Aveux - Bénédicte Mitrano - E-Book

Aveux E-Book

Bénédicte Mitrano

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Beschreibung

Certains secrets pèsent si lourd qu’ils semblent condamnés à l’obscurité, enfouis au plus profond de l’âme dans l’espoir illusoire de les dompter. Pourtant, la complexité de la nature humaine, entre force et fragilité, finit par céder sous le poids de ce fardeau insoutenable. Il suffit parfois d’un événement anodin, d’un geste inattendu, d’une pensée fugace ou d’un simple mot pour faire éclater le silence et laisser surgir ce que l’on aurait voulu dissimuler à jamais. Aveux explore ces instants où le silence se brise, libérant des secrets trop longtemps tus.

À PROPOS DE L'AUTRICE 

Pour Bénédicte Mitrano, l’écriture constitue un chemin d’exploration des défis universels auxquels l’humanité est confrontée. Sans ambition de fournir des solutions définitives aux épreuves, elle s’attache à éveiller les consciences, invitant chacun à approfondir sa compréhension de soi et à cultiver un regard plus éclairé sur autrui.

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Seitenzahl: 77

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Bénédicte Mitrano

Aveux

Nouvelles

© Lys Bleu Éditions – Bénédicte Mitrano

ISBN : 979-10-422-6035-4

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

La littérature,

Comme toute forme d’art,

Est l’aveu que la vie ne suffit pas.

Fernando Pessoa

(Fragment d’un voyage immobile)

***

Qu’advient-il de la seconde moitié des fautes avouées

Qui n’a pas été pardonnée ?

Grégoire Lacroix

(Les euphorismes de Grégoire – 2006)

***

Une grande théorie :

La présomption de culpabilité.

On a tous en nous la vocation d’un tueur qui pourrait dérailler à tout instant.

Gilles Marchand

(Un funambule sur le sable – 2018)

***

La chute

Je m’appelle Josette, je suis une vieille femme.

Quand je dis vieille, c’est vieux. Non pas les vieilles de cinquante ans, comme m’avait dit un jour ma petite fille Anna. Non, une vieille peau. D’ailleurs, ma peau n’a jamais supporté les crèmes anti-rides, les lotions magiques, les masques, les exfoliants, les peelings, les crèmes reconstructrices de nuit ou de jour et les concombres. Non, j’ai la peau sur laquelle ma vie s’est racontée.

Il est vrai que le chemin que j’ai emprunté n’est pas celui de tout le monde, c’est le mien. Il a été parsemé de multiples aventures, de plusieurs chutes à vrai dire : le carrelage stérile de la maternité, une pelle à neige, cigarettes, herbe, une fourche, des crustacés, des noyaux d’avocat, et un transat.

La première chute était à ma naissance. J’avais glissé des mains de la sage-femme. Aucune conséquence, une belle frayeur. Ma mère, une femme courageuse, avait déjà mis au monde huit enfants, huit filles. Mon père avait des doutes sur sa semence. Il disait qu’il ne devait y avoir que des spermatozoïdes femelles pour ne mettre que des filles au monde. Maman ne pipait mot, elle riait sous cape et elle accouchait, une sorte de rituel.

Arrivée à l’hôpital, les urgentistes durent la mettre sur un brancard, les jambes en l’air avec ma tête déjà hors de son corps. La course vers la salle d’accouchement fut un rallye mémorable. Placée sur la table de travail, la sage-femme lui conseilla de pousser et juste avant la poussée, je glissai sur le carrelage. Tétanisée, elle me ramassa au plus vite et me tripota sur tous les coins de mon corps. Je trouvais cela un peu gênant, mais elle devait satisfaire sa curiosité, se rassurer quant à mon état. Ma mère gémissait de soulagement sans même s’être rendu compte de mon arrivée fracassante. Mon père était absent ce jour-là. Il livrait des coquillettes au supermarché.

Mon adolescence avait été une période plutôt expérimentale, dans tous les domaines. J’avais essayé la cigarette. Je ne dirai pas que je m’étais extasiée, non, disons que j’avais beaucoup toussé sur le moment et que par la suite j’avais préféré mâcher du chewing-gum. Puis, plus tard, un copain de lycée, Bruno, me donna à fumer un cône bien rempli, en me disant que j’allais connaître le plus merveilleux des voyages. C’était vrai, j’étais partie de la salle des fêtes entre deux hommes costauds et j’avais atterri au commissariat. Inutile de vous dire la réaction de mon père. Il avait expliqué aux policiers qu’il valait mieux que je fume de l’herbe, que c’était naturel, plutôt que de consommer de la drogue. Interloqué, l’agent avait invité mon père à passer une nuit au poste. Pour ma part, j’avais vomi toute la nuit.

Puis à vingt ans, j’étais dans les bras d’un homme, Teddy. Une gifle de trop, des humiliations et la violence de ses mots avaient déclenché en moi une colère sans précédent. J’avais mis un point final à ses apostrophes insolentes et invectives à l’aide d’une pelle à neige. J’avais dû déployer une force titanesque pour mes petits bras.

Légitime défense, avait conclu la juge.

Le week-end d’après, la fête du village battait son plein. Assise autour de la piste, j’attendais une invitation pour danser. L’attente fut longue, quand un homme s’approcha et me proposa un tour de piste. Il était beau mon cavalier avec ses cheveux brun gominé, son eau de toilette musquée, son bras, un livre d’images que ses tatouages fermaient autour de ma taille. J’en tombai amoureuse en un clin d’œil. Quelques danses plus tard, Teddy m’accompagna en dehors de la fête juste à quelques mètres entre la mairie et l’église Saint-Sauveur. Il était un peu trop pressant. Je me sentis prise au piège. Et comme je refusais sa main baladeuse dans ma culotte, il m’asséna un violent coup de poing. Je tombai et essayant de lui échapper, il me rattrapa sans trop de difficulté. Pas loin contre le mur de l’église, une fourche était posée là, et avec la force de ma rage, je lui mis un violent coup dans la figure. J’entendis un craquement, Teddy s’agenouilla à mes pieds et ne se releva plus. J’avais pris mes jambes à mon cou et j’avais rejoint mes parents.

Légitime défense, avait conclu la juge.

Vers la trentaine, un crabe était venu se loger dans mon sein droit. Je n’avais rien vu venir, ni gêne, ni douleur. Une malheureuse surprise. C’était en passant mon échographie que l’animal s’était révélé au grand jour : la doctoresse était restée silencieuse un moment lors de la lecture du compte rendu. Elle baissait les yeux, sa respiration se faisait plus rapide. La feuille des résultats passait d’une main à l’autre. Et là, je compris que j’allais emprunter un sentier chaotique. Protocole, visites régulières avec la chimie. Effets secondaires : amaigrissement, grande fatigue, nausées, et dépression. Les mois passèrent, le crabe diminuait, l’espoir grandissait. Un jour en fin d’après-midi, le téléphone sonna. Un rendez-vous avec mon médecin. La salle d’attente était vide, le sourire de la secrétaire me paraissait être la seule présence réconfortante. Dans ma tête, des espoirs naissaient. Ce fut un visage rayonnant qui m’accueillit dans le bureau. Les premières paroles furent une sorte de prémices, une annonce.

La lutte fut rude, mais au bout de six ans, je lui ai foutu une raclée mémorable au crustacé. Il y a eu la perte de mes seins, mais une victoire sur la mort !

Pour mes cinquante ans, le cadeau idéal : Un voyage organisé au Portugal. Pourquoi le Portugal ? J’avais lu un roman où le personnage principal, Ugo, habitait Cascais. Il avait éveillé en moi, l’envie de ressentir les émotions qu’il avait éprouvées dans cette ville balnéaire, là où il avait trouvé l’amour.

Mon destin. J’avais moi-même découvert l’amour. Une réservation dans un palace, une voiture louée et chaque jour je parcourais les petites routes en m’identifiant à Ugo. Un bord de mer à couper le souffle. À quelques kilomètres de la ville, une voiture sur le bas-côté semblait en panne, un homme faisait du stop. Il paraissait correct et avait un sourire ravageur. Je m’étais dit : L’aventure commence par une incertitude.

Une fois dans le véhicule, il se présenta et me remercia. La conversation engagée, il m’invita le soir venu à partager son repas dans sa villa, pas loin de mon hôtel. Deuxième incertitude, j’acceptai. Très tard dans la nuit je me rendis à mon hôtel, le ventre plein et les yeux en ailes de papillon. Superbe soirée.

Nous avions rendez-vous le lendemain vers 13 h.

Ainsi, pendant les dix jours de ma villégiature, j’avais appris à être une femme, une amante et une mère. C’est lors de la dernière soirée qu’il me fit la surprise de me demander en mariage. Troisième incertitude, j’acceptai.

Rentrés sur Paris, un mois avait passé et nous voilà devant le maire. Un mariage surprenant, des avocats, des procureurs, des juges, des personnalités militaires, des greffiers et des notaires étaient les invités. Un milieu que je découvrais. Je me rendis vers le buffet quand une femme élégamment vêtue me fixa. Je restais immobile, pas très à l’aise. Puis quelques secondes après, elle me sourit et me demanda si je n’étais pas la fille à la pelle à neige. Je niai, mais elle ne repartit pas satisfaite de ma réponse.

Le mensonge était à proscrire pour un avocat, d’autant plus que mon mari avait été l’avocat de Teddy, la victime. Nous sommes restés ensemble une semaine, juste le temps d’annuler le mariage. Il est évident que ses amis et relations professionnelles avaient trouvé le temps pour le débarrasser de ma petite personne, rapidement.