Zoologie - Jean-Henri Fabre - E-Book

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Fabre Jean-Henri

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Beschreibung

Les sciences naturelles ont pour objet l’étude des êtres qui peuplent aujourd’hui la surface de la terre ou qui l’ont peuplée à des époques antérieures à la nôtre; elles s’occupent aussi des modifications que le globe terrestre a subies, depuis son origine, pour devenir ce qu’il est maintenant. Par leur côté pratique, elles touchent à l’agriculture, à la médecine, à l’industrie; mais elles ont, avant tout, un avantage moral que ne partage au même degré aucune autre branche du savoir humain : en nous donnant la connaissance raisonnée de la création, elles élèvent l’âme et nourrissent l’esprit de hautes et salutaires pensées.

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Zoologie

Jean-Henri Fabre

1897

© 2023 Librorium Editions

ISBN : 9782385742287

 

Sommaire

AVERTISSEMENT.COURS ÉLÉMENTAIRE D’HISTOIRE NATURELLE - ZOOLOGIE

CHAPITRE PREMIER - NOTIONS PRÉLIMINAIRES.

QUESTIONNAIRE.

CHAPITRE II - ALIMENTS.

QUESTIONNAIRE

CHAPITRE III - DIGESTION

QUESTIONNAIRE.

CHAPITRE IV - DIGESTION (suite).

QUESTIONNAIRE.

CHAPITRE V - DIGESTION (suite).

QUESTIONNAIRE.

CHAPITRE VI - APPAREIL DIGESTIF CHEZ LES DIVERS ANIMAUX.

QUESTIONNAIRE.

CHAPITRE VII - LE SANG.

QUESTIONNAIRE.

CHAPITRE VIII - CIRCULATION.

QUESTIONNAIRE.

CHAPITRE IX - RESPIRATION.

QUESTIONNAIRE.

CHAPITRE X - CIRCULATION ET RESPIRATION CHEZ LES DIVERS ANIMAUX.

QUESTIONNAIRE.

CHAPITRE XI - ASSIMILATION. — SÉCRÉTIONS.

QUESTIONNAIRE.

SECONDE PARTIE - FONCTIONS DE RELATION.

CHAPITRE I - LE SQUELETTE.

QUESTIONNAIRE.

CHAPITRE II - PRINCIPALES MODIFICATIONS DU SQUELETTE. — MUSCLES. — LOCOMOTION.

QUESTIONNAIRE.

CHAPITRE III - SYSTÈME NERVEUX.

QUESTIONNAIRE.

CHAPITRE IV - ORGANES DU TOUCHER, DU GOUT ET DE L’ODORAT

QUESTIONNAIRE.

CHAPITRE V - ORGANE DE LA VUE.

QUESTIONNAIRE.

CHAPITRE VI - ORGANE DE L’OUÏE.

QUESTIONNAIRE.

CHAPITRE VII - LA VOIX.

QUESTIONNAIRE.

 

AVERTISSEMENT.

Nos arrière-grands-pères seraient certes bien étonnés, s’ils voyaient toutes les transformations que notre terre a subies, depuis qu’ils l’ont quittée pour un autre monde : les voyages accomplis sans chevaux sur les routes, sans voiles sur les mers, avec la rapidité du vent; nos messages franchissant comme l’éclair les pays, les continents, l’Océan lui-même; la main de l’homme partout remplacée, dans l’industrie, par ces puissantes machines que la vapeur met en mouvement nuit et jour; nos villes et nos demeures splendidement illuminées, sans que l’œil aperçoive rien de ce qui produit et entretient la lumière; des portraits d’une ressemblance frappante tracés à peu de frais en quelques secondes; les montagnes percées, les isthmes creusés, et les relations des hommes et des peuples affranchies de tout obstacle et de toute barrière. L’homme se sent aujourd’hui plus que jamais le roi et le maître de la nature, et c’est à ces conquêtes sur la nature que notre époque doit un de ses caractères les plus originaux, une de ses gloires les plus incontestées. Descartes, Pascal, Leibnitz, Képler, Newton, Galilée, Harvey au XVIIe siècle, Euler, Linné, Lavoisier, Haüy, au XVIIIe, avaient eu l’incomparable grandeur de poser tous les principes de la science: Le nôtre non content de fonder avec Cuvier une science nouvelle, la géologie, et de reconstituer avec lui le monde primitif et les races perdues, a fait sortir de ces principes des applications sans nombre; il a montré, par d’éclatants exemples, tout ce que peuvent renfermer d’utile à la vie pratique les spéculations abstraites et les recherches, en apparence oiseuses, des savants. Nous avons cru qu’à une pareille époque, il était nécessaire à tout esprit cultivé de connaître, d’une manière nette et précise, les éléments de ces sciences dont il est question partout et sans cesse, et nous y avons consacré cinq volumes de notre cours (arithmétique, physique, chimie, astronomie, histoire naturelle).

Dans cette force unique qui devient tour à tour mouvement, chaleur, électricité, lumière; dans ces lois, si grandes et si simples, qui régissent l’univers entier, depuis les astres des cieux jusqu’aux plus infimes atômes de la matière; dans ces incessantes combinaisons et transformations des corps; dans cette organisation des êtres vivants, animaux ou plantes, non moins admirable par l’unité du plan que par l’intinie variété des espèces ; dans ces instincts si étonnants qu’il est difficile parfois de les distinguer de l’intelligence ; partout enfin dans la création, nos enfants reconnaîtront à chaque pas la main de Dieu et sa Providence. L’histoire leur montre son action souveraine sur la vie des peuples : « L’homme s’agite, mais Dieu le mène » a dit Fénelon. La science à son tour et mieux encore, leur montrera la sagesse et la puissance divines dans l’harmonie et l’immensité de l’univers. Que les savants pénètrent par leurs calculs dans les profondeurs de cet espace peuplé de soleils et de mondes, ou qu’armés de la loupe ils étudient les organes de ces êtres infiniment petits qui échappent à nos regards, toujours leur pensée reste confondue, et la création leur parait plus merveilleuse encore dans l’infini de la petitesse que dans l’infini de la grandeur : Magnus in magnis, a-t-on dit de Dieu, Maximus in minimis. Képler, après de longs travaux, trouve enfin le secret de l’équilibre et de la marche des corps célestes, et c’est par une sorte d’hymne qu’il nous apprend comment a vérité s’est révélée par degrés à son génie : « Il y a huit mois, dit-il, j’entrevoyais un rayon de la lumière ; il y a trois mois, le jour s’est fait; aujourd’hui, c’est comme un soleil resplendissant que je vois cette loi divine. Grand est le Seigneur ! grande est sa puissance ! Cieux, chantez ses louanges ! Astres et soleil, glorifiez-le dans votre langue ineffable! » Le plus grand des naturalistes, Linné, pousse le même cri d’adoration en exposant le système du monde : J’ai vu Dieu, j’ai vu son passage et ses traces, et je suis demeuré saisi et muet d’admiration. Gloire, honneur, louange infinie à Celui dont l’invisible bras balance l’univers et en perpétue tous les êtres ! à ce Dieu éternel, immense, infini, sachant tout, pouvant tout, gouvernant tout, que tu ne peux ni définir ni comprendre, mais que le sens intime te révèle et que l’univers et ses lois te prouvent! Que tu l’appelles Destin, tu n’erres point: il est Celui de qui tout dépend. Que tu l’appelles Nature, tu ne te trompes point : il est Celui de qui tout est né. Que tu l’appelles Providence, tu dis vrai : c’est la sagesse de ce Dieu qui régit le monde. » Les hommes dont le cœur s’élançait ainsi vers le Ciel en transports de reconnaissance, ne pouvaient que se sentir bien pauvres et bien petits, tout grands qu’ils étaient, en présence de Dieu et de ses œuvres. Ils ne prétendaient point, comme d’autres ont fait parfois, tout pénétrer et comprendre tout, et c’est avec une touchante humilité que ces illustres génies parlent de leurs glorieuses découvertes : « Je suis, disait Newton, comme un enfant qui s’amuse sur le rivage, et qui se réjouit de trouver de temps en temps un caillou plus uni ou une coquille plus jolie que d’ordinaire, tandis que le grand océan de la vérité reste voilé devant mes yeux. »

C’est dans cet esprit, avec le sentiment de la suprême perfection de l’œuvre de Dieu, et celui des bornes étroites de l’intelligence humaine, reine du monde et faible roseau tout ensemble, que seront rédigés nos petits livres de science. M. Fabre, qui a bien voulu se charger de ce modeste travail, a largement et depuis longtemps fait ses preuves de savant du premier ordre et d’incomparable vulgarisateur. Nous sommes heureux que, pour mettre avec nous son vaste savoir à la portée des plus humbles, il ait consenti à se détourner quelque peu d’une œuvre de plus haute portée, où quinze années de patientes recherches sur l’instinct des animaux lui fourniront une nouvelle démonstration de la Providence divine.

A. RlQUIER.

COURS ÉLÉMENTAIRE D’HISTOIRE NATURELLE

ZOOLOGIE

NOTIONS SUR L’ORGANISATION ET LA PHYSIOLOGIE DE L’HOMME ET DES ANIMAUX.

 

CHAPITRE PREMIER

NOTIONS PRÉLIMINAIRES.

1. Définitions. — Les sciences naturelles ont pour objet l’étude des êtres qui peuplent aujourd’hui la surface de la terre ou qui l’ont peuplée à des époques antérieures à la nôtre; elles s’occupent aussi des modifications que le globe terrestre a subies, depuis son origine, pour devenir ce qu’il est maintenant. Par leur côté pratique, elles touchent à l’agriculture, à la médecine, à l’industrie; mais elles ont, avant tout, un avantage moral que ne partage au même degré aucune autre branche du savoir humain : en nous donnant la connaissance raisonnée de la création, elles élèvent l’âme et nourrissent l’esprit de hautes et salutaires pensées.

Les sciences naturelles se divisent en trois parties, savoir :

1° La Zoologie, ou histoire naturelle des animaux ;

2° La Botanique, ou histoire naturelle des végétaux;

3° La Géologie, ou histoire naturelle du globe terrestre. Cette dernière partie traite des changements que la terre a éprouvés dans le cours des âges, ainsi que des animaux et des végétaux antérieurs aux espèces de nos jours.

2. Communauté d’éléments chimiques entre les corps vivants et les corps bruts. — Les animaux et les végétaux sont des êtres vivants; ils se sont formés et se maintiennent ce qu’ils sont sous l’influence de la vie; les minéraux, c’est-à-dire les diverses substances faisant partie de la masse de la terre, sont des corps bruts; ils se sont formés en dehors du concours de la vie, par le seul jeu des forces chimiques.

Or ce n’est pas la substance qui distingue les corps à la création desquels la vie a présidé de ceux qu’engendrent les simples forces chimiques. Dans l’animal et dans la plante ne se trouve aucun élément qui n’appartienne au domaine du minéral ; la matière vivante et la matière brute ont les mêmes métaux et les mêmes métalloïdes 1. Pour ses ouvrages, la vie emprunte ses matériaux au règne minéral et les lui rend tôt ou tard, car tout en provient chimiquement et tout y revient. Ce qui est aujourd’hui substance minérale, acide carbonique, vapeur d’eau, gaz ammoniac, peut devenir un jour, par le travail de la vie dans l’animal et dans la plante, substance vivante, chair, plume, écaille, feuille, fleur, fruit, semence ; comme aussi ce qui est constitué en un animal, en une plante, sera certainement, dans un avenir peu éloigné, acide carbonique, vapeur d’eau, gaz ammoniac, que la vie reprendra pour de nouveaux ouvrages, toujours détruits et toujours renouvelés. Les éléments chimiques constituent le fond commun des choses, où tout puise, où tout rentre, sans qu’il y ait jamais ni perte ni gain d’un atome matériel; ils sont la substance première sur laquelle travaillent indistinctement, suivant les lois qui leur sont propres, et les forces chimiques et la vie.

3. Différences entre les corps vivants et les corps bruts. Mode d’origine. — Les corps bruts résultent de la simple combinaison de leurs éléments ; ils naissent de l’union de quelques corps simples dont les propriétés n’ont rien de commun avec celles des corps produits. Pour constituer un cristal de couperose bleue, par exemple, la préexistence de cristaux pareils n’est en aucune façon nécessaire ; il suffit de combiner le cuivre, l’oxygène, l’acide sulfurique et l’eau qui doivent entrer dans sa composition.

Le minéral n’a pas de généalogie. Le marbre ne vient pas du marbre, le granit ne vient pas du granit ; ils viennent de leurs éléments chimiques assemblés par l’affinité. Ils ne procèdent pas d’êtres antérieurs et semblables : ils se forment de toutes pièces.

Les corps vivants, au contraire, ont besoin, pour exister, d’une impulsion étrangère qu’ils reçoivent d’autres corps vivants semblables à ce qu’ils seront eux-mêmes ; ils procèdent de parents qui leur donnent l’être et la vie. Toute plante et tout animal, depuis les plus grandes espèces jusqu’aux moindres, invisibles sans le secours du microscope, présupposent une plante et un animal de même espèce, d’où ils dérivent. Telle est la conséquence où nous amènent, non-seulement l’observation des faits élémentaires qui se passent journellement sous nos yeux, mais encore les études les plus délicates touchant aux dernières limites du visible.

4. Erreur des générations spontanées. — Jusqu’ au XVIIe siècle, époque des premières observations sérieuses, la croyance à la production d’êtres vivants, par le concours seul de la matière, en d’autres termes, la croyance aux générations spontanées, a été générale. L’observation méthodique faisant défaut, on s’en rapportait aux apparences les plus grossières ; toute plante, tout animal dont l’origine échappait à un examen superficiel était regardé comme le produit spontané du milieu où il se trouve. On croyait ainsi que les grenouilles et certains poissons naissent de la vase, que les chenilles vertes du chou sont produites par les feuilles de cette plante, que les vers sont engendrés par la pourriture.

Personne encore n’avait élevé des doutes sur la croyance insensée de la production d’êtres vivants par la pourriture, quand un savant italien, Redi, mit à néant l’antique préjugé par une expérience aussi simple que concluante.

Il recouvrit d’une gaze des viandes en voie de putréfaction, des fromages sur le point de se corrompre, et autres matières auxquelles on attribuait la génération des vers. Attirées par l’odeur, des mouches ne tardèrent pas à venir voltiger autour des substances putrides et à déposer les œufs sur la gaze même, dans les points les plus rapprochés de la viande et du fromage, qu’elles ne pouvaient atteindre; mais, dans aucun cas, malgré la décomposition la plus avancée, des vers, premier état des mouches, ne se développèrent dans ces matières corrompues qui n’avaient pas reçu des œufs. Il fut dès lors évident, pour tous les bons esprits, que les vers ou larves d’insectes naissent des œufs pondus par des insectes semblables, et non de la pourriture.

Redi eut des successeurs dans la voie qu’il venait d’ouvrir avec tant de lucide simplicité. Les recherches de Valisnieri, de Swammerdam et de Réaumur, eurent bientôt mis hors de doute que le plus obscur vermisseau procède d’un être de son espèce et non de la fermentation des matières corrompues. On prit sur le fait le moucheron qui dépose dans les cerises l’œuf d’où provient le ver connu de tous ; on reconnut que les fruits véreux doivent les habitants qui les rongent, non à la corruption, mais à des germes déposés là par des insectes divers; on s’assura que les grenouilles ne sont pas engendrées par la boue des marais, mais qu’elles naissent d’œufs pondus par d’autres grenouilles ; on releva mille autres erreurs de ce genre; enfin, de nos jours, par des expériences d’une exquise précision, dues principalement à M. Pasteur, il a été démontré que le moindre animalcule et la moindre moisissure proviennent d’êtres semblables, et non d’un groupement spontané de la matière. Toujours la vie est l’œuvre de la vie.

5. Mode d’existence. — Une fois formé par la combinaison chimique de ses éléments, le corps brut n’éprouve plus de modifications dans sa masse; tel il s’est formé, tel il reste indéfiniment. Ses particules matérielles sont en repos pour toujours, s’il n’intervient quelque force accidentelle, étrangère à l’existence du corps; il n’y a désormais ni gain, ni perte ni rénovation de substance ; ou bien, si le corps s’accroît, comme le fait un cristal continuant à grossir au sein de sa dissolution, c’est au moyen de nouvelles couches qui viennent se juxtaposer à l’extérieur des couches précédentes, mais sans pénétrer dans la masse centrale. Le caractère du mode d’existence des corps bruts est donc la permanence indéfinie de l’état primitif, si rien d’étranger ne vient troubler cette stabilité. Enfin, quand il y a accroissement, c’est par juxtaposition de nouvelles particules.

Les corps vivants, au contraire, sont le siège d’un continuel mouvement de composition et de décomposition, indispensable à l’exercice de la vie. Pour eux, la substance d’aujourd’hui n’est pas intégralement la substance d’hier; et celle de demain ne sera plus celle d’aujourd’hui. Une incessante rénovation s’effectue en tous les points de la masse vivante ; les particules vieillies sont rendues au monde extérieur sous une forme ou sous une autre, des particules nouvelles les remplacent, en égal nombre, plus nombreuses ou moins nombreuses. S’il y a parité entre la perte et le gain continuels de substance, le corps se maintient identique dans ses formes, mais renouvelé dans ses matériaux; si le gain dépasse la perte, le corps s’accroît, non par addition de couches extérieures, mais par intussusception, c’est-à-dire que les nouveaux matériaux pénètrent partout dans la masse et s’ajoutent à ceux qu’il y a déjà; enfin, si la perte excède le gain, le corps diminue de volume, il dépérit. Par le fait même de l’exercice de la vie, tout corps vivant use sans discontinuer une partie de sa propre substance et en rend les éléments au monde extérieur; sans discontinuer aussi, il remplace les matériaux usés par d’autres matériaux venus de l’extérieur. Ce renouvellement moléculaire continuel se nomme nutrition.

6. Structure. Corps organisés; corps inorganiques. — Lorsqu’on examine, avec un instrument grossissant, une parcelle quelconque d’une plante, on. la voit composée d’une foule de cavités, dont les minces parois tantôt affectent la forme plus ou moins globulaire, tantôt s’allongent en fuseaux ou bien en canaux déliés, cylindriques. Ces cavités sont des cellules, des fibres, des vaisseaux. Leur contenu est le plus fréquemment de nature liquide.

Une structure intime analogue se retrouve en toute partie prise dans l’animal, chair musculaire, substance nerveuse, matière des os.

L’être vivant, quel qu’il soit, est donc un ensemble d’appareils primordiaux, dont le type est la cavité circonscrite par de minces parois, appareils éminemment aptes à l’imbibition par les liquides et nommés organes élémentaires.

Le minéral, dans son arrangement intime, ne présente jamais rien de pareil; il est d’une parfaite uniformité dans sa masse compacte.

Ces différences de structure sont la condition indispensable du mode d’existence. L’être vivant est dans un état continuel de destruction et de rénovation; sa substance vieillie disparaît peu à peu, rendue au monde extérieur; d’autre la remplace, fournie par l’alimentation. Son corps est un édifice en réparation permanente : des déblais hors d’usage sont sans cesse rejetés; des matériaux nouveaux viennent occuper leur place, pour être rejetés à leur tour. Comme ce renouvellement s’effectue dans la masse entière du corps, jusque dans les moindres parties, les matériaux déplacés, les uns s’en allant, les autres arrivant, doivent être dans un état d’extrême division, afin de s’insinuer partout. Ils doivent donc être dissous dans un liquide, dans l’eau notamment, et par suite tout corps vivant doit posséder une structure spongieuse apte à l’imbibition par les liquides. Mais les corps bruts, dont la masse est totalement étrangère à ces mouvements internes, à ces flux incessants de liquides, peuvent être et sont le plus souvent d’une texture uniforme et compacte.

La structure spongieuse, propre à l’imbibition, consistant en petites cavités à minces parois, en canaux déliés, prend le nom d’organisation. Les êtres qui la possèdent se nomment corps organisés; ce sont les animaux et les végétaux. Les corps bruts ne la possèdent pas et portent par opposition le nom de corps inorganiques.

7. Forme. — Dissoute dans un liquide convenable ou liquéfiée par la chaleur, la substance de tout corps brut possède une mobilité qui lui permet de grouper ses molécules d’après des lois qui lui sont propres, et, par la solidification lente, elle cristallise, c’est-à-dire qu’elle prend une forme régulière. Très-variable d’un corps brut à l’autre, cette forme est toujours néanmoins d’une frappante simplicité et se borne à une combinaison de lignes droites, de facettes planes, d’angles d’une rude netteté. La forme du minéral appartient donc à la géométrie la plus élémentaire.

Chaque espèce vivante se distingue des autres espèces par une forme qui la caractérise, chacune de ses parties a des détails de structure qui lui sont propres. Une géométrie particulière préside à la forme d’une feuille et de la plante qui la porte, à la forme d’un simple brin de poil et de l’animal qui l’a dans sa toison. La vie, pour différencier ses produits, a recours a des formes différentes de l’un à l’autre, mais permanentes dans chacun. Or, chez les êtres organisés bien rarement apparaissent la ligne droite, la facette plane et l’angle saillant des corps bruts cristallisés; une géométrie supérieure les remplace par des contours émoussés, arrondis, par des lignes et des surfaces gracieusement courbes.

Fig. 1. — Cristaux d’un minéral : le quartz.

8. Composition chimique. — La chimie ramène toute matière terrestre, soit d’origine organique, soit d’origine minérale, à une soixantaine de substances primordiales nommées corps simples ou éléments. Tout corps, minéral, plante, animal, n’importe son origine, sa fonction, ses apparences, se résout toujours en un certain nombre de ces éléments.

Les corps bruts sont d’une composition chimique en général très-simple. Tantôt ils ne comprennent qu’un seul élément, tels sont un morceau de fer, un cristal de soufre; tantôt ils résultent de l’association de deux éléments, de trois, plus rarement de quatre et au delà. Dans ces associations chimiques, les divers corps simples peuvent entrer indifféremment, mais toujours dans des proportions d’une remarquable simplicité.

Des diverses parties des corps organisés, feuilles des végétaux, grains des céréales, os, chair musculaire, sang, graisse, lait, etc., on retire de nombreuses substances qui, une fois isolées, n’ont plus rien de la structure que la vie avait donnée à leur ensemble. Ces substances ont fréquemment la configuration cristalline des minéraux, dont il serait parfois difficile de les distinguer. De la pulpe du citron, corps organisé, on retire un corps solide cristallisable, c’est l’acide citrique, substance organique; de la pulpe de la betterave, corps organisé, provient le sucre cristallisé, corps organique. Pareillement, le sang donne l’albumine et la fibrine; les os donnent la gélatine, les grains des céréales donnent l’amidon, le lait donne les corps gras constituant le beurre. Albumine, fibrine, amidon, corps gras, gélatine, sucre, acide citrique, sont des substances organiques. Les substances organiques sont les matériaux des corps organisés .

Quatre corps simples, au plus, les composent en général; ce sont : le carbone, l’hydrogène, l’oxygène et l’azote.

Le carbone se trouve dans tous les composés de la nature vivante, il est par excellence l’élément organique. Aussi toute substance d’origine organique se carbonise par l’action de la chaleur, c’est-à-dire dégage ses autres éléments à l’état de composés volatils, et laisse du charbon pour résidu.

Au carbone s’associe l’hydrogène pour former des composés solides ou liquides, parmi lesquels nous citerons la gomme élastique ou caoutchouc et les essences de thérébenthine et de citron.

Si l’oxygène prend part à l’association hydrogénée et carbonée, il en résulte la grande majorité des composés organiques, tels que le sucre, l’amidon, la substance du bois, les acides végétaux, les matières grasses.

Enfin l’azote complète la série des éléments qui jouent le plus grand rôle dans les produits chimiques de la vie. On le trouve dans la fibrine, principe de la chair musculaire; dans la caséine, principe du lait; dans l’albumine, matière du blanc d’œuf et principe de la partie fluide du sang; dans l’acide urique, résidu provenant des matériaux vieillis de l’organisation et rejeté avec l’urine.

Le carbone, l’hydrogène, l’oxygène et l’azote, portent à juste titre la dénomination d’éléments organiques, car on les trouve dans toute substance d’origine animale ou d’origine végétale, associés deux à deux, trois à trois ou tous les quatre ensemble. Les autres éléments peuvent intervenir aussi dans les composés organiques, mais d’une manière bien moins générale et pour ainsi dire accessoire. Ainsi le soufre, le phosphore, le potassium, le sodium, le fer, le calcium et autres, font partie en faibles proportions de certains composés.

Quatre corps simples constituent, à peu de chose près, la matière première d’où résulte l’ensemble des composés organiques, édifice chimique des êtres vivants. Une telle simplicité de matériaux pourrait faire croire à un nombre très-borné de produits, et cependant la chimie des corps vivants est d’une richesse Inépuisable, peut-être sans limites assignables. Cette profusion de composés est la conséquence des proportions très-complexes suivant lesquelles les quatre corps simples entrent dans les combinaisons organiques.

Le caractère dominant des combinaisons minérales est la simplicité des proportions : pour un atome d’un corps simple, il entre dans l’association chimique un atome d’un autre corps, quelquefois deux ou trois, rarement quatre ou cinq. Dans les composés d’origine organique, les proportions sont beaucoup plus complexes. Ainsi, par exemple, l’oxygène entre dans le sucre cristallisable pour la proportion de 11 atomes, et l’hydrogène entre dans l’un des principes du suif pour la proportion 112.

Si l’on considère qu’il suffit d’augmenter ou de diminuer, même dans d’étroites limites, la proportion d’un élément, de substituer en totalité ou en partie un corps simple à un autre, de faire intervenir ou deux, ou trois, ou quatre éléments dans la combinaison, chacun suivant une proportion très-variable, pour obtenir chaque fois un composé doué de propriétés physiques et chimiques spéciales, l’esprit n’entrevoit plus de bornes aux associations diverses qui peuvent résulter du carbone, de l’hydrogène, de l’oxygène et de l’azote.

A cause de sa simplicité, le composé minéral est un édifice stable, qui se prête difficilement à des transformations ou n’en subit que de peu nombreuses. Par sa structure complexe, le composé organique est, au contraire, un édifice plus ou moins altérable et doué d’une mobilité d’éléments qui se prête à de nombreuses transformations.

9. Mode de terminaison. — Les corps bruts, dont la masse entière est en parfait repos, n’ont en eux aucune cause de destruction ; ils persistent donc indéfiniment si rien d’étranger ne vient mettre fin à leur existence. Un corps vivant, au contraire, est assimilable à un mécanisme d’une extrême complication, dont toutes les parties, jusqu’aux moindres rouages, sont dans une continuelle activité. Par cela même qu’il fonctionne, le mécanisme s’use, dépérit et tôt ou tard ne peut plus servir; par cela même qu’ils vivent, la plante et l’animal usent pareillement leurs organes, et, après avoir fonctionné un certain temps, variable d’une espèce à l’autre, dépérissent au point de perdre leur activité, ce qui détermine le repos final, la mort, conséquence nécessaire de la vie.

Mais, après la mort, la vie reparaît sous de nouvelles formes. La matière qui a cessé de vivre tantôt reprend vie en servant à l’alimentation des animaux ; tantôt elle retourne au monde minéral par l’action de l’oxygène de l’air, qui transforme le carbone en acide carbonique, l’hydrogène en eau et laisse l’azote se dégager à l’état d’ammoniaque. De ces résidus de tout corps organisé, gaz carbonique, eau, ammoniaque, la végétation fait emploi pour de nouvelles œuvres, de sorte que les êtres vivants tournent dans le même cercle de leurs éléments chimiques. Les générations d’aujourd’hui mettent en œuvre les dépouilles des générations d’hier; la destruction fournit à la rénovation ses matières premières ; d’une perpétuelle mort découle une perpétuelle vie.

10. Différence entre les animaux et les végétaux. — Comme nous venons de le reconnaître, les êtres vivants diffèrent des corps bruts sous tous les points de vue. Ils en diffèrent par le mode d’origine, le mode d’existence et de destruction, par la forme, la structure et la composition chimique. Mais les êtres vivants comprennent les animaux et les végétaux. Quels traits de démarcation y a-t-il entre les deux séries, le régne animal et le régne végétal?

La limite entre les deux règnes est bien difficile à établir si l’on compare entre eux les êtres de la plus simple structure; il est parfois même impossible au naturaliste de décider s’il a sous les yeux une plante ou un animal. Mais, dans l’immense majorité des cas, la démarcation est des plus nettes.

Le végétal se nourrit et perpétue sa race en produisant des germes; l’animal se nourrit aussi et perpétue sa race. Ces deux fonctions primordiales, qui assurent l’une la conservation temporaire de l’individu et l’autre la conservation indéfinie de l’espèce, prennent le nom de fonctions de la vie végétative, parce qu’elles sont communes aux animaux et aux végétaux. Mais la vie se manifeste en outre chez les animaux par une fonction d’un ordre supérieur, dite fonction de la vie animale, parce qu’elle appartient exclusivement aux animaux. Ces derniers seuls ont la faculté d’exécuter des mouvements volontaires, tendant à un but déterminé; seuls aussi ils ont la faculté de sentir, c’est-à-dire de recevoir des impressions du monde extérieur et d’en avoir conscience. Sous ce rapport, les animaux sont des êtres animés, tandis que les végétaux sont des êtres inanimés.

On peut résumer ainsi les différences fondamentales entre les trois règnes : le règne minéral, le règne végétal et le règne animal.

Les minéraux sont inorganisés.

Les végétaux sont organisés. Ils vivent.

Les animaux sont organisés. Ils vivent, sentent et se meuvent volontairement.

Vivre est pris ici dans son acception la plus élémentaire et signifie se nourrir, car la vie, considérée collectivement dans les animaux et dans les plantes et réduite à son expression la plus simple, consiste dans la conservation de l’individu par la nutrition.

 

QUESTIONNAIRE.

1. Quel est l’objet des sciences naturelles? — Comment les divise-t-on? — Qu’est-ce que la zoologie ? — Qu’est-ce que la botanique? — Qu’est-ce que la géologie? — 2. Les corps vivants sont-ils composés des mêmes éléments chimiques que les corps bruts ? — 3. Comment se forment les corps bruts? — Quelle est l’origine des corps vivants? 4. Que faut-il entendre par génération spontanée ? — Donnez quelques exemples des croyances à cet égard ? — En quoi consistent les expériences de Redi ? — Quels sont les principaux observateurs qui ont continué les travaux de Redi ? — Y a-t-il réellement génération spontanée même pour les êtres les plus élémentaires? — D’où provient toujours la vie ? — 5. Quel est le mode d’existence des corps bruts ? — Comment s’accroissent-ils? — En quoi consiste le trait fondamental de l’existence des êtres vivants ? — Comment les êtres vivants s’accroissent-ils ? — Qu’est-ce que la nutrition en général? — Les corps bruts se nourrissent-ils ? — 6. Quelle est la structure interne des corps bruts? — Quelle est la structure interne des corps vivants ? — Pourquoi cette structure est-elle nécessaire aux corps vivants ? — Qu’appelle-t-on organisation? — Quels sont les êtres organisés, et les êtres inorganiques? — 7. Que faut-il pour qu’un corps brut cristallise? — Quels sont les caractères géométriques d’un cristal ? — Les corps vivants ont-ils ces formes géométriques élémentaires? — 8. Qu’y a-t-il à remarquer dans la composition chimique des corps bruts? — Qu’appelle-t-on substances organiques ? — De quels éléments se composent en général les substances organiques? — Citez des exemples de substances organiques composées de carbone et d’hydrogène; de carbone, d’hydrogène et d’oxygène ; de carbone, d’hydrogène, d’oxygène et d’azote. — Qu’appelle-t-on éléments organiques ? — Quel est celui des quatre qui se trouve dans toutes les substances organiques ? — Comment ces quatre corps simples peuvent-ils donner un nombre indéfini de composés? — Quels sont les plus stables, des composés minéraux ou des composés organiques ? — D’où provient le peu de stabilité de ces derniers ? — 9. Pourquoi l’existence d’un corps brut est-elle illimitée en durée ? — Pourquoi l’existence d’un corps vivant est-elle limitée ? — Que devient après la mort la matière d’un corps organisé ? — 10. Résumez les différences entre les corps bruts et les corps vivants. — En quoi les animaux diffèrent-ils des végétaux ? — La démarcation est-elle bien nette entre les derniers animaux et les derniers végétaux ? — Qu’appelle-t-on fonctions de la vie végétative, et fonctions de la vie animale ? — Qu’est-ce que sentir ? — Résumez les caractères différentiels des trois règnes.

 

CHAPITRE II

ALIMENTS.

1. Nutrition en général. — Un état permanent de destruction et de rénovation de leur propre substance, est le caractère fondamental commun à tous les êtres organisés. D’une manière insensible mais continue, les vieux matériaux, mis hors d’usage et transformés par l’exercice de la vie, sont éliminés de l’organisation où leur présence serait désormais nuisible, et rendus au monde extérieur sous des formes chimiques très-simples, vapeur d’eau, gaz carboni que, acide urique, urée. Fournis par les aliments, des matériaux nouveaux les remplacent et se distribuent dans les diverses parties du corps, qui se les assimilent, c’est-à-dire les organisent, les façonnent et les rendent semblables à leur substance même. Ces matériaux séjournent quelque temps dans l’organisation, concourent à l’activité de l’ensemble, s’usent, se transforment et sont rejetés à leur tour pour faire place à d’autres.

L’entretien de la vie est ainsi un échange continue] de substance entre le corps de l’animal et le monde extérieur. A ce point de vue, trois périodes sont à distinguer dans le cours de l’existence. D’abord la somme des acquisitions en substance est supérieure à celle des pertes, et le corps s’accroît. Dans l’âge de maturité, la balance est à peu près exacte entre les matériaux assimilés et les matériaux éliminés, et la masse du corps reste stationnaire. Enfin arrive tôt ou tard une période où l’organisation, altérée dans son mécanisme, perd plus qu’elle ne gagne; c’est l’âge du dépérissement, de la décrépitude.

L’état continuel de recomposition et de décomposition de l’être organisé se nomme nutrition.

2. Fonctions de nutrition. — Pour accroître la substance du corps, la renouveler à mesure qu’elle s’use et maintenir ainsi l’activité de l’organisation, il faut un ensemble d’actes qui portent en commun le nom de fonctions de nutrition.

Les aliments, c’est-à-dire les matériaux qui doivent accroître et renouveler la substance. du corps, sont en général sous forme solide. Afin de pouvoir se dis tribuer dans les diverses parties du corps, ils ont donc à subir nécessairement un travail préparatoire qui les divise, les fluidifie et les rend ainsi aptes à pénérer partout. Ce travail est effectué par la digestion.

Les matériaux ainsi préparés sont déversés dans le sang, liquide nourricier où tous les organes, jusqu’à la moindre particule du corps, puisent les substances nécessaires à leur accroissement, à leur entretien, et rejettent aussi les produits à éliminer. Le sang doit circuler partout, il doit pénétrer en tous les points de l’organisation afin d’y apporter les principes nutritifs qu’il charrie; il doit en revenir afin de ramener des différents organes les matériaux mis hors d’usage et les conduire aux voies qui doivent les rejeter au dehors. Ce va-et-vient continuel du liquide nourricier se nomme circulation.

Le sang ne charrie pas simplement des matériaux aptes à l’entretien des organes qu’il baigne, il transporte aussi de l’oxygène, puisé dans l’air atmosphérique, pour faire du corps entier de l’animal un vrai foyer de combustion, aux dépens des organes eux-mêmes servant de combustible. De cette combustion résultent la chaleur et l’activité vitales, de même que de la combustion de la houille dans le foyer d’une machine résulte l’activité du mécanisme. Le sang doit donc se mettre en rapport avec l’air atmosphérique pour y renouveler sa provision d’oxygène et y rejeter les produits gazeux de la combustion. Ces actes sont le domaine de la respiration.

La combustion vitale transforme en urée et en acide urique les matériaux azotés de l’organisation. Le sang chargé de ces résidus s’en débarrasse par la sécrétion urinaire.

Ces fonctions primordiales, digestion, circulation, respiration et sécrétion urinaire, par lesquelles s’accroît, s’entretient et se renouvelle le corps de l’être animé, vont faire le sujet des premiers chapitres de ce cours. Nous les étudierons plus particulièrement chez l’homme, mais il ne sera pas sans intérêt d’examiner aussi de quelle manière elles s’exercent chez les diverses espèces d’animaux.

3. Aliments respiratoires. — On nomme aliments toutes les substances qui, par le travail digestif, deviennent aptes à l’accroissement et à l’entretien du corps. Les aliments de l’animal sont toujours de nature organique ; seuls les végétaux ont la faculté de se nourrir avec des substances minérales, qu’ils élaborent en matériaux organiques, dont l’animal doit se nourrir, soit directement s’il est herbivore ou mangeur de végétaux, soit indirectement s’il est carnivore ou mangeur de chair, puisque cette chair provient, en dernière analyse, d’un herbivore et par conséquent des végétaux.

D’après le rôle qu’ils remplissent dans l’organisation animale, les aliments se divisent en deux catégories : les aliments respiratoires et les aliments plastiques.

Les aliments respiratoires ne font qu’un séjour momentané dans l’organisation; ils constituent par excellence le combustible du foyer vital, en activité partout où le sang amène de l’oxygène. La combustion respiratoire les brûle pour entretenir la chaleur animale, et les convertit en eau et en acide carbonique. Ils sont en quelque sorte pour le corps ce que la houille est pour un calorifère. Leur besoin se fait d’autant plus sentir, que l’animal doit réagir davantage par sa chaleur propre contre la froide température de l’extérieur. Aucun d’eux ne renferme de l’azote dans sa composition chimique, mais simplement du carbone en abondance, de l’hydrogène et de l’oxygène. A la catégorie des aliments respiratoires appartiennent la fécule, le sucre, l’alcool, l’huile, les divers corps gras et enfin toutes les matières végétales ou animales qui sont des mélanges naturels de ces principes.

5. Aliments plastiques. — Les aliments plastiques sont les matériaux avec lesquels s’accroît et se renouvelle la masse du corps. Le travail de la vie les organise et les transforme en substance pareille à celle des divers organes où ils se fixent. Ils deviennent chair, tissu, vaisseaux, membranes, matière nerveuse, et doués alors de la vie commune, prennent part à l’activité générale. Une fois transformés, ils séjournent plus ou moins longtemps dans l’organisation dont ils font partie constitutive, jusqu’à ce que la combustion respiratoire les atteigne et les élimine du corps, principalement sous forme d’urée et d’acide urique. Les aliments, quels qu’ils soient, ont donc même destination finale : les uns, aliments respiratoires, n’entrent pas dans la composition des tissus du corps, mais sont immédiatement employés comme combustible pour entretenir le calorifère vital; les autres, aliments plastiques, s’organisent d’abord en tissus, puis sont livrés, quand l’usage les a vieillis, à l’action comburante de l’oxygène amené par le sang.

Les aliments plastiques sont tous azotés, c’est-à-dire qu’ils contiennent dans leur composition chimique les quatre éléments organiques, carbone, hydrogène, oxygène et azote. Ce sont la fibrine, l’albumine, et la caséine. L’oxygène dissous dans le sang les convertit, par le travail respiratoire, en urée, substance composée des mêmes quatre éléments, et bientôt transformée, par la putréfaction au contact de l’air, en eau, acide carbonique et ammoniaque. Finalement. la substance de l’animal, qu’elle provienne d’aliments respiratoires ou d’aliments plastiques, se résout en trois composés minéraux, eau, acide carbonique, ammoniaque, dont la végétation fait emploi pour reconstituer de nouveaux aliments plastiques et de nouveaux aliments respiratoires, utilisés par l’animal d’une manière directe ou indirecte.

5. Albumine, fibrine. — Le blanc de l’œuf est de l’albumine. On retrouve le même principe dans le sang, dans les divers liquides de l’organisation, et enfin dans le suc de toutes les plantes, qui élaborent l’albumine avec de l’eau, du gaz carbonique et de l’ammoniaque. — La substance de la chair musculaire est la fibrine. Sa composition chimique est la même que celle de l’albumine. La fibrine se retrouve dans l’organisation végétale, chimiquement identique à celle de l’organisation animale. Nous citerons en particulier la fibrine des céréales, habituellement nommée gluten.

6. Gluten. — La farine des céréales est un mélange naturel où prédominent deux principes, l’un azoté, le gluten ou fibrine végétale, l’autre non azoté, l’amidon ou fécule. Si l’on réduit de la farine en pâte que l’on pétrit et malaxe sous un mince filet d’eau, les granules d’amidon sont peu à peu entraînés par le lavage, et il reste entre les doigts une matière molle, tenace, élastique, qui est le gluten. Frais et humide, le gluten est d’une odeur particulière et assez forte, d’une couleur grisâtre; il éprouve rapidement la décomposition putride et se réduit en une sorte de bouillie qui répand l’odeur du vieux fromage. Desséché, il est dur, sonore, cassant, translucide et d’un jaune foncé.

7. Caséine. — Abandonné à lui-même dans un endroit frais, au contact de l’air, le lait laisse bientôt surnager une couche jaunâtre, onctueuse, formée de corps gras. On lui donne le nom de crème. La partie liquide constitue le lait écrémé. Celui-ci, additionné de quelques gouttes d’un acide quelconque, tourne, comme on dit vulgairement, c’est-à-dire produit des grumeaux coagulés, des caillots d’une matière blanche servant à la fabrication du fromage et nommée pour ce motif caséine. Le liquide restant s’appelle petit-lait, et renferme en dissolution un principe sucré nommé lactose ou sucre de lait.

On retrouve la caséine chimiquement identique à celle du lait, dans l’organisation végétale. Le gluten des céréales, par exemple, obtenu comme nous venons de le dire, est un mélange de fibrine et de caséine. Soumis à l’action de l’alcool bouillant, il lui abandonne la caséine, qui se dépose en flocons blancs par le refroidissement. Les pois, les haricots, les lentilles, les amandes et diverses semences en fournissent aussi. Les Chinois, à ce qu’on dit, préparent du fromage avec de la farine de pois.

8. Relations alimentaires entre les animaux et les végétaux. — Les trois corps azotés, albumine, fibrine et caséine, sont isomères, c’est-à-dire sont composés des mêmes éléments exactement dans les mêmes proportions, de manière que leurs propriétés particulières sont déterminées simplement par une différence d’arrangement moléculaire et non par une différence de composition chimique.

Or les deux substances primordiales de l’organisation des animaux sont l’albumine et la fibrine, qui entrent dans la composition de la chair musculaire et du sang. Ces deux substances sont isomères avec la caséine, que le travail vital transforme en albumine et en fibrine par une simple retouche dans la structure moléculaire, sans faire intervenir d’autres éléments, sans modifier les proportions primitives. On comprend ainsi comment l’animal à la mamelle trouve dans la caséine du lait la substance de sa chair, comment l’oiseau dans son œuf organise ses muscles avec sa provision d’albumine. L’un des trois corps étant donnés, les autres en dérivent par le travail chimique de la vie sans qu’il y ait création de toutes pièces. La chair musculaire dont se nourrit l’animal carnivore devient caséine pour le lait, albumine pour l’œuf; à leur tour la caséine et l’albumine deviennent chair musculaire pour le nourrisson à la mamelle et pour l’oiseau dans sa coquille.

Mais les animaux de proie vivent aux dépens des espèces herbivores, qui elles-mêmes trouvent toutes formées dans la plante les substances primordiales de leur organisation. Ce sont donc, en dernière analyse, les végétaux qui associent chimiquement l’oxygène, l’hydrogène, le carbone et l’azote pour produire l’albumine, la fibrine et la caséine. Directement s’il est herbivore, indirectement s’il est carnivore, l’animal trouve dans la plante les principes chimiques de sa chair musculaire, de ses os, de ses nerfs, de son sang; il ne les crée pas de toutes pièces, il les emprunte au règne végétal, qui seul a la faculté chimique de faire de l’albumine, de la fibrine et de la raséin e avec de l’eau, du gaz carbonique et de l’ammoniaque.

Réciproquement, par l’exercice de la vie, l’animal transforme les principes organisés de son corps en vapeur d’eau, gaz carbonique et ammoniaque, avec lesquels la plante constamment reconstruit l’édifice primitif. La plante crée et nourrit l’animal; l’animal détruit et rend à la plante des ruines, matériaux pour de nouvelles créations.

9. Aliments complets. — Le double rôle des aliments, combustion respiratoire, entretien et rénovation des organes, doit constamment marcher de pair. Pour ce double rôle, les aliments azotés ou plastiques paraissent tout d’abord suffisants puisqu’ils sont employés au renouvellement des organes et plus tard à la combustion vitale ; mais ils sont bien moins aptes à cette combustion que ne le sont les aliments respiratoires, aussi l’association des deux catégories d’aliments est-elle indispensable. On nomme aliments complets ceux qui satisfont à cette association; tels sont ceux dont l’animal est exclusivement nourri en son bas âge : le lait et l’œuf.

Le lait est aliment respiratoire par les matières grasses constituant d’abord la crème, puis le beurre ; et par le lactose, espèce de sucre qui donne au lait sa saveur douce. Il est aliment plastique par sa caséine. Avec les deux premiers principes, le nourrisson à la mamelle entretient le foyer vital, source de la chaleur naturelle du corps; avec le troisième, il façonne et accroît ses organes.

L’œuf est aliment respiratoire par les matières grasses faisant partie du jaune; il est aliment plastique par son albumine.

Cette précieuse chose qu’on appelle le pain est aussi un aliment complet. Il est respiratoire par sa fécule que la fermentation de la pâte levée convertit en sucre ; il est plastique par le gluten ou fibrine.

10. Aliments accessoires. — Outre les aliments proprement dits que nous venons d’examiner et qui, avant d’être utilisés par l’organisation, doivent subir un travail préparatoire, c’est-à-dire être digérés, d’autres substances, d’origine minérale, concourent à l’alimentation et sont absorbées sans préparation préalable. On les nomme aliments accessoires. C’est d’abord l’eau, qui imbibe les tissus de tout animal et forme la majeure partie de la masse du corps. Ce sont encore le sel marin, qu’on retrouve dans le sang et dans les divers liquides de l’organisation; le carbonate de chaux, nécessaire à l’oiseau pour la coquille de son œuf et à tous les animaux supérieurs pour la charpente de leurs os; l’acide phosphorique, qui, à l’état de phosphate de chaux, fait également partie de la charpente osseuse; enfin divers sels minéraux, tels que ceux de potasse et de soude. Les animaux herbivores se montrent très-friands de sel marin et de salpêtre (azotate de potasse), parce que leurs aliments en contiennent fort peu; pour s’en procurer, ils lèchent les murailles, les pierres couvertes d’efflorescences salines. Le pain, la chair, le lait contiennent du phosphate de soude, qui fournit l’acide phosphorique des os; l’eau ordinaire tient en dissolution du carbonate de chaux, autre principe minéral des os.

11. La faim. Inanition. — La vie s’entretient dans le corps d’un animal par la continuelle combustion de l’organisme, au moyen de l’oxygène de l’air atmosphérique introduit dans le sang par la respiration, de même que s’entretient la flamme d’une lampe aux dépens de l’huile brûlée. Tant que dure la provision d’huile, la lampe donne chaleur et lumière et vit en quelque sorte; quand elle est épuisée, la lampe meurt, s’éteint. Mais si l’huile était renouvelée à mesure qu’elle se consume, la durée de la flamme serait illimitée. La vie est réellement comparable à cette flamme : elle persiste si l’alimentation renouvelle l’organisme, continuellement consumé par l’oxygène du sang, et fournit ainsi de nouveaux matériaux à la combustion respiratoire; elle s’éteint si l’alimentation cesse de fournir ces matériaux combustibles.

Aussi, en tête des besoins les plus impérieux auxquels nous sommes assujettis, sont ceux du manger et du boire. Tant que la faim n’est que son diminutif l’appétit, ce savoureux assaisonnement des mets les plus grossiers ; tant que la soif n’est que cette aridité naissante de la bouche qui donne un si grand charme à un verre d’eau fraîche, ces besoins primordiaux réclament leur satisfaction plutôt par l’attrait du plaisir que par le rude aiguillon de la douleur. Mais si leur satisfaction se fait par trop attendre, ils s’imposent en maîtres inexorables et commandent par la torture. Qui peut songer sans effroi aux angoisses de la faim et de la soif !