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L’Homme est semblable à un kaléidoscope, constitué de multiples facettes qui le définissent. Cette diversité le conduit à être classé par ses semblables, les aidant ainsi à le reconnaître, le différencier, l’inclure ou l’exclure d’un groupe, d’un ordre, d’une race, d’une espèce ou d’une famille. Ce sont ses actions, jugées honorables ou blâmables, qui lui valent reconnaissance ou rejet auprès de ses pairs.
À PROPOS DE L’AUTRICE
S’intéressant à différentes situations comme le suicide, le crime, la torture, etc., Bénédicte Mitrano explore le côté sombre de l’Homme. De manière romancée, elle nous conduit dans les méandres de la psyché humaine.
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Seitenzahl: 76
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Bénédicte Mitrano
Apparences
Nouvelles
© Lys Bleu Éditions – Bénédicte Mitrano
ISBN : 979-10-422-0306-1
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Nous sommes tous le monstre de quelqu’un.
Inconnu
Si l’on jugeait les choses sur les apparences, personne n’aurait jamais voulu manger un oursin.
Marcel Pagnol, (1895-1974)
Tard dans la nuit, après son travail, il se rendait de temps en temps dans les couloirs déserts des quais désaffectés du métro de Paris ; certaines rames n’avaient presque jamais servi, mais elles existaient dans le silence. Il aimait cette odeur d’humidité mélangée aux graisses et au métal refroidi, il aimait cette oppression due aux clignotements de la lumière des néons lesquels ne tenaient plus qu’à un fil, il aimait ces bruits sourds venant du fond des rames qui résonnaient et finissaient leurs courses dans le désordre de sa tête, il aimait le souffle des ombres soulevant quelques papiers restés au sol, cette solitude humaine dont il connaissait toute l’importance, cet endroit où les fantômes ne s’entretenaient qu’avec ceux qui les apercevaient.
Ce soir-là, assis sur un vieux banc rouillé, Aimé tournait le dos aux façades décrépies sur lesquelles le salpêtre poursuivait son anthropophagie « cimenteuse ». Il entendait un métro fantôme passer, décoiffant les quelques affiches déchirées qui tapissaient les voûtes encore épargnées par la miséreuse maladie de l’oubli.
Tout à coup, un cri bref et étouffé bouscula sa méditation. Puis plus rien. Il se leva en se courbant légèrement, cherchant sa provenance comme s’il avait perdu quelque chose. Les nombreux recoins du lieu rendaient difficile sa quête. Sa prospection infructueuse le poussait à refuser de partir. Il savait bien qu’il n’avait pas rêvé. Il avait bien entendu quelqu’un crier pas très loin de lui. La nuit avançait, il devait rentrer avant que la pointe du jour n’apparaisse. Les voyageurs allaient arriver en masse, Aimé n’était pas à l’aise au milieu de la foule, aussi petite soit-elle. Il se résigna et sortit des gorges du métro.
Il marcha rapidement vers son domicile, dans cette rue aux pavés rendus luisant par la lumière blafarde de la lune et les halos des lampadaires. La sérénité dans laquelle il baignait juste avant ça, ce cri semblait agressé, kidnappé.
Arrivé chez lui, il verrouilla toutes les serrures, et se réfugia dans son fauteuil, sans prendre soin de se déshabiller. Son visage se crispa, ses yeux se fermèrent.
Le petit matin immergeait la pièce principale de son appartement. Quelques rais de lumière s’allongeaient sur la table de la cuisine. Aimé dormait profondément, emmitouflé dans son trop grand pardessus noir.
Il sentit la chaleur des rayons sur son visage. Son regard se posa à travers les vitres sur l’immensité de la ville encore endormie. Il resta ainsi, juste le temps d’apprécier le décor encore inerte de la cité. Il aimait cet endroit. Il connaissait son quartier mieux que tout le monde. Ce n’était pas un grand aventurier, il n’allait jamais très loin de chez lui. Pourtant l’Histoire, les cartes anciennes et actuelles étaient sa passion. Aimé passait des heures interminables dans son studio à découvrir le monde par procuration.
Sortant de son état de contemplation, il but rapidement son café, débarrassa la table, lava son bol et rangea ses biscottes. Il balaya et aéra la maison, il prit sa douche, se changea, se prépara pour sortir faire ses quelques courses chez l’épicier du coin. Il n’oublia pas de mettre son linge dans la machine à laver. Chaque geste était accompli tel un rituel, avec une précision toute calculée. Il lui avait fallu des mois pour prendre ses marques et prouver à sa famille sa capacité à l’autonomie.
Aimé travaillait comme plongeur dans un restaurant deux étoiles. Il avait obtenu cet emploi grâce aux relations de sa sœur. Vers vingt-trois heures, à peine eût-il rangé la dernière assiette sur l’étagère en inox, qu’il retira son tablier, le mit dans son sac, se lava les mains, mit son manteau, salua les derniers collègues et sortit par la porte de derrière. Aimé semblait agité, son pas était nerveux, son regard fuyant. Il n’avait pas oublié l’incident de la veille.
Il n’avait pas froid, il marchait le dos légèrement courbé, le pas pressé et se dirigeait vers la petite porte qui lui donnait accès aux longs corridors des bouches de métro. Tel un gardien de labyrinthe, il connaissait tous les recoins de ces interminables tunnels. Dans sa tête était répertoriée l’immense carte de la circulation souterraine. Dans les dédales des multiples voies inoccupées, Aimé se sentait à l’aise. Pourtant l’inquiétude qui le taraudait. Le cri résonnait encore dans sa tête, il ne pouvait s’en défaire ; le silence de son quotidien s’était transformé en un écho lancinant.
Il ne supportait plus ce chaos criard. Son visage était en crispation constante. Une torture auditive était devenue une plaie ouverte d’où s’échappait le calme que son état d’autiste lui imposait.
Il se dirigea directement là où son intuition le menait. Une petite porte de métal qui semblait n’avoir jamais été ouverte. À l’aide d’une barre de fer, il fit céder le verrou. Non sans difficulté, le battant s’ouvrit, une odeur insupportable s’échappa du trou noir et béant qui s’offrit à lui. Il prit sa lampe, le faisceau lumineux laissait entrevoir un amas d’anciens outils et un tas de vêtements poussiéreux. Les murs étaient recouverts de salpêtre. Il fit le tour de cette petite pièce. Rien ne laissait supposer qu’une présence pouvait se trouver ici. Il resta un moment debout.
Déstabilisé, il se frappa la tête à l’aide de ses deux poings. Il s’assit sur le sol et, le regard perdu, attendit de retrouver son calme.
Il releva la tête et, au bout du quai, vit une femme vêtue de blanc, le pas calme, souriante, s’approcher de lui. Les lèvres de cette inconnue semblaient remuer, mais il ne percevait aucun son. Ces mimiques le dérangeaient. Les images devenaient floues, les murs tanguaient, les métros fantômes passaient à vive allure, il avait froid. La panique s’empara de lui. Il mit ses deux mains sur son visage et poussa un cri.
Un cri, comme celui qui résonne depuis si longtemps dans sa tête et qui à chaque injection le plonge dans un cauchemar terrible et récurant.
« Attachez le patient, il est de nouveau en crise. »
« … Ce soir-là, assis sur un vieux banc rouillé, Aimé tournait le dos aux façades décrépies sur lesquelles le salpêtre poursuivait son anthropophagie "cimenteuse". Il entendait un métro fantôme passer, décoiffant les quelques affiches déchirées qui tapissaient les voûtes encore épargnées par la miséreuse maladie de l’oubli… »
Tout à coup un cri bref et étouffé bouscula sa méditation…
Léon est appuyé contre la cheminée de pierre dans laquelle crépite un timide feu. Immobile. Rien ne le déconcentre. Son regard est posé sur un seul et unique point, l’Autre.
Les muscles de son visage sont contractés, non pas qu’ils définissent une colère ou une frustration, mais un effort certain pour améliorer, préciser l’image qui se présente devant sa vue déficiente. Il en veut le meilleur, le maximum afin d’assouvir son plaisir. Il décortique ce physique, cherchant une faille, un défaut, quelque chose qui pourrait lui faire détourner le regard. Il reste là contre cette cheminée, tel un prédateur. Il espère un regard, un simple mouvement de l’Autre pour croire à une attention, fût-elle furtive, éphémère. Son regard est à la fois insistant et méfiant. Voler des instants qu’il se remémorerait, sans jamais accéder à l’Autre. Il le trouve grand, élégant, d’une présence indéniable. Il aime ces gestes naturels. L’aisance de son corps accompagnant son discours. Il apprécie la douce musique de sa voix. Son sourire est pour lui comme une douce caresse réconfortante.
Il se sent déstabilisé, comme revenu à ses premiers amours. Il a chaud, il tremble. Il décide de se rapprocher, discrètement, juste pour écouter et peut-être faire connaissance. Il hésite. Il ne sait pas comment aborder l’approche. Il fait quelques pas, s’approche encore et se trouve presque au coude à coude. Trop près à son goût. Il s’écarte un peu.
L’Autre, remarque cette approche, cette présence timide et fait un quart de tour afin de l’inviter dans le cercle de la discussion suspendant sa conversation pour l’amener sur le terrain du sujet posé.
« Je disais que le problème environnemental n’était pas le seul écueil à la proposition du prochain projet de notre parti.