Africa blues - Loys Dupuy - E-Book

Africa blues E-Book

Loys Dupuy

0,0

Beschreibung

Recueil de nouvelles né de la longue expérience africaine de l'auteur mais aussi de sa passion pour les immensités mystérieuses du continent et des peuples qui l'habitent. Il relie le passé de ces pays à une vision positive et optimiste de leur avenir faisant une grande place à une jeunesse entreprenante bien éloignée des clichés misérabilistes.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 81

Veröffentlichungsjahr: 2024

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



« Le XXIe siècle sera celui de l’Afrique »

Jean-Michel Séverino

(Ancien vice-président de la BanqueMondiale)

Sommaire

– Chacun sa route, chacun son chemin

L’appel du désert.

– Le piano d’Albert

Le mirage de l’Occident.

– Un ami dans le pétrin

France, terre d’accueil ?

– Un vieux slogan sur un mur

Modernité et traditions.

– La langue de chez vous

La francophonie en action.

– Défense d’y voir

Massacre à la tronçonneuse.

– L’opportunité d’une île

Ulysse d’aujourd’hui

-- Les voisins d’Alfred

La peur de l’inconnu

-- Un prêté pour un rendu

Agitation, Révolution

-- Un Béninois à Paris

Politique fiction ?

Toute ma vie professionnelle, j’ai arpenté ce que l’on appelle désormais le Sud Global.

J’y ai découvert des paysages et des hommes, des coutumes et des modes de vie.

La finalité de ce recueil de nouvelles n’est pas de « faire pleurer dans les chaumières » sur les malheurs de l’Afrique. Elle n’est pas, non plus, d’asséner des vues politiques souvent manichéennes. Les êtres humains ont tous des aspects positifs et négatifs quel que soit le continent sur lequel ils vivent.

J’ai simplement écrit ces dix nouvelles pour faire découvrir sous un forme positive, ma vision sur le devenir de ces pays que je pense connaître.

L’Afrique est un continent riche en ressources humaines et naturelles. Elle est dotée d’un énorme potentiel économique et social inexploité.

Je souhaite au lecteur de refermer ces pages avec l’espoir d’un avenir meilleur pour cette partie du monde à laquelle, bon gré mal gré, le reste de l’humanité est lié.

Chacun sa route, chacun son chemin …

Michel était né sous le ciel gris d’une petite cité du nord de la France. Son père était descendu dans le puits pendant des années, avant que la silicose ne l’étouffe à petit feu. Le seul plaisir du mineur était la musique et la fanfare à laquelle il appartenait. Malgré la dureté de son métier, il avait toujours une chanson à fredonner, en particulier celles de son idole Nino Ferrer et, dès son plus jeune âge, Michel avait été bercé par ces mélodies :

« C’est un endroit qui ressemble à laLouisiane, à l’Italie...

...On dirait le Sud. »

Le Sud ! La sonorité du mot le faisait rêver. Il le répétait à l’envi, s’enivrant de sa douceur, lui qui ne connaissait que les terrils et les corons et qui n’avait vu la mer qu’une fois, à Berck. Il aimait aussi cette air de Charles Aznavour que son père jouait souvent à l’accordéon dans les kermesses :

« Emmenez-moi au bout de la terre, Emmenez moi au pays des merveilles, Il me semble que la misère, Serait moins pénible au soleil... »

Sa mère échappait à son quotidien grâce aux livres. Elle lui avait fait découvrir les auteurs qu’elle aimait : Saint Exupéry, Kessel ou Théodore Monod. Michel avait lu et relu “Terre des hommes”, “Vent de sable” … Il aimait cette évasion que permettent la lecture et la musique mais cela ne le satisfaisait pas totalement. Il avait grandi. Les mines avaient fermé une à une et les terrils étaient devenus les montagnes du Plat Pays. Michel poursuivait son voyage immobile et refusait de continuer la longue lignée des mineurs ou des sidérurgistes. Pour vivre, il avait fait des études de mécanique et avait travaillé dans un petit garage où, peu à peu, les clients avaient disparu en même temps que les industries. Il se sentait dépérir dans cet environnement de plus en plus triste et ne cessait de penser à ces chansons et à ces livres qui racontaient le Sud ...

Michel n’aimait pas les frontières : ces lignes imaginaires qui enferment ceux qui les défendent, et rien ne le séduisait autant que l’idée d’ouverture, de vastes horizons, d’Ailleurs... Depuis toujours, la planète était coupée en deux et Michel se retrouvait, par le hasard de la naissance, rattaché à cet hémisphère Nord, dans le camp des nantis blasés et désabusés, des puissants, des décideurs. Le seul point cardinal qu’il portait dans son cœur était le Sud. Dans ses rêves, il imaginait des ponts qui l’emportaient loin : vers l’Espagne, le Maghreb, la Grèce des Anciens, ou l’Égypte des origines...

Un jour, cet appel vers la lumière fut le plus fort. Il décida de tout abandonner et de partir, cap au sud, pour vérifier si le paradis dont il rêvait depuis si longtemps existait vraiment. Quelques économies, un sac à dos, son livre de chevet, et en route !

Il marcha pendant des jours, souvent aidé par quelques automobilistes compatissants et finit par arriver au bord de la Méditerranée. Les pyramides et la foule de la Grande Motte n’étaient pas ce qu’il recherchait. Il profita d’un camion chargé de riz pour se diriger vers la Camargue : l’endroit était agréable et le ciel limpide. Avait-il atteint son Sud ? Il hésitait. Un gardian généreux lui prêta sa cabane où il passa quelques jours pleins de béatitude. Mais l’appel de ses rêves revint le tarauder. Des troupes de flamants roses préparaient leur migration : il avait envie de les suivre. Ce sentiment d’inachevé était revenu. Il lui fallait continuer à marcher vers on ne sait quel objectif. C’était décidé ! il ne s’arrêterait que lorsqu’il aurait la certitude d’être là où son destin devait le conduire. Il reprit donc sa route, direction l’Espagne. Il frôla Barcelone, mégalopole grouillante qui lui faisait peur, et ignora la Costa Brava et ses immeubles à touristes. Il continua vers Valence sans s’y intéresser vraiment malgré les champs d’orangers et les jardins de la huerta qui se réduisaient comme peau de chagrin devant l’urbanisation galopante. Poursuivant sa pérégrination toujours plus bas dans la péninsule, il arriva dans une petite ville aux maisons troglodytes blanches dominées par un antique château. A Cuevas del Almanzora, une foule grouillante et cosmopolite occupait les rues. La plupart de ceux qui déambulaient ressemblaient à Michel, hormis leur teint basané. Ils transportaient tous des sacs informes auxquels ils semblaient tenir par dessus tout. Il ne fallut pas longtemps à Michel pour réaliser que ces jeunes hommes arrivaient de l’Afrique voisine. Le détroit de Gibraltar était proche : les candidats à l’exil le franchissaient en rang serré en quête d’une autre vie en Europe. Michel s’assit sur un banc en observant ceux qui, comme lui, rêvaient d’un ailleurs...

A côté de lui, vint s’asseoir un jeune homme de haute taille, au teint cuivré et à l’allure élégante malgré ses vêtements disparates. Comme ses congénères, il transportait un grand cabas de plastique rayé qui contenait sûrement toute sa fortune. Il observa longuement Michel. On lisait dans son regard une certaine incompréhension. Il sembla réfléchir puis se décida à parler d’abord dans un anglais hésitant, puis, comme Michel ne répondait pas, en français :

— Qu’est ce que tu fais là ? Tu viens d’où ?

— Du Nord, répondit Michel, et toi ?

— Du Nord ? Répéta le jeune homme, mais c’est où ?

— Du Nord de la France.

— Tu es parti de France et tu es ici ! Mais pour quoi faire ?

Le jeune migrant, incrédule, fixait Michel. Lui qui avait affronté mille dangers pour atteindre ce paradis dont il rêvait depuis des années, voilà qu’il avait devant lui un individu de son âge qui faisait visiblement le chemin inverse. Michel vit son étonnement :

— Oui ! Comme toi, j’ai quitté mon pays et comme toi je cherche le lieu où je me sentirai à ma place. Tu ne m’as pas dit d’où tu venais. Je m’appelle Michel et toi ?

— Moussa. Je viens du Niger. Mon pays, c’est le désert. Je suis né dans une des dernières tribus qui vivent comme nos ancêtres. Notre richesse ce sont les dromadaires, ces vaisseaux du désert à la résistance légendaire. Mais notre mode de vie est lui aussi en train de se diluer dans ce que tout le monde appelle le progrès. Notre liberté de nomades est mise à mal par des gouvernements autoritaires. Et les rezzous d’autrefois sont réapparus avec une violence inédite. J’ai été à l’école pour être instituteur mais mon rêve a bousculé cette vie toute tracée. Depuis des années, je voudrais voir ces pays que je ne connais que par les livres. Et puis, surtout, j’ai envie de découvrir comment on vit ailleurs. Alors j’ai tout quitté et j’ai voyagé. Mais je ne comprends pas pourquoi, toi, tu es parti vers l’inconnu. On vit bien chez toi ! Il n’y a pas de guerres. Il y a la liberté : dans les livres, on dit que c’est vous qui l’avez inventée...

— C’est vrai que, depuis des années, il n’y a plus de guerre chez nous. On pourrait vivre heureux si la mondialisation et les appétits financiers n’avaient pas fait disparaître la solidarité entre les individus. Chacun vit pour lui-même dans un égoïsme forcené, indifférent aux autres et au monde. Quant à la liberté, elle est devenue le droit revendiqué de dire n’importe quoi et d’agresser verbalement ou physiquement dès que l’on n’est pas d’accord. La France dont tu rêves est celle de la littérature, je ne veux pas te décourager mais mon pays est bien différent. Pour ma part, je rêve du Sud dont on parle dans les chansons et aussi dans les livres. Je veux aller voir si ce Sud existe. Je ne l’ai pas encore trouvé mais je ne désespère pas.

— Cela veut dire que les gens ne sont jamais contents de leur sort : en Afrique les gens se font défriser et veulent blanchir leur teint ...

— Oui, et chez nous, ils cherchent à bronzer et font friser leurs cheveux ! Tu aimes les livres, toi aussi ?