du Divin Féminin et du Divin masculin unifiés.

4. Ma foi chrétienne.

Mes recherches littéraires sur ce sujet coïncident avec le moment où se termine mon cursus avec Yaël. Alors que j’aborde la Tour du Silence, la page blanche vient me hanter au cinquième étage… En effet, je suis issue d’une famille catholique et la question se pose avec acuité : dois-je jeter le bébé avec l’eau du bain ? La réponse est loin d’être simple.

Si, depuis longtemps, la Vierge Marie se présente à moi comme un guide, je ressens la nécessité d’aller vers d’autres archétypes : Isis, Aphrodite, et Lilith, première femme d’Adam.

Puis, comme un phare dans la nuit, m’apparaît une femme avec laquelle il m’a toujours été difficile de m’accorder : Marie-Madeleine. À mon grand soulagement, Gérard Leleu évoque la sexualité de Jésus en ces termes :

L’hypothèse la plus probable est que Jésus a sublimé sa sexualité : il a transformé sa pulsion animale, sa libido, en amour, en « capacité d’alliance », et l’a transfigurée en quelque chose de sacré. C’est une femme, Marie-Madeleine, qui fut l’élue de cette sublimation.(6)

Tout a commencé avec l’assassinat de Jésus. Il fut condamné à mort par la collusion de deux pouvoirs masculins : un proconsul romain représentant le plus patriarcal des États, et le clergé juif représentant la plus patriarcale des religions. Le premier comme le second, s’ils n’avaient pas à redouter quelque soulèvement populaire, avaient bien perçu ce qu’avait de subversif l’enseignement de Jésus. Le danger, c’était cette caritas, cet amour universel qui en découlait : l’égalité des êtres, l’égalité entre la femme et l’homme, le refus de la guerre, la fin de la domination des plus forts. Tout cela sentait le matriarcat.(7)

Gérard Leleu poursuit en expliquant la trahison des clercs de l’Église, qui inversèrent l’enseignement christique.

Le frère dominicain Jean-Yves Leloup décrit pour sa part l’archétype de Maria Magdalena à la page 68 de son livre « Marie-Madeleine à la Sainte-Baume », aux Éditions Le Relié :

Certaines traditions accordent à Marie-Madeleine une familiarité avec le monde végétal ; un des noms par lequel elle est connue est celui de « myrrhophore », « celle qui porte les parfums », la myrrhe particulièrement, dont elle va oindre le Christ défunt.

Le philosophe brosse en termes choisis sa vision de la Déesse ou des déesses :

Les déesses qui hantent de leurs corps fertiles l’histoire de notre humanité sont, pour le philosophe, les clairs symboles de ce qui, dans l’Être, demeure ouvert ou tend à se manifester. […] Mère, matrice, Déesse… métaphores de l’origine même ou de son essence. Origine qui se laisse penser ou imaginer sous les formes d’une vacance où se déploient les profondeurs charnelles et inaccessibles de « ce qui est ».(8)

Je parachève ce bref aperçu d’auteurs sur le Féminin Sacré par cette note éminemment positive de Jacqueline Kelen, aux Éditions Points Vivre :

Pour affiner les choses, je dirai que si la femme peut être insultée, avilie, la Dame ne peut jamais être souillée, ni atteinte de blessures parce qu’elle figure l’éternelle, l’immuable dimension de l’Esprit. Et en toute créature féminine, il y a souveraine, une Dame qui surmonte et sanctifie les blessures faites à la femme. Ainsi, la Dame oint et referme les plaies de la femme offensée en son corps, en son cœur ou en sa dimension sacrée.(9)

5. Voyage à Fémicœur.

Pour conclure cet avant-propos, Amélie – mon héroïne – chemine dans un endroit où la magie tient une place primordiale. Pour le besoin de la narration, le temps s’y accélère. Par contre, mon imaginaire s’y exprime librement, prend des raccourcis facétieux et choisit de mélanger humblement les souvenirs de quelques moments d’apprentissage, de rappeler des émotions, surtout d’illustrer ma sensibilité à fleur de peau et de la colorer par des phrases d’auteurs qui me fascinent.

Comme Amélie, j’entends l’appel de la Vie et j’accepte le challenge d’écrire cette histoire qui sommeille en moi depuis un long moment déjà.

Enfin, il m’est apparu nécessaire d’ajouter au fil des mots qui dansaient leur propre vie, le regard d’hommes qui me sont proches. En effet, pour moi, la reliance s’illustre aussi bien par des partages verbaux, que par des échanges énergétiques ou écrits. Au cours de l’aventure, se glisseront donc deux ressentis de Julien De Pauw-Cieslik, un poème de Frédéric Lair et, comme un rameau d’olivier au-dessus de la Méditerranée, Mokhtar El Amraoui, ce grand poète marocain qui m’a fait l’honneur de m’offrir deux de ses très belles odes en hommage à la femme.

Quant à Nadine Delhaye, Yaël Catherinet, Péma Keltoï ou Céline Bettonville, elles apportent chacune une note délicieusement douce et assertive à ce roman. Enfin, « last, but not least », je me dois de congratuler Nathalie Lormiez, qui m’a offert une de ses peintures intuitives. Celle-ci s’avérera très utile à mon héroïne pour avancer dans son périple.

Je les en remercie toutes et tous.

Je m’offre à la lune pleine

Je signe sans crainte au bas d’une page blanche

Je confie à la Grande Mère souveraine

Le soin d’y écrire mon cheminement.

J’abandonne mon besoin d’explications

Et tout autant besoin de plaire.

Je m’ouvre entièrement

Mon âme, mes lumières et mes ombres certaines.

Je m’offre à la lune pleine.

La femme Originelle peut prendre sa place en moi.

Je danse au son du vent, de la pluie et du chant des oiseaux.

Je sens les saisons et entre en communication

Sans poser de questions.

Je goûte avec joie mes impulsions

Acquiesce au rythme de la Vie.

Je vis dans le moment présent.

J’avance sous la protection de Tellus Mater.

Je m’offre à la lune pleine.

1 Jamie Sams. Les 13 Mères originelles. Ed Véga. La femme qui voit loin. La Mère de clan de la quatrième lune.

2 https://www.compagnie-des-sens.fr/dangers-potentiels-huiles-essentielles

3 https://visionscarto.net/viols-en-temps-de-guerre

4 http://www.impactmagazine.fr/viol-arme-destruction-massive/

5 P. 92.

6 P.166 Sexualité, la Voie Sacrée.

7 Id. p.175. Sexualité, voie sacrée.

8 P.63 et 64.

9 P. 291.

La famille d’Amélie.

Colette(1936-1971) + Max (1934-1962)

       ↓     

       ↓  

       ↓                        Astrid (1933-1996) + Gilles (1930-1958)

       ↓                                           ↓

       ↓                                           ↓

Suzanne (1955-) + Francis (1953-)   et   Albert (1963- …)

       ↓

Amélie(1986-…) + André (1980-…)   et  Ophélie (1989-…)

            ↓

Lina (2015-…)

1. Le Féminin blessé.

Grand-mère Colette.

Quand Max repose les pieds sur le sol marseillais, sa besace contient à peine quelques sous-vêtements et un morceau de pain. Par contre, son cœur déborde de colère, de haine et de violence ; des images de torture, de viols et de meurtres tournent en boucle dans sa tête. Pendant sept ans, ce petit caporal a commandé ses hommes comme un vrai chef, et il ne voit aucune raison d’abandonner cette sensation de toute-puissance.

Pour Colette, cet homme qui revient du conflit diffère complètement de celui qu’elle a épousé en 1954. À l’époque, elle avait un petit polichinelle de trois mois dans le ventre. Pour Max, leur voyage de noces s’était alors transformé en un périple de célibataire en Algérie.

Certes, en 1961, Colette est ravie du retour du guerrier, mais elle déchante rapidement. Un vrai calvaire de barbaries en tout genre commence pour elle. Son corps se couvre de contusions, de brûlures de cigarettes. Lors de sa fausse-couche, quand elle passe une radio de contrôle, on relève même des traces d’anciennes fractures, notamment au niveau du bassin. Ces violences conjugales se terminent par le meurtre de Max, un soir de 1962, dans un bistrot du port. L’homme a voulu continuer sa guerre de « super-homme », mais si les balles algériennes l’ont épargné, le couteau d’un petit malfrat français ne l’a pas raté.

Après l’enterrement de son mari, les troubles du sommeil et l’état dépressif de Colette continuent de plus belle. Pour atténuer ses souffrances, elle a recours aux antidépresseurs et à l’alcool.

Début 1963, comme ce fut le cas pour Suzanne, son aînée, elle accouche seule d’un petit garçon qu’elle prénomme Albert. Alors que celui-ci fête ses 18 ans, la jeune femme se suicide.

Suzanne.

 Suzanne voit le jour en 1955. Malgré l’absence de son père, les six premières années de son enfance s’écoulent, heureuses et sans heurts. Par la suite, elle avouera à sa fille Amélie que ce furent les meilleurs moments de sa vie. Toutefois, les cartes changent du tout au tout quand le soldat revient du conflit. De l’année atroce qui suit, Suzanne gardera la croyance inébranlable que la vie est terrifiante et, bien sûr, celle-ci lui donnera raison.

Puis, les années passent ; elle doit s’occuper de son petit frère pendant que sa maman est aux abonnés absents. À l’âge de 15 ans, elle croise le chemin de Maxence, un mécanicien de 35 ans, marié et père d’un petit garçon. À la recherche d’une image paternelle, elle tombe éperdument amoureuse de ce flambeur qui change de voiture comme d’autres changeraient de chemise.

Leur relation très épisodique dure depuis quelques mois quand, un soir de printemps, assis à l’arrière d’un gros break, Maxence lui propose un verre de whisky « pour se réchauffer ». Elle n’est pas habituée à boire. Dans l’euphorie du moment, elle en accepte néanmoins deux autres, malgré la tête qui lui tourne.

Les mains de l’homme se font alors de plus en plus baladeuses, dégrafent le soutien-gorge et caressent les seins dont les pointes s’érigent aussitôt. Hélas ! l’aventure tourne à la catastrophe quand les paluches s’aventurent plus bas, arrachant collant et slip ; quand les doigts s’introduisent brutalement dans l’intimité humide de la jeune fille.

Suzanne a un sursaut de révolte, elle repousse Maxence de toutes ses forces. Peine perdue… Malgré ses « non » répétés et ses pleurs, l’innommable se produit. Au terme d’une véritable gymnastique dans cet endroit exigu, il parvient à baisser son pantalon et à s’introduire dans le vagin, brisant l’hymen. Quelques gouttes de sang coulent sur le siège arrière. L’adolescente sanglote doucement, tandis que des vagues de douleur accompagnent chaque coup de rein de l’individu.

Ses respirations saccadées semblent une éternité à la jeune fille. Il se retire enfin, laissant des traînées jaunes et roses sur les cuisses blanches. Un silence pesant envahit le cockpit, le temps d’un rapide rhabillage, puis ces quelques mots tombent comme une sentence :

– Tu l’as cherché, t’es qu’une aguicheuse, une petite pute. Je ne veux plus te voir !

Le mâle reprend le volant et roule jusqu’aux HLM où habite Suzanne.

Celle-ci prend une longue douche chaude. Telles des bêtes malfaisantes, la honte, la peur et la culpabilité s’infiltrent jusqu’au cœur de toutes ses cellules. À qui se confier ? Elle ne trouve d’autre alternative que de dissimuler ses émotions. Elle occulte donc résolument ce pénible évènement, masquant à jamais la destruction intérieure de son être.

À force de volonté, elle réussit avec brio des études d’infirmière, quitte la ville portuaire et s’installe près de Guéret en tant qu’infirmière indépendante. Pour sa clientèle rurale, elle représente efficacité et constance salvatrice dans leur quotidien.

Une rencontre régulière marque le temps. Ainsi, toutes les deux ou trois semaines, elle se rend chez Astrid, une dame d’une cinquantaine d’années qui souffre d’une malformation cardiaque et se trouve sous anticoagulants. Suzanne procède donc à des prises de sang régulières en vue de contrôler le processus de coagulation. Elle apprend peu à peu à connaître Astrid, toujours charmante et souriante, malgré sa maladie, mais à chaque fois, comme par hasard, elle croise Francis, le fils de la malade.

Ce dernier a perdu son père dans un accident de voiture. Célibataire introverti, il travaille comme ouvrier menuisier dans une petite entreprise des environs. Il peint également de magnifiques tableaux représentant la Creuse et ses paysages bucoliques. Sept ans s’écoulent puis, un jour, il ose inviter Suzanne à une balade le long de la rivière…

Oh ! Ce n’est pas le coup de foudre, mais une réelle complicité se noue très vite entre eux, qui débouche sur leur mariage en 1984. Suzanne s’installe alors chez sa belle-mère.

De cette union naissent deux filles : Amélie en 1986 ; Ophélie en 1989. Ils ne roulent pas sur l’or, les fins de mois sont même parfois difficiles. Néanmoins, chaque été, ils partent en vacances en camping. Cela étant, malgré une certaine sécurité matérielle, les fillettes souffrent d’un manque de tendresse. Mais comment en offrir si l’on n’en a pas reçu ? Seule « Mamy Astrid » apporte de l’amour aux enfants jusqu’à sa mort en 1996.

Amélie.

La pièce exhale la peur et la colère. Cependant, ces émotions ne troublent pas les forces de l’ordre qui s’affairent avec méthode dans la maison et dans ses alentours. Cette atmosphère de stress et de souffrance ne constitue-t-elle pas leur ordinaire, au point de les blaser ? Seule Marthe Bolero, la bleusaille qui les accompagne, tente de bannir de son mental l’image de la jeune femme qui gisait au sol, lorsqu’ils l’ont découverte. La gendarmette berce un nourrisson de quelques mois avec toute la douceur qu’elle est capable de prodiguer. Elle attend l’assistante sociale de garde, pour lui céder le poupon qui s’est enfin endormi malgré le brouhaha.

Au sol, de petites traces de pattes boueuses marquent un chemin, de la porte d’entrée vers la salle de séjour. Elles s’arrêtent près d’une tache de sang qui s’étale au pied du divan en cuir blanc. Des éclaboussures écarlates maculent le coussin de droite.

Prosper Corminac, un brave septuagénaire rondouillard et chauve, tient en laisse un petit chien tout trempé. Pendu à son autre bras, un parapluie s’égoutte sur le sol déjà sale. Ravi de cet intermède dans son ordinaire banal, il se rengorge tel un paon, puis explique les faits d’une voix exaltée à l’inspecteur Pol Janssen, de la brigade judiciaire :

–– Je promène mon Loulou tous les soirs à 22h précises. Aujourd’hui, en passant devant cette maison, j’entends des cris de femme. Intrigué, je m’arrête malgré la pluie et, tout à coup, je vois un homme sortir de là en courant. Il me bouscule et s’engouffre dans une auto garée derrière moi, sur le bas-côté de la route. En un instant, la voiture part sur les chapeaux de roues.

–– Oulala ! Ça s’est passé si vite… Mais elle était sombre. Une berline, je crois. Ou alors…

–– C’est sans importance ! s’impatiente Janssen.

Le policier mâchouille nerveusement un bâton de réglisse. Hier, son médecin lui a diagnostiqué un ulcère à l’estomac, et lui a fortement conseillé d’arrêter de fumer. Ce soir, il enregistre machinalement les propos de son principal témoin, insensible aux humeurs bougonnes de son interlocuteur. En effet, malgré la réplique ronchonne de l’inspecteur, Corminac reprend son récit :

–– Dans sa précipitation, le bonhomme avait laissé la porte de la maison ouverte. Je m’en suis approché et j’ai appelé. J’ai alors entendu les pleurs d’un bébé. J’ai de nouveau crié « Y’a quelqu’un ? ». Mais je n’ai toujours pas eu de réponse, alors je suis entré. C’était atroce, inspecteur…

Le narrateur paraît subitement ému. Il ferme les yeux au souvenir de la vision qu’il décrit. Puis, gonflé par son importance, il reprend :

–– La dame baignait dans son sang… Tout ce sang ! Elle était inconsciente, couchée sur le ventre, la tête de côté. Ses cheveux longs cachaient son visage. Je distinguais seulement l’un de ses yeux, complètement fermé. J’entendais toujours les gémissements d’un enfant. J’ai alors aperçu un portable sur la table basse, et j’ai appelé les secours… Là-bas ! indique-t-il du doigt.

–– Et l’enfant ? grogne l’inspecteur.

–– J’sais pas. J’l’ai pas vu. J’ai pas osé toucher la dame. Il m’a semblé un moment que les pleurs venaient d’elle… Mais ce n’était pas possible, forcément...

–– Continuez !

–– Mais c’est tout ! réplique Prosper Corminac, peiné que son moment de gloire prenne fin.

–– Vous viendrez signer votre déposition au poste. Le plus tôt sera le mieux.

Un agent de police s’avance timidement vers l’inspecteur et lui glisse à l’oreille qu’ils ont découvert un couteau de cuisine ensanglanté dans les rosiers du parterre, juste devant la maison.

Sur leur lancée, les enquêteurs comparent avec succès les empreintes du mari, présentes partout dans la maison, avec celles repérées sur l’arme du crime. En quelques clics, ils trouvent le pedigree du forcené, la marque de sa voiture et sa plaque d’immatriculation. Une chasse à l’homme commence.

Le soir du drame, le Samu est arrivé très vite après le coup de téléphone de Corminac. Les infirmiers ont découvert l’enfant sous le ventre de la jeune femme. Amélie l’a protégé au péril de sa vie contre la folie meurtrière de son agresseur.

En ce moment, elle se trouve en salle d’opération dans le centre hospitalier universitaire le plus proche. Trois poches de plasma ont été commandées en urgence, car elle a perdu beaucoup de sang. Néanmoins, elle a eu de la chance, car la lame a effleuré l’artère fémorale et son hémoglobine a chuté à 5 g/dl. Son visage est couvert d’ecchymoses et elle souffre certainement d’un traumatisme crânien. Des examens complémentaires démontreront plus tard que son tympan gauche est déchiré.

Il y a des heures où je m’échappe de moi, où je vis dans une plante, où je me sens herbe, oiseau, cime d’arbre, nuage, eau courante, horizon, couleur, forme, et... sensations changeantes, mobiles, indéfinies ; des heures où je cours, où je vole, où je nage, où je bois la rosée, où je m’épanouis au soleil, où je dors sous les feuilles, où je plane avec les alouettes, où je rampe avec les lézards, où je brille dans les étoiles et les vers luisants, où je vis enfin dans tout ce qui est le milieu d’un développement qui est comme une dilatation de mon être.

Je vis dans les arbres, dans les bruyères, dans les sables, dans le mouvement et le repos de la nature.

George Sand, extrait de « Impressions et souvenirs ».

Au Pays de Fémicœur - Table des matières

1.         La Forêt de Keurakeur

2.         La Maison de Dona

3.         Le Ruisseau Vitavie

4.         La plaine d’Éden

5.         La rivière Ora

6.         La Maison de Seelie

7.         Le Ruisseau Fluvivant

8.         Les deux Monts de Vénus

9.         Le saule Itea

10.       La Faille et la cascade

11.       Le Village des Oblorines et le tilleul Riche-Tille

12.       Le Vieux Pommier

13.       Le Village des Gnomes et le chêne Quer-Cy

14.       Le Trou du diable

15.       La Tour Phallo et les deux Bourses

16.       La Tour du Silence

2. La Forêt de Keurakeur.

Gaïa(10) expire longuement. Son souffle puissant danse dans les branches. Un vent rageur et une pluie drue font ployer les arbres dans un tempo révolté digne d’un tube de Hard Rock. Les nuages noirs se bousculent dans une sarabande apocalyptique.

Où suis-je ? Comment suis-je arrivée ici ? Quelle heure est-il ? Pourquoi ne suis-je pas au chaud chez moi ? En suis-je loin ?

Je me sens complètement perdue. À première vue, je suis dans une forêt. Soudain, un petit animal trempé me frôle. Je tressaille de douleur et de froid. De la tête aux pieds, je ne suis que souffrance. De plus, je ne vois que d’un œil. Mais d’où sort ce chien ? Où va-t-il ? Il connaît peut-être un endroit où s’abriter ? Je vais lui emboiter le pas.

Le cabot trottine sur le sentier en gémissant à chaque coup de tonnerre. Malgré ses peurs, il continue inexorablement, mais se retourne à intervalles réguliers, comme pour s’assurer de ma présence. C’est un fait, je marche très lentement et je trébuche souvent. Néanmoins, ce calvaire va peut-être s’arrêter, car je distingue une lumière au loin.

Dona.

La lanterne se balance au-dessus de la porte d’une humble demeure. Les gouttes de pluie s’abattent en rafales sur le toit en chaume, mais à l’intérieur, la femme n’en a cure. Son visage reflète une bienveillance maternelle. Sa longue jupe brune balaie le sol et son corsage en soie laisse deviner une poitrine épanouie. Ses gestes sont harmonieux et fluides, comme si elle évoluait au son d’une douce musique intérieure.

Ses connaissances et ses dons d’intuition lui viennent de sa mère. Pour l’homme lambda, cette transmission orale du matriarcat pourrait susciter des effluves de soufre et de sorcellerie, mais à Fémicœur, les croyances et les jugements importent peu. Elle sait qu’elle est la Mère. Tous les jours, elle se parfume avec de l’huile essentielle de lavande vraie. Cette essence exalte la simplicité et l’humilité. En outre, elle apporte une protection enveloppante et apaise les souvenirs.

Sur sa cuisinière au bois, un liquide ambré infuse dans une marmite aux bords noircis. Cette tisane à base de saule, romarin, lavande, cannelle et menthe, s’avère très efficace contre les maux de tête.

Une décoction de feuilles de bouleau destinées à nettoyer les plaies trône sur la table en pin. À côté de celle-ci, deux pots en terre cuite attendent la future visiteuse. Dans le premier, un baume pour soigner les blessures, composé d’un mélange de cire d’abeille, d’argile verte, de pétales de calendula, de feuilles d’achillée, de plantain et de fraisier sauvage. Dans l’autre, de l’huile d’arnica pour résorber les hématomes.

Bizarrement, la lanterne de cette chaumière m’appelle tel un phare dans la nuit, et je trouve de justesse la force d’effectuer les dernières enjambées. La porte s’ouvre. Deux bras accueillants m’enveloppent aussitôt d’une chaleur apaisante et d’un amour encore jamais reçu.

— Je t’attendais, jeune dame. Sois la bienvenue !

— J’ai si mal… J’ai si peur !

— Enlève ces vêtements mouillés et viens te réchauffer.

En un tour de main, je me retrouve nue, enveloppée dans une couverture verte. Mon hôtesse m’offre un bol de liquide chaud, puis je me couche avec délice. Après avoir glissé un coussin sous ma tête, la Mère s’affaire sur la blessure qu’arbore ma jambe droite. Une douce torpeur m’envahit aussitôt, et je sombre dans les bras de Morphée avec une sensation de sécurité totale.

Je ressens soudain une impression étrange : une langue râpeuse et humide me lèche la joue. J’ouvre mon œil valide et aperçois le petit corniaud qui frétille de la queue. Je caresse son poil court et doux, dont la blancheur résulte à coup sûr d’un bain récent ; une blancheur contrastée par la grande tache noire qui prend naissance au niveau de son museau, entoure son œil gauche et se termine à la base de son oreille.

— Bien dormi ? Je m’appelle Dona, mais on me nomme également « la Mère ».

— Je m’appelle Amélie. Comment suis-je arrivée ici ?

— Dans un premier temps, tu as besoin de retrouver la santé. Hier, je t’ai massée avec de l’huile d’arnica, je n’ai pas oublié ton œil poché. Je continuerai jusqu’à ce que tu sois sur pied. Nous sommes à Fémicœur, la Déesse a entendu ton appel de détresse et t’a permis d’arriver jusqu’à nous, au cœur du Féminin Sacré. Rassure-toi, tu auras tout le temps de découvrir par toi-même cet environnement. Tiens, bois cette tisane : elle soulage les migraines.

Je prends le bol entre les mains et déguste le liquide agréablement chaud. Pendant ce temps, Dona continue à me parler sur un ton doux et affectueux :

— Cette chienne t’appartient ? Tout à l’heure, elle refusait de te quitter. J’ai utilisé un peu de magie pour la rendre présentable. Comment s’appelle-t-elle ?

— Oh, c’est une demoiselle ? En fait, je crois plutôt que c’est elle qui m’a adoptée. Elle est sympa, hein ? Mais elle n’a pas de nom. Du moins, pas encore…

— Réfléchissons…

L’animal regarde autour de lui. De mon œil valide, j’observe également l’endroit où nous nous trouvons. Nous sommes certainement dans la pièce principale de la demeure. En face de moi, j’aperçois, accrochées aux murs de bois clair, des étagères chargées de nombreux pots d’argile, ainsi qu’une grande fenêtre. Les rayons du soleil jouent à travers les rideaux en dentelle. Ils éclairent un petit évier en marbre et une cuisinière au bois. À ma droite, un vaisselier occupe tout le mur. À ma gauche, à côté des escaliers qui mènent à l’étage, la porte d’entrée ouverte laisse entrevoir un bout de prairie, et des arbres. Au-dessus de la première marche, est accroché un cadre sur lequel je lis, non sans difficulté :

La maison d’Hôte de Rumi.

Être humain, c’est être une maison d’hôtes.

Tous les matins, arrive un nouvel invité.

Une joie, une dépression, une méchanceté,

Une prise de conscience momentanée vient

Comme un visiteur inattendu.

Accueillez-les et prenez-en soin !

Même s’il s’agit d’une foule de chagrins

Qui balaient violemment votre maison

Et la vident de tous ses meubles.

Pourtant, traitez chaque invité honorablement,

Peut-être vient-il faire de la place en vous

Pour de nouveaux délices.

La pensée sombre, la honte, la malveillance,

Rencontrez-les à la porte en riant et invitez-les à entrer.

Soyez reconnaissants pour tous ceux qui viennent,

Car chacun a été envoyé comme guide par La Plus Vaste.

 The Essential Rumi (version Coleman Barks)

 Traduit par Deborah Bacon Dits

Au centre de la pièce, une table en bois et quatre chaises. Enfin, séchant au plafond, de nombreux bouquets de plantes apportent une odeur agréable à la salle de séjour. Cependant, parmi toutes ces effluves, l’odeur de lavande domine. Dona pointe son doigt vers ma jambe et s’exclame avec un grand sourire :

— Je sais pour ta chienne, s’exclame-t-elle. Appelons-la « Achillée ». Dans la mythologie, la déesse Aphrodite suggéra cette plante à Achille pour apaiser la blessure à son talon. L’achillée millefeuille possède de multiples vertus. Entre autres, elle soigne les plaies provoquées par arme blanche. Elle est aussi bénéfique en usage interne pour ses propriétés digestives, et très intéressante pour les femmes en cas de mastoses, de kystes ovariens ou de fibromes. La chienne est heureuse, elle jappe en signe d’assentiment.

Ma tisane terminée, la main gauche de Dona dessine une arabesque, et la table et les chaises glissent vers la droite pour laisser de la place à mon lit.

— Je vais te soigner, puis te masser…

Mais dès qu’elle pose ses mains sur la plante de mes pieds, un cri jaillit du tréfonds de mes entrailles.

Dona ferme alors les yeux un court instant et se centre. Une lumière verte jaillit de ses mains. Puis, pendant qu’elle redessine une arabesque dans l’air, une lemniscate(11) apparaît au-dessus de mon cœur.

Ses mains se reposent sur mes pieds, glissent doucement jusqu’à ma tête et redescendent jusqu’aux mains, m’enrobant de toute cette lumière verte. Ses mouvements doux et maternels m’apportent une sensation de bien-être insoupçonné qui, hélas ! ne dure pas.

Mes larmes coulent à flot. Je tente de les écraser, de les supprimer. Je me sens tellement impuissante !

— Laisse-les venir, accueille-les. Elles te sont bénéfiques et purificatrices. Lâche ta douleur…

J’obéis et, pendant une quinzaine de minutes, mes larmes se transforment en de véritables petites perles, solides et translucides. Ma tristesse se transforme ensuite en un peu de douceur. Au terme d’une heure de massage, elle me questionne :

— Comment te sens-tu ?

— Bien...

— Regarde à l’intérieur de toi.

— J’ai mal à la jambe.

— Ok, décris-moi cette douleur.

— On dirait une grande barre de métal brûlant.

— Peux-tu la sortir de ton corps ?

Il se passe alors quelque chose d’incroyable : l’épaisse tige d’acier se matérialise juste au-dessus de moi !

 — Raconte-moi une histoire à propos de cette barre… mais une histoire dont tu ne peux être l’acteur.

— Un forgeron saisit la fonte et la pose sur une enclume. Il fabrique une bague, la plonge dans l’eau, puis la glisse à son annulaire.

Stupéfaite, j’aperçois alors un petit bonhomme qui marche dans l’air, prend la barre avec des pinces et, sans un mot, agit exactement comme je l’ai décrit ! Je savoure enfin des sensations agréables, et je discerne à nouveau les perles autour de moi.

Dona me sourit.

— Bravo pour la transformation ! Je t’invite à présent à appeler Noisette par le biais de cette comptine. Il viendra chercher les perles, et tu sauras exactement quand tu devras t’en servir :

Écureuil, Écureuil

       Je me libère de ma peine

       Et des douleurs souterraines.

       Je te confie ces perles

       Courant naturel de la vie.

Merci.

Un petit animal d’un brun panaché s’approche effectivement. Muni d’un sac, il ramasse les gouttelettes solidifiées et s’en repart comme il était venu. Je me sens lasse. Les meubles reprennent leur place et je sombre dans un profond sommeil jusqu’au lendemain, la chienne couchée à mes pieds.

C’est à nouveau Achillée qui m’éveille. Dona entame d’abord les mêmes soins qu’hier, puis elle insiste pour que je prenne conscience de ma respiration. Elle pose une main sur ma poitrine, l’autre sur mon ventre.

— Inspire… gonfle la poitrine… le ventre… Expire, relâche le ventre, la poitrine. Augmente l’intensité de ta respiration dans la limite du confortable.

Ses mains se font de plus en plus insistantes. L’air entre et sort… LA VIE CIRCULE EN MOI !

Cette sensation extraordinaire me bouleverse et me remplit de joie. J’éclate en gros sanglots. Pour la première fois, je prends conscience de la force de vie qui me traverse. Mais à la fin de ce nouveau massage, une forte douleur me taraude la tête :

— On dirait une boule de billard folle qui voyage dans mon crâne.

Comme je connais à présent le processus, je la sors de mon cerveau et mets astucieusement en scène le même gnome, qui s’en saisit et s’en sert pour garnir son jardin. Après cette revitalisation extraordinaire, je retrouve la force de sortir de la chaumière. Je savoure ainsi ma première sortie à l’air libre. Un doux soleil éclaire l’immense clairière, tandis que le chant des oiseaux donne à l’endroit une gaieté qui vibre à l’unisson de mon ressenti.

— C’est le printemps, assieds-toi là ! me suggère Dona.

Nous nous installons sur un banc rouge adossé au mur de la maison, face à l’est. Deux hirondelles bâtissent sans relâche un nid dans le coin d’une fenêtre à l’étage. Leur va-et-vient me bouleverse. J’y vois une promesse de bonheur, de renouveau et d’endurance. Qualités dont j’ai tant besoin.

Après un bref moment d’observation, la Mère me présente l’endroit :

— Nous nous trouvons sur un plateau qui s’étend à l’est de Fémicœur. La forêt s’appelle Keurakeur. Derrière nous, tu aperçois la montagne de l’Une, et plus bas, vers la droite, les Monts de Vénus. Ces derniers se composent de deux mamelons presque contigus : le Mont de Vénus Ouest et le Mont de Vénus Est.

Par curiosité, je me lève, avance de quelques pas et regarde les sommets. Aujourd’hui, le plus haut et le plus escarpé est couronné de nuages ; les deux autres, nettement moins élevés et de forme arrondie, ressemblent à s’y méprendre à une poitrine féminine. J’observe surtout le mamelon situé à l’est. De nombreux sapins le recouvrent et, au sommet, je distingue une étendue désertique recouverte de neige. Dona continue ses explications ; je me rassieds rapidement :

— Ici, certains d’entre nous se nourrissent de Prāna, en d’autres termes, de respirations. Il suffit d’évoquer de la nourriture pour qu’elle apparaisse. À ce propos, nous mangeons seulement des fruits et des légumes ; l’eau nous est offerte à profusion. Pour ma part, je concocte des tisanes avec les plantes du jardin situé là-bas, sur la gauche, mais également avec celles qui arrivent par magie, ajoute-t-elle en souriant.

Quelques jours plus tard, assises sur le même banc, nous savourons l’instant présent. Les soins se sont révélés efficaces. Les hématomes ont disparu peu à peu, ma jambe s’est cicatrisée et mes maux de tête ne sont plus qu’un mauvais souvenir.

—Tu es suffisamment en forme pour commencer l’initiation, affirme Dona. Fémicœur est vaste, aimerais-tu l’explorer ?

— Oh non ! Je n’ai pas envie de quitter cet endroit enchanteur. Puis-je encore rester ?

— Ferme les yeux et écoute ton corps, me conseille-t-elle.

Une boule d’angoisse se forme dans ma gorge, mon ventre se gonfle douloureusement, une énorme tension paralyse mes épaules. J’ai peur… peur d’abandonner la sécurité de cet endroit. Dona ne m’a-t-elle pas dit que Fémicœur était rempli d’embuches ? Je ne me sens pas à la hauteur. Oh non ! je ne suis vraiment pas prête.

À ce moment, un immonde magma verdâtre se forme sous mes pieds. Cette chose gluante et froide commence à m’envelopper. Elle m’arrive aux mollets quand, tout à coup, je sens un parfum de rose, tandis qu’une voix douce me murmure :

— Amélie, je t’assure que tu sentiras toujours la présence de Dona. Les soins de tes blessures corporelles sont terminés. À présent, il est temps d’apprendre. Néanmoins, tu es libre… libre de retourner d’où tu viens ou de venir jusqu’à moi. À toi de choisir. Sache pourtant ceci : quel que soit le chemin entrepris, tu ne pourras pas revenir en arrière.

Tandis qu’une main invisible me caresse le visage, mon corps s’allège et cette espèce de lave verte disparaît. Il n’est plus question de dilemme, ni d’angoisse. Seul subsiste cet élan qui me pousse à suivre le courant de ce lieu magique et d’avancer sur cette voie inconnue.

— La Déesse vient d’intervenir, me dit la Mère en souriant affectueusement. Elle connaît tes hésitations. Elle est Amour et Bienveillance. Tu es prête ? Alors, il est temps d’inviter Lilas.

Elle redessine alors dans l’air sa fameuse lemniscate en marmonnant ces mots :

Lilas Lilas

Fille de Gaïa

J’ai besoin de toi

Sors du sous-bois

       Fantaisie et joie

       Ah ! te voilà.

Une jeune fille au corps mince et aux longs cheveux blonds apparaît aussitôt dans la clairière. Une robe mauve et blanche recouvre des jambes interminables et il émane d’elle un parfum de lilas qui embaume à plus de deux mètres.

Elle dégage assurément confiance et enthousiasme. Elle est vraiment trop différente de moi. De nombreux papillons volètent autour d’elle, un insecte brun et orange se pose même sur le bout de son nez. Son rire espiègle nous éclabousse de son allégresse juvénile. Elle nous salue enfin et nous rejoint.

— Ferme la bouche, tu vas avaler une de ces bestioles ! me taquine Dona. Lilas est une fée du printemps, elle sera mon assistante pendant un moment. Tu as remarqué comme elle est dynamique ? Nous pouvons commencer. Rendons-nous au milieu de cette clairière… Tout en marchant, restons attentives au chant des oiseaux, à la sensation de l’air sur la peau, aux odeurs de la terre et du bois, à notre respiration. Sans rien modifier. Seulement observer…

Je suis distraite par l’envol d’un oiseau. Dona reprend :

— Nous allons à présent inventorier chacune de nos articulations : le cou va effectuer doucement de tout petits cercles dans un sens, puis dans l’autre… La tête dessine un tout petit 8 à l’horizontale… puis à la verticale… Les épaules bougent vers l’avant… vers l’arrière… Tiens, un pinson nous accompagne… les coudes… les poignets… le bassin tourne dans un sens, puis dans l’autre… les genoux… à présent, les chevilles…

Je ne peux suivre toutes ces instructions à la lettre. Être attentive à l’environnement me demande déjà tellement d’attention ! Néanmoins, quand Dona évoque le bassin, je le sens complètement figé. Impossible d’effectuer le moindre mouvement ! Mes pieds restent vissés à l’herbe naissante.

Je désespère. Des larmes silencieuses coulent sur mes joues, tandis qu’immobile et souffrante, je perçois furtivement le contact des poils de Noisette. Lilas se place alors à un mètre de moi. Elle me fait face et sa présence semble m’être bénéfique, car un « OUI » sort de mes entrailles, un « oui » qui me permet de lever un pied avec lenteur, puis de le poser en prenant conscience de son contact avec le sol. Je me sens à présent capable de bouger l’autre pied.

Comme par magie, trois coussins apparaissent aussitôt sur le sol. Nous nous asseyons, puis nous nous donnons la main. Dona reprend la parole :