America Antichronologica - Giovanni D'Emidio - E-Book

America Antichronologica E-Book

Giovanni D'Emidio

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Dans la peau d'un flic américain...De New York à Boston ou Detroit, America Antichronologica nous embarque dans l’Amérique du XXème siècle. On est aussitôt pris dans le filet des intrigues policières et ses figures de flics, qui nous rappellent Serpico ou le couple drôlatique Starsky et Hutch.On s’y évade, on y est ; et comme dans tout bon polar, le sûr n’étant jamais certain, le dénouement nous prend systématiquement à revers.Un thriller qui plonge le lecteur dans l'atmosphère sombre du grand banditisme. Suspense garanti !EXTRAITVoilà, c’est fait. Je suis mort et enterré. Des funérailles d’ailleurs très émouvantes, ma courageuse épouse Ella y a veillé en retrouvant cette interprétation poignante de son homonyme dans la belle ballade de Cole Porter : Ev’ry Time We Say Goodbye. À part mon gendre, à qui je céderais volontiers ma place, ils étaient tous en pleurs, même Nathan, revenu en express d’un chantier de fouilles près d’Halicarnasse. Merci fiston...Là, c’est la petite cérémonie du retour de deuil, dans notre appartement d’Astoria, douzième étage avec vue sur l’East River. Vous imaginez bien que je suis l’objet de toutes les conversations ; j’apprends même des petites choses sur moi, ma vie et mon œuvre. Je ferai paraître fin 2013 un roman qui aura pour unique cadre cette réunion de famille et d’amis. Ça me laisse plus d’un an pour le commettre, sans contrainte, sans autocensure ; ma nouvelle situation comporte aussi des avantages. Et puis, je dois encore un manuscrit à Putman & Ranhof ; aux États-Unis, les syndicats de l’édition et du crime ont ceci en commun qu’aucune excuse ne vient disculper celui qui n’honore pas un contrat…À PROPOS DE L’AUTEURPassionné de littérature policière, Giovanni D’Emidio, belge d’origine italienne et enseignant de formation, travaille dans un centre d’hébergement pour personnes handicapées.Giovanni D’Emidio est né le 24 juillet 1969 à Mons, dans le Hainaut belge.

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Sommaire

Singulières Filiations

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Le Caduc et le Persistant

Singulières Filiations

La création, chez l’auteur de littérature policière, prend son sens dans l’équilibre de la rencontre entre deux univers intérieurs : celui qui pousse à penser l’inimaginable, et son pendant qui veille à une mise en scène crédible.

Le produit de cette confluence se matérialise dans le frisson dérangeant qui parcourt l’échine du lecteur, conscient qu’une telle folie pourrait venir chambouler son existence.

 

Le docteur Vento prononça le décès de Rebecca Eckart à une heure dix-sept et en inscrivit la cause officielle sur son rapport : déficience pulmonaire consécutive à de profondes brûlures couvrant 80 % du corps.

 

Joe Vento avait passé deux ans dans un M.A.S.H. de la région de Da Nang à trier les urgences et à débrider les lésions les plus atroces des G.I’s ; il possédait une conscience aiguë des dégâts provoqués par le blast lors d’une explosion en milieu fermé. À l’arrivée de cette patiente, peu après vingt-trois heures, le cas lui apparut vite désespéré ; il interpella le patrolman de l’escorte policière avec la faconde que chacun lui reconnaissait à Sainte-Alix :

— Amenez la famille, vite !

 

La famille se résumait à Masha, la fille de la victime, vingt-sept ans, étudiante à l’Université de médecine du Missouri. Elle arriva trop tard, pleura peu, mais s’enquit auprès des policiers des circonstances de l’accident et posa de nombreuses questions à Vento sur la prise en charge d’une patiente de cinquante et un ans présentant de graves lésions traumatiques (sic). Le praticien jugea que cette future collègue traitait sa souffrance en s’imposant la distance que confère la sphère médicale, pour se prémunir contre les chausse-trapes de l’émotionnel.

 

Le jeune et ambitieux Field Sergeant John Pettigrew était missionné pour l’accompagner au poste de Mechanic Street où on interrogeait un témoin clé de l’explosion. Elle souhaita d’abord s’isoler pour contempler les lueurs de l’aube dans Humbolt Park. Il en profita pour flirter avec la réceptionniste. Mais de lourds nuages plombaient le ciel ce matin-là, de telle sorte que le soleil ne se leva pas sur Emporia. Et Masha Eckart ne réapparut pas…

Blond, longiligne, entre deux âges, le Chief Officer Lester Tomasson pénétra dans l’étouffant bureau des inspecteurs pour venir rejoindre la femme en uniforme bleu cobalt qui faisait face à un sexagénaire bâti comme un arrière de l’équipe de Kansas City, celle-là même qui venait d’enlever le Super Bowl IV.

— Monsieur, l’agent Hayes va reprendre les données relatives à votre identité. Arrêtez-la pour compléter si vous le désirez.

 

Éraillée, la voix du policier évoquait celle des gosses palermitains de Little Italy dont les mères exigeaient l’ablation des amygdales en signe de ralliement à la norme américaine et chez qui, des toubibs au diplôme douteux, mais aux émoluments acceptables, amochaient les cordes vocales en pratiquant l’intervention.

 

Helena Hayes racla le sol avec sa chaise en bois bien lestée, pour se rapprocher de la table carrée et se mit à ânonner la fiche qu’elle tenait entre ses doigts gourds.

— Jason Samuel Stransky

Il précisa que tout le monde l’appelait Jay ou Sky.

— Vous êtes né le 9 juillet 1925 à Casper, dans le Wyoming. Divorcé et père de deux enfants, Sonny et Teddy. Vous habitez à Joplin, Missouri.

— Joplin — Emporia, ça doit faire dans les deux cent cinquante miles bien tassés, interrompit le chef d’enquête ; soit au moins quatre heures trente de route. Une promenade, peut-être ?

— J’rendais visite à un vieux compagnon d’brigade ; j’ai pas r’trouvé sa bicoque, alors j’ai roulé dans c’te ville où j’ai été fireman au début de ma carrière.

 

Le débit de parole rapide de cet adepte de l’élision irritait Tomasson.

— Ah bon ? Au Civic Auditorium ? Vous y étiez lors de la catastrophe du Woolie’s ?

— Je m’débattais dans c’t’enfer, Inspecteur. Y a eu soixante et onze victimes ; huit collègues et dix-sept enfants prisonniers dans c’te foutue garderie du quatrième étage !

— Ma mère y faisait son shopping de Noël, intervint l’agent Hayes, trop heureuse de déballer les névroses familiales. Ce jour-là est resté gravé dans son esprit ; magasins, restaurants, cinémas : partout où elle se rend depuis, elle s’installe à proximité des sorties de secours, elle scrute…

 

Stransky s’agaçait de cette interruption ; c’était manifeste. Perché derrière sa jeune collègue, Tomasson perçut très tôt le malaise ; il pressa légèrement une épaule peu féminine et obtint un arrêt instantané de la logorrhée stérile. Jay avait des choses à dire sur cet événement que le policier perçut rapidement comme la plaie béante de sa vie.

— Avec les gars, on a vite senti qu’tout était pourri. Il compta sur ses doigts : un escalier central en bois ; les sorties de secours empêchées par plein d’bazar : tringles, mannequins, podiums… ; dehors, des bornes d’incendie pas standardisées, donc impossible de bien visser l’pas d’accrochage des lances ; les échelles d’nos Mack étaient gênées par les fils électriques chargés des décos de Noël. Ils étaient foutus d’avance ! Mais on en a sauvé, des gosses ; p’têt d’ailleurs que pour plusieurs tellement amochés, on aurait dû les laisser partir en paix…

 

L’homme était en proie à une émotion jaillie comme un geyser qui parasitait un récit douloureux, relatant des faits vieux de bientôt vingt-cinq ans. Tomasson décida de tirer profit du trouble manifesté par le témoin pour entreprendre enfin l’interrogatoire.

— Je suppose que le fait que vous soyez un pompier vétéran explique cette intervention chez Madame Eckart bien avant l’explosion. On peut parler d’instinct ?

— J’ai senti une odeur de gaz dans Lower Streetoù j’roulais f’nêtre ouverte ; ça a été plus fort au fur et à mesure que j’avançais. Vous savez qu’l’gaz naturel est inodore ? On l’odorise au mercaptan pour détecter les fuites.

Stransky avait retrouvé sa sérénité ; du coup, sa gouaille devenait supportable…

— L’instinct m’a conduit d’vant le 82, d’où qu’l’odeur sortait ; j’allais entrer côté cuisine, mais un type…

Décidé à mettre un peu de pression sur ce témoignage, le Chief Officer l’interrompit.

— Curieux que personne dans la rue n’ait été alerté par « le gaz odorisé », non ? Vous n’avez pas sonné à la porte principale du 82 ?Bizarre aussi, ça…

— La sonnette électrique aurait fait une étincelle, l’gaz accumulé dans la baraque se s'rait enflammé direct… À l’arrière, y a souvent des vit’et c’est moins solide.

— À propos de vitres, votre Oldsmobile a été remorquée dans le garage de la police ; mes hommes n’y ont pas touché, elle vous attend… toutes vitres fermées.

— Ouais, j’ai refermé quand j’ai arrêté le moteur.

— Drôle de réflexe au regard de l’urgence de la situation…

— Quoi ? Ah ouais, c’est pas’que chez moi, à Plaza Drive, on vole dans les bagnoles à chaque coin de rue. Bref, un voisin est venu derrière moi, il m’a pris pour un voleur. Ca a tourné vinaigre ; j’l’ai mis K.O. Alors, des mecs du comité de vigilance m’ont coursé avec des battes de base-ball. Bête à dire, mais l’explosion a donné du rabiot à ma vieille carne.

— Mais pas à celle de Rebecca Eckart, ni à celle d’Emilio Fez, son voisin…

Par-delà le timbre enroué de sa voix, le ton se voulait dépourvu d’agressivité envers cet homme dont les états de service forçaient son respect. Mais le silence qui s’ensuivit eut bien besoin de la sonnerie du téléphone pour être rompu.

La main de Cybill Lahm tremblait en appliquant du fard sur ses joues livides. Quelle trouille avec ce patient défiguré ! Elle avait pourtant lu le dossier de Teddy Stransky et intériorisé son anamnèse, mais huit petits jours de présence au centre psychiatrique de Camdenton ne permettaient pas d’anticiper de telles conduites. Elle se répéta intérieurement le parcours de vie de Teddy afin de rester focalisée sur son travail.

 

Ce garçon âgé de vingt-six ans — il ne serait jamais un homme aux yeux de l'infirmière — apparaissait comme un miraculé infortuné. Un père tué à Okinawa et une mère morte dans un incendie au Kansas où lui-même fut secouru in extremis. Il passa une année entière à l’hôpital, endurant un coma, des opérations et d'innombrables greffes de peau avant d’être placé dans un home pour pupilles. La personnalité de Teddy se caractérise par un repli sur soi et des comportements agressifs. Il a vingt et un ans quand un tribunal de Wichita accorde le droit d’adoption à M. Stransky, l’un de ses parrains. Mais après six mois d’une cohabitation houleuse avec la famille de ce dernier, Teddy est interné à Camdenton.

 

Tout à l’heure, à la faveur d’un goûter d’anniversaire en salle commune, il l’avait empoignée par les épaules pour psalmodier des mots énigmatiques : « Pourquoi maman a laissé Junior ? Junior est Teddy. »

Elle quitta les toilettes dans un frisson et rejoignit son poste, dans l’espoir de ne plus croiser ce regard fou, préjudicié par une pupille perse et l’autre marron.

Soucieuse de hâter le jour où son Johnny tutoierait les grands de ce monde, Madame Pettigrew avait activé son réseau pour lui obtenir une promotion, court-circuitant sans vergogne la hiérarchie du fiston. Tomasson en avait eu vent et s’était promis de parler du pays à ce fils de. L’opportunité se présenta ce matin-là.

 

Au bureau des urgences de Sainte-Alix, la réceptionniste évitait de croiser le regard atone de l’officier qui informait son supérieur de la disparition de la fille Eckart. Une sueur grasse maculait son front et, à peine masqué par le combiné téléphonique, un rictus méprisant barrait son visage d’ange. Un peu plus bas, sa main gauche bataillait avec un nœud de cravate qui le rendait dyspnéique. Pettigrew paraissait mal endurer ce moment de grande solitude, se tassant sous les coups assénés par les invectives téléphoniques de son Chief Officer.

 

À la fin du grand film Casablanca, lorsque Rick tue un officier allemand pour permettre à Ilsa de rejoindre le monde libre, son ami Renault, chef de la police, ordonne à ses hommes d’arrêter the usual suspects. La réputation d’efficacité dont jouit depuis toujours la police américaine, elle la doit essentiellement, comme le commissaire français, à des automatismes bien huilés. Ainsi, quand un responsable d’enquête apprend la disparition d’un témoin, c’est en priorité vers les gares, les aéroports et les chambres à louer qu’il dispatche ses patrouilles.

 

Sans véritable surprise, le glas des ambitions de promotion de Johnny Pettigrew sonna donc à l’enseigne de néon vert du Moon, un motel où deux patrolmen venaient de découvrir le cadavre de Masha Eckart.

Caressant l’espoir que la lettre trouvée près du corps de l’ex-futur docteur Eckart expliquerait l’hécatombe généalogique de ce début juin, Tomasson s’employait par le pilotage de sa nouvelle Camarro Yenko à rééquilibrer quelque peu sa balance plaisir-horreur.

 

Les résultats des premiers devoirs d’enquête lui étaient parvenus au même moment que le message crachotant de la voiture de patrouille numéro 18 qui venait de localiser la victime. Il les emporta et mit à profit le premier feu rouge pour apprendre qu’à Joplin, Missouri, l’agent de secteur qui couvrait la zone incluant Plaza Drive venait d’être félicité pour le taux de criminalité historiquement bas atteint depuis trois ans dans ce quartier. Si on postulait que le maire de l’ancienne capitale du zinc s’était abstenu de maquiller honteusement la réalité des chiffres de délinquance, on pouvait conclure après plusieurs ricochets que Jay Stransky mentait sur la manière dont il avait repéré l’odeur de gaz d’hier soir. Un autre feu rouge et un stop exagérément marqué furent nécessaires au Chief Officer