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Comment faire quand on est novice dans l'art de la survie? Dans certains milieux, s'approprier les biens précieux d'autrui par des moyens illégaux ne pose aucun problème de conscience. A ce titre, une chasse impitoyable menée par des truands peu scrupuleux impliquera des personnes ordinaires, quoique...Elles n'auront que leur courage pour s'opposer à ces criminels...
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Seitenzahl: 278
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Toute ressemblance avec des personnages existants serait purement fortuite. Cette histoire est une fiction…
Quelques libertés ont d’ailleurs été prises avec certaines réalités…
A Ana …
A nos enfants Hélène et Laurent…
REMERCIEMENTS
Je remercie Dylan Degrelle et Mickaël Guérin pour l’élaboration de la couverture en tant qu’animateurs numériques.
Je remercie ma fille Hélène pour son aide bienveillante à la correction du livre.
Sur l’auteur
Ancien enseignant spécialisé et référent pour les élèves en situation de handicap dans l’Avesnois, j’ai été coureur à pied dans l’ultrafond pendant près de trente ans.
Lors de mes entraînements quotidiens et durant les compétitions, j’ai dû souvent m’éloigner du réel pour surmonter la fatigue et la douleur, mais également me surpasser. Dans ces moments-là, j’ai commencé à esquisser la trame de nombreuses histoires que je couche désormais sur le papier…
Les précédents romans :
Publié en avril 2023 : « Mémorial sur ordonnance »
Publié en janvier 2024 : » La colère des faibles »
facebook Guy ANDRE
—Lucie ! Viens vite !
—Je me dépêche !
—Plus vite ! Vite, ça va tomber !
Patatras… Des pierres s’écroulent ; un bruit assourdissant heurte le silence qui habite ordinairement ce lieu.
—Emilio ! Emilio ! Oh mon dieu !
Lucie voit son mari, debout, tout poussiéreux, tenant à bout de bras la voûte dont quelques pierres viennent de s’écrouler...
—Attends, on va mettre cette poutre en-dessous pour t’aider à la maintenir ! Que s’est-il donc passé ? Toutes les fresques ! Oh, mon dieu !
Habilement, la jeune femme empoigne un des bastaings empilés au sol, et l’approche de ce qui semble être une peinture ancienne, un bout de fresque…
—Ne mets pas le bastaing ! Tu sais, je ne tiens rien, regarde ! dit Emilio en s’écartant.
Effectivement, il a désormais les mains sur les hanches et plus rien ne tombe de cette crypte d’une vieille église encore en décombres depuis la fin de la 2ème guerre mondiale. La situation était si critique dans ce pays que de nombreuses années se sont écoulées sans aucune restauration. Par où commencer la reconstruction ? Certainement pas par les petits villages. Il y a tant à faire !
C’est par un concours de circonstances que Lucie et Emilio effectuaient des recherches à cet endroit. Un collègue historien polonais avait éveillé leur curiosité. Plusieurs années après la guerre, alors qu’il voyageait dans son pays, les villageois lui avaient retracé l’histoire de cette chapelle. En janvier 1945, les nazis y avaient effectué des travaux de maçonnerie durant plusieurs jours alors qu’ils étaient en pleine débâcle et que la chapelle était en excellent état… Le maçon du village avait été enrôlé de force et puis avait été fusillé … Etrange…
Peu de temps après, des avions russes bombardaient le bourg … détruisant presque entièrement la chapelle.
Que cherchaient à dissimuler les nazis à cet endroit ?
Curiosité, quand tu nous tiens…
Une chapelle en ruine, un secret sans doute enfoui… Quoi de mieux pour pimenter l’existence de Lucie et Emilio ?
—Vois-ça, on dirait que la fresque est constituée de deux morceaux d’époques différentes !
Et patatras à nouveau ! L’ensemble finit de tomber, des bouts de pierres éclatent au sol. Apparait, parmi ceux-ci, un petit cylindre en acier, impeccable, étincelant, fermé de chaque côté.
—Tu vois, on aurait dû étayer ! Zut, c’est quoi ça ? lance Lucie.
Emilio saisit promptement le tube, et ôte un des embouts.
Il sort, précautionneusement, un rouleau constitué de plusieurs feuilles manuscrites.
Lucie s’approche de son mari qui les a déjà délicatement déposées sur la table d’expertise.
Quelques longues minutes s’écoulent avant qu’elle ne relève le nez des cinq premières feuilles qu’elle a parcourues.
—Hé bé ! soupire-t-elle, en s’asseyant sur une chaise proche d’elle.
—C’est quoi ? Dis-moi ?
—C’est une bombe ce document !
—C’est-à-dire ? questionne, intrigué, Emilio.
—Il semblerait, si j’ai bien compris, que ce soit une étude aboutie sur une formule chimique permettant…
Lucie prend un temps d’arrêt.
—De quoi faire ? continue Emilio.
Elle se penche vers lui pour lui murmurer à l’oreille la suite…
—Non… N’importe quoi ! Tu es sûre ?
—A première vue, oui ! Je suis chimiste et biologiste à la base, et ça peut franchement être ça… d’après les premiers feuillets… Il faudrait prendre plus de temps pour les étudier… Le préambule du document, écrit en allemand, est d’ailleurs très clair et correspond à ce que je dis. Les nazis effectuaient des recherches scientifiques dans tellement de domaines ! Ils ont voulu cacher celle-là avant la débâcle, c’est sûr !
—Oh bon sang ! Que va-t-on faire de cette découverte ?
—La protéger ! Il faut savoir l’emploi qu’on pourrait en faire !
—Mais où la protéger !
—Je sais où, mon chéri, je sais où…
Chapitre 1
Temps passé : 1h
Chapitre 2
Salle de conférence à Séville
Chapitre 3
Chapitre 4
Quelque part dans la campagne, près d’un village blanc entre Séville et Malaga
Chapitre 5
Malaga
Chapitre 6
Chapitre 7
Temps passé : 2h
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Un petit bois, en campagne malaguène
Chapitre 11
Chapitre 12
Temps passé : 3h
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Temps passé : 4h
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Dans l’auberge « La cocina »
Chapitre 23
Deux heures plus tard
Chapitre 24
Au même moment, à l’autre bout de Malaga, dans un atelier
Chapitre 25
Temps passé : 5h
Chapitre 26
La nuit dans l’auberge « la Cocina »
Chapitre 27
Chapitre 28
Au petit matin
Chapitre 29
Temps passé : 6h
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Dans un café au centre de Malaga.
Chapitre 35
Chapitre 36
Temps passé : 6h30
Chapitre 37
Cimetière anglais de Malaga.
Chapitre 38
Chapitre 39
Chapitre 40
Chapitre 41
Dans une rue de Malaga, au même moment
Chapitre 42
REMARQUES
Semaine sainte à Malaga
Place de la Merced
Monument du Général Torrijos
Mais qu’est-ce que je fais là ? C’est où là, d’ailleurs ?
Je ne sais pas… Une chanson me trotte dans la tête. Je l’aime, je l’adore, je le sais… Comment s’appelle-t-elle ? Le vide sidéral… Je ne sais plus. Ah, bon sang, je ne connais que ce titre ! Mais je suis perdu… Je recherche ce que j’ai déjà oublié… C’est grave ça ! J’ai tellement mal à la tête que l’écho répond à mes questions, l’écho du vide…
J’essaie d’ouvrir les yeux, mais c’est trop douloureux, comme si j’avais reçu des coups de poing… J’ai un drôle de goût dans la bouche et quelque chose qui colle sur mes lèvres…
Oui… je me souviens ! Un grand gars, épais… une brute ! Chauve. Enfin, rasé je crois. Je ne sais plus…Il m’a tabassé. C’est certain ! Quoique… Mais je ne me souviens même plus de mon âge, par exemple, plus rien ! Bizarre. La quarantaine, oui 45 je crois. C’est ça, 45 ans !
Je ne vois rien, pourtant mes paupières sont ouvertes... Je suis dans l’obscurité la plus totale. Mais où suis-je ?
J’ai mal partout, je suis allongé, je ne vois rien, j’ai mal à la tête, et ça sent mauvais. Je connais cette drôle d’odeur…
C’est silencieux. Etrangement silencieux. Un silence à faire peur.
Des souvenirs apparaissent peu à peu. Je reprends conscience de mon corps. Je suis allongé, les jambes serrées l’une contre l’autre. Je suis sur un sol dur, mais ce n’est fort probablement pas un sol. Ce n’est pas certain. On dirait que je suis sur du bois… Du vieux bois et ça sent l’humidité ! Je me sens à l’étroit. J’ai les bras sur mon corps, un peu de chaque côté et je ne réussis pas à les descendre le long ! Si j’essaie, j’ai mal, et c’est très difficile. Je suis presque bloqué. Non, je suis gêné, plus exactement, empêché de bouger même, que ce soit à droite ou à gauche, par des cloisons, ou murs, ou que sais-je…
Quoique… Je commence à soupçonner ce qui est en train de se passer. Je lève les bras de quelques centimètres et ils touchent une paroi ! Cela me fait mal d’avoir bougé un peu. Du bois également, vieux, râpeux … Des interstices…
Je pousse, je cogne vers le haut… de la poussière tombe sur moi…
Pas de la poussière… De la terre ! Beaucoup de terre…
Je tousse. Je crache. Je peste et une peur panique m’envahit. L’impensable est en train de germer dans mon esprit.
Je m’appelle… Mathieu ? Oui, Mathieu Doe, ma mémoire se réveille. Mes sens sont en éveil. J’ai froid.
Je suis manifestement dans une caisse en bois ! Un cercueil !
Enterré … vivant ! C’est certain ! Cette odeur, ce bois, ce silence, cette étroitesse de place, cette obscurité…
Allez, réfléchis Mat ! Réfléchis sinon ton avenir s’annonce court… plus que court…
Qu’est-ce que je fous là ? Qu’est-ce que je peux bien foutre dans un cercueil pourri ? Pourquoi suis-je enterré vivant ? Un cauchemar ?
Non, je ne rêve pas car j’ai des sensations au niveau de tous mes sens. Cela ne peut pas être un rêve, même un mauvais rêve !
… Bien sûr ! C’est à cause de ces trois jeunes qui sont venus me voir à la fin de la conférence pour demander mon aide. C’est à cause d’eux que je suis dans ce pétrin ! C’est ça… Trois étudiants…
Pourquoi ai-je accepté de les aider ?
Pourquoi toujours aider les autres ?
Je ne peux pas m’empêcher … et voilà où cela me conduit ! On m’a tellement dit et répété de me concentrer uniquement sur mes propres problèmes.
Je vais mourir enterré, parce que, une fois de plus, je n’ai pas su refuser ! Moi et mon âme de Bon Samaritain !
Chaque fois, je m’investis dans une cause juste et louable et je m’en sors toujours bien. Mais là, maintenant, c’est la fin pour moi !
Ma mémoire fonctionne à plein désormais, et je revois mentalement une étude que j’ai lue récemment (quelle ironie !). Je n’ai que six heures avant de mourir étouffé pour peu que je respire lentement et reste calme. C’est ce qui ressortait de cet article. Depuis combien de temps suis-je ici ? Une heure peut-être ? Il m’en reste cinq donc… au mieux ! Je dois me protéger la bouche, les yeux et le nez… Il ne faut pas que j’avale trop de terre sinon je vais tousser, m’agiter, paniquer, m’étouffer, et consommer le peu d’oxygène dont je dispose !
Mon esprit fonctionne, déduit, et conclut toujours malgré l’angoisse qui m’étreint. Mon cerveau analysera la situation jusqu’à la fin. Quelle horreur !
Le criminologue que je suis a compris parfaitement son avenir, ce que je vais endurer…
Du calme…
Enterré vivant !
Bon sang, ce n’est vraiment pas une belle mort !
Du calme…
Je vais tâcher tranquillement de remonter mon imper sur la tête. Hé oui… A la Columbo, je porte un sempiternel imperméable sur le dos… Même s’il fait chaud. Un style, un besoin, …un toc sans doute…
Allons-y ! Essayons de bouger les bras, les mains et de remonter un peu tout ça sur la bouche et le nez !
Mon Bogart, où est-il ? Bon sang, qu’est-ce que ça peut faire, Il y a plus important tout de même !
Du calme… Ne pas sombrer dans l’énervement, la détresse, l’angoisse, la terreur…
Garder son sang-froid.
J’ai froid.
Des pensées positives… Euh … Franchement difficile.
Je me concentre. C’est parti. Mon rythme cardiaque se fait lent, paisible, dominé par mon esprit.
Soudain, une idée obsessionnelle domine mon cerveau. Mon cauchemar, ma faiblesse… Non ! Non ! Pas maintenant ! Je m’étais pourtant juré de…
De quoi ?
J’ai faim.
Alors, envahi par la terreur, je me mets à crier, crier … Un cri déchirant de bête mourante.
De la terre tombe sur mon visage.
Je vais mourir asphyxié au fond d’une tombe ! Amber me manque…Ma femme…
Je crie, je lui crie mon désespoir !
Elle m’a toujours aidé, soutenu ! Elle me trouvera… Oui, l’espoir, l’espoir du désespoir !
De nouveau ma perpétuelle obsession en profite pour me détruire… Merde ! Dégage, tire-toi de ma tête ! Ce n’est pas le moment ! Vade rétro Satanas !
Amber ! Il faut que je pense à elle ! Elle m’a toujours porté chance… Je l’aime encore ! Je veux pouvoir l’aimer encore !
Je hurle de plus belle !
Je suis fatigué.
Froid, faim, fatigue… Le triptyque négatif…
Je hurle dans ce silence de mort.
De la terre tombe sur moi… Je viens de raccourcir de plusieurs précieuses minutes ma vie ! Je m’en fous ! Je dérape, je me noie dans des pensées macabres, je suis entré dans un cercle vicieux de terreur !
Au secours !!!
Je conclus par les phrases habituelles :
—… merci pour votre attention !
S’ensuit un tonnerre d’applaudissements.
Je saisis la petite bouteille d’eau sur le coin de mon pupitre, me délecte de sa fraîcheur, puis salue la foule de plusieurs hochements de tête et d’un grand « lever de bras » !
Je me sens bien…
Je sais que cette conférence, « Le profileur a-t-il une conscience ? », plaît bien au public néophyte, mais également aux personnes plus impliquées dans mon champs d’action : la criminologie. Mon plan est structuré, des exemples concrets étayent mon discours, et des points de réflexions intéressants incitent au questionnement. Aucune faille dans mon raisonnement. Je suis fier de ce contenu. Il a contribué notablement à ma réputation, et au fait que je sois invité partout en d’Europe dont l’Espagne que je préfère à tout autre pays, j’y ai tant de souvenirs…
Je regarde ma montre : 17h. J’ai encore soif ! La climatisation ne fonctionne pas en cette période de l’année. La salle est ancienne, ressemble à une ancienne salle de cinéma. Vaste, mais peu aérée. J’ai chaud et j’ai vu qu’une partie du public s’éventait avec ce qu’il pouvait trouver, magazine, portefeuille, mouchoir durant la conférence… C’en était parfois comique : une jeune femme a pris sa casquette rouge de base-ball pour se rafraîchir en l’agitant devant elle et celle qui était derrière elle ne cessait de bouger de droite à gauche pour me voir… Elle a fini par se lever et s’asseoir sur une marche de l’allée ! Suis-je si hypnotique ? Le contenu de mes propos les maintient-il dans un tel état de dépendance ? Je rigole en mon for intérieur en repensant à ce moment. Il faut dire que je maîtrise tellement mon sujet que je peux, tout en allant dans mes propos, observer le public installé dans la salle. L’instinct du profileur ! Et l’expérience…
Plus de cinq cents spectateurs, pour deux heures de discours en pleine après-midi à Séville, en ce mois d’avril, avec des températures déjà élevées, c’est plutôt pas mal !
J’aime chaque année m’accorder, à cette période de l’année, une quinzaine de jours de détente en Andalousie. J’en profite pour faire des conférences en espagnol et côtoyer les services de police qui me fournissent de précieux renseignements pour mon livre sur les méthodes d’analyses de crimes selon les pays. Je rends aussi toujours visite à des amis qui me sont chers. J’aime aussi aller à Malaga pour les processions de la semaine sainte. Une semaine chargée d’émotions pour les Espagnols et les nombreux touristes dont je fais partie… J’ai déjà assisté, depuis plus de vingt ans que j’y viens, à toutes les processions. Je dois dire qu’elles soulèvent toujours en moi un vif émoi lorsque je constate, in situ, la dévotion, mais aussi le respect, l’admiration, ou tout simplement la curiosité bienveillante que dévoilent les participants, mais également les dizaines de milliers de spectateurs…
Alors que je range mes documents et éteins le vidéo projecteur, tout en lorgnant sur ma petite bouteille de jus d’orange, je vois une jeune femme avancer vers moi, d’un pas décidé. Vêtue d’un jean moulant, troué comme il se doit actuellement et d’un tee-shirt ample, les cheveux bruns, les yeux bleus, elle a à la main une casquette de couleur rouge… Un parfum de qualité émane d’elle, une senteur florale, discrète mais que je capte aisément. Un bruissement sur le sol m’indique qu’elle est surement chaussée avec des ballerines… Un coup d’oeil : exact ! Tiens, tiens, la jeune femme de tout à l’heure dans l’assemblée ? Je l’observe attentivement. Elle est jeune, très jeune. Une éventuelle stagiaire ? Une étudiante qui veut étoffer son mémoire ? Une admiratrice en quête de dédicace d’un de mes livres que j’écris toujours en français alors que je suis anglais, à la base, dirai-je ? Aucun mérite à cela. Je suis né à Lille de parents britanniques. À la suite de leur décès alors que j’étais encore jeune, mon oncle et ma tante m’ont envoyé dans un des meilleurs pensionnats de Wallonie. Donc rien d’étonnant à ce que je maîtrise parfaitement la langue de Molière. Commerçants à Anvers, ils voyageaient partout dans le monde. Durant les vacances, je les suivais dans leurs périples qui, en été, aboutissaient toujours en Andalousie. C’est comme cela que j’ai appris à observer, à comprendre les similitudes ou les différences entre les peuples et à aimer l’Espagne. C’est comme cela également que j’ai étoffé la palette des langues que j’applique, et pour certaines, que je maîtrise.
Arrivent à sa suite, et cela m’interpelle, deux gars, l’un, disons, de forte corpulence, soyons clair, carrément en grave surpoids, blond, cheveux longs, tombants largement sur les épaules et le front, à la limite des yeux, et l’autre grand, d’attitude sportive, cheveux bruns, courts.
Les deux jeunes gens rejoignent la jeune femme. Ils l’encadrent et échangent des regards complices. La jeune femme en paraît alors d’autant plus discrète. Je comprends en les voyant et en comparant leurs tailles la raison des ballerines pour la jeune femme : elle est la plus grande des trois malgré tout… C’est le costaud qui s’adressera à moi, je pense. Manifestement, ils ont tous les trois une question commune ou une requête à me proposer… Ah non, pas un stage pour les trois en même temps ! Encore moins l’un après l’autre !
Ou alors, un problème les ennuie et ils veulent mon avis, ou mon aide. Je saisis mon jus d’orange et engloutis d’une traite le contenu de la bouteille. Je le préfère à l’eau de tout à l’heure !
Ah que c’est bon… Je prends un mouchoir en tissu dans la poche arrière de mon pantalon, pour m’essuyer la bouche. Aujourd’hui, c’est le vert. Chaque jour, avant de sortir je vérifie que j’en ai bien un et chaque jour j’en choisis un de couleur différente… Appelez ça une habitude ou un toc… comme vous voulez ! C’est essentiel pour moi.
Les trois jeunes, un petit sourire au coin des lèvres, m’observent.
Le jeune homme, type sportif, s’adresse à moi en français.
—Monsieur Doe, pardonnez-moi de vous déranger juste à la fin de cette conférence…
Il a un petit accent indéfinissable, mais son français est impeccable. Il enchaîne, avant que je puisse lui poser des questions sur son origine.
—Votre conférence était extrêmement passionnante, Monsieur Doe !
—Je vous remercie jeune homme ! Des questions ? Un problème ?
—Non, nous voud…
—Une demande de stage ? dis-je sur un ton ironique.
Aucun sourire à la suite de mes propos…
J’ajoute d’un ton plus amène.
—Allez, dites-moi donc !
—Monsieur Doe ! réplique la jeune femme, en français également, nous venons vous parler de Lucas et Emma Winter.
Elle triture désormais sa chevelure, se dandine sur ses pieds, et devient carrément rouge de visage. Discrète et osant peu…me dis-je.
—Nous savons que vous êtes leur parrain, et que vous les voyez chaque année durant la Semaine sainte, termine le costaud ...
Je reste bouche bée. Alors là, les petits jeunes m’en bouchent un coin !
—Comment savez-vous tout cela ? Et pourquoi me questionner sur eux ?
—Je m’appelle Léa, renchérit la jeune femme d’une voix timide, et voici Maxime, et Thomas. Nous allons à la même fac que Lucas et Emma.
Maxime est le jeune plutôt fort, mais c’est Thomas qui ajoute :
—Nous sommes plus que des étudiants qui fréquentent la même université, Léa ! Nous sommes amis ! Des amis très proches ! Des vrais !
—Pardonnez-moi, dis-je sur la défensive, mais pourquoi voulez-vous me voir à leur propos ? Quels seraient les problèmes que vous n’arriveriez pas à résoudre et qui me désignent comme étant une pièce essentielle à leurs résolutions ?
—Ils ont disparu depuis deux jours… Nous devions venir ici tous les cinq vous écouter, nous en avions convenu.
—Vous savez, parfois les jeunes s’absentent et ne préviennent pas forcément leurs amis. Vous devriez néanmoins, dans ce cas, avertir leurs parents.
Thomas, d’un geste sec de la main, m’interrompt :
—Monsieur Doe, leurs parents sont morts !
Je le regarde, interdit…
—Mais… Que voulez-vous dire?
—Monsieur Doe, ils ont été assassinés…
Malgré la chaleur présente déjà sur le sud de l’Espagne, je porte mon habituel imperméable long et noir, qui me confère, selon mes critères, une certaine élégance et une marque de fabrique qui me sied ! L’habit ne fait pas le moine, mais il y contribue, dit-on. Pour moi, l’aspect félin et limier me convient ! Ma tête est ornée de mon éternel Bogart, noir, ce chapeau iconique et indétrônable, assortissant le tout d’un certain chic ! Amby m’adore comme cela ! Pardon, m’adorait… Je suis grand et mon allure longiligne me confère une certaine prestance. Cette prestance m’ouvre souvent des portes fermées à d’autres ! L’habit ne fait pas … Bref, encore une fois, un adage qui se vérifie !
Depuis que je suis séparé de ma femme, Amber, Amby donc, j’aime à me réfugier souvent en Andalousie. Cette région me rappelle ma jeunesse, mes meilleurs souvenirs, mes véritables amis. Mais également de bons moments avec elle… Je me sens seul, tellement seul sans elle.
Je ne comprends pas comment nos routes ont pu à tel point s’éloigner l’une de l’autre… La vie depuis plus d’un an et demi, presque deux, m’est toujours aussi insupportable. Nous formions un si beau couple, toujours en osmose et étions tellement en supplémentarité : un binôme parfaitement complémentaire qui anticipait les besoins de l’autre, ses réactions, ses émotions.
Mais, ça, c’était avant… Je dois penser à autre chose sinon je vais partir loin dans mes réflexions et je vais m’engouffrer dans ce tunnel qui me hante. Je dois me ressaisir. Je dois penser à autre chose.
Nous sommes tous les quatre, les trois étudiants et moi-même, attablés en terrasse du bistrot le plus proche de la salle de conférence. Séville ne grouille pas encore de monde, il fait chaud, mais il est encore trop tôt. Cette ville se réveillera dans quelques heures, comme tous les soirs.
J’observe mes trois compagnons en cette fin d’après-midi. Ils se délectent de leurs bières. Les deux garçons ont déjà presque fini ! Il va peut-être falloir que je leur en commande une autre ! Moi, j’ai mon jus de fruit en main, mais je joue avec le verre, retardant le moment de le savourer. J’en ai déjà soif d’un autre …
Ils me doivent des explications … Être à l’extérieur atténue la morosité, l’inquiétude et l’angoisse qui m’étreignent. Il y a du bruit, trop à mon goût. Je ne réussis pas à me concentrer autant que je le voudrais sur cette nouvelle : mes amis ont été assassinés ! Il est fou ce jeunot, il est malade ! Impossible, inenvisageable, je ne le crois pas. Comment serait-ce possible ?
Depuis que j’ai appris la soi-disant mort de mes amis d’enfance, Lucie et Emilio, les parents de Lucas et Emma, je n’arrive plus à avoir de pensées cohérentes... Je suis à la fois ébahi, désespéré, et las… Las qu’encore une mauvaise nouvelle me tombe dessus.
Décidément, j’ai la poisse.
Mais, une fois encore, je me persuade que c’est une bêtise, ils ont cru que, ils pensent que, ils ont conclu que… Mais c’est absurde ce que m’a dit ce gars !
Remets-toi Mat ! Ecoute ces jeunes ! Concentre-toi !
Pour le coup, cette nouvelle m’a pétrifié littéralement ! J’ai du mal à me maîtriser et cette idée de leurs morts prend racine plus les secondes passent. Je pense à eux. Je ne dis pas encore « je repense à eux ».
Lucie et Emilio étaient mes amis d’enfance. D’abord copains de plage, puis voisins de résidence lorsque nos deux familles se sont liées d’amitié. Au fil des étés passés en Andalousie, nos relations sont devenues de plus en plus fortes. La distance, lorsque l’été s’achevait, ne nous séparait pas. Des heures au téléphone, comme seuls les ados savent le faire, ravivaient sans cesse notre amitié…
Les processions de la Semaine sainte à Malaga étaient un prétexte à nous revoir systématiquement chaque année. Moment incontournable. Pas besoin de prévenir ! Ils savaient que je venais en Andalousie, et ils étaient sûrs que je passerai les voir.
Les enfants, Lucas et Emma, des jumeaux, venaient chaque année quelques jours en Belgique dans notre maison, enfin dans ma maison, puisque depuis presque deux ans, Amber a déserté le domicile conjugal. En fait, plus trivialement, on peut dire qu’elle m’a largué !
Lucas et Emma sont adorables, très intelligents… Je les considère comme de ma famille, comme mes propres enfants… Je n’ai pas eu la chance d’en avoir. Amber et moi ne pouvons pas … La médecine n’a rien pu faire pour nous. Est-ce que cela a joué un rôle dans notre séparation ? Je ne le pense pas… C’est un sujet qu’il nous était difficile d’aborder. Pourtant Dieu sait à quel point je peux être bavard… Amber me le reprochait souvent lorsque nous étions ensemble. Elle disait que je monopolisais la parole et que je ne la laissais pas respirer. J’étais tellement avide de lui raconter mes séjours à l’étranger … Elle m’écoutait en me fixant. Au bout de quelques minutes, elle déviait sur un sujet qui l’intéressait plus, son quotidien, ses recherches, ses collègues… Et moi, je…
Thomas coupe mon silence :
—Monsieur Doe ? Monsieur Doe ? Vous ne dites plus rien depuis tout à l’heure… Tout va bien ?
—Non, ça ne va pas ! dis-je en haussant le ton.
Flûte ! J’étais vraiment parti loin, là ! Reviens Mat, reviens au concret, au moment présent !
Je peste.
—Comment veux-tu que ça aille bien ? Vous venez de m’apprendre que mes meilleurs amis ont été assassinés et que leurs enfants ont disparu… Enfin, c’est ce que vous dites ! Vous êtes malades ! Comme ça, en deux minutes, il faudrait que j’aie digéré l’information ? D’ailleurs, info ou intox ?
—Ecoutez, cela fait beaucoup plus que deux minutes que vous regardez dans le vide, sans un mot. Vous n’avez pas l’air bien ! Et ce n’est pas en vous adressant à moi de cette manière que vous allez résoudre les problèmes. Je n’y suis pour rien, nous n’y sommes pour rien ! Nous sommes venus vous voir car nos deux amis nous ont toujours dit qu’il fallait vous contacter en cas de problème. Vous êtes, paraît-il, une personne raisonnable, pugnace, capable d’épauler quelqu’un sereinement… Du moins, c’est comme ça qu’ils vous ont décrit ! Ne vous inquiétez pas ! Nous allons vous laisser ! Nous tâcherons de prendre notre mal en patience avec la police qui patauge lamentablement, et si vous…
—Stop, stop, stop ! Touché mon garçon, plutôt Thomas ! Tu as raison, je suis un lamentable con ! Tu n’y peux rien, vous n’y pouvez rien… Mais cela me fait tellement mal … Veuillez me pardonnez… Et appelez-moi Mat ! Je me mets avec vous sur cette affaire. Ok ? Mais… Ils sont morts ?
—Oui, hélas, les jumeaux nous l’ont dit, vite fait au téléphone, hier. Ils étaient catastrophés, mais nous n’avons eu aucun détail. L’appel a duré trente secondes… répond Thomas à mon doute. C’est terrible, Monsieur Doe, c’est terrible !
—Même pas trente secondes ! renchérit Maxime.
—Ah, bon… Oui, c’est terrible… Même pas trente secondes… Etrange… Bon, nous allons voir comment on peut aider la police sur ce cas. Il est hors de question que rien ne se passe…Vous connaissez le nom de l’inspecteur chargé de cette affaire ?
—L’inspectrice Dolores Garcia et son assistant Miguel Quispe ! répond Léa. Ce sont eux que l’on a prévenus, enfin auprès de qui on nous a amené.
—Dolores Garcia ? Une petite, brune, yeux marron, une petite balafre sur le front qu’elle cache sous sa frange, et une cicatrice qui lui traverse tout le cou ?
—Oui … répond intriguée Léa. Vous la connaissez ?
—Léa, tu as remarqué tout ça ? questionne Maxime. Tu m’étonnes une fois de plus !
—Toi, tu n’as remarqué que sa grosse poitrine ! s’esclaffe Thomas.
—Oui, c’est elle et elle se fait appeler Lola ! ajoute Léa.
—Il n’y a pas que moi qui aie remarqué la profondeur de son décolleté ! Monsieur Doe ? On ne voit que ça ? Non ?
—Oh ! Loin de moi cette pensée, Maxime ! Voyons ! Oui, Lola est une amie que je vois de temps à autre. C’est une longue histoire, mais ça va sacrément nous aider ! Oui, sacrément… Lucie et Emilio… Merde, ils sont morts…
Je secoue la tête de droite à gauche, puis de gauche à droite… Non, non, non ! Ce n’est pas possible ! Mes amis…
Je me reprends, et relève la tête.
—Tout le monde a fini sa bière ? Alors, allons-y !
—Ne vous inquiétez pas, on les a payées, et votre jus de fruit aussi ! ajoute Thomas. Pendant que vous comatiez…
—Arrête, lui lance Léa. Faut l’excuser, il est susceptible.
—Ouais, c’est bon…
Je suis abasourdi. Je fais un peu le fanfaron, mais je suis vraiment choqué par la disparition, semble-t-il, de mes amis, disparition funeste… J’en suis attristé, dévasté, et pourtant, je ne réussis pas à prendre conscience de cette détresse. C’est difficile à expliquer. Je suis tellement choqué que je suis dans un état quasi de sidération.
—Où ? questionne Maxime.
—Où quoi ? Ah ! Où va-t-on ? A Malaga, mais avant on passe près de la maison de mes amis, enfin de Lucie et Emilio. Puis, nous irons voir Lola, enfin l’Inspectrice Garcia…
—Vous la connaissez d’où ? demande Maxime.
—Je vous l’ai dit, c’est une longue histoire…
—On part pour plusieurs jours ? ajoute Léa.
—Oui, j’aurai de quoi vous loger. Des copains me prêtent une grande maison. Ils quittent systématiquement Malaga pendant la Semaine sainte. C’est trop bruyant et agité pour eux. Mais d’abord on passe chez vous, je suppose ? A la résidence universitaire de Séville ?
—Oui ! répond Thomas.
—Quand on y sera, vous aurez dix minutes pour mettre dans un sac de quoi tenir cinq à six jours. Ensemble, nous pourrons réfléchir à cette affaire.
—Mais pourquoi allons-nous à Malaga même ? On ne sait pas où se sont passés les meurtres ?
—Parce que Lucas et Emma seront à la Semaine sainte ! Quoiqu’il arrive, ils seront aux processions ! Jamais ils ne les ont manquées ! Nous allons chez mes amis d’abord, enfin à leur local, dans un des villages blancs de la montagne, au Nord de Malaga.
—Comment pouvez-vous être sûr qu’ils seront aux processions ? questionne Léa.
Je me sens revigoré. J’ai besoin d’occuper mon esprit, de faire preuve de réflexion, de logique pour démêler cette affaire. Ma matière grise doit être en action. C’est comme cela que je me sens vivant ! C’est ça mon trip ! Mon trip c’est de cogiter.
J’ai soif, bon sang, j’ai soif !
—Pourquoi suis-je certain qu’ils seront aux processions ? Parce que… Parce que… c’est une longue histoire…
Et j’éclate de rire. Ces jeunes me font du bien ! Je ne consulte pas de psy mais résoudre des affaires c’est tout comme pour moi. Un jour, il faudra que j’y pense… pourtant… On ne peut pas traîner des valises toute sa vie…
Cette longue histoire, je voudrais la raconter, mais je la garde pour moi.
Mat ! Pense uniquement à ces jeunes, à tes amis et leurs enfants. Tu peux aider à dénouer cette affaire, et peut-être sauver ce qui peut l’être… C’est une action qui peut te permettre de t’absoudre. Sans doute. Sans aucun doute, devrais-je dire !
Emma et Lucas ! Je ne veux penser qu’à eux…
—Tu vas parler, salope !
Le gars qui interroge décoche un puissant coup de poing sur la mâchoire de la femme. Celle-ci, sous cette décharge de haine, s’écroule, entraînant avec elle la chaise sur laquelle elle est maintenue. Il y en a des heures de musculation derrière cette violence, pense-t-elle, stoïque !
Car, elle, elle s’est entraînée à recevoir des coups ! Pas de bol, mon gars ! pense-t-elle, satisfaite.
L’acolyte de la brute repositionne la chaise, sans le moindre effort. Il est costaud, baraqué comme pas possible, avec des avant-bras puissants et des mains énormes…
—Donne-lui à boire, Ignazio !!!
Ignazio s’exécute. Il se saisit d’un seau d’eau qui est à ses côtés, et balance tout le contenu sur la tête de la pauvre femme !
—Tiens ! De l’eau bien fraîche ! rétorque-t-elle.
La femme s’ébroue, suffoque, mais reprend place sur sa chaise, bien droite, digne dans sa posture, solide et impressionnante dans son silence. Elle semble déterminée et prête à subir les pires atrocités…
Elle ne parlera pas. Elle l’a promis lorsqu’elle les avait vus rentrer dans leur labo. Elle savait pourquoi ils venaient. Elle sait aussi pourtant que son mari est ligoté, et que, bientôt, ce sera son tour. Le fait qu’il se taise l’incite à faire de même. Tout simplement. La complicité…