Absolute muse - Laëtitia Kone - E-Book

Absolute muse E-Book

Laëtitia Kone

0,0

Beschreibung

Les vacances dans la maison de famille des James à Saint-Jean-de-Luz semblent propices aux romances. C’est là que Fleur, l’amie discrète et rêveuse de Louise James, fera l’expérience de ses premières amours. Cependant, douze ans plus tard, lorsque Louise l’invite à y revenir pour quelques jours, Fleur ne se doute pas qu’elle se retrouvera face à un dilemme déchirant. Sa vie sentimentale stable et confortable sera mise en péril, et elle devra prendre une décision difficile, car tout a un prix.

À PROPOS DE L'AUTRICE

Inspirée des romances américaines, Laëtitia Kone partage ici son appétence pour les idylles romantiques ainsi que son amour pour Paris et Saint-Jean-de-Luz.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 323

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Laëtitia Kone

Absolute muse

Roman

© Lys Bleu Éditions – Laëtitia Kone

ISBN : 979-10-422-1936-9

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À Isabelle D.

Amie bienveillante et inspirante,

Tu es, à jamais, dans nos cœurs meurtris par ton départ…

Chapitre I

Si mes deux meilleures amies sont maintenant en couple malgré un maximum d’embûches : Louise avec son écrivain de soft porn, qui lui a caché son vrai travail jusqu’à ce qu’elle lise sa propre histoire d’amour avec lui à travers son dernier roman, et Léa avec son indécrottable séducteur qu’elle a su remettre dans le chemin de la fidélité, mais qui, pour cela, a vécu plus de quatre mois de harcèlement orchestré par deux déséquilibrés, moi, je suis, comme qui dirait, tiraillée entre plusieurs possibilités, émotionnellement incertaine et sexuellement paumée.

Si je remontais le temps et retraçais l’histoire depuis son tout début, alors ceci me permettrait peut-être de faire définitivement un choix. Rien que le groupe nominal « un choix définitif » me terrifie. Et si je n’étais pas obligée de choisir, et si je profitais de ma jeunesse pour expérimenter, et si je disais à chacun d’entre eux que je le choisissais et ainsi procrastiner, et si j’évitais de me comporter comme la dernière des misérables.

Mais voilà, je ne suis plus si jeune et normalement je ne suis plus si paumée. À bientôt trente ans, je ressasse toujours ces vacances dans le Pays basque qui ont été, pour moi, le déclencheur de ma vie sentimentale, toujours inaboutie. Donc me revoilà à la source.

***

Dans le train en partance pour Saint-Jean-de-Luz avec Léa pour rejoindre Louise, nous ne nous doutions pas que ces vacances d’été, si méritées, allaient être un tournant important dans nos vies respectives. Mais je suis la seule des trois à tourner en rond depuis. Peut-être est-ce mon côté artistique qui ne me permet pas d’être rationnelle et décisionnaire. Bien souvent, mon instinct premier détermine la bonne couleur, le bon détail qui manquait à ma toile, et lorsqu’il m’arrive de maturer pendant plusieurs jours un arbitrage nécessaire pour avancer sur mon tableau, ce dernier s’avère souvent stérile. Alors en ce qui concerne mes relations amoureuses, l’audace indispensable à décréter ce qui serait bien pour moi est synonyme d’insurmontable.

Dès notre arrivée à destination, tous nos amis nous attendaient avec impatience. Cette première soirée au bar Le Garage de Saint-Jean-de-Luz a été, pour moi, un réel lâcher-prise. J’ai tout de suite compris que Louise vivait une relation énigmatique entre Bixente, l’écrivain, et Thibault, un des meilleurs amis d’Antoine, son frère aîné. J’ai aussi vite analysé ce qui commençait à naître entre Léa et Antoine, leur attirance était tellement électrique que seule, Louise, complètement aveuglée par sa propre histoire, pouvait passer à côté. J’ai donc rapidement décidé qu’en ce qui me concernait, je n’allais rien décider du tout et laisser le destin ajuster les meilleures vacances de ma vie. C’était sans compter sur le destin dysfonctionnel qui m’attendait. Et pourquoi faire endosser au destin toutes mes mauvaises décisions, je ne suis même pas croyante.

Le retour jusqu’à la maison de vacances de la famille James a été plutôt comique, mais aussi laissait présager des moments mouvementés. Malgré un nombre indécent de shot de tequila, j’ai peut-être été la plus raisonnable, et surtout la seule assez consciente pour constater que Louise traînait derrière le groupe avec Thibault qui prétextait être à ses petits soins, étant donné qu’elle était susceptible de vomir à tout instant, ce qu’elle ne s’est pas empêchée de faire à maintes reprises sur les quatre kilomètres qui nous séparaient de la maison. J’ai vu aussi Antoine et Léa se cacher sous un arbre, ou encore Paul, le jumeau de Louise, se rapprocher bien dangereusement de la petite sœur de Bixente, Elaïa. Quant à moi, je profitais seulement de faire partie d’un groupe amical soudé. Il faut dire que Louise a quatre frères : Antoine, l’aîné, puis Henri et Pierre, jumeaux arrivés moins d’un an après et enfin Louise et Paul, jumeaux aussi, nés moins d’un an après les deux précédents. À cette famille très unie s’ajoutent deux amis d’Antoine venus pour quelques jours et des amis basques qu’ils ont depuis toujours.

La balade sur la Corniche est bienfaitrice, je lève les bras et profite de ce temps merveilleux et des températures douces malgré l’heure, il est trois heures du matin et il fait dix-huit degrés, le ciel est clair, des milliers d’étoiles nous regardent. Pierre et Henri sont aux petits soins pour moi afin que je ne me sente pas seule. C’est ce que j’aime dans cette famille, ils sont tous bienveillants et protecteurs. On se connaît depuis dix ans et les frères de Louise ne me traitent pas seulement comme l’amie de leur sœur, mais plutôt comme une de leurs potes, ce que j’apprécie notamment en ce moment où je me retrouve dépourvue de mes meilleures amies. Ils me font la conversation, ce qui a le don de me faire rire.

— Alors, Fleur… Louise nous a dit que tu avais réussi à intégrer l’école d’Arts que tu voulais sur Parcours Sup, me félicite Pierre.

Pierre James, un mètre quatre-vingt-sept, à vue d’œil soixante-quinze kilos maximum, très brun comme son jumeau, des yeux presque noirs, une peau mate, du premier janvier au trente et un décembre, et une vraie passion pour le basket. Mais ce que je préfère par-dessus tout chez ce jeune homme, au-delà de sa gentillesse, c’est sans aucun doute son sourire. Un sourire franc et perpétuellement accroché à son visage. Cet homme caractérise le bonheur d’être vivant, il est toujours de bonne humeur, jamais de saute d’humeur comme son frère aîné, toujours jovial, prêt à s’amuser et prendre du bon temps.

— Merci, et vous deux ? Toujours en prépa MPSI à Henri IV ? Henri IV… vous n’avez pas pu faire mieux ? je les charrie, car ces deux mecs sont brillants.
— Oui, toujours en train de restituer de la formule matin, midi et soir, sans toujours savoir pourquoi, rit Pierre.

Henri ne rétorque pas, il paraît préoccupé, ses yeux cherchent, dans la nuit, des réponses à ses pensées énigmatiques.

— Tu es bien silencieux, Henri ! Quelque chose te préoccupe ? On peut t’aider ? je le questionne.

Henri n’a pas le temps de dire quoique ce soit que Pierre saute sur l’occasion pour mettre mal à l’aise son frère :

— Notre petite voisine a bien grandi et ne le laisse plus insensible, déclare Pierre.
— Tais-toi, tu ne sais pas de quoi tu parles ! le sermonne Henri en souriant.
— Tu vois, Fleur, tu me crois maintenant, dès qu’on parle d’elle, le sourire de ce grand bêta devient interminable.
— Mais n’importe quoi, occupe-toi de tes oignons, Frangin ! continue Henri amusé.
— Et donc, qui est cette chanceuse ? je demande à Henri.
— Xana ! hurle Pierre.
— Ce n’est pas à toi que je demandais, monsieur Je mets mon nez partout, je réplique.
— Xana, avoue Henri. C’est la sœur de Patxi, tu sais notre voisin et aussi pote avec qui on joue aux jeux vidéo comme des tarés.
— Et c’est du sérieux ? je continue mes investigations.

Il met quelques secondes à répondre et, heureusement, Pierre n’en profite pas pour s’immiscer. Il semble aussi intéressé que moi par l’état émotionnel de son alter ego.

— Sérieux, je ne sais pas… je n’ai pas encore… je réfléchis encore à l’inviter, avec nous tous, boire un verre. Elle n’a jamais fait réellement partie du groupe, tu vois… Son frère, Patxi, étant un vrai geek, il refuse systématiquement de sortir avec nous, je n’ai jamais donc pu demander à Xana de se joindre à son frère. Enfin, bon, bref, tu vois, Fleur, je suis dans une impasse, m’avoue Henri, toujours très transparent sur ses sentiments.

Ce grand bonhomme semble tout à coup minuscule et démuni. Il m’attendrit, il est si adorable et paraît fragile malgré le fait qu’il soit plus grand que moi d’au moins vingt centimètres, comme son frère. Son frère… que j’avais complètement oublié pendant quelques minutes, en écoutant le dilemme d’Henri.

— Bon, Pierre ! Que pouvons-nous faire pour ce pauvre amoureux transi et silencieux ? je questionne mi-amusée, mi-stimulée.
— Vous aimez ça, vous, les filles, mettre en place des plans alambiqués, hein ? me répond Pierre.
— Nous, les filles ? Parce que, toi, tu t’en fous complètement de ce que vit ton frère ? Tu te fiches qu’il soit malheureux dans son coin ? je le défie.
— Ce n’est pas ce que je voulais dire…

Je ne lui laisse pas le temps de finir :

— Tu voulais simplement dire que tu ne savais pas comment t’y prendre pour ne pas passer pour un gros lourdingue. C’est bien ça que tu voulais dire ? je m’amuse avec lui.
— Il n’a besoin de personne, c’est un grand garçon ! réplique Pierre.
— Je pense qu’IL n’est pas de cet avis, sinon IL aurait dit quelque chose, donc laisse-moi faire !
— Style ! Tu penses sérieusement que tu connais mieux mon frère que moi ! Tu es sérieuse, Fleur ?
— Style ? Oui ! Je pense que tu n’as pas du tout conscience de ce qui se trame dans sa tête, émotionnellement parlant. Certainement que tu performes dans sa sphère sportive, mais dans sa sphère amoureuse… tu es à la ramasse mon grand ! je déclare en me moquant de lui.
— Parce que maintenant mademoiselle est experte en sentiment amoureux, je croyais que tu étais artiste et pas psychologue ! me dit-il sans se démunir de son adorable sourire.
— Cela ne vous dérange pas de parler de moi quand je suis là ! J’entends tout, vous le savez, j’espère ? coupe Henri.
— OUI ! hurlons-nous d’une seule voix, pas décidés ni l’un ni l’autre à laisser l’autre avoir raison.
— Alors, Henri, veux-tu que je… enfin, qu’on t’aide pour faire évoluer ta relation avec Xana ?
— Ou la vouer à l’échec, ironise Pierre.
— Mais n’importe quoi ! Il est un beau comme un Dieu ! Grand, mince et les yeux tellement noirs qu’on aimerait y plonger le regard pour s’y perdre à jamais. Il est intelligent, gentil, bienveillant et extrêmement séduisant. Quelle fille ne pourrait pas être subjuguée et flattée qu’un garçon comme lui soit intéressé ? je déclare, en m’apercevant dès que j’ai fini ma tirade, que je venais de lui faire pratiquement une déclaration d’amour.
— Tu sais, Fleur, ce qui me plaît le plus dans ton merveilleux discours très flatteur pour pousser mon frère à faire le premier pas ? me questionne Pierre.
— Non… je dis d’une voix fluette, tout à coup très incertaine.
— C’est que je prends cette déclaration pour moi aussi, étant donné que tout le monde dit qu’on se ressemble comme deux gouttes d’eau, aussi bien physiquement que mentalement, répond Pierre, galvanisé par mon malaise.
— C’était super gentil Fleur, tout ce que tu m’as dit, ne prête pas attention à cet idiot sans cœur ! sourit Henri.
— De rien, c’est sincère, je pense tout ça de toi ! dis-je en bravant Pierre.
— Et de moi, du coup ! continue Pierre.
— Oui, mais c’était avant de connaître ton côté lourd ! je lui dis en riant.
— OK, alors que préconises-tu, madame la marieuse ? demande Henri, soudain plus préoccupé par ses sentiments pour Xana plutôt que par la joute verbale entre son frère et moi.
— Eh bien, je pense que dès demain, lorsque vous serez chez Patxi, encore en train de jouer à vos jeux puérils, je pourrais venir vous chercher pour vous proposer d’aller à la plage et j’en profiterais pour dire à Xana de se joindre à nous… si elle est là.

Je constate que les frères jaugent la situation dans un échange silencieux que, seuls, eux deux peuvent comprendre, et la réaction ne se fait pas attendre de la part d’Henri :

— Comment ça, nos jeux puérils ? Ce ne sont pas des jeux…
— Vous n’avez retenu que ça ! Je n’y crois pas ! Bien sûr que pour moi, porte-parole du sexe féminin, comme souligne Pierre, vos jeux vidéo sont un passe-temps qui vous permet d’échapper à la vie réelle et qui vous laisse dans l’enfance. Bref, la plupart d’entre nous trouvent ces jeux pathétiques et parfois même rédhibitoires quand il s’agit de relation amoureuse. Xana doit penser que vous êtes les copies conformes de son frère et c’est pour cette raison qu’elle n’a même jamais pensé à vous comme une probabilité sentimentale.

Ils se fixent, de nouveau, ébahis et un peu dubitatifs.

— Vous pouvez me croire sur parole ! je déclare très sûre de moi.
— OK, pour demain. Viens nous chercher chez Patxi et demande à Xana si elle veut bien nous accompagner à la plage. C’est une excellente idée Fleur, merci, dit Henri soudain très enthousiaste par la perspective.

Nous le voyons s’éloigner à grands pas, comme si cette décision levait la brume qu’il avait devant les yeux.

— Il n’y a pas de quoi, Henri ! je lui crie, sachant qu’il est déjà hors de portée de ma voix.

Pierre pose alors une main sur mon épaule en la pressant légèrement, ce geste si doux me paralyse instantanément :

— Merci pour lui, Fleur, c’est adorable de ta part de venir au secours des grands frères de ton amie, me dit-il toujours avec ce sourire irrésistible plaqué sur sa bouche parfaite.

Restant sans voix, il s’en amuse et continue à me titiller :

— Et merci encore pour le chapelet de compliments !
— Je ne parlais pas de toi !
— Ce n’est pas grave, tout ce qui va à mon jumeau me va aussi !
— Que penses-tu d’Antoine et de Léa ? je lui dis pour changer de sujet.
— Ça y est, c’est reparti ! Tu fais ta marieuse ! rigole-t-il.
— Bah là, apparemment, ils n’ont pas besoin de moi, je lui réponds en lançant un coup d’œil vers le couple qui se forme.

Antoine a déposé Léa sur une de ses épaules pour faire la course avec Paul qui, lui, porte Elaïa. Arrivé vainqueur, Antoine ne veut pas déposer Léa par terre et s’attarde plus que nécessaire sur sa taille, la bloquant pour qu’ils soient face à face légèrement trop longtemps pour que cela soit anodin.

Quand je me retourne vers Pierre pour lui montrer que j’ai raison, je le trouve en train de me fixer de son regard profond et insondable tellement il est sombre en pleine nuit. J’essaie de relancer la conversation afin d’éviter ma gêne grandissante. Je ne sais pas ce que signifie ce regard, mais je suis certaine que Louise n’approuverait pas que ses deux amies soient chacune avec un de ses frères.

— Bon, allez, du nerf mon grand ! C’est censé être toi le plus sportif de nous deux et là, tu traînes ! je lui lance sur un ton qui se veut détaché.

La fin du chemin se fait dans un silence entendu. Nous savons implicitement que si nous ouvrons la bouche, la discussion tournera autour de la complexité des relations amoureuses et nous ne le voulons pas.

Chapitre II

Dès le lendemain, en fin de matinée, comme promis, je viens chercher Pierre et Henri chez Patxi. Sonnant à la porte, une jeune femme avec de grands yeux noisette m’ouvre.

— Tu dois être Xana ? je lui dis tout sourire.
— Oui, et tu es ?
— Fleur, une amie de la famille James. Je suis venue chercher Pierre et Henri pour aller à la plage. Mais, au fait, ça te dirait de venir avec nous ? On pourrait faire connaissance. Depuis le temps que je viens, on ne se connaît pas encore, il est grand temps d’y remédier. Qu’en penses-tu ? ne lui laissant pas trop de loisirs de me répondre par la négative.
— Oui, ce serait sympa, mais je te défie d’extirper ces trois-là de leur console, me dit-elle en lançant un regard énervé vers son frère, Pierre et Henri qui ont monopolisé le grand écran du salon.
— T’inquiète ! Regarde et apprends, Henri est un parieur invétéré, il ne pourra pas résister ! je lui réplique avec déjà une certaine connivence.

Elle lève la main pour taper la mienne en signe de pari, ce que je prends de suite comme un signe encourageant de copinage.

— Le premier qui se lève pour nous accompagner à la plage gagne une pinte de bière payée par mes soins et même une deuxième pour la personne de son choix ! je lance.

Dès qu’il entend ma voix, Henri est déjà debout, son bonheur est à son comble quand il s’aperçoit que Xana est à mes côtés, tout enjoué par le défi lancé.

— Et deux bières gagnées pour Henri et la personne de son choix ! Allez les gars, on y va, y’en a marre de ces jeux puérils ! J’ai envie d’aller à la plage ! crie-t-il.

Son enthousiasme ravit Pierre, mais est loin de contenter Patxi qui déclare :

— De toute façon, tu joues comme un pied depuis que tu es arrivé ! Tu seras, en effet, mieux à la plage qu’aux manettes !
— Je sais mon poto, je crois que je suis passé à autre chose, j’en ai ma claque de jouer ! Ne le prends pas pour toi ! sourit Henri à Patxi.
— Pas de blème, bro, le rassure Patxi. Mais moi, je vais continuer, car je crois que ce jeu a un vice de forme et comme je me suis déclaré comme bêta-testeur, je leur dois un retour pour la fin de la journée.
— Tu es devenu testeur de jeux ? Déconne ! demande Pierre.
— Non, il ne déconne pas, annonce Xana d’un air dépité.
— Félicitations Dude ! Putain c’est génial, et t’es payé ? le questionne Pierre, réellement intéressé par cette nouvelle aventure que vit Patxi.
— Grave ! Et c’est plutôt pas mal payé. Ils m’ont même envoyé un contrat pour que je puisse tester en free-lance.
— Il faut qu’on fête ça dès que tu as fini de travailler ! C’est le moment ou jamais, j’ai gagné deux bières ! lance Henri, hilare, avant de croiser mon regard interloqué et comprendre que la deuxième bière n’était pas destinée à son poto, comme il l’appelle.

Voyant que je lève les yeux au ciel complètement abasourdie par son comportement, il essaie maladroitement de se rattraper et il n’en devient que plus charmant. J’adore vraiment toute la famille James.

— Enfin, si tu n’as pas fini, je te préviens, la bière supplémentaire revient de droit à ta sœur ! dit-il en bafouillant un peu.

Quand je regarde Xana, je vois qu’elle aussi a pris conscience de la charmante gêne d’Henri. Elle prend de suite la balle au bond :

— Considère que tu peux me l’offrir dès maintenant, car avant que Patxi décolle de sa console, la bière sera chaude !
— Pour mon plus grand bonheur, dit Henri en s’apercevant bien trop tard qu’il a dit ça à haute voix.
— Bon puisque c’est décidé, on y va et les bières sont pour moi ! Il y en aura même une pour Pierre ! je déclare comme si personne n’avait entendu ce que venait de confier Henri.

Je ne crois pas que le sourire de Xana, à ce moment-là, aurait pu être plus radieux. Henri ose enfin croiser son regard et ils échangent une complicité que seuls les gens qui se plaisent partagent.

En sortant de la maison de Patxi et Xana, Pierre se tourne vers moi :

— Et nous voilà, encore tous les deux, esseulés. Pas trop triste, Fleurette ?
— Non mon Pierrot, tout va bien, je sais que je suis entre de bonnes mains bienveillantes et amicales.
— Bienveillantes, ça, c’est sûr, mais amicales, j’en doute.
— Je vais faire comme si je n’avais rien entendu et que, moi, je ne doute pas un instant que nous soyons amis ! je lui souffle.

Les jours suivants sont un mélange merveilleux de moments tranquilles au bord de la piscine des James, autour d’un verre le soir sur la terrasse, et d’instants euphoriques entre jeux dans la piscine et matchs de basket improvisés. Le jeu préféré des frères James dans la piscine est incontestablement le combat de Titans qui consiste à être par deux, une personne juchée sur les épaules de l’autre et qui doit faire tomber les autres duos. Lors d’une partie de Titans, Pierre s’approche de moi pour que nous fassions équipe :

— Fleur, ça te dit qu’on leur foute une raclée à ces gueux ? me dit-il.
— Je suis bien trop grosse pour monter sur tes frêles épaules ! je lui réplique.

Contrairement à Louise qui est grande et extrêmement mince et Léa qui est très petite avec un corps parfaitement proportionné, je suis, comme qui dirait, une fille pulpeuse. De taille moyenne avec mon mètre soixante-cinq, j’ai une poitrine imposante avec mon quatre-vingt-dix bonnet C et des hanches assez larges pour porter des enfants, comme dit ma mère croyant me faire plaisir. Mais cette réflexion est, pour moi, pire que tout, j’ai l’impression tout à coup d’être réduite à l’état de pondeuse. Malgré le fait de lui avoir dit d’arrêter de me le répéter, elle continue, je sais qu’elle pense toujours bien faire et bien dire, donc je la laisse perpétuer cette tradition gênante.

— On essaie quand même, avance-t-il.

Le fait qu’il ne me contredise pas me blesse au maximum, me prouvant qu’il me trouve trop grosse – En même temps, je l’ai cherché, je suis toujours en train de balancer des vannes sur mes formes et mon poids ! – Mais, quand même, il aurait pu atténuer le choc.

— Oui, c’est ça, essayons pour voir si mon fessier ne couvre pas complètement tes épaules, version football américain !
— Arrête, t’es trop drôle ! rit-il.

À ce moment-là, j’ai envie de le baffer, mais je n’ai pas le temps de rétorquer quoique ce soit que je le sens passer la tête entre mes jambes et me soulever sans effort, enfin je croyais avant d’entendre :

— Ah ouais quand même, ne bouge pas trop si tu veux qu’on ait une chance de gagner, me dit-il en riant.
— Trouve t’en une autre, pauvre débile ! je lui assène en descendant immédiatement de ses épaules.

Quand il voit m’éloigner et sortir furax de la piscine, il prend conscience de son indélicatesse et essaie de me rattraper, mais il est trop tard, je suis déjà dehors en train de me sécher. Je me suis précipitée dans la maison pour aller me rhabiller, mais dès que je suis hors de vue, je m’attarde pour savoir si quelqu’un va oser dire quelque chose, car de toute évidence, tout notre petit groupe a entendu l’affront que Pierre m’a servi. Les critiques ne se font pas attendre, pour mon plus grand plaisir.

— Tu es vraiment trop con ! lui envoie Henri.
— C’est vrai que tu n’y connais rien aux nanas ! Même moi, qui suis plus jeune que toi, je sais que c’est le type de réflexion qui ne passe jamais auprès d’une fille, aussi cool soit-elle, lui lance Paul.
— Tu vas bien ramer pour t’excuser, mec ! insiste Henri.
— Et je te conseille de le faire le plus rapidement possible avec un maximum de doigté et de gentillesse, finit Louise.
— OK, mais je ne pensais pas à mal ! Elle est super canon ! Pourquoi elle déconne toujours sur son poids alors ? J’ai voulu déconner avec elle c’est tout ! s’explique Pierre.
— Eh bien, c’est à elle qu’il faut dire cela et pas à nous ! lui impose Louise.

Les échanges fusent de toute part, mettant Pierre de plus en plus mal à l’aise, mais je préfère écourter mon indiscrétion et aller choisir des fringues qui vont me rendre encore plus « super canon », comme Pierre a dit. Je vais jouer la carte hyper sexy pour qu’il regrette ce qu’il a dit. J’espère qu’il sera tellement estomaqué qu’il en paraîtra stupide. En plus, nous devons aller à Saint-Jean-de-Luz ce matin pour aller chercher le dernier livre de Mademoiselle B, cette auteure incroyable de soft-porn. J’en ai précommandé trois afin que nous en ayons un chacune. Il sera donc évident pour tout le monde que je soigne ma tenue, personne ne se doutera que je veuille décontenancer Pierre.

Je choisis, en premier, les chaussures qui seront déterminantes pour la suite de ma tenue, car je veux absolument m’approcher des un mètre quatre-vingt-sept de Pierre. Et pour ceci, le choix est simple : mes sandales compensées Jimmy Choo de douze centimètres en cuir souple beige, ainsi, seuls dix centimètres nous sépareront. J’opte ensuite pour mon mini short en jeans, qui met en valeur mes hanches sans les accentuer, et un tee-shirt Levi’s beige, pour rappeler mes chaussures, ajusté sur ma poitrine saillante. Je remonte mes cheveux châtain clair en chignon coiffé-décoiffé et utilise une légère couche de gloss nude pour souligner l’air provocateur : je veux qu’il n’y ait aucun doute sur mes intentions de séduction.

Lorsque je refais mon apparition au bord de la piscine pour remémorer à mes amies que nous avons une course à faire chez le libraire, il est très agréable de constater que ma petite entreprise fonctionne à merveille. Le regard que me porte Pierre est sans équivoque, il me trouve, je crois, attirante – Bien fait, goujat ! – Les autres regards ne me détrompent pas, même Léa lance un sifflement extrêmement suggestif que je n’accepterais de personne d’autre que d’elle ou de Louise.

— Tu ne vas pas rentrer seule de notre balade chez le libraire ! m’assène Louise qui a bien compris ma manigance.
— C’est juste un short et un tee-shirt, pas de quoi en faire toute une histoire ! je lance tout à coup revigorée.
— On y va à vélo, ça vous dit les filles ? demande Louise en se tournant vers Léa et moi.
— Yes ! J’ai une patate, moi ! je rétorque complètement remise de l’affront de Pierre.

Léa et Louise sortent de la piscine et rentrent dans la maison pour aller se changer. Le calme revient, certains commencent à faire quelques longueurs quand d’autres s’allongent sur les transats pour lézarder.

— Fleur ? m’interpelle Pierre d’une voix douce et quelque peu embarrassée.

Je le mets au supplice en faisant la sourde oreille, je m’amuse avec sa gêne même si ma première vexation est partie depuis que j’ai fait face à son regard flatteur quelques minutes plus tôt.

— Fleur ? J’aimerais te dire…
— Pardon ? Que veux-tu me dire ? je lui demande avec le plus charmant de mes sourires.
— Je suis désolé pour ce que je t’ai dit tout à l’heure…
— Qu’est-ce que tu m’as dit déjà ? Ah oui, que j’étais un boudin, c’est ça ? je lui lance toujours le sourire accroché au visage.
— Tu sais très bien que ce n’est pas ce que j’ai dit et en plus, je suis loin de le penser, répond-il en me regardant avec son sourire dévastateur.

Telle est prise qui croyait prendre, je fonds devant ses lèvres parfaites que j’ai soudain envie d’embrasser – Mais ça ne va pas ! C’est le frère de ta meilleure amie ! – Je sens que je me mords la lèvre inférieure. Ce geste ne lui échappe pas et le jeu s’est retourné contre moi.

— Donc on est OK ? me lance-t-il, le visage soudain illuminé par la victoire.
— On est OK ! j’arrive à articuler avec difficulté.

Chapitre III

Les filles et moi pédalons jusqu’à la librairie Le 5e Art, il est dix heures piles quand nous arrivons et Fleur se précipite au comptoir.

— Bonjour, je vous ai précommandé par téléphone trois livres identiques, au nom de Fleur.
— Ah oui, le nouveau Mademoiselle B ! Vous savez que les ragots vont bon train, certains disent que le B est pour Basque ! m’annonce le libraire.

Le jeune libraire semble subjugué, il est intarissable et enchaîne avis sur avis sur les nouveautés, il me conseille d’autres livres, sans lâcher les trois précieux livres que nous attendons depuis plusieurs jours déjà. Je ne lui montre pas mon agacement et continue à sourire tout en ne lâchant pas mes livres des yeux, espérant lui faire comprendre que je ne suis venue que pour une chose : ce qu’il a dans les mains !

— Je vais me permettre de vous écrire sur un papier le titre des livres dont je viens de vous parler, m’informe-t-il, tout en prenant une feuille et un stylo, il joint l’acte à la parole.

Je me retourne vers mes amies, lève les yeux au ciel d’un air ennuyé, mais je vois qu’elles s’amusent comme des folles de me voir gênée. Quand, enfin, le jeune libraire me remet mon sac avec les trois fameux bouquins, il me tend aussi une feuille sur laquelle je découvre une liste de livres, mais surtout le dessin d’un bouquet defleurs où s’entremêlent roses, tulipes, camélias et il y a même une fleur de passiflore ; sur le bas du papier on distingue la signature d’un Mattéo avec son 07 entouré d’un cœur piégé dans des ronces. Et tout ce dessin réalisé en quelques minutes ! La magie opère instantanément, je ne suis plus moi-même, je ne sais pas ce qui m’arrive, mais je me sens me retourner brusquement vers le jeune libraire, le fixe et l’embrasse férocement sur la bouche, puis, prise de panique par mon audace, tourne les talons et sors de la librairie. Mes amies me suivent, hilares et stupéfaites, car c’est la première fois qu’elles me voient embrasser quelqu’un. Je sais que je peux plaire, mais je n’ai encore jamais été attirée par qui que ce soit… enfin, pas avant ce matin, au bord de la piscine, et le soir de notre arrivée, sur la Corniche, et il y a quelques jours, chez Patxi, et tous les jours, en fait ! Mattéo fait les frais de plusieurs jours de frustration.

Avant ce baiser instinctif et absolument déplacé à un complet inconnu, je ne m’étais pas rendu compte à quel point Pierre avait remué mes sens.

Devant l’effervescence de mes deux amies, je sors de ma torpeur, elles me félicitent d’avoir enfin pris la balle au bond, elles me font promettre de le rappeler rapidement, je les vois enregistrer dans mon portable un certain Mattéo. Je n’ose pas les contredire, me laisse porter par leur allégresse contagieuse. Elles m’accompagnent jusqu’à la place Louis XIV pour boire un café et déguster quelques macarons de chez Adam.

Je les entends faire des plans sur une future potentielle relation que je pourrais avoir avec ce Mattéo. Je leur souris sans conviction. Je regrette déjà ce baiser impulsif qui va me valoir une pression incontrôlable.

— Alors là, tu nous as bluffés ! insiste Louise en s’asseyant à la terrasse d’un café.
— Mais quel culot ma chérie ! continue Léa.
— Qu’est-ce qui t’a pris ? rigole Louise.
— Je ne sais pas, pour tout vous avouer, je regrette même un peu, j’ai honte de moi ! Il va penser que je suis une fille avec plein d’aplomb alors qu’au fond, je suis la fille la plus indécise possible ! je leur réplique en espérant que la discussion prenne un autre tournant.

Mais c’est sans compter sur leur ténacité. Leur stupéfaction est telle qu’elles n’arrivent pas à parler d’autre chose. Il faut dire que depuis que nous nous connaissons, jamais je n’ai été aussi téméraire. Elles me font jurer d’appeler le jeune libraire dès notre retour à la maison. Je me dis qu’après tout, je ne risque pas grand-chose à lui téléphoner, alors je leur promets de le faire dans la journée.

— Bon, si on rentrait ! Un bouquin nous attend ! je lance.
— Tu as raison. Après tout, c’est notre journée lecture et rien ne pourra changer ça ! souligne Léa.

Sur le chemin du retour, je me fais charrier avec tendresse. Leur entrain me laisse à penser que ce libraire a des atouts non négligeables et surtout possède des passions que je partage : le dessin et la lecture… ce que Pierre, à ma connaissance, ne partage pas – Mais pourquoi, bon sang, je n’arrive pas à me le sortir de la tête ?

Arrivée la dernière au portail, mon esprit est totalement déconnecté du reste de mon corps, mes idées sont confuses, comme souvent, ce qui me vaut de m’étaler de tout mon long en descendant du vélo. Deux bras bronzés m’entourent sous les aisselles pour m’aider à me relever :

— Tu vas bien ? me demande Pierre en me remettant sur mes pieds.
— Mais comment es-tu arrivé si vite ? je le questionne, surprise, mais heureuse que ce soit lui, avant de me rendre compte que tout le côté de ma jambe gauche est écorché.
— Purée, mais tu saignes ! crie Pierre.

Tout le monde se précipite sur moi pour constater l’étendue des dégâts : certains graviers sont encore incrustés dans ma chair. Léa et Louise plissent les yeux, l’air un peu écœuré. À leurs expressions, je comprends qu’aucun d’entre eux a l’intention de m’aider à nettoyer ces écorchures, excepté peut-être… l’objet de toutes mes frustrations.

— Accroche-toi à moi, je t’emmène dans la salle de bain, on va nettoyer tout ça, OK ? me propose Pierre.
— Aïe ! est la seule réponse que j’arrive à articuler.
— Tu vas essayer d’y aller à cloche-pied en t’appuyant le plus possible sur moi.
— Je crois que tu vas être obligé de me porter, je lui dis en tentant d’être drôle.
— Ne recommence pas !

Mais c’est plus fort que lui, il se met à glousser puis il s’esclaffe carrément.

— Tu me mets au défi, Fleur ? me sonde-t-il.
— Pas du tout, je ne voudrais surtout pas abîmer tes épaules fragiles, je lui dis en souriant, enfin plutôt avec une sorte de rictus mi-amusé mi-douloureux.
— Agrippe-toi bien ! dit-il en me soulevant jusqu’à son épaule.

Et il s’amuse en faisant semblant de plier sous mon poids. Son humeur joyeuse amène une hilarité générale. Il en profite pour me claquer les fesses en m’ordonnant de ne plus bouger. Malgré la douleur lancinante de ma jambe, j’arrive à en rire. Il accomplit l’exploit suprême de singer une révérence devant son public conquis avant de rentrer dans la maison. Il me porte jusqu’à la salle de bain du bas où il me dépose sur le bord de la baignoire avec délicatesse. Mes plaies me mettent de nouveau au supplice, je presse mes yeux pour éviter que les larmes coulent. Quand j’arrive à les réouvrir, Pierre est au-dessus de moi prêt à nettoyer mes vilaines blessures, il a sorti toute l’armoire à pharmacie.

— Allez, ma jolie, sois forte, je vais déjà retirer tous les petits cailloux et ensuite je vais désinfecter tout ça ! m’informe-t-il.
— Huummm…

Quand il a fini par extraire un par un tous les minuscules cailloux, il prend la bétadine et m’en asperge la jambe.

— Aaah ! je hurle, laissant les larmes couler abondamment, sans même essayer de les retenir.
— Excuse-moi, tu me mets au supplice, mais je n’ai pas le choix pour éviter l’infection ou l’amputation, ironise-t-il.
— Jeee… te… détesteeee…
— Non, tu m’adores ! Sans moi, tu serais toujours allongée dans l’allée, entourée d’une bande d’individus incapables de te secourir, alors qu’est-ce qu’on dit à Pierre ? demande-t-il en me souriant, à genoux devant moi.
— Merci, j’arrive difficilement à articuler.

Soudain, je sens son pouce essuyer mes larmes. Ce geste si intime m’empêche de ressentir la brûlure qui faisait rage sur ma jambe quelques secondes avant. Je crois que j’ai oublié de respirer, si bien que je me mets à surventiler.

— La douleur va s’estomper, rassure-toi. Il faut que tu restes tranquille pendant quelques minutes, OK ? m’impose-t-il.

Je reste muette, noyée dans son regard noir. Il est magnifique, je n’avais pas vu qu’il était uniquement vêtu d’un bermuda, son torse imberbe est un appel à la caresse – Non, non, non, ce serait une très mauvaise idée, c’est toujours le frère de ma meilleure amie !

Maintenant que la douleur s’est un peu dissipée, je retrouve ma voix que je veux désinvolte :

— Merci Pierre… vraiment, merci, je t’en dois une !

Sur ces paroles, je me lève péniblement. Il m’aide de nouveau en me prenant par la taille :

— On va, tout d’abord, te retirer tes chaussures démesurées pour une blessée et ensuite tu vas poser le pied délicatement par terre, OK ?
— Oui, docteur ! j’essaie d’avoir un ton léger.
— Évitez les moqueries, mademoiselle Holz, sinon votre docteur va être obligé de vous prodiguer un examen complet, me dit-il d’une voix chaude et sans équivoque.

C’est à ce moment que Léa et Louise déboulent dans la salle de bain, demandant des nouvelles de la grande blessée.

— Alors, est-ce que Pierre a réussi à opérer ? raille Léa.
— Ah ouais, quand même, tu ne t’es pas loupée, avoue Louise en regardant ma jambe.
— Oui, Pierre a été génial. Merci encore, je lui dis en m’éloignant à contrecœur, flanquée de mes deux amies de nouveau au petit soin pour moi.

Nous allons directement dans le jardin pour savourer notre livre, mais à peine assise, Louise raconte à l’assemblée mon exploit avec le libraire. Tous ont l’air de se réjouir de mon audace, sauf Pierre qui reste stoïque.

— Je l’avais bien dit qu’habillée comme ça, elle n’allait pas rentrer seule de notre escapade en ville, rit Louise.
— Au fait, appelle-le maintenant, insiste Léa.
— Oui, appelle-le ! Eh oui, les gars, il lui a laissé son numéro avec un dessin qu’il a réalisé en quelques minutes ! Ce mec est un sacré artiste, en plus d’être un intello ! Tout pour plaire à notre Fleur ! crie Louise.
— Plus tard peut-être, je murmure sans oser lever le regard vers Pierre, dont je sens le regard encore plus sombre que d’habitude.
— Comment ça plus tard ? Il n’en est pas question, après le baiser fougueux que tu lui as plaqué sur les lèvres, il doit attendre impatiemment un deuxième ! continue Léa.