Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Les vacances dans la maison de famille des James à Saint-Jean-de-Luz semblent propices aux romances. C’est là que Fleur, l’amie discrète et rêveuse de Louise James, fera l’expérience de ses premières amours. Cependant, douze ans plus tard, lorsque Louise l’invite à y revenir pour quelques jours, Fleur ne se doute pas qu’elle se retrouvera face à un dilemme déchirant. Sa vie sentimentale stable et confortable sera mise en péril, et elle devra prendre une décision difficile, car tout a un prix.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Inspirée des romances américaines,
Laëtitia Kone partage ici son appétence pour les idylles romantiques ainsi que son amour pour Paris et Saint-Jean-de-Luz.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 323
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Laëtitia Kone
Absolute muse
Roman
© Lys Bleu Éditions – Laëtitia Kone
ISBN : 979-10-422-1936-9
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À Isabelle D.
Amie bienveillante et inspirante,
Tu es, à jamais, dans nos cœurs meurtris par ton départ…
Si mes deux meilleures amies sont maintenant en couple malgré un maximum d’embûches : Louise avec son écrivain de soft porn, qui lui a caché son vrai travail jusqu’à ce qu’elle lise sa propre histoire d’amour avec lui à travers son dernier roman, et Léa avec son indécrottable séducteur qu’elle a su remettre dans le chemin de la fidélité, mais qui, pour cela, a vécu plus de quatre mois de harcèlement orchestré par deux déséquilibrés, moi, je suis, comme qui dirait, tiraillée entre plusieurs possibilités, émotionnellement incertaine et sexuellement paumée.
Si je remontais le temps et retraçais l’histoire depuis son tout début, alors ceci me permettrait peut-être de faire définitivement un choix. Rien que le groupe nominal « un choix définitif » me terrifie. Et si je n’étais pas obligée de choisir, et si je profitais de ma jeunesse pour expérimenter, et si je disais à chacun d’entre eux que je le choisissais et ainsi procrastiner, et si j’évitais de me comporter comme la dernière des misérables.
Mais voilà, je ne suis plus si jeune et normalement je ne suis plus si paumée. À bientôt trente ans, je ressasse toujours ces vacances dans le Pays basque qui ont été, pour moi, le déclencheur de ma vie sentimentale, toujours inaboutie. Donc me revoilà à la source.
***
Dans le train en partance pour Saint-Jean-de-Luz avec Léa pour rejoindre Louise, nous ne nous doutions pas que ces vacances d’été, si méritées, allaient être un tournant important dans nos vies respectives. Mais je suis la seule des trois à tourner en rond depuis. Peut-être est-ce mon côté artistique qui ne me permet pas d’être rationnelle et décisionnaire. Bien souvent, mon instinct premier détermine la bonne couleur, le bon détail qui manquait à ma toile, et lorsqu’il m’arrive de maturer pendant plusieurs jours un arbitrage nécessaire pour avancer sur mon tableau, ce dernier s’avère souvent stérile. Alors en ce qui concerne mes relations amoureuses, l’audace indispensable à décréter ce qui serait bien pour moi est synonyme d’insurmontable.
Dès notre arrivée à destination, tous nos amis nous attendaient avec impatience. Cette première soirée au bar Le Garage de Saint-Jean-de-Luz a été, pour moi, un réel lâcher-prise. J’ai tout de suite compris que Louise vivait une relation énigmatique entre Bixente, l’écrivain, et Thibault, un des meilleurs amis d’Antoine, son frère aîné. J’ai aussi vite analysé ce qui commençait à naître entre Léa et Antoine, leur attirance était tellement électrique que seule, Louise, complètement aveuglée par sa propre histoire, pouvait passer à côté. J’ai donc rapidement décidé qu’en ce qui me concernait, je n’allais rien décider du tout et laisser le destin ajuster les meilleures vacances de ma vie. C’était sans compter sur le destin dysfonctionnel qui m’attendait. Et pourquoi faire endosser au destin toutes mes mauvaises décisions, je ne suis même pas croyante.
Le retour jusqu’à la maison de vacances de la famille James a été plutôt comique, mais aussi laissait présager des moments mouvementés. Malgré un nombre indécent de shot de tequila, j’ai peut-être été la plus raisonnable, et surtout la seule assez consciente pour constater que Louise traînait derrière le groupe avec Thibault qui prétextait être à ses petits soins, étant donné qu’elle était susceptible de vomir à tout instant, ce qu’elle ne s’est pas empêchée de faire à maintes reprises sur les quatre kilomètres qui nous séparaient de la maison. J’ai vu aussi Antoine et Léa se cacher sous un arbre, ou encore Paul, le jumeau de Louise, se rapprocher bien dangereusement de la petite sœur de Bixente, Elaïa. Quant à moi, je profitais seulement de faire partie d’un groupe amical soudé. Il faut dire que Louise a quatre frères : Antoine, l’aîné, puis Henri et Pierre, jumeaux arrivés moins d’un an après et enfin Louise et Paul, jumeaux aussi, nés moins d’un an après les deux précédents. À cette famille très unie s’ajoutent deux amis d’Antoine venus pour quelques jours et des amis basques qu’ils ont depuis toujours.
La balade sur la Corniche est bienfaitrice, je lève les bras et profite de ce temps merveilleux et des températures douces malgré l’heure, il est trois heures du matin et il fait dix-huit degrés, le ciel est clair, des milliers d’étoiles nous regardent. Pierre et Henri sont aux petits soins pour moi afin que je ne me sente pas seule. C’est ce que j’aime dans cette famille, ils sont tous bienveillants et protecteurs. On se connaît depuis dix ans et les frères de Louise ne me traitent pas seulement comme l’amie de leur sœur, mais plutôt comme une de leurs potes, ce que j’apprécie notamment en ce moment où je me retrouve dépourvue de mes meilleures amies. Ils me font la conversation, ce qui a le don de me faire rire.
Pierre James, un mètre quatre-vingt-sept, à vue d’œil soixante-quinze kilos maximum, très brun comme son jumeau, des yeux presque noirs, une peau mate, du premier janvier au trente et un décembre, et une vraie passion pour le basket. Mais ce que je préfère par-dessus tout chez ce jeune homme, au-delà de sa gentillesse, c’est sans aucun doute son sourire. Un sourire franc et perpétuellement accroché à son visage. Cet homme caractérise le bonheur d’être vivant, il est toujours de bonne humeur, jamais de saute d’humeur comme son frère aîné, toujours jovial, prêt à s’amuser et prendre du bon temps.
Henri ne rétorque pas, il paraît préoccupé, ses yeux cherchent, dans la nuit, des réponses à ses pensées énigmatiques.
Henri n’a pas le temps de dire quoique ce soit que Pierre saute sur l’occasion pour mettre mal à l’aise son frère :
Il met quelques secondes à répondre et, heureusement, Pierre n’en profite pas pour s’immiscer. Il semble aussi intéressé que moi par l’état émotionnel de son alter ego.
Ce grand bonhomme semble tout à coup minuscule et démuni. Il m’attendrit, il est si adorable et paraît fragile malgré le fait qu’il soit plus grand que moi d’au moins vingt centimètres, comme son frère. Son frère… que j’avais complètement oublié pendant quelques minutes, en écoutant le dilemme d’Henri.
Je ne lui laisse pas le temps de finir :
Je constate que les frères jaugent la situation dans un échange silencieux que, seuls, eux deux peuvent comprendre, et la réaction ne se fait pas attendre de la part d’Henri :
Ils se fixent, de nouveau, ébahis et un peu dubitatifs.
Nous le voyons s’éloigner à grands pas, comme si cette décision levait la brume qu’il avait devant les yeux.
Pierre pose alors une main sur mon épaule en la pressant légèrement, ce geste si doux me paralyse instantanément :
Restant sans voix, il s’en amuse et continue à me titiller :
Antoine a déposé Léa sur une de ses épaules pour faire la course avec Paul qui, lui, porte Elaïa. Arrivé vainqueur, Antoine ne veut pas déposer Léa par terre et s’attarde plus que nécessaire sur sa taille, la bloquant pour qu’ils soient face à face légèrement trop longtemps pour que cela soit anodin.
Quand je me retourne vers Pierre pour lui montrer que j’ai raison, je le trouve en train de me fixer de son regard profond et insondable tellement il est sombre en pleine nuit. J’essaie de relancer la conversation afin d’éviter ma gêne grandissante. Je ne sais pas ce que signifie ce regard, mais je suis certaine que Louise n’approuverait pas que ses deux amies soient chacune avec un de ses frères.
La fin du chemin se fait dans un silence entendu. Nous savons implicitement que si nous ouvrons la bouche, la discussion tournera autour de la complexité des relations amoureuses et nous ne le voulons pas.
Dès le lendemain, en fin de matinée, comme promis, je viens chercher Pierre et Henri chez Patxi. Sonnant à la porte, une jeune femme avec de grands yeux noisette m’ouvre.
Elle lève la main pour taper la mienne en signe de pari, ce que je prends de suite comme un signe encourageant de copinage.
Dès qu’il entend ma voix, Henri est déjà debout, son bonheur est à son comble quand il s’aperçoit que Xana est à mes côtés, tout enjoué par le défi lancé.
Son enthousiasme ravit Pierre, mais est loin de contenter Patxi qui déclare :
Voyant que je lève les yeux au ciel complètement abasourdie par son comportement, il essaie maladroitement de se rattraper et il n’en devient que plus charmant. J’adore vraiment toute la famille James.
Quand je regarde Xana, je vois qu’elle aussi a pris conscience de la charmante gêne d’Henri. Elle prend de suite la balle au bond :
Je ne crois pas que le sourire de Xana, à ce moment-là, aurait pu être plus radieux. Henri ose enfin croiser son regard et ils échangent une complicité que seuls les gens qui se plaisent partagent.
En sortant de la maison de Patxi et Xana, Pierre se tourne vers moi :
Les jours suivants sont un mélange merveilleux de moments tranquilles au bord de la piscine des James, autour d’un verre le soir sur la terrasse, et d’instants euphoriques entre jeux dans la piscine et matchs de basket improvisés. Le jeu préféré des frères James dans la piscine est incontestablement le combat de Titans qui consiste à être par deux, une personne juchée sur les épaules de l’autre et qui doit faire tomber les autres duos. Lors d’une partie de Titans, Pierre s’approche de moi pour que nous fassions équipe :
Contrairement à Louise qui est grande et extrêmement mince et Léa qui est très petite avec un corps parfaitement proportionné, je suis, comme qui dirait, une fille pulpeuse. De taille moyenne avec mon mètre soixante-cinq, j’ai une poitrine imposante avec mon quatre-vingt-dix bonnet C et des hanches assez larges pour porter des enfants, comme dit ma mère croyant me faire plaisir. Mais cette réflexion est, pour moi, pire que tout, j’ai l’impression tout à coup d’être réduite à l’état de pondeuse. Malgré le fait de lui avoir dit d’arrêter de me le répéter, elle continue, je sais qu’elle pense toujours bien faire et bien dire, donc je la laisse perpétuer cette tradition gênante.
Le fait qu’il ne me contredise pas me blesse au maximum, me prouvant qu’il me trouve trop grosse – En même temps, je l’ai cherché, je suis toujours en train de balancer des vannes sur mes formes et mon poids ! – Mais, quand même, il aurait pu atténuer le choc.
À ce moment-là, j’ai envie de le baffer, mais je n’ai pas le temps de rétorquer quoique ce soit que je le sens passer la tête entre mes jambes et me soulever sans effort, enfin je croyais avant d’entendre :
Quand il voit m’éloigner et sortir furax de la piscine, il prend conscience de son indélicatesse et essaie de me rattraper, mais il est trop tard, je suis déjà dehors en train de me sécher. Je me suis précipitée dans la maison pour aller me rhabiller, mais dès que je suis hors de vue, je m’attarde pour savoir si quelqu’un va oser dire quelque chose, car de toute évidence, tout notre petit groupe a entendu l’affront que Pierre m’a servi. Les critiques ne se font pas attendre, pour mon plus grand plaisir.
Les échanges fusent de toute part, mettant Pierre de plus en plus mal à l’aise, mais je préfère écourter mon indiscrétion et aller choisir des fringues qui vont me rendre encore plus « super canon », comme Pierre a dit. Je vais jouer la carte hyper sexy pour qu’il regrette ce qu’il a dit. J’espère qu’il sera tellement estomaqué qu’il en paraîtra stupide. En plus, nous devons aller à Saint-Jean-de-Luz ce matin pour aller chercher le dernier livre de Mademoiselle B, cette auteure incroyable de soft-porn. J’en ai précommandé trois afin que nous en ayons un chacune. Il sera donc évident pour tout le monde que je soigne ma tenue, personne ne se doutera que je veuille décontenancer Pierre.
Je choisis, en premier, les chaussures qui seront déterminantes pour la suite de ma tenue, car je veux absolument m’approcher des un mètre quatre-vingt-sept de Pierre. Et pour ceci, le choix est simple : mes sandales compensées Jimmy Choo de douze centimètres en cuir souple beige, ainsi, seuls dix centimètres nous sépareront. J’opte ensuite pour mon mini short en jeans, qui met en valeur mes hanches sans les accentuer, et un tee-shirt Levi’s beige, pour rappeler mes chaussures, ajusté sur ma poitrine saillante. Je remonte mes cheveux châtain clair en chignon coiffé-décoiffé et utilise une légère couche de gloss nude pour souligner l’air provocateur : je veux qu’il n’y ait aucun doute sur mes intentions de séduction.
Lorsque je refais mon apparition au bord de la piscine pour remémorer à mes amies que nous avons une course à faire chez le libraire, il est très agréable de constater que ma petite entreprise fonctionne à merveille. Le regard que me porte Pierre est sans équivoque, il me trouve, je crois, attirante – Bien fait, goujat ! – Les autres regards ne me détrompent pas, même Léa lance un sifflement extrêmement suggestif que je n’accepterais de personne d’autre que d’elle ou de Louise.
Léa et Louise sortent de la piscine et rentrent dans la maison pour aller se changer. Le calme revient, certains commencent à faire quelques longueurs quand d’autres s’allongent sur les transats pour lézarder.
Je le mets au supplice en faisant la sourde oreille, je m’amuse avec sa gêne même si ma première vexation est partie depuis que j’ai fait face à son regard flatteur quelques minutes plus tôt.
Telle est prise qui croyait prendre, je fonds devant ses lèvres parfaites que j’ai soudain envie d’embrasser – Mais ça ne va pas ! C’est le frère de ta meilleure amie ! – Je sens que je me mords la lèvre inférieure. Ce geste ne lui échappe pas et le jeu s’est retourné contre moi.
Les filles et moi pédalons jusqu’à la librairie Le 5e Art, il est dix heures piles quand nous arrivons et Fleur se précipite au comptoir.
Le jeune libraire semble subjugué, il est intarissable et enchaîne avis sur avis sur les nouveautés, il me conseille d’autres livres, sans lâcher les trois précieux livres que nous attendons depuis plusieurs jours déjà. Je ne lui montre pas mon agacement et continue à sourire tout en ne lâchant pas mes livres des yeux, espérant lui faire comprendre que je ne suis venue que pour une chose : ce qu’il a dans les mains !
Je me retourne vers mes amies, lève les yeux au ciel d’un air ennuyé, mais je vois qu’elles s’amusent comme des folles de me voir gênée. Quand, enfin, le jeune libraire me remet mon sac avec les trois fameux bouquins, il me tend aussi une feuille sur laquelle je découvre une liste de livres, mais surtout le dessin d’un bouquet defleurs où s’entremêlent roses, tulipes, camélias et il y a même une fleur de passiflore ; sur le bas du papier on distingue la signature d’un Mattéo avec son 07 entouré d’un cœur piégé dans des ronces. Et tout ce dessin réalisé en quelques minutes ! La magie opère instantanément, je ne suis plus moi-même, je ne sais pas ce qui m’arrive, mais je me sens me retourner brusquement vers le jeune libraire, le fixe et l’embrasse férocement sur la bouche, puis, prise de panique par mon audace, tourne les talons et sors de la librairie. Mes amies me suivent, hilares et stupéfaites, car c’est la première fois qu’elles me voient embrasser quelqu’un. Je sais que je peux plaire, mais je n’ai encore jamais été attirée par qui que ce soit… enfin, pas avant ce matin, au bord de la piscine, et le soir de notre arrivée, sur la Corniche, et il y a quelques jours, chez Patxi, et tous les jours, en fait ! Mattéo fait les frais de plusieurs jours de frustration.
Avant ce baiser instinctif et absolument déplacé à un complet inconnu, je ne m’étais pas rendu compte à quel point Pierre avait remué mes sens.
Devant l’effervescence de mes deux amies, je sors de ma torpeur, elles me félicitent d’avoir enfin pris la balle au bond, elles me font promettre de le rappeler rapidement, je les vois enregistrer dans mon portable un certain Mattéo. Je n’ose pas les contredire, me laisse porter par leur allégresse contagieuse. Elles m’accompagnent jusqu’à la place Louis XIV pour boire un café et déguster quelques macarons de chez Adam.
Je les entends faire des plans sur une future potentielle relation que je pourrais avoir avec ce Mattéo. Je leur souris sans conviction. Je regrette déjà ce baiser impulsif qui va me valoir une pression incontrôlable.
Mais c’est sans compter sur leur ténacité. Leur stupéfaction est telle qu’elles n’arrivent pas à parler d’autre chose. Il faut dire que depuis que nous nous connaissons, jamais je n’ai été aussi téméraire. Elles me font jurer d’appeler le jeune libraire dès notre retour à la maison. Je me dis qu’après tout, je ne risque pas grand-chose à lui téléphoner, alors je leur promets de le faire dans la journée.
Sur le chemin du retour, je me fais charrier avec tendresse. Leur entrain me laisse à penser que ce libraire a des atouts non négligeables et surtout possède des passions que je partage : le dessin et la lecture… ce que Pierre, à ma connaissance, ne partage pas – Mais pourquoi, bon sang, je n’arrive pas à me le sortir de la tête ?
Arrivée la dernière au portail, mon esprit est totalement déconnecté du reste de mon corps, mes idées sont confuses, comme souvent, ce qui me vaut de m’étaler de tout mon long en descendant du vélo. Deux bras bronzés m’entourent sous les aisselles pour m’aider à me relever :
Tout le monde se précipite sur moi pour constater l’étendue des dégâts : certains graviers sont encore incrustés dans ma chair. Léa et Louise plissent les yeux, l’air un peu écœuré. À leurs expressions, je comprends qu’aucun d’entre eux a l’intention de m’aider à nettoyer ces écorchures, excepté peut-être… l’objet de toutes mes frustrations.
Mais c’est plus fort que lui, il se met à glousser puis il s’esclaffe carrément.
Et il s’amuse en faisant semblant de plier sous mon poids. Son humeur joyeuse amène une hilarité générale. Il en profite pour me claquer les fesses en m’ordonnant de ne plus bouger. Malgré la douleur lancinante de ma jambe, j’arrive à en rire. Il accomplit l’exploit suprême de singer une révérence devant son public conquis avant de rentrer dans la maison. Il me porte jusqu’à la salle de bain du bas où il me dépose sur le bord de la baignoire avec délicatesse. Mes plaies me mettent de nouveau au supplice, je presse mes yeux pour éviter que les larmes coulent. Quand j’arrive à les réouvrir, Pierre est au-dessus de moi prêt à nettoyer mes vilaines blessures, il a sorti toute l’armoire à pharmacie.
Quand il a fini par extraire un par un tous les minuscules cailloux, il prend la bétadine et m’en asperge la jambe.
Soudain, je sens son pouce essuyer mes larmes. Ce geste si intime m’empêche de ressentir la brûlure qui faisait rage sur ma jambe quelques secondes avant. Je crois que j’ai oublié de respirer, si bien que je me mets à surventiler.
Je reste muette, noyée dans son regard noir. Il est magnifique, je n’avais pas vu qu’il était uniquement vêtu d’un bermuda, son torse imberbe est un appel à la caresse – Non, non, non, ce serait une très mauvaise idée, c’est toujours le frère de ma meilleure amie !
Maintenant que la douleur s’est un peu dissipée, je retrouve ma voix que je veux désinvolte :
Sur ces paroles, je me lève péniblement. Il m’aide de nouveau en me prenant par la taille :
C’est à ce moment que Léa et Louise déboulent dans la salle de bain, demandant des nouvelles de la grande blessée.
Nous allons directement dans le jardin pour savourer notre livre, mais à peine assise, Louise raconte à l’assemblée mon exploit avec le libraire. Tous ont l’air de se réjouir de mon audace, sauf Pierre qui reste stoïque.