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Issu, comme tous les arts de l'Extrême-Orient, de la Chine qui lui a fourni techniques et modèles, l'art japonais se distingue, cependant, par l'originalité de ses créations. Son développement est scandé de périodes d'absorption, où se manifeste un intérêt avide pour les formules étrangères, et de …
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Seitenzahl: 264
Veröffentlichungsjahr: 2015
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ISBN : 9782852299252
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Issu, comme tous les arts de l’Extrême-Orient, de la Chine qui lui a fourni techniques et modèles, l’art japonais se distingue, cependant, par l’originalité de ses créations.
Son développement est scandé de périodes d’absorption, où se manifeste un intérêt avide pour les formules étrangères, et de périodes d’adaptation au cours desquelles se dégagent les tendances autochtones. Aux époques mêmes où la curiosité de l’exotisme est la plus intense subsiste une fidélité aux traditions locales qui resteront sous-jacentes dans les œuvres inspirées de l’étranger.
Lorsque, aux VIe et VIIe siècles, le Japon s’ouvre aux influences continentales sous le couvert du bouddhisme, il se met avec application à l’école des artisans venus de Corée pour l’initier. Dès la fin du VIIe siècle, les modèles Tang, apportés directement de Chine, sont si fidèlement copiés qu’il est parfois difficile de distinguer les œuvres importées de celles qui sont exécutées sur place.
Le message religieux exprimé par l’œuvre d’art semble avoir été assez tôt assimilé, mais les principes esthétiques qui ont présidé à sa création échappent aux artisans chargés de la reproduire.
L’élaboration d’un art national s’est effectuée dans le cadre étroit et raffiné d’une cour où hommes et femmes rivalisent d’élégance et de talents divers. Leur sensibilité très vive s’exprime dans leurs poésies comme dans leurs romans et devient pour eux le moteur primordial de la création artistique. Cette sensibilité se traduit dans l’écriture simplifiée, issue de caractères chinois, par la rapidité nerveuse du trait et par sa douceur harmonieuse. Dans l’art de peindre, cette recherche d’une ligne tout à la fois souple et douce reste jusqu’à nos jours un critère fort apprécié.
L’intimité avec une nature amie fait du paysage un cadre évocateur d’images poétiques et d’émotions, et non, comme en Chine, la traduction d’une conception de l’univers.
À la cour, tout était prétexte à divertissements et à joutes : joutes poétiques, musicales, concours de parfums, de danses et de peinture. L’art devint ainsi, par excellence, l’expression suprême d’un jeu. Cette conception subsistera dans la « cérémonie du thé », divertissement de haut goût où tout – qu’il s’agisse du cadre, de la peinture ornant le tokonoma, de l’arrangement de fleurs et des ustensiles utilisés – doit contribuer par sa perfection et sa sobriété à faciliter l’évasion hors de la vie quotidienne et du temps. Dans le pavillon de thé, s’ouvrant sur un jardin, s’observe une organisation ingénieuse de l’espace, dominée par l’asymétrie, ainsi que l’usage fort heureux de matériaux très frustes (bois à peine équarri, toiture en chaume ou en écorce d’arbre). Dans la céramique, les maîtres du thé ont préféré aux formes parfaites de la porcelaine, qui satisfait les exigences tactiles les plus raffinées, les créations plus spontanées – où jouent les hasards du feu – de la poterie et son contact plus rude.
L’archipel nippon, qui s’étend en arc de cercle du 31e au 46e parallèle le long du littoral asiatique, était, jusqu’il y a environ dix mille ans, rattaché au continent par ses extrémités méridionale et septentrionale. Il a donc, contrairement aux thèses longtemps admises, partagé dans les temps anciens l’évolution des premières cultures continentales. Ce fait et, même après l’effondrement qui transforma la configuration géographique de cette région du globe, la proximité du Nord-Kyūshū des côtes de la Corée, comme celle de Hokkaidō des côtes sibériennes, expliquent les nombreux apports reçus du continent, apports qui furent assimilés avec originalité grâce à l’insularité du pays. À l’intérieur de l’archipel, des communications maritimes aisées ont facilité les échanges. Dans la grande île de Honshū, des barrières montagneuses descendant du nord au sud rendirent difficile le passage du littoral de la mer du Japon vers celui du Pacifique. Ce dernier, favorisé par le climat, a été et est encore le centre du développement de la civilisation japonaise.
On note au Paléolithique le parallélisme du peuplement (Pithécanthrope d’Akashi et Sinanthrope de Pékin) et de l’outillage (hachereaux et galets éclatés) avec ceux du bassin du Huanghe. Au Mésolithique, les microlithes s’apparentent à ceux de la « Chine des sables ».
Longtemps considéré comme le premier témoin de l’activité humaine au Japon et daté de façon relativement tardive, le Néolithique semble remonter au IVe millénaire avant notre ère. Dans la culture dite Jōmon (décor d’impressions cordées des poteries), de petites communautés de chasseurs-pêcheurs, vivant dans des demeures semi-souterraines (tate-ana), ont laissé d’abondants amas de coquillages (kaizuka). Leur matériel lithique est proche de celui de groupements analogues de la Sibérie. La poterie se distingue par ses impressions cordées (Honshū) ou de coquillages (Kyūshū). Au Plein Jōmon (IIIe-IIe millénaires av. J.-C.), les bassins profonds du Kantō, aux bords ourlés de boudins rapportés et modelés, ont un aspect baroque très original.
Vers le IIIe siècle avant J.-C., dans le Nord-Kyūshū, des apports venus du continent entraînent l’apparition de la culture Yayoi (agriculture et surtout riziculture, métallurgie du bronze, puis métallurgie du fer, tissages, différents modes d’architecture et de sépultures, céramiques nouvelles). La culture du riz est attestée dans cette région par la présence, dans la couche supérieure du Jōmon d’Itazuke non loin de Fukuoka, de grains et de couteaux semi-lunaires à œillet, en pierre polie, symbole de l’agriculture de la vallée du Huanghe (Chine). Cette introduction semble correspondre à la période de rayonnement de l’empire des Han et à leur conquête du nord de la Corée, conquête qui favorisa l’évolution des autochtones du sud de la presqu’île. Ceux-ci semblent avoir joué un rôle important dans cette transformation du Japon, et l’on trouve à Kyūshū leurs tombes à cystes, bientôt remplacées par des jarres funéraires, souvent protégées par des dalles en pierre. Dans ces sépultures, on trouve en abondance des armes et des miroirs (à lignes fines et à double bouton), de provenance coréenne, auxquels s’adjoignent de nombreux miroirs Han que l’on peut dater de la période allant du Ier siècle avant J.-C. au début du IIe siècle de notre ère. Il se pourrait que, dès ce moment, les communautés villageoises de Kyūshū aient noué des relations directes avec la Chine par l’intermédiaire de la commanderie de Lo-lang en Corée. Mais il semble que, parmi ces agriculteurs, les armes importées n’aient pas eu de valeur guerrière. Elles disparaissent bientôt des sépultures à jarres et font place à des objets de culte ou de protection magique. Elles prennent alors des dimensions beaucoup plus importantes, et leurs lames, élargies et foliacées, perdent leur tranchant. On les retrouve groupées dans des caches au sommet des collines. Des moules en pierre, découverts au Kyūshū, montrent qu’elles étaient, dès lors, fabriquées sur place. L’agriculture et les armes symboliques semblent avoir progressé rapidement dans l’île principale de Honshū, le long du littoral de la mer Intérieure et dans le sud de Shikoku. Les armes sont alors ornées de motifs de spirales et de stries parallèles.
Dans la région du Kinai et dans le nord-ouest de Shikoku, les armes symboliques sont remplacées par desdōtaku (litt. « cloches de bronze ») issus, semble-t-il, des clochettes coréennes. À l’encontre de ces dernières, de taille très réduite, les dōtaku prennent une ampleur croissante (de 25 à 70 cm). Ils sont, comme les armes, groupés dans des caches isolées au flanc ou au sommet des collines, et leur signification reste encore très discutée. Il paraît hors de doute que les plus petits ont eu un rôle musical. Ils portent à l’intérieur un anneau qui permettait d’y adjoindre un battant ; et on a retrouvé, auprès de certains d’entre eux, ce battant, en fer, qui s’était détaché au cours des âges. De forme semi-cylindrique, ces dōtaku on dû être moulés en éléments séparés (les deux faces bombées et la poignée en quart de cercle), rassemblés ensuite sur les côtés qui se prolongent en bord aplati formant des sortes de nageoires. On y retrouve les spirales, les stries déjà observées sur les armes, ainsi qu’un motif ondé. Bientôt, les deux faces se divisent en registres superposés, séparés par des bandes de lignes croisées. Les nageoires et la poignée sont ornées de spirales dont certaines, dépassant les bords, forment des ponctuations en relief qui correspondent aux différents registres du décor central. Dans les pièces monumentales, ce motif, compartimenté, se peuple de silhouettes, schématiques mais mouvementées, de paysans pilant le riz, de scènes de chasse, de hérons, de libellules et de tortues ; ces dernières, contrairement à l’usage généralisé du profil, sont figurées en vue surplombante.
Outre leur intérêt documentaire, ces grands dōtaku témoignent d’une industrie métallurgique déjà élaborée dont, à l’encontre de celle de la Chine, aucun autre vestige n’a encore été retrouvé. Bien que semblant issue des mêmes sources que le Yayoi de Kyūshū, on peut se demander si la culture du Kinai, où sont retrouvés de façon sporadique des miroirs à lignes fines et des miroirs chinois, n’a pas reçu de nouveaux apports en provenance du continent, apports dont l’origine et la voie de diffusion restent inconnus.
Ces techniques se répandent rapidement le long du littoral de la mer Intérieure et parviennent au Kinki (Kansai) et au Tōkaidō. Les progrès de l’agriculture ont dû favoriser les cultes naturistes, qui seront l’une des composantes de la religion japonaise, ainsi que cette intimité avec la nature qui constitue encore l’une des caractéristiques essentielles de l’âme nippone. Le développement des communautés paysannes à cette époque entraîne des diversifications sociales et l’apparition de petites entités politiques.
L’une de ces entités, établie dans la plaine du Yamato, au nord-est d’Ōsaka, croît rapidement à partir du IVe siècle et noue des relations avec les royaumes de la Corée du Sud. Ses kofun, sépultures de très grandes dimensions, d’inspiration coréenne, ont une forme originale en entrée de serrure (zempō-kōen : avant de forme carrée, arrière arrondi) et sont entourés de fossés. À la base des tumulus sont alignées des rangées de cylindres d’argile fichés dans la terre (haniwa) ; ils seront bientôt surmontés (Ve-VIe s.) de personnages et d’animaux. Les kofun ont livré un important mobilier (armes, parures en bronze ajouré et doré, céramiques en grès ou sueki). Certains de ces objets sont d’origine coréenne, d’autres furent fabriqués sur place par des artisans venus de la péninsule. En 538, le souverain de Paiktche (royaume occidental de la Corée du Sud) envoie au souverain du Yamato, son allié, une image et des sūtra bouddhiques. La religion étrangère – d’abord tenue en échec par les adeptes des cultes locaux organisés au Yamato autour de la déesse solaire Amaterasu, dont se réclame la lignée impériale – sera officiellement imposée à la cour, à la fin du VIe siècle, par le régent Shōtoku, qui gouverne au nom de sa tante l’impératrice Suiko.
Chez Shōtoku (régence 593-621), la ferveur bouddhique se conjugue avec le désir de consolider la prééminence du Yamato sur les clans voisins et de former un État centralisé à la mode chinoise. Des ambassades sont envoyées à la cour des Sui en 607, puis à celle des Tang qui succèdent aux Sui en 618. Shōtoku préside à la fondation des premiers sanctuaires bouddhiques, édifiés par des artisans coréens selon les procédés de l’architecture chinoise. Des praticiens d’origine continentale sculpteront ou peindront les images bouddhiques, tel Tori, descendant de Chinois, qui fondra les premiers Buddha en bronze : triade de Shakamuni (Çākyamuni) du Hōryū-ji, de 622. L’influence du style chinois des Wei du Nord se manifeste dans ces effigies, mais on y décèle aussi des traits empruntés au style des Qi du Nord, introduit dans la seconde moitié du VIe siècle en Corée du Sud : Miroku (Maitreya) du Kōryū-ji et du Chūgū-ji. À partir de 645, la rondeur des formes et le sourire enfantin de la plastique Sui font leur apparition, tandis que les palais impériaux adoptent plan symétrique et structures à la chinoise. À la fin du VIIe siècle, les ambassades rentrant de Chine, accompagnées d’un personnel nombreux de moines et d’étudiants qui se sont perfectionnés sur le continent, apportent au Japon l’art des Tang. Les peintures murales du Kondō (temple d’Or) du Hor̄yū-ji furent, jusqu’à leur disparition dans les flammes en 1949, les témoins prestigieux de la peinture bouddhique des Tang. Le Japon a alors rattrapé son retard, et la grande triade en bronze du Yakushi-ji, dont les plicatures laissent apparaître le modelé des corps, reste le symbole de cette maîtrise nouvelle.
En 710, une capitale fixe (Heijō-kyō, aujourd’hui Nara) est établie sur le plan en damier de Chang’an, la métropole des Tang. Le rayonnement de l’Empire chinois atteint alors son apogée. Les plus anciennes Annales japonaises, rédigées en chinois, datent de cette époque. Le bouddhisme, facteur de culture et protecteur de l’État, est florissant, mais la religion japonaise (shintō, « voie des dieux ») subsiste, et ses sanctuaires (Izumo et Ise) conservent le souvenir de l’architecture primitive : plancher surélevé, toiture en écorce de hinoki reposant directement sur des poteaux en bois.
Des monastères fondés à Nara et aux alentours de la capitale, le plus célèbre est le Tōdai-ji, érigé par l’empereur Shōmu (règne 724-748) en l’honneur de Birushana (Vairocana, le Buddha universel), dont l’image en bronze doré était abritée dans le sanctuaire principal (Daibutsu-den).
Les ateliers de la cour réunissent de nombreux artisans – sculpteurs, peintres et calligraphes – qui décorent les palais et les monastères ou copient des sūtra. Tout un peuple de sculpteurs – en bronze, laque sec (kanshitsu) ou plâtre – orne les différents sanctuaires et conserve le souvenir de l’art chinois du VIIe siècle : élégance des proportions, réalisme des visages, rehauts peints. Au Nord-Kyūshū, où abordent les navires japonais, chinois et coréens, parviennent des objets d’art qui sont ensuite dirigés vers la cour. Les motifs ornementaux japonais se constituent à partir de leur décor. Un grand nombre de ces trésors sont aujourd’hui encore conservés au Shōsō-in, où furent entreposées en 756 les collections de l’empereur Shōmu, offertes au Tōdai-ji par sa veuve.
En 794, l’empereur Kammu (règne 781-806) s’établit à Heian-kyō (aujourd’hui Kyōto, dans un site entouré au nord, à l’est et à l’ouest par un cirque de montagnes. Le plan de cette cité nouvelle est fidèle aux formules Tang, et l’influence de la Chine demeure prépondérante. L’aristocratie de cour (kuge) s’imprègne de la culture et de la poésie de l’Empire voisin. Revenus du continent au début du IXe siècle, les moines Saichō (Dengyō-daishi) et Kubai (Kōbō-daishi) font connaître l’un le syncrétisme du Tendai (en chinois Tiantai), l’autre le bouddhisme ésotérique du Shingon (en chinois Zhenyan). Ils établissent leurs monastères à l’écart de la capitale, le premier au mont Hiei, le second au mont Kōya (Kōyasan). Abandonnant les plans symétriques en honneur chez les Chinois, leurs monastères s’adaptent au cadre naturel. Une iconographie nouvelle apparaît, principalement dans le panthéon de Shingon : des diagrammes ou mandara (mandala) groupent, autour d’une entité métaphysique – Dainichi Nyorai –, Buddha et Bodhisattva qui en sont l’émanation. Des modèles rapportés de Chine par Kukai sont répétés dans les ateliers des monastères. La somptuosité des cérémonies Shingon plaît à la cour. Les images peintes ou sculptées dans le style ample de la fin des Tang, déjà apparu au Tōshōdai-ji de Nara, à la fin du VIIIe siècle, se multiplient. Les sculptures taillées dans une seule pièce de bois (ichiboku) ont des plis profondément creusés.
Au palais impérial, les paravents (byōbu) s’inspirent du style et des légendes de la Chine. Mais, à la fin du IXe siècle, la décadence des Tang entraîne l’interruption des relations officielles avec l’Empire chinois. Désormais, seuls des navires chinois et coréens assureront les échanges. Le Japon se replie sur lui-même et élabore rapidement une culture et un art proprement nationaux. L’adoption d’un syllabaire ou kana favorise l’éclosion de la littérature : poèmes et romans font leur apparition dans les milieux aristocratiques. On voit alors se développer un art de cour dans lequel s’exprime une sensibilité teintée de mélancolie (mono no aware), due au sentiment de la fugacité des choses de ce monde, en même temps qu’une vive curiosité pour toute nouveauté. Avant la fin du IXe siècle, un atelier de peinture (e-dokoro) avait été établi au palais. Les artistes collaborent avec les poètes et les calligraphes de l’aristocratie pour l’élaboration des paravents impériaux, où sont illustrées les quatre saisons par l’évocation de la campagne et des sites célèbres du pays. C’est ainsi qu’aux paysages féeriques à la manière Tang, aux montagnes étagées, succèdent des compositions plus décoratives dont les deux plans évoquent les contours arrondis des collines environnant la capitale.
Architecture seigneuriale à l'époque Heian. Shinden-zukuri : architecture seigneuriale à l'époque Heian. Résidence du souverain dans le palais impérial de Heian-kyō (Kyōto). Reconstitution datant de 1855 (d'après Ota H., « Japanese Architecture and Gardens », Tōkyō, 1966).
La cour est dominée par les Fujiwara, qui gouvernent au nom des souverains. Ils sont les arbitres d’une élégance qui se manifeste jusque dans les peintures bouddhiques aux vives couleurs rehaussées de fils d’or (kirikane), dans les sculptures aux formes graciles, dans les laques rehaussés d’or et d’argent. Ils vénèrent Amida, maître du paradis de l’Ouest où sont accueillies les âmes de ceux qui l’invoquent à leur dernière heure. Le symbole de cette époque brillante reste le Hōōdō (pavillon du Phénix) du Byōdō-in, établi au bord de la rivière d’Uji en 1053 par Fujiwara Yorimichi, désireux d’évoquer sur cette terre les délices de la Terre pure. Le pavillon se reflète dans un étang. Somptueusement décoré, le sanctuaire abrite une statue d’Amida en bois laqué et doré, œuvre du maître Jōchō et exemple classique d’une technique nouvelle de sculpture par pièces assemblées (yosegi) qui permit à l’artiste de se faire aider par ses élèves et favorisa la constitution de nombreux ateliers. Sur les parois et les vantaux des portes, des peintures représentent le cortège d’Amida et des Bodhisattva traversant la campagne pour se rendre à l’appel d’un mourant. Ainsi, même dans la peinture religieuse, le style nouveau du yamato-e (« peinture du Yamato », peinture nationale), s’opposant au kara-e à la mode chinoise, fait son apparition. Dès ce moment, des rouleaux enluminés (e-maki) illustrent poèmes et romans de l’époque. L’exemple classique est le Genji monogatari e-kotoka, dont il subsiste des fragments alliant le texte magnifiquement calligraphié à quelques représentations d’épisodes caractéristiques. Quoique inspirés des modèles Tang, le style et la composition sont typiquement japonais, les personnages très statiques sont traités en couleurs opaques ou tsukuri-e. On date généralement cette œuvre des environs de 1130. Dans la seconde moitié du siècle, le Shigisan engi révèle un style différent, qui porte l’accent sur la ligne tracée à l’encre de Chine et rehaussée de couleurs transparentes. Une grande place est faite au paysage, et les personnages saisis en mouvement sont très individualisés. Le Ban Dainagon e-kotoba allie ce style masculin (otoko-e) à celui du Genji (onna-e) destiné aux dames de la cour. Ces compositions plus mouvementées semblent le reflet des troubles qui marquent la fin du XIIe siècle. Les Fujiwara ont perdu leur autorité. Pour assurer leur pouvoir, les souverains ont fait appel aux guerriers, établis dans les provinces et possesseurs de vastes domaines. Leurs groupes rivaux ne tardent pas à s’affronter et, en 1185, Minamoto no Yoritomo triomphe.
Yoritomo prend le titre de shōgun (général en chef) et crée, loin de la capitale, à Kamakura dans le Kantō, un gouvernement militaire (bakufu). Les buke (guerriers) succèdent aux kuge (aristocrates). Désireux de reconstruire les grands monastères de Nara, détruits au cours des luttes récentes, Yoritomo envoie en Chine Shunjōbō Chōgen, qui ramène du continent de nouvelles formules architecturales et des sculpteurs pour réparer le Grand Buddha du Tōdai-ji. Dans l’art plastique, le réalisme assez pictural de la Chine des Song se conjugue avec un retour aux styles de l’époque de Nara, dans une lignée de grands sculpteurs réunis autour d’Unkei. Ce réalisme s’affirme aussi dans les peintures bouddhiques.
Dans le même temps, les moines de la secte Chan – en japonais Zen – venus de Chine répandent leur doctrine de méditation et connaissent bientôt la faveur des guerriers. Ils introduisent un nouveau mode d’architecture, plus simple et plus dépouillé. Le style kara-yō s’opposera désormais à l’architecture de Heian ou wa-yō. Les e-makimono, où s’exprime le goût narratif des Japonais, traitent des sujets les plus divers. Certains restent fidèles aux formules de l’époque antérieure, d’autres subissent l’influence du réalisme chinois.
En dépit de la résistance opposée aux envahisseurs mongols qui ont tenté d’aborder au Japon en 1285 et en 1291, l’autorité du bakufu est diminuée. Ashikaga Takauji met fin au pouvoir de Kamakura mais, dès son entrée à Kyōto, se proclame à son tour shōgun.
Autour de Takauji, établi à Kyōto, dans le quartier Muromachi, et autour de ses successeurs se crée une cour nouvelle où les moines zen font régner la culture des Song. Ils ont le privilège du commerce avec la Chine, et leurs navires en rapportent de nombreuses œuvres d’art. Peintures, laques, soieries, céramiques ornent les demeures somptueuses des abbés, entourées de jardins où s’allient les pierres et les eaux. À l’école des moines zen, les shōgun se font collectionneurs. Dans leurs résidences où le style wa-yō (japonais) se conjugue au kara-yō d’inspiration chinoise, Yoshimitsu (1358-1408) et Yoshimasa (1435-1490) réunissent leurs familiers pour montrer leurs trésors. Au Higashiyama, Yoshimasa mène une vie d’esthète, et sa demeure annonce une architecture nouvelle : tokonoma (sorte de niche), tana (étagères) et tablette écritoire (shoin) ménagée sous une fenêtre ronde, ainsi naît le style shoin. Les fusuma (portes à glissière) s’ornent de peintures à l’encre où jouent traits et taches de lavis (suiboku). Ces œuvres des Ami ou des Shūbun s’inspirent des rouleaux Song et Yuan introduits en grand nombre depuis le XIIIe siècle et imités par les moines zen. Adaptés aux formats en largeur des fusuma, les paysages chinois montrent une tendance décorative.
C’est dans ce cadre raffiné que sont célébrées les premières cérémonies du thé et représentés les premiers nō.
À la fin du XVe siècle, Sesshū Tōyō, initié au suiboku dans un monastère, fait un court séjour en Chine, où il approfondit cette nouvelle technique qui lui permet de rendre l’essence même du paysage japonais. Mais la guerre civile se rallume. Les artistes se réfugient en province. Dans le port de Sakai (près d’Ōsaka), les marchands enrichis par le commerce avec la Chine et l’Asie du Sud-Est élaborent le chanoyu, faisant choix de céramiques japonaises. Vers 1545, les Portugais abordent au Japon. Des hommes nouveaux vont désormais présider aux destinées du pays. Trois dictateurs s’efforcent successivement de l’unifier.
En 1573, Nobunaga fait son entrée à Kyōto. Ainsi s’inaugure une des périodes les plus brillantes de l’art japonais, où le désir de luxe des gouvernants se conjugue avec celui de l’exotisme avivé par les voyages lointains et par la présence des Portugais, porteurs du message de l’Occident. Pour décorer son château fort d’Azuchi au bord du lac Biwa, Nobunaga fait appel à Kanō Eitoku, descendant des peintres de l’atelier des Ashikaga. L’artiste entoure d’un cerne épais les vives couleurs de ses compositions très variées. Les vastes salles des palais sont animées par ses fonds dorés qui s’harmonisent avec les rehauts de laques et les panneaux sculptés (ramma). Hideyoshi, succédant à Nobunaga, emploie Eitoku et son atelier pour orner ses palais de Fushimi (dans le site de Momoyama, la « Colline aux pêchers ») et d’Ōsaka. Ce prestigieux créateur domine son temps.
Mais, dans ces milieux brillants, un célèbre chajin (maître du thé), Sen no Rikyū, restera le maître de la simplicité, créant des pavillons de thé exigus et en matériaux légers, utilisant des poteries d’aspect fruste. Après avoir tenté d’envahir la Corée, Hideyoshi meurt en 1598 ; son lieutenant, Tokugawa Ieyasu, crée en 1603 un nouveau shōgunat et s’établit à Edo. Les premières années de ce nouveau bakufu appartiennent encore du point de vue de l’art à l’époque Momoyama. Tanyū, héritier des Kanō, décorera les châteaux des shōgun ; ses descendants dirigeront leur atelier jusqu’en 1868, tombant peu à peu dans un académisme stérile. Kyōto, siège de la cour impériale, demeure le centre des arts auxquels s’intéresse l’aristocratie. C’est pour un prince impérial que sera construit le Katsura rikyū, où triomphe le style sukiya inspiré des chashitsu (pavillons de thé). Le jardin évoque des thèmes littéraires empruntés au Genji monogatari. Ce retour aux traditions de Heian s’exprime dans les calligraphies de Hon.ami Kōetsu, qui collabore avec Sōtatsu, créateur d’une nouvelle peinture décorative.
Tandis que l’art officiel s’académise, les classes marchandes enrichies favorisent le développement de tendances décoratives où triomphent Ninsei, potier génial, maître d’Ogata Kenzan, lui-même frère de Kōrin qui se réclame de Sōtatsu.
La peinture de genre fleurit avec de nombreux maîtres anonymes et donnera naissance à l’estampe. Désœuvrés, les samurai s’intéressent à la peinture chinoise des Ming et créent le Bunjinga (peinture des Lettrés), tandis que, par Nagasaki où abordent les navires hollandais et chinois, s’exerce l’influence conjuguée de la peinture Qing et de la perspective occidentale. Ces courants animeront l’art d’un Maruyama Ōkyo et de l’école de Shijō et trouveront leur écho dans les paysages de Hokusai et de Hiroshige.
En 1868, le Japon se tourne vers l’Occident, mais la tradition s’affirme tandis que certains artistes restent ouverts à tous les courants venus de l’étranger. C’est ainsi que l’architecture, utilisant les matériaux les plus modernes, peut être tenue pour une des plus originales du monde entier.
Madeleine PAUL-DAVID
Dès le Néolithique inférieur, période de culture caractérisée par la chasse, la cueillette et la pêche, apparaissent les habitations semi-enterrées (tate.ana), au sol en terre battue creusé de 60 à 90 centimètres de profondeur, de forme ronde, ovale ou, plus tardivement, carrée. Une charpente centrale sommaire – une ou quatre poutres que supportent deux ou quatre poteaux – reçoit des chevrons dont la partie inférieure repose directement sur la terre. L’ensemble, couvert de chaume, a la forme d’une tente. Cet habitat s’est perpétué : on en retrouve aujourd’hui encore des variations sous forme de cabanes de chasseurs et de bûcherons dans le Chūgoku ou le Hokuriku. Au cours du Néolithique ou époque Jōmon (8000 env.-IIIe siècle av. J.-C.), l’habitat semi-enterré suit un développement parallèle à l’essor de l’agriculture et de la sédentarisation, pour atteindre un point culminant au cours du Jōmon moyen. Le site de Mihara (préfecture de Gumma, fouilles en 1980) présente une organisation en cercle de trois cent quarante et une maisons autour d’une esplanade à ciel ouvert ; celui de Nishida (préfecture d’Iwate, fouilles en 1981) montre un espace central, fait de trous utilisés pour les inhumations, autour duquel sont organisés un premier cercle d’édifices non creusés, dont les traces de poteaux enfoncés dans le sol indiquent un plan rectangulaire (ou hexagonal allongé), puis des demeures semi-enterrées (rondes et ovales) et, enfin, un cercle de trous aménagés pour le stockage.
Les vagues d’immigrations continentales au Chalcolithique inférieur et moyen (Chalcolithique ou époque Yayoi, IIIe siècle av. J.-C.- env. IIIe siècle apr. J.-C.) permettent d’importants progrès technologiques dont les répercussions sur la stratification sociale et sur l’habitat sont immédiates. Si des regroupements d’habitations semi-enterrées de type Jōmon se retrouvent fréquemment à l’époque Yayoi, un site comme Etsuji (préfecture de Fukuoka, fouilles en 1994) montre un habitat de type semi-enterré identique à celui de Songgungni dans le sud-ouest de la Corée. L’analyse d’ossements brisés indique que les combats étaient fréquents, ce qui peut expliquer l’apparition de fossés et de palissades faites de pieux, protégeant certains hameaux comme celui du site de Yoshinogari (préfecture de Saga, fouilles de 1992) où le fossé délimite un espace de près de 1 000 mètres sur 400 mètres.
Un miroir de bronze trouvé dans le Yamato et diverses statuettes (haniwa) indiquent la coexistence de plusieurs types d’architectures : persistance de l’habitat semi-enterré ; maisons posées sur la terre avec apparition d’un mur aveugle ; grenier surélevé (principale innovation technologique de l’époque Yayoi). Caractérisé par de très hauts pilotis et une échelle sur l’un des pignons, ce grenier est fait de murs aveugles et d’une ossature de bois de trois travées (dans le sens de la longueur), celle du centre soutenant une poutre faîtière qui, stabilisée par des rondins transversaux, surplombe fortement les pignons.
À la fin du Chalcolithique, deux modèles architecturaux bien distincts coexistent : le type semi-enterré, où la poutre faîtière repose sur des chevrons entrecroisés, et les édifices sur pilotis (tateyuka), où la poutre faîtière soutenue par deux poteaux axiaux supporte les chevrons. Si le premier (et le plus ancien) se rattache à l’habitat des zones d’Asie septentrionale alors que les seconds rappellent l’architecture des régions tropicales pratiquant la riziculture, aucune migration venant de l’Asie du Sud-Est n’a pu être confirmée avec certitude. En outre, toutes les architectures qui se développent par la suite (religieuse ou profane, résidentielle ou populaire, urbaine ou rurale) ont assimilé à des degrés divers ces modèles, ce que ne justifie, loin s’en faut, ni la localisation géographique ni la fonction matérielle des édifices ou des pièces.
L’étude historique de la maison populaire (minka) souffre d’un manque de sources littéraires et iconographiques anciennes – l’architecture des classes laborieuses n’intéressait guère les artistes, ni les lettrés – et, comme souvent au Japon, l’absence de fondations dans les constructions limite les travaux d’archéologie. Ce que l’on connaît provient, pour l’essentiel, de l’étude d’édifices existants, datant du XVIe siècle pour l’habitat rural le plus ancien, du XVIIe siècle pour celui des villes.
Si les deux types archaïques de l’architecture vernaculaire, la maison enterrée et le grenier sur pilotis, ont perduré à travers de rares exemples, l’évolution générale est celle d’un syncrétisme qui s’opéra au cours des périodes ancienne et médiévale. Depuis l’époque d’Edo, au moins, la maison populaire est composée à la fois d’un espace en terre battue et d’une partie planchéiée surélevée. En dépit de différences régionales superficielles, l’architecture vernaculaire possède une remarquable unité à travers un archipel pourtant marqué par des conditions géographiques et des paysages régionaux très variés. Cette exceptionnelle unité a permis l’épanouissement d’un style de vie quasi identique à travers tous le pays.
Chaque maison traditionnelle comporte une ossature de bois surmontée d’une vaste toiture. Charpente et toiture, très lourdes et débordant largement sur le pourtour de l’édifice, en sont les principaux éléments, ce qu’atteste l’étymologie du mot toit, yane, la « racine de la maison ». Construite sans fondation, l’ossature est faite de poteaux posés sur des pierres aux trois quarts enfoncées dans le sol. Des poutres horizontales, placées entre 20 et 50 centimètres au-dessus du sol, reçoivent les chevrons et le plancher. La partie haute des poteaux est directement encastrée dans une seconde série de poutres (parfois des tronc d’arbres à peine équarris) qui supportent la charpente.
La charpente est à empilage, sans triangulation, et assure par son propre poids et celui de la toiture la stabilité de l’ossature. À la campagne, roseaux (Miscanthus sinensis), pailles de riz ou de blé et bardeaux sont les couvertures les plus fréquentes, alors qu’en milieu urbain la tuile prédomine en raison d’une meilleure résistance au feu. On trouve plus rarement de la pierre plate et de l’écorce. Les toitures de chaume ont une pente moyenne de 45 p. 100, pouvant atteindre 55 p. 100, celles de tuiles ne dépassent pas les 30 p. 100. Le toit à deux pentes (kirizuma) est assez répandu, rare est celui à quatre pentes. Le toit à quatre pentes avec pignons coupés dans la partie supérieure (irimoya), synthèse des deux formes précédentes, est le plus courant, comme dans toute l’Asie orientale. La cheminée n’existant pas au Japon, la partie haute, de part et d’autre du faîtage, est souvent ajourée pour l’évacuation de la fumée. On retrouve fréquemment l’usage de rondins transversaux pour stabiliser le faîtage, technique héritée de la préhistoire.