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En Europe, une sécheresse sévit depuis des années. A-t-il suffi qu’un prêtre chante faux lors d’une messe pour déclencher le déluge ? Mais le miracle tourne au cauchemar de l’inondation…
Désigné comme coupable par son évêque et par une préfète ambitieuse, amoureuse du prêtre qui l’a éconduit, Olivier Dedieuleveut va devoir fuir pour sauver sa vie… et peut-être la planète ! Il entraîne dans cette odyssée une jeune femme qui va prendre une importance extrême.
De rencontres en aventures, le petit prêtre sera confronté aux plus basses ambitions humaines, mais aussi, à cette lueur d’espoir que donne la foi dans les pires catastrophes.
Mais tout ceci n'est qu'une fable... Quoique !...
Dans ce conte mêlant dystopie, écologie et sentiments humains, l'auteur nous amène à de véritables prises de conscience sur ce que nous sommes, ce que nous voulons être et ce que nous ne voulons pas voir…
À PROPOS DE L'AUTEUR
Pierre Zanetti est un ancien professeur d’économie vivant en région parisienne. Il a contracté le virus de l’écriture dès 7 ans pour coucher sur le papier toutes les histoires qui bourgeonnaient dans sa tête. Aujourd’hui à la retraite, il se consacre à des récits fantastiques, uchroniques, de plus en plus romanesques, et ne dédaigne pas les romans policiers.
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Seitenzahl: 130
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Pierre ZANETTI
Au Nom de l’Eau
Roman
Cet ouvrage a été composé et imprimé en France par Libre 2 Lire
www.libre2lire.fr – [email protected], Rue du Calvaire – 11600 ARAGON
Tous droits de reproduction, d’adaptation et detraduction intégrale ou partielle réservés pour tous pays.
ISBN Papier : 978-2-38157-317-5ISBN Numérique : 978-2-38157-318-2
Dépôt légal : xxx 2022
© Libre2Lire, 2022
Note de l’Auteur : Les phénomènes océaniques décrits dans cette histoire existent réellement.
Ma petite est comme l’eau, elle est comme l’eau vive
Elle court comme un ruisseau, que les enfants poursuivent
Courez, courez vite si vous le pouvez,
Jamais, jamais vous ne la rattraperez.
L’Eau Vive – Guy Béart – 1958
Dans la grande salle de réunion du conseil municipal de Ham, petite ville du nord de la France nichée aux confins du Vermandois, du Santerre et du Noyonnais, l’affluence ressemblait à celle des grands jours de la commune, comme 1814, ou 1870, ou 1914, ou encore 1944. Les armées françaises ou étrangères étaient passées, telles des vagues de feu et de tonnerre, dans cette plaine où aucun obstacle naturel ne pouvait les arrêter. Mais aujourd’hui, dans ce fond de vallée marécageux au confluent de la Somme et de la Seine, nulle attaque ne se profilait à l’horizon. Pourtant, des délégués des villages voisins avaient fait le déplacement. Sancourt, Eppeville, Muille-Villette, Brouchy, Sommette, Eaucourt le mal-nommé, aucun ne manquait à l’appel. Une brochette d’écharpes tricolores bruissait dans la salle, où l’on remarquait la présence de Pierre Hennequin, le maire, de trois de ses adjoints, et du directeur de la sucrerie Saint-Louis, Nicolas Vollaire. Tous les visages étaient graves, et l’espoir que cette réunion débouche sur du concret semblait aussi tremblotant que la flamme d’une allumette dans la nuit.
Après avoir longuement agité une clochette, Pierre Hennequin ouvrit la séance.
Le spécialiste ainsi désigné se racla la gorge, et commença son exposé dans un silence religieux.
La voix s’était brisée. Tout le monde savait ce qu’il n’arrivait pas à exprimer. La doyenne du village avait été retrouvée morte, auprès de son poulailler, de la poussière plein la bouche, le corps à moitié enfoui sous une vague de sable.
Une houle de mécontentement parcourut la salle. Cette annonce n’était pas une surprise, mais jusqu’à présent un vague espoir subsistait. Avec les sous-traitants, c’est Ham en entier qui allait mourir. Pierre Hennequin, qui était au courant de cette décision, demeura de marbre. Il devait instiller un peu d’espoir.
Le grand propriétaire terrien, un homme massif comme un chêne, à la peau rougie par l’alcool, continuait à éructer.
Par réflexe, l’homme roula en boule son mouchoir, ayant eu la désagréable impression de s’éponger le front avec un épi de maïs.
André Tissot devint écarlate.
Un silence de mort accueillit cette sentence. Tous y avaient songé, mais personne n’en avait encore parlé. L’exode avait d’ailleurs commencé par les plus pauvres, partis chercher une contrée plus accueillante. L’eau subsistait encore dans les montagnes, qui aimantaient ainsi la frange inférieure de la population. Mais dans les Alpes, les Pyrénées, le Massif central ou le Jura, les locaux voyaient d’un mauvais œil ce déferlement, et les heurts allaient croissant. Car dans toutes les plaines de France, et d’Europe, la même pénurie d’eau se faisait sentir. Paris, Bordeaux, Lyon ou Marseille tiraient la langue. Sur les côtes atlantiques et méditerranéennes, des installations de dessalement de l’eau de mer se montaient. Mais ici, à Ham, la plupart des habitants voulaient rester. Ils étaient nés sur ces terres, y avaient grandi, aimé, travaillé, et ne pouvaient se résoudre à tout quitter pour une destination incertaine et dangereuse. De plus, partir nécessitait de l’argent. Donc vendre leurs biens, leurs maisons, leurs champs, leurs magasins. Mais à qui ? Personne n’en voulait, sauf à un prix dérisoire, insultant même.
Personne n’avait remarqué l’entrée du père Vincent Wattel. Celui que les rieurs surnommaient VW approchait les soixante-dix ans, et le diocèse d’Amiens avait prévu de le remplacer sous peu. Pourtant il avait encore bon pied bon œil, célébrant des messes avec bonne humeur, dans une église Notre-Dame aux trois quarts vide. Sa chevelure blanche contrastait avec le noir de son uniforme de clergyman, et les rides du front et ses mains décharnées trahissaient son âge. Le prêtre avait toujours entretenu des relations courtoises avec la mairie, bien que Pierre Hennequin soit un athée convaincu.
Une troupe d’anges passa.
La nouvelle se répandit comme une traînée de clics sur les réseaux sociaux, et le dimanche choisi, une foule dense se pressait dans les rues de Ham, sur le passage de la procession. Le père VW avait obtenu l’oreille de son évêque, Monseigneur Philippe Mionay, mais du bout des lèvres.
Un argument qui ne pouvait laisser l’évêque insensible. Cependant, qu’une procession, si fervente soit-elle, puisse inverser le réchauffement en cours lui paraissait hautement improbable. Mais laissons-le agir, calcula-t-il. S’il échoue, les fidèles le tiendront pour seul responsable. J’ai déjà choisi son successeur, un jeune fraîchement ordonné, qui semblait habité par je ne sais quelle lumière intérieure, cette paroisse crottée sera pour lui un bon débourrage.
Il s’attendait à cette requête.
Le père VW avait compris, et n’avait pas insisté.
Ce dimanche donc, il avait revêtu une chasuble romaine, jaune d’or, brodée en soie, avec une grande croix bleue sur le devant, en polyester et laine, et le cou ceint d’une étole manipule. Une simple calotte jaune d’or lui couvrait le crâne. La statue de la Vierge, en bois polychrome, était portée par les épaules de deux bedeaux, sérieux comme des papes. En tête du cortège, un enfant de chœur, vêtu d’une robe rouge partiellement couverte d’une blouse blanche garnie de dentelles, agitait devant lui, au bout d’une chaîne, un calice fermé d’où s’échappait la fumée et l’odeur de l’encens. Derrière cet équipage, un chœur de femmes, vêtues de noir et voilées, chantait des psaumes et récitait des « je vous salue, Marie » en rafale. La foule, un mélange de fidèles et de curieux incrédules, demeurait silencieuse, grave, inquiète. Beaucoup levaient les yeux au ciel en se signant, en une folle espérance.
Mais de pluie, point. Le train des nuages, indifférent à ces pauvres efforts, poursuivait tranquillement son chemin vers l’Est, poussé par les vents océaniques. Le maire soupira, et reprit le chemin de sa demeure. André Tissot, lui, pensa que Dieu n’avait pas bien entendu, qu’il fallait faire plus de bruit pour attirer son attention. Il avait créé le maïs, et ne permettrait pas sa disparition. Si le secours de la religion classique était insuffisant, il agirait en grand, il en avait encore les moyens. Par internet, il commanda des haut-parleurs géants, qui porteraient ses supplications au-delà du ciel. Quinze jours de délai de livraison.
Le dimanche suivant, sous un ciel toujours aussi terne, la seconde procession fut magnifique. Une équipe de la télévision régionale était présente. L’évêque aussi. L’État, toujours soucieux d’encadrer les émotions populaires, avait dépêché un escadron de gendarmerie, et la préfète en personne avait fait le déplacement.
Elle ne portait pas le costume pseudomilitaire réglementaire, mais un tailleur gris souris, un chemisier blanc, un foulard rose noué autour du cou. Elle représentait certes l’État, mais dans la discrétion. Pilâtre de la Rozière aimait son nom, tout autant qu’elle détestait son prénom. Ses parents descendaient de la noblesse la plus bleue, mais cela ne les excusait pas de l’avoir affublée d’un prénom aussi ridicule. Étudiante brillante, sortie par le haut de l’ENA, elle avait intégré la fonction publique avec satisfaction. Bien sûr, le département de la Somme n’était pas le plus prestigieux, mais pour une ambitieuse comme elle, elle le considérait comme un tremplin, une affectation temporaire. Il lui fallait un coup d’éclat, pour se faire remarquer par son ministre de tutelle, et décrocher une promotion, si possible dans un cabinet ministériel. De là, elle pourrait se lancer dans la politique en s’accrochant au parti au pouvoir. Pourtant, une femme pressée comme elle avait déjà beaucoup à l’orée de la quarantaine : un mari chef d’entreprise dans la logistique événementielle, deux enfants devenus indépendants, l’un et l’autre avocats débutants. Un métier qui pourrait l’aider dans sa course au pouvoir. Naturellement donneuse d’ordres, elle avait l’habitude que rien ni personne ne lui résiste. Faire plier les autres était pour elle éminemment jouissif. Elle se savait très jolie, un bel animal, disait-on d’elle. Grande, un port altier, de longs cheveux châtains souvent noués en chignon, des yeux perçants encadrés par une paire de lunettes qui soulignait son côté intellectuel. Pour elle, les salariés, les boutiquiers, les professions libérales, les agriculteurs, toute cette foultitude de gens lui était inférieure, et elle devait leur montrer. Une dominatrice, certes, mais une dominatrice bienveillante, à l’écoute de leurs doléances en bonne représentante d’un État maternaliste. Par conséquent, lui résister lui paraissait irresponsable, et sa bienveillance se transformait alors en rage, en volonté de détruire ces enfants perdus et inconscients.
La procession se déroula sans anicroches, et la préfète participa à un cocktail organisé par le maire, qui cherchait lui aussi à pousser ses pions. Elle déplora l’absence du prêtre. Comme il n’avait pas plu, le maire se fit un malin plaisir de lancer une giclée de venin républicain.
Donc ce surnom était désobligeant, songea-t-elle.