AD VITAM ÆTERNAM TOME II - Jean Amblard - E-Book

AD VITAM ÆTERNAM TOME II E-Book

Jean Amblard

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Beschreibung

L'identité Paysanne En se mariant Liva et Janis héritent des fermes familiales de Lettonie et de Sabaillan dans le Gers. Cela ne fait qu'exciter leur désir de devenir Paysans. Ils ont avant tout à régler le problème d'identité de Liva qui débarque sur Terre à 30 ans. Maïa la journaliste va s'investir pour les aider dans leurs démarches.

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Veröffentlichungsjahr: 2024

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Photo de couverture :

D’Artagnan et la Tour Armagnac à Auch, Gers.

En 1545 une des prophéties de Nostradamus de passage à Auch aurait ainsi prédit notre siècle : "Lorsque le feu céleste aura annihilé la vie des mers et l’Antéchrist poison et malfaisance répandu, alors nombreux Petits Paysans saine vie et saine nourriture au peuple offrira !"

Il ne faut pas s’arrêter sur les cailloux du sentier, mais penser au sommet. Kalou Rinpotché

SOMMAIRE

1 Résumé du Tome I

2 Janis reprend le travail

3 Les amis de la réincarnation

4 Un espoir provisoire se dessine

5 Dimanche à la ferme Rozkalnis

6 Convocation au bureau de l’immigration

7 Née en 1778 ? ok, des preuves

8 Mariage civil possible à Sabaillan ?

9 Samedi enneigé à Straupe Lettonie

10 Quelques pistes dans les archives

11 Samedi prochain dans le Gers

12 Le Gers nous accueille

13 Minuit chrétien à l’abbaye de Boulaur

14 Le mariage civil à Sabaillan Gers

15 Visite chez marraine 108 ans.

16 La vie paysanne en réflexion

17 Retour en Lettonie le 2 janvier

18 Semaine spéciale en Lettonie

19 Samedi à la bibliothèque nationale

20 Dimanche chez oncle Imants

21 Ministère Intérieur, service immigration

22 Les journées de Līva

23 Nouvelle convocation au ministère

24 Expertise graphologique

25 La femme lettone est l’avenir de l’Homme

26 Retour à la bibliothèque nationale

27 Le col du fémur de mémé Louisette

28 Message du bureau des immigrations

29 Soirée étonnante chez les Amoretti

30 Maïa tient le scoop de sa vie

31 Et la fougère en fleur ?

32 Fin juin à Sabaillan

33 Genèse des poulets du Gers de Louisette

34 Pépé, raconte-nous ton Italie

35 Mercredi Maïa revint après la sieste

1. Résumé du Tome I

Līva Berziņa et Hans Von Kahlen sont nés en 1778. Jusqu’à trente ans ils ont grandi à moins de cent mètres l’un de l’autre. Hans était fils du baron balte Ludwig Von Kahlen de Graši et Līva fille de son majordome Austris Berziņs. L’amour s’en mêla… Un projet d’union pas simple à cette époque et probablement maintenant encore ? Mais c’est bien connu, l’amour casse toutes les barrières ! La cérémonie de leur mariage le 8 novembre 1808 allait tout juste commencer dans la petite chapelle privée des barons lorsque Hans, haut-gradé, fut appelé sur le champ à réintégrer son régiment pour défendre la patrie. Et cela juste lorsqu’il entrait dans la chapelle où l’attendait sa promise Līva. La cérémonie s’arrêta là, avant de commencer. Et Hans disparut…

Depuis ce temps, Līva passa sa vie à l’attendre dans les rues de Rīga, capitale de la Lettonie. Elle s’éteignit en 1860 mais son âme continua cette attente. Enfin, 200 ans plus tard elle l’aperçut sur la place Brivibas. Il s’agissait de la réincarnation de Hans devenu Jānis Ozols. Il est Occitano-Letton, directeur de l’Institut Français de Lettonie. Il a fait ses études universitaires à Toulouse. Sa mère Nicole, fille de Petits Paysans, a grandi à Sabaillan dans le Gers jusqu’à ce que l’amour l’entraîna à Rīga où elle enseigna au lycée français avec son mari Guntars jusqu’à la retraite.

Depuis sa plus tendre enfance, Jānis passe toutes ses vacances d’été chez ses grands-parents maternels dans le Gers à Sabaillan. Il aime cette ambiance familiale paysanne, c’est son refuge ! Il rêve depuis toujours de devenir Paysan avec un P majuscule.

Līva, bien qu’immatérielle, put communiquer avec Jānis et lui proposa un plan agréé par le Ciel : Pour qu’elle redevienne humaine, il fallait qu’ils se marient obligatoirement ce 8 novembre prochain.

Après maintes péripéties, le pari réussit ! Elle redevint de chair et d’os. Lors de la noce, oncle Imants leur fit le plus beau des cadeaux : La ferme familiale Rozkalnis où leur rêve Paysan pouvait désormais devenir projet de vie.

Līva et Jānis réussirent donc à se marier mais seulement religieusement, sans pièce d’identité de Līva et pour cause ! Les prochaines étapes officielles ne seront probablement pas aussi faciles. De plus Līva n’en démordra pas : elle veut prouver au monde entier que la vie est éternelle. Sa dernière date de naissance connue, le 26 mars 1778, doit figurer sur ses papiers d’identité ! Arrivera-t-elle à ses fins ?

2. Jānis reprend le travail ce matin

Lundi matin 7h, voilà le réveil qui recommence ! Oui, il faut se lever et reprendre le rythme. Mais surprise !

— Que vois-je ? Notre petit déjeuner est déjà tout chaud sur cette belle nappe fleurie. C’est un cadeau de mémé Louisette ! Il y a des initiales sur un angle. Līva sais-tu pourquoi ?

— Ne parle pas et prend ton petit déjeuner Jānis, il va refroidir. Bien sûr que je sais ! J’avais moi aussi pendant presqu’un an brodé tout mon trousseau et même ma robe de mariée. Les initiales sont probablement celles d’une de tes aïeules qui avait comme moi réalisé son trousseau pour son mariage.

— Oui, exactement ! Mais cette nappe a été brodée non pas à la veillée mais en gardant les chèvres ! C’était mon arrière-grand-mère de la Motte de Galaure dans la Drôme qui les avait préparées pour son mariage ! Grand-mère Louisette m’a tout raconté, elle en a hérité une pleine armoire !

— Mange donc, l’heure passe vite à ta pendule ! Nous, nous n’avions que le soleil pour nous donner l’heure ! Mais notre horloge biologique fonctionnait à la minute près ! Chez toi au manoir, il y avait une pendule que j’aimais bien écouter lorsqu’avec maman nous allions faire le ménage ou la cuisine : Tic tac tic tac…et elle sonnait les heures. Mais voilà que je repars 200 ans en arrière… Pardonne-moi encore.

— Continue ! j’adore tes histoires du temps passé. Tu as sans doute beaucoup de choses à nous réapprendre car en 200 ans nous avons presque tout perdu de nos savoir-vivre et savoir-faire. Tiens, si tu as le temps, il serait intéressant que tu notes tout ce qui te viendra à l’esprit sur ce que tu sais depuis ce temps-là. Regarde la vie contemporaine : crois-tu que tous ces gens que tu croises dans la rue seraient capables de survivre s’ils se retrouvaient parachutés dans une immense forêt sans connexion internet, sans électricité, sans eau courante, sans abri, sans supermarché, sans restaurant, sans frigo, sans clim ou chauffage, sans GPS ? Et encore… les Lettons même de la ville ne seraient pas les plus à plaindre, ils savent encore un peu. Mais prends par exemple un Parisien, un Londonien, un Newyorkais : combien de jours survivraient-ils ?...

Oupa (expression lettone), je dois absolument partir, je ne suis pas du genre "patron qui arrive en retard". Je serai là sans faute à 17h15. A pied il me faudrait 25 min mais en vélo c’est moins de 10 minutes !

3. L’association "les amis de la réincarnation"

En poussant la lourde porte 9 Bulvaris Raina (9 boulevard Raïnis du nom de l’écrivain et poète letton) Jānis attendra quelques minutes avant d’aller à la rencontre de chacun de ses collègues de l’Institut Français. Les cours de français pour les deuxièmes années commencent aujourd’hui. Ils se sont réinscrits nombreux cette année encore ! Cela engage deux de ses collaborateurs. Il sera là quelques minutes pour accueillir les étudiantes et les étudiants. Cette formation est d’un bon niveau car une grande partie des participants a déjà une promesse d’embauche à Brisele (Bruxelles) ou dans les Ministères pour la traduction des documents administratifs. Hors-mis anglais, espagnol ou français, "les petites langues" sont un peu pénalisées car, des dossiers consistants, la Commission Européenne en pond tous les jours et il faut traduire au fur et à mesure !

Jānis, ou plutôt Mr. Ozols, va passer la journée à visiter chaque bureau de l’Institut. Il veut s’assurer que le nouvel organigramme qu’il a démocratiquement mis en place la première semaine de son poste de directeur est bien au point. Pour une meilleure efficacité, il faut que chacun se sente bien dans le rôle qu’il a choisi.

Il n’y a que quelques jours qu’il est directeur, un peu au pied levé il faut le dire. Dès la première heure de reprise du travail après son séjour d’été à Sabaillan, Son Excellence l’Ambassadeur de France en Lettonie le nomma en remplacement de l’ancien directeur. Un peu surpris par cette précipitation, Mr. Jānis Ozols ne savait plus s’il fallait s’en réjouir ou pas. Mais connaissant bien la maison depuis plusieurs années, il prit en main son nouveau rôle et résolut en une semaine ce que son prédécesseur n’était pas arrivé à mettre en place en cinq ans ! Il ne faisait confiance à personne et se sentait obligé de prendre les décisions seul. Tandis que Jānis, en instaurant la démocratie participative, créa immédiatement une nouvelle atmosphère apaisante. La bonne ambiance et l’efficacité ont été immédiatement ressenties 9 bulvaris Raina !

Mais Mr. Jānis Ozols avait un petit pincement au cœur en poussant la porte de son ancien bureau. Il retrouvait sa collègue Inta Pļaviņa qui vivait en secret un amour platonique pour lui. Il l’avait bien compris depuis des années mais ne voulait pas d’embrouilles de ce genre. Surtout avec une collègue en instance permanente de divorce. Cela n’empêchait pas des relations professionnelles normales et il s’empressa de lui demander de ses nouvelles, des nouvelles de son poste et aussi de l’ambiance avec ses deux collègues qui travaillent sur les dossiers urgents.

— Comment allez-vous Inta ? Je suis heureux d’avoir de bons échos de l’efficacité de ce bureau qui avait toujours été surchargé de mon temps. Mais je vois qu’avec le troisième poste que nous espérions depuis longtemps, tout est rentré dans l’ordre !

— Bonjour Jānis, puis-je toujours vous appeler par votre prénom ?

— Bien entendu Inta ! Cela va de soi ! Nous avions déjà convenu qu’étant anciens collègues nous ne changerions rien à nos relations et nous utiliserions nos noms de famille seulement en cas d’obligation protocolaire.

— Merci Jānis pour ce troisième poste qui a vraiment changé l’ambiance. Je vois que votre nouveau grade ne vous est pas monté à la tête et d’ailleurs je vous dévoile là le reflet des bruits de couloir ! Tout le monde vous aime bien pour votre sens inné de la démocratie, votre simplicité et votre efficacité !

— Je vois dépassant de votre sac à main une revue qui m’intrigue !

— Pourquoi ? Est-il désormais interdit d’amener son sac personnel au bureau ?

— Non, non Inta, vous êtes parfaitement libre. Le titre de cette revue ne me paraît pas enthousiasmant si je puis me permettre, puisque nous nous connaissons bien.

— De temps en temps je l’achète mais on ne la trouve pas dans tous les kiosques.

— "La vie après la mort" ? ce n’est pas un titre bien réjouissant ? Sans indiscrétion, est-ce religieux ?

— Pas du tout, ce sont souvent des témoignages de personnes ayant vécu une E.M.I. Expérience de Mort Imminente.

— Ah je connais bien ce thème, je m’y intéresse beaucoup. Est-ce que par hasard il n’y aurait pas d’articles sur la réincarnation ?

— Quelquefois. Et d’ailleurs il me semble que sur ce nouveau numéro il y a un petit encart à ce sujet, j’ai juste survolé. Si vous voulez, demain je peux vous le prêter lorsque je l’aurai lu ?

— Merci Inta c’est gentil, mais dites-moi seulement où l’avez-vous acheté et pendant la pause j’irais si ce n’est pas trop loin.

— Non, c’est juste le petit kiosque à l’angle de Brivibas bulvaris, pas loin du restaurant "Lido".

— Merci Inta ! Sur quel dossier travaillez-vous en ce moment ?

— Ben, toujours sur la préparation du "Printemps Français". Depuis son agrément au Ministère des Affaires Étrangères à Paris, nous en sommes à la communication avec la mairie de Rīga. Le maire nous recevra bientôt. Vous nous représenterez.

— Bonne journée Inta !

Jānis profitant de la pause du matin, courut vite au kiosque acheter cette revue qui promet d’être intéressante. Et au moment du repas de midi, il alla s’assoir en terrasse à la boulangerie des "Cadets de Gascogne" dont les patrons sont Toulousain et Palois. Juste un sandwich jambon beurre et un verre de Kvašs (le "coca letton" à base de malt). Mais l’intérêt pour lui était de se plonger dans cette revue. Et comme par enchantement, le thème recherché se trouvait dans un petit encart. Une association sise à Rīga "Les amis de la réincarnation" paraissait bien installée avec de nombreux adhérents et un numéro de téléphone fixe, ce qui est rare en Lettonie. Sans plus attendre il appela et une voix féminine apaisée, paraissant d’un certain âge, lui répondit :

— Bonjour Monsieur ! Depuis la parution en kiosque ce matin, je n’ai pas quitté mon poste ! Vous devez être la vingtième personne qui nous contacte.

— Bonjour Madame. Je suis intrigué par votre association et assez intéressé. Comment en savoir davantage ?

— Ecoutez Monsieur, nous avons une réunion samedi matin à 10h, venez vous joindre à nous ! Vous serez le bienvenu !

— Puis-je venir avec ma femme ?

— Bien entendu ! Donc à samedi matin 10h Merķeja iela 8 (8 rue Merkièïa) au deuxième étage, porte de droite (en Lettonie il n’y a pas de rez-de-chaussée, on entre directement au premier.) A bientôt cher Monsieur !

A 17.15 Jānis toquait à la porte de son… de leur appartement. Līva venait de découvrir par hasard la radio et était littéralement scotchée aux baffles de la sono. Jānis aime bien la musique traditionnelle et reste donc connecté à Latvijas Radio Divi (LR2).

— Labvakar mans eņģelis ! (Bonsoir mon ange !). Comment as-tu passé ta première journée de solitude ?

— Merveilleusement bien ! En tournant ce bouton, je suis tombée sur une chanson de mon enfance avec un accompagnement d’instruments de mon époque. J’avais la chair de poule et les yeux humides car je connaissais les paroles et cette musique était d’une qualité exceptionnelle ! Du coup je suis restée clouée dans le canapé à me délecter ! Mais j’ai quand même préparé pusdienas (le repas de mi-journée) avec ce que j’ai trouvé au frigo. Je n’ai pas tellement l’habitude des ces boites toutes prêtes, ce n’est pas très appétissant.

— Je suis heureux que tu sois heureuse ! Mais pour le repas, je n’ai pas bien faim pour le moment. A l’Ambassade de France nous vivons au rythme de la France donc pour le repas de mi-journée qu’on appelle déjeuner, nous avons la pause à 12h ! Je ne t’avais pas avertie, pardon. Oui, en Lettonie c’est différent, nous avons pour habitude de déjeuner tard. Cela ne fait rien, mange seule et nous dinerons ce soir au self du Lido.

— Pas de souci Jānis, je dois prendre le même rythme que toi. Je n’ai pas faim et j’attendrai le repas du soir sans problème.

— Que dirais-tu si samedi à 10h nous allions à la réunion d’une association ? J’ai pensé que cela pourrait nous intéresser parce que le sujet tourne autour de la réincarnation.

— Comment as-tu déniché cette association et quel est son objectif ?

— Simplement par hasard sur cette revue. Mais je n’en sais pas grand-chose, l’article n’est pas développé. Apparemment ce sont des gens qui se réunissent pour parler de ce sujet. Il y avait un numéro de téléphone. J’ai appelé, nous pouvons participer à la prochaine réunion qui aura lieu samedi à 10h. Je pensais que nous irions chez oncle Imants mais ce sera plutôt dimanche si tu veux bien.

— Tout me convient avec toi à mes côtés ! Merci pour tout, mans milotais ! (manns milotaïs, mon amour)

— Au téléphone j’ai dit que je venais avec ma femme. J’espère qu’il n’y aura personne de mes connaissances…

Très vite la semaine passa, chacun ayant trouvé ou retrouvé ce qu’il cherchait depuis belle lurette, c’est le moins qu’on puisse dire ! La vie à deux c’est quand même autre chose pensait Jānis et sans doute Līva n’en pensait pas moins.

Samedi matin 10h, Merķeja iela 8. Dans la salle du deuxième étage, porte de droite, une vingtaine de personnes étaient déjà installées et notre couple n’était pas le dernier arrivé. Comme il n’y a pas de quart d’heure gascon, et c’est tout à leur honneur, la rencontre commença immédiatement. Sur une petite estrade face au public, trois femmes officiaient : La présidente, la secrétaire et la trésorière, trois femmes comme d’habitude en Lettonie. Où sont les hommes à part Jānis ?

— Bonjour Mesdames et Monsieur. Mon nom est Stroda-Eglita, je suis la présidente de l’association et nous souhaitons la bienvenue aux nouveaux participants. Notre groupe prend de l’ampleur et nous en sommes toutes et tous ravis.

Tout d’abord présentation des participants pour intégrer les nouveaux arrivés. Pour la plupart ils étaient là grâce à cet article de presse. Chacun se présente plutôt timidement comme il est de coutume en Lettonie et vint le tour de Līva :

— S’il vous plait, je préfère que ce soit mon mari qui nous présente. Ce sera plus facile pour moi qui n’ai pas l’habitude de m’exprimer en public.

— Bonjour Mesdames et Messieurs. Nous sommes de Rīga et ayant vu par hasard cet article de presse nous voudrions en savoir plus : pourquoi cette association ? Que peut-elle apporter à nos interrogations ? Et dans la mesure où nous y trouverions notre intérêt, comment y adhérer ?

Quelques minutes plus tard :

— Mesdames et Messieurs, les présentations étant terminées, le débat peut commencer. Je vais tout d’abord présenter l’association qui n’a absolument aucun but lucratif. Il s’agit simplement de débattre entre personnes intéressées sur un sujet qui n’est abordé nulle part ailleurs dans nos cultures occidentales. Et pourtant il devrait être primordial pour nous situer dans notre existence.

— Madame la présidente, reprit Jānis. J’imagine que vous êtes à l’origine de cette association. Pouvezvous nous dire pourquoi et comment ?

— Voilà un sujet qui va nous prendre quelques minutes mais comme je vois que l’assemblée est devenue importante à la suite de cet article, je vais essayer de vous expliquer le pourquoi et le comment :

Il y a environ un an, c’était une journée assez chaude du mois de juillet, je savourais ma récente retraite. Je m’étais assise au frais sur un des bancs de Balstekalna parks, près du canal où barbotaient les canards colverts. Une dame d’un âge difficile à déterminer, vêtue de ce qu’il me semblait des guenilles, m’accosta. J’ai immédiatement pensé à une mendiante comme malheureusement il y en existe encore chez nous. Mais elle avait quelque chose de différent. Je sortis mon porte-monnaie mais elle repoussa mon geste. Elle se livra et cela dura des heures. J’étais complètement perdue, elle me racontait des choses vraiment inimaginables.

— Continuez Madame la présidente, je vois que vous êtes très émue et nous le sommes tous. Continuez !

— Elle me raconta alors des choses que jamais de ma vie je n’avais entendues. Elle me disait qu’elle avait vue la construction de l’église San Peteris (Saint Pierre) au début du XIIIème siècle ! Morte de la peste vers l’âge de 40 ans, elle refusa que son âme parte vagabonder dans le Cosmos. Elle aimait trop sa ville et voulait voir l’aboutissement de la construction de cette église. Elle souhaita vivement assister à son inauguration. Elle était fascinée par son clocher de plus de 120m de hauteur. Elle obtint gain de cause mais ensuite son âme ne put quitter cette l’église durant des siècles. Personne ne l’avait jamais vue, elle était immatérielle. Puis quelques jours avant notre rencontre, elle me raconta qu’un matin elle se sentit revenue dans son corps au même âge et avec les mêmes vêtements qu’elle portait lors de son décès.

Le problème de cette dame qui parlait une langue lettone approximative, sans doute la langue ou le dialecte de cette époque, était surtout de se réintégrer dans la société. Comment pourrais-je l’aider ? Pensaisje. Avant ma retraite je travaillais dans l’administration et immédiatement je fis le diagnostic de sa situation : Le gros problème ce sera son identité ! Elle n’avait aucune identité officielle alors comment travailler et vivre dans notre société sans cela ? Et je dois vous dire que la solution nous l’avons trouvée ! Bouleversée par cet évènement je me suis informée sur la réincarnation, ce qui me motiva avec quelques amies à créer cette association.

Immédiatement Līva et Jānis se regardèrent et deux secondes plus tard la question fut posée :

— A-t-elle eu des papiers d’identité officiels et comment ?

— Effectivement ! Maintenant elle est auxiliaire de vie chez des personnes âgées et elle paraît heureuse. J’ai droit à des bouquets de fleurs presqu’en permanence !

— C’est une histoire vraiment passionnante et toute à votre honneur. Mais pouvez-vous nous dire qu’elle a été la démarche pour obtenir les documents officiels ?

— Votre question m’embarrasse. Vous me pardonnerez de ne pas vous répondre car ce n’est ni but ni le sujet de l’association.

Il va sans dire qu’après la rencontre qui aborda des sujets ordinaires de la réincarnation dans le corps des nouveau-nés, Jānis et Līva attendirent la présidente dans le couloir pour d’évidence connaitre l’aboutissement de cette histoire. Durant l’aparté, Līva expliqua être dans le même cas.

— Madame et Monsieur, je comprends que vous soyez vraiment intéressés pour en savoir plus. Je vais être obligée de vous raconter l’histoire jusqu’au bout. Mais à une condition imposée par qui de droit ! Silence absolu ! A 15 h dans ce même Balstekalna parks, est-ce possible pour vous ?

— Bien sûr ! rétorqua immédiatement Jānis.

— Nous profiterons d’une des dernières journées agréables de l’année. Nous sommes début septembre, bien qu’il n’ait pas encore plu une goutte de l’été, la fraicheur de l’automne est annoncée !

— Oh Madame ! Comment vous remercier ? Nous serons à l’heure et respecterons les obligations de secret absolu ! A cette après-midi !

Et c’est avec le cœur palpitant que nos deux éternels amoureux attendirent 15h, sans même prendre le temps du repas. La grosse cloche de Dome (la cathédrale protestante) enfin réhabilitée après les grosses lézardes du clocher dues à la sécheresse, sonnait ses trois coups. Et précis comme de vrais Lettons qu’ils sont tous les trois, les voici entourés des canards et des pigeons mendiant quelques grains sur le pont des cadenas.

— Asseyons-nous sur ce banc proposa Jānis. Merci Madame d’avoir pris de temps de cette rencontre qui, comme vous vous en doutez, est importante pour nous.

— J’avais bien compris cela ce matin en fin de réunion. Je vous écoute ?

— Voilà, nous pensons avoir votre confiance pour vous livrer notre secret qui ressemble beaucoup à ce qu’a vécu cette dame réincarnée après tous ces siècles à errer.

— Je vous écoute…

— Voilà. Mon épouse et moi savons que la réincarnation est réelle puisque nous la vivons tous les deux mais différemment. Et il refit l’historique depuis le début du XIXème jusqu’à ce jour.

— Effectivement, dit la dame, c’est vraiment exceptionnel ce que vous vivez. Et je ne suis pas étonnée sinon cette association n’aurait pas vu le jour.

— Jānis reprit : Voilà notre vrai problème concernant la situation de Līva : Elle s’apparente à celle de la dame que vous nous avez décrite. Comment Līva pourrait-elle officiellement retrouver son identité ou plutôt des documents l’attestant ?

— La démarche que nous avons entreprise pour que cette dame soit autonome dans la société est encore provisoire mais elle a des papiers d’identité. Mr Eglitis, le frère de mon mari, est par chance encore en activité et travaille au Ministère de l’Intérieur au service de l’immigration. Cette dame a été identifiée par lui selon les critères suivants : elle a décliné son identité : prénom et nom, date et lieu de naissance, ceux de ses parents, frère et sœur. Puis l’âge auquel elle est décédée qui est devenu son âge actuel figurant sur les documents. Sa pièce d’identité est donc officielle mais provisoire pour trois ans, le temps de trouver une solution pour sa vraie date de naissance.

— Que pourriez-vous faire pour nous ? Pour le passeport de Līva ? Pensez-vous que la même démarche pourrait-être entreprise pour solutionner au moins provisoirement notre plus grand souci ?

— Mais comment avez-vous pu vous marier sans document ? c’est impossible !

— Jānis : En fait pour le moment nous ne sommes mariés qu’à l’église. Le Pasteur protestant de Cēsvaine confiant a accepté avec seulement mon identité. Mais là aussi c’est très provisoire car le passeport de Līva devra être bientôt présenté pour clôturer le dossier de la paroisse. Il y aura aussi le mariage civil qui nécessitera obligatoirement les documents. Et puis je travaille au Ministère des Affaires Étrangères Français et nous aurons souvent à voyager en Europe ! Madame s’il vous plait, pourriez-vous résoudre notre plus gros problème, ne serait-ce que provisoirement ?

Līva ne disait rien et cela inquiétait un peu Jānis. Que pensait-t-elle ? Si la dame acceptait de nous aider, ne serait-ce pas Līva qui interviendrait en disant qu’elle ne veut pas de document à moitié faux ? Son but étant que sa vraie date de naissance en mars 1778 figure sur ses pièces d’identité.

Mme Stroda-Eglita avait pris son téléphone et apparemment appelait son beau-frère. Pendant ce court moment où il fallait se décider illico, Jānis questionna Līva qui ne disait rien depuis le début :

— Līva, tu comprends bien la situation et si cette formule est possible nous serons libres le temps d’officialiser notre projet.

— Jānis mon amour ! tu connais mes idées et ma détermination, je n’aime pas tricher.

— Mais ce n’est pas de la triche, c’est simplement une situation provisoire en attendant la régularisation.

— Mme Stroda-Eglita tout en tenant son téléphone à l’oreille questionna : Mon beau-frère peut faire cette attestation provisoire qui engagera une démarche assez longue par la suite. Cela vous permettra de souffler trois ans et espérons moins si la situation se débloquait plus rapidement. Si vous êtes d’accord, vous risquez d’être convoqués plusieurs fois ces prochaines semaines. S’il vous plait, pouvez-vous me confirmer immédiatement votre décision, Mr Eglitis est au bout du fil ?

— Et c’est Līva qui répondit : Si je suis certaine que mes désirs soient respectés, alors je donne mon accord. Sans papiers d’identité pour nous ce serait intenable.

— Oui, oui Madame, je pense vous l’avoir bien expliqué, répondit la présidente.

— D’accord, allons-y pour ce projet provisoire ! clôtura Līva.

— Ouffff, merci Līva, soupira Jānis.

.

Mme Stroda-Eglita termina bientôt sa conversation au téléphone et conclut :

— Vous devrez vous présenter tous les deux ce mardi 19 novembre à 9h au Ministère de l’Intérieur, Ciekurkalna 1. Demandez Mr. Eglitis directeur du service Immigration et quelqu’un vous accompagnera à son bureau. Prenez avec vous le maximum de documents y compris le certificat de mariage délivré par votre paroisse.

— Madame, encore une fois, comment vous remercier ?

— En adhérant à notre association, chers amis ! Et nous aurons besoin de vos témoignages à tous les deux ! Non pas pour ce document provisoire qui restera confidentiel mais pour votre parcours vraiment atypique ! Se retrouver après 200 ans d’errance, ce n’est pas courant ! Je suis heureuse pour vous !

4. Un espoir provisoire se dessine.

Le soir de cette rencontre avec l’association "Les amis de la réincarnation", il est permis d’espérer la liberté pour ce jeune couple en reconstruction, si le terme peut ici s’employer. Līva n’est pas complètement satisfaite de ce projet de documents provisoires mais elle comprend bien que ce n’est pas aussi facile qu’elle l’imaginait. Et puis maintenant grâce à cela si tout marche comme annoncé, ils pourront régulariser le mariage religieux d’une part et le civil d’autre part.

Peut-être pourront-ils aussi faire une surprise à la famille du Gers en s’invitant à Sabaillan avec une hotte de cadeaux comme le Père et la Mère Noël ? La Lettonie ce n’est pas la Laponie mais presque ! Il est certain que leur seule présence serait pour mémé Louisette, pépé Giovanni et oncle Joseph le plus beau des cadeaux de Noël ! Après celui du mariage à la petite chapelle de Graši, bien entendu. Cette année 2023 est à inscrire dans le livre des records pour les familles Ozolu et Amoretti !

Demain dimanche départ pour Straupe vers 9h au plus tard. Ce sera une surprise pour oncle Imants qui refuse toujours de posséder un téléphone portable. En Lettonie il y a belle lurette que les lignes téléphoniques pour le fixe ont disparu en campagne. Déjà à la fin de la période soviétique elles étaient en piteux état, alors il a été plus facile d’installer quelques antennes pour les portables. Mais cela ne change rien à l’approche d’oncle Imants qui ne supporte pas d’être dérangé sans que lui-même ne l’aie décidé. En ce sens, Jānis avait eu l’idée de lui donner son ancien ordinateur qu’il connecte avec une clé. A part les communications en Visio, il a vite compris comment s’en servir mais ça ne l’intéresse pas vraiment. Les mèls ? Il ouvre sa boite en moyenne une fois par mois, bientôt elle sera bloquée par les publicités encore plus harcelantes qu’en France !

— Jānis, ce soir c’est moi qui ai réellement préparé le repas. J’ai essayé de reproduire une recette de mon temps mais je ne suis pas sûre du résultat car les ingrédients que j’ai achetés hier au Centrāltirgus (marché central), même s’ils n’ont pas changé de nom, ont l’air différents. Je n’ai pas encore la notion de la monnaie mais tout me semble horriblement cher ! Ah, si j’avais un lopin de terre, nous pourrions avoir le jardin potager le plus beau de Lettonie ! Il me faudrait juste un peu de fumier de cheval pour préparer un bon compost comme à Graši de mon temps !

— Je suis impatient de goûter le premier repas de ma cuisinière en chef ! Et pour le lopin de terre et le fumier de cheval, notre ferme a déjà tout ce qu’il faut ! Parles-en demain avec oncle Imants !

— Oui mais il y a une heure quinze de route de Rīga ! Un potager de mai à septembre nécessite une présence presque quotidienne !

Aux dires de Jānis le repas était succulent ! Ce soir c’est décontraction à la maison, pas envie de sortir. On est bien ensemble chez nous depuis le temps qu’on en rêvait ! Bien que pour Jānis le temps n’avait pas la même dimension que pour Līva…

5. Dimanche à la ferme Rozkalnis

C’est dimanche matin à 9h pile. La voiture prend la route de Straupe. En quittant le centre de Rīga, l’avenue Brivibas (Liberté) est libre, juste des feux rouges qui nous font stopper pour rien. Puis nous entrons sur la quatre voies jusqu’à Sigulda. Personne non plus, juste quelques voitures garées en bordure des forêts. C’est le temps des myrtilles, fraises des bois et champignons. Mais nous ne nous arrêterons pas cette fois-ci, notre but est Rozkalnis (la colline des roses). C’est la ferme familiale des Ozoli, notre cadeau de mariage où réside oncle Imants Ozols, frère de papa Guntars.

Une heure quinze de route et nous voilà sur la piste poussiéreuse de quatre kilomètres remontant la colline depuis Straupe. La circulation des véhicules par temps sec provoque des nuages de poussière. Il ne fait pas bon croiser une voiture ou pire, un camion. Quelquefois il faut s’arrêter en attendant que la poussière se dissipe pour revoir la piste. C’est comme ça chez nous. Peu de gens peuvent se permettre de payer des impôts, donc les voiries n’ont pas beaucoup changé depuis la période soviétique. A part les grands axes autour de la capitale qui sont financés en grande partie par des fonds européens, de temps en temps, une piste est goudronnée. En principe, la priorité est donnée aux villages isolés qui ont quelquefois quinze ou vingt kilomètres sans asphalte comme Laudona par exemple. Les voitures achetées d’occasion durent entre trois et quatre ans. Rien ne résiste aux vibrations et à la poussière. L’horreur aussi lorsqu’il pleut. Les voitures glissent sur la boue et il m’est arrivé dans un virage d’aller tout droit au fossé. Heureusement, comme partout, les Paysans sont serviables et viennent spontanément vous secourir.

Nous arrivons. Jānis vient souvent chez son oncle, surtout en hiver où les congés sont trop courts pour s’envoler chez pépé et mémé de Sabaillan. Līva connait bien Rozkalnis. Son âme accompagna Jānis durant des années sans qu’il ne s’en rende compte. Et depuis qu’oncle Imants leur a donné la ferme, c’est la première fois qu’ils y reviennent.

Līva cogite depuis le mariage et elle a déjà quelques idées d’amélioration. En premier lieu, il faut nettoyer les abords de la maison mais aussi réfléchir comment orienter le développement de l’activité paysanne.

Le tour de la maison est comme dans toutes les petites fermes postsoviétiques : du bazar partout, des vieilles machines énormes à moitié démontées, rouillant depuis des années, séquelles des kolkhozes. Aucun entretien des bâtiments mais aussi de la maison qui pour une personne occidentale pourrait paraître abandonnée. Même des morceaux de soviet-plaques d’amiante du toit, envolés lors de tempêtes n’ont pas été remplacés. Et donc, lorsqu’il pleut, la maison devient musicale grâce aux clapotis des gouttières fuitant au grenier dans les bassines métalliques ou plastiques aux sons différents. Une véritable harmonie !

Imants n’a pas encore l’eau courante dans la maison. Le puits est devant la porte et un seau attaché à une corde de quelques mètres est suffisant. Pas d’eau d’adduction, juste celle de ce puits si ferrugineuse qu’on dirait de la tisane. Lorsqu’on est obligé de boire cette eau au gout métallique, il faut au moins la faire bouillir. Mais souvent Imants la remplace par une gorgée de vodka dont les effets sont un peu différents mais avec l’avantage d’être un bon désinfectant polyvalent. La vodka sert pour tout précise Vitolds le vétérinaire attitré et bien copain d’Imants. Il soigne les animaux de la ferme et parfois les chiens Usāma et Bušs et le chat Lēnins. Par exemple, lorsque Zirgs le vieux cheval bourré d’arthrite se met à boiter, un bon massage suivi d’un cataplasme de vodka à la cheville et le lendemain il repart au champ avec sa charrette !

Imants a un jardin potager préparé chaque printemps avec de bonnes intentions. Mais il n’a pas trop le temps de l’entretenir et les herbes hautes ont vite fait de prendre le dessus. Il faut ensuite chercher les légumes un peu chétifs au milieu d’une forêt vierge. La végétation non désirée pompe rapidement les éléments nutritifs du sol. En Lettonie, en hiver la nature est réellement au ralenti, quasi morte. Mais dès la fonte des neiges en mars-avril, elle commence à bourgeonner jusqu’en mai où, en quelques jours, tout est verdoyant. C’est l’explosion de la vie et là tout s’accélère. Les journées rallongent d’une heure ou deux par mois et la croissance de la végétation vivant à ce rythme est étonnante pour les non-initiés. Le point d’orgue étant le solstice d’été, la nuit du 23 au 24 juin, la nuit où il ne fait pas nuit, où toutes les énergies sont au zénith ! Et c’est pour cela que fin mars, soit neuf mois plus tard, les cigognes arrivent. Elles distribuent des flopées de petits Lettons. Les dates de naissance de Līva le 26 mars et Jānis le 20 mars en témoignent.