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Versailles – un nom qui évoque l’élégance et la grandeur d’un passé royal. C’est dans ce décor prestigieux, où l’histoire de la Reine de France s’est gravée, que se tisse le destin de Mary, une Américaine passionnée par Paris. Étrangement, elle ressemble à Marie-Antoinette, la reine emblématique du XVIIIe siècle. Après avoir connu le succès en lançant sa propre boutique de vêtements à New York, Mary rêve désormais d’étendre son empire en France.
Lors d’une promenade dans les jardins du Petit Trianon, Mary rencontre Diane, une femme intrigante qui prendra une place de plus en plus importante dans sa vie. Attirée par elle, Mary, bien qu’habituée à la mode et au succès, se retrouve désarmée face à ses sentiments et à la sensualité de cette rencontre. Elle doit apprendre à apprivoiser cette nouvelle relation afin de ne pas perdre la belle Diane.
De son côté, Diane, fascinée par l’histoire de la reine Marie-Antoinette, rêve de vivre un amour aussi passionné que celui de l’ancienne souveraine. Peut-être réalisera-t-elle ce rêve avec Mary, dont la ressemblance avec la reine ne cesse de la troubler.
Deux époques semblent se mêler dans cette histoire où le passé et le présent se confondent, portées par le désir et la passion.
À propos de l’autrice :
Michèle Marie Lapanouse signe ici son premier roman avec Celle qui lui ressemblait, publié chez Art en Mots éditions.
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Seitenzahl: 363
Veröffentlichungsjahr: 2024
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CELLE QUI LUI RESSEMBLAIT
MICHELE MARIE LAPANOUSE
Roman
Romance
Image : Adobe Stock
Illustration graphique : Graph’L
Éditions Art en Mots
Hommage
Pour celle qui est ma muse, elle se reconnaîtra.
Je marchais tranquillement dans les jardins du Petit Trianon lorsque la nuit me surprit. Le parc semblait vide, mais j’aperçus une femme assise sur un banc dont les lattes de bois bleu faisaient face à un bel arbre, un saule pleureur magnifique, je dirais même majestueux.
Mon regard restait accroché à ce banc sur lequel était assis un personnage pour le moins étrange. Je devais halluciner parce que je crus que c’était « Marie-Antoinette », enfin d’après les portraits de notre histoire de France. Elle était là, solitaire, et semblait se reposer. Cette étrange ressemblance me bouleversa. Entre le rêve et la réalité, j’entrais dans l’intimité de « Marie-Antoinette » …
La lueur du lampadaire faisait apparaître un regard profond et lointain, puis, brusquement, cette inconnue me dévisagea avec insistance. Immédiatement, un trouble intense m’envahit, elle paraissait venir d’une tout autre époque. Ce lieu où nous étions ne semblait pas être le sien… Qui était-elle pour m’attirer autant ? J’étais fascinée par sa présence qui commençait à m’envahir par sa magie.
Je ne pus formuler aucun mot tant j’étais subjuguée par sa beauté. Ses yeux m’invitaient à m’asseoir auprès d’elle. Malgré moi je la détaillais, elle était belle. Ses cheveux blonds tombaient en cascade sur ses frêles épaules. J’osais timidement poser ma main sur son épaule dévoilée. Troublée par ce premier contact, je découvrais que c’était une vraie personne avec un visage féminin, gracieux et presque enfantin. Son nez, joliment dessiné, faisait ressortir une bouche délicieusement ourlée.
Mes yeux dévoilèrent finalement sa jolie silhouette, mais s’arrêtèrent quelques instants sur son buste délicatement offert au regard. Au travers de son chemisier de dentelles roses, je savourais cet instant, puis je finis par lui demander tout en continuant de la fixer :
— Comment vous appelez-vous ?
— Mary ! répondit-elle d’une toute petite voix.
— Marie… Antoinette ? répondis-je toujours dans mon irréelle vision.
— Mais non ! Pourquoi cette question ?
— Vous lui ressemblez tellement !
— Connaître votre prénom à mon tour, serait-ce indécent ? lança Mary.
— Non, pas du tout, je m’appelle Diane.
Je frissonnais, puisque le soleil avait disparu depuis un moment pour laisser place à une nuit étoilée. Les touristes s’étaient éclipsés vers d’autres destinations. La lune faisait une timide apparition. Je souriais gracieusement et pris tendrement la main de Mary dans la mienne pour la conduire impatiemment vers la sortie, tout en lui proposant de continuer notre conversation au chaud dans un restaurant. Sans grande surprise, elle refusa en m’offrant d’emblée, à son tour, un sourire radieux qui me toucha en plein cœur.
Je me permis de cueillir quelques marguerites dans le massif afin d’appuyer ma demande :
— Que faire pour arriver à mieux vous connaître ? Tout en lui tendant ces quelques fleurs cueillies.
D’un air évasé, elle me regarda. Ses beaux yeux brillèrent d’une lumière étrange. Elle répondit d’une voix incertaine :
— Merci, Diane, vous êtes adorable… restons en-là s’il vous plaît.
Sa voix douce, d’une intonation profonde, mais enjôleuse, mit un terme à ce que j’avais déjà entrevu avant ce refus pertinent.
Une nouvelle vision m’envahit, j’étais dans un monde antérieur au mien, j’imaginais Marie-Antoinette me prenant par la main et m’entraînant vers le Temple de l’amour. Je vivais cet instant magique.
Je voyais à travers Mary « la Reine de France ». Pourquoi cette présence était si réelle ? Mon imagination m’entraînait-elle dans son époque ou bien ma vision était la réalité ? Qui étais-je, une de ses favorites ? Une voix douce fit éclater la bulle dans laquelle je m’étais enfermée. Je continuais cependant à faire travailler ma mémoire, j’aimais cette époque.
J’avais entendu dire que des fantômes hantaient les jardins du Petit Trianon, pourtant, c’était la première fois que je ressentais une telle présence sans la voir réellement, mais contrairement aux fantômes, elle était là, près de moi et je pouvais sentir le parfum de sa peau qui envahissait mes narines agréablement d’une odeur de rose, aussitôt un vertige me déstabilisa. Fort heureusement, Mary avait de bons réflexes et me rattrapa avant une chute probable. Mes yeux noirs ne pouvaient se détacher de ses beaux yeux bleus couleur du ciel, je chancelais dans ses bras… Je sentais que j’étais à deux doigts de l’évanouissement et un délicieux relâchement s’empara de moi…
Le cœur troublé, j’entendis une voix caressante me dire :
— Diane ? Que vous arrive-t-il ?
— Je ne sais pas…
Était-ce Marie-Antoinette ou Mary qui avait susurré ces paroles ? Je ne savais plus dans quel siècle j’étais ! Elle me prit délicatement par le bras et m’entraîna en silence, vers le parking jusqu’à sa voiture, une Austin blanche décapotable. Je ne comprenais plus sa façon d’agir puisqu’elle venait de refuser ma proposition. Enfin, je verrais bien la suite !
Ce fut à vive allure que nous quittions Versailles, elle roulait sans souffler un mot sur l’endroit où nous allions. Peut-être me réservait-elle plus d’intimité. Toujours silencieuse, sans me regarder, elle prit ma main en la caressant voluptueusement de ses longs doigts très fins. Je répondais à ses douces caresses qui commencèrent à m’exciter.
À la pleine nuit et au bout d’une demi-heure de route, nous arrivions devant un manoir du 18e siècle. Un immense portail s’ouvrit sur un jardin à l’anglaise, à l’identique de celui du Petit Trianon, un petit lac avoisinant une grotte, des bancs en bois bleu, ainsi que des statues en marbre représentant des femmes nues, se confrontaient. Des lanternes illuminaient un parc magnifique et féerique pour moi. J’étais également autant éblouie par la beauté, qu’étonnée en découvrant la propriété de Mary.
Mon air ahuri puis émerveillé la fit rire. Elle m’incita à entrer chez elle. Une petite levrette italienne nous accueillit. C’était un chien de race très ancienne, une race connue lors de l’époque des Pharaons dans l’Égypte ancienne. On en retrouve des traces dès le 5e siècle avant Jésus-Christ en Italie, mais aussi à la Renaissance parce que ces chiens étaient très appréciés par la noblesse. D’ailleurs, sur de nombreux tableaux de grands peintres italiens, on peut remarquer cette race de chien, des lévriers originaires de Malte.
Mary me fit un clin d’œil et me pria de m’asseoir sur le canapé du salon très moderne afin de m’offrir un apéritif.
— Diane, voulez-vous une coupe de champagne ? Nous dînerons ensuite. Qu’en dites-vous ?
Stupéfaite devant ce changement de situation, j’acceptais quand même son invitation avec un réel plaisir. Mary me dévorait des yeux. Une douce musique mit fin au silence. Où voulait-elle en venir ? C’était une femme distinguée, contrairement à moi, mais aussi très délicate… Elle s’absenta quelques instants pour revenir avec un grand plat chargé d’amuse-bouche qu’elle déposa sur une table basse. Un grand seau d’argent rempli de glace cachait à demi une bouteille de champagne. Deux coupes de cristal, déjà déposées, attendaient ce breuvage. Avec un sourire charmeur, elle entreprit d’ouvrir la bouteille de champagne pour le verser dans les coupes. Chaque main tenait une coupe, elle m’en tendit une et me pria de me lever pour trinquer ensemble.
— À nous deux ! S’exclama-t-elle, espiègle.
Je finissais juste de boire la première gorgée qu’elle s’avança vers moi ; elle prit par surprise mes lèvres et m’embrassa fougueusement, son baiser était très troublant. J’en laissais tomber la coupe.
Lorsqu’elle me repoussa avec douceur, me laissant étourdie de désir, je sentis la frustration monter en moi. De ne pas en avoir eu d’avantage me laissa perplexe… J’en voulais encore plus ! Spontanément, elle lança :
— Allez, régalons-nous de ces quelques amuse-bouche avant de dîner. Je ramasserai les débris de verre plus tard !
Désorientée par son comportement, je la suivais sans pouvoir prononcer un mot. Je ne comprenais plus rien. Elle avait refusé mon invitation au restaurant en prenant bien soin de me signifier « restons en là… ». Et maintenant elle m’offrait ses lèvres en plus du dîner. Je perdis le fil de la réflexion, c’était mieux ainsi de ne pas chercher à comprendre.
Plusieurs minutes passèrent avant qu’elle ne me somme de passer à table. Le dîner était servi dans une salle à manger design, de beaux couverts encadraient de grandes assiettes blanches ; elle se retourna et fit glisser une chaise vers moi. Elle jeta un dernier coup d’œil avant d’aller chercher la suite du repas qu’elle avait préparé.
Elle revint avec des plats réchauffés, élégamment disposés sur de grands plateaux. Lorsqu’elle les déposa sur la table, je fus émerveillée devant ces mets qui avaient l’air succulents. Cependant, lors de la première bouchée, je fus surprise, c’était du surgelé, un petit morceau ne s’était pas décongelé normalement. Quelque peu déçue, je continuais pourtant à me servir, finalement je me régalais au fur et à mesure et c’était bien bon.
Ce fut lors de notre conversation qu’elle révéla habiter New York et posséder une boutique de mode. Mary m’annonçait qu’elle devait partir très prochainement pour plusieurs mois, ce qui m’attristait énormément. À mon tour, je l’informais de mon activité de fleuriste, dont le fonds m’appartenait et que je possédais un petit appartement à Versailles.
Cela parut lui plaire puisqu’elle souriait, elle devait se souvenir des marguerites que j’avais cueillies pour elle au Petit Trianon. En conséquence, pour elle, je correspondais bien à mon profil de fleuriste. Elle proposa en fin de soirée de me raccompagner chez moi.
Tout en conduisant, Mary reprit à nouveau ma main dans la sienne pour la caresser longuement, je sentais une chaleur m’envahir provoquant une sensation troublante qui fit accélérer les battements de mon cœur. Arrivée devant ma boutique de fleurs, elle me dévisageait comme si elle n’allait plus me revoir et déposa un léger baiser sur la joue en disant :
— Pour une douce nuit…
Puis elle repartit, l’air triste et cria à travers la vitre de sa voiture :
— Aime-moi toujours… c’est possible, non ?
Enfin, un dernier au revoir de la main et elle démarra dans un bruit assourdissant, me laissant stupéfaite avec cette dernière phrase. Je restais là, je regardais sa voiture s’éloigner jusqu’à sa complète disparition, puis je rentrais chez moi.
Mon appartement était au premier étage. Je grimpais les escaliers nostalgiquement. Pourtant, quelle merveilleuse soirée ! Pensais-je. Je n’avais pas envie de me coucher, mes pensées s’accrochaient à elle, je revivais chaque détail de cette nuit énigmatique, je l’aurais voulu éternelle parce que j’avais gardé au plus profond de moi ces quelques moments éblouissants.
Mary possédait en plus de son charme et de sa beauté, l’hégémonie de Marie-Antoinette. Seulement, je n’étais qu’une fleuriste, mais lorsqu’elle m’avait dit en me quittant « aime-moi toujours… c’est possible, non ? », elle m’avait donné de l’espoir, elle me l’avait accordé. Ses derniers mots résonnaient encore dans mes oreilles.
Je l’aimais, mais elle ne le savait pas. Je souffrirais sans doute pendant son absence, néanmoins je me rendrais chaque jour dans les jardins du Petit Trianon en m’asseyant sur le banc où je l’avais rencontrée. Je m’évaderais en fermant les yeux pour la rejoindre, mon imagination la situerait, cela nuit et jour, aucune distance ne pourrait nous séparer. Elle était dans mon cœur, ma vie lui appartenait à tout jamais, comme elle me l’avait clairement déclaré.
Comment avait-elle pu le ressentir ? Éprouvait-elle les mêmes sentiments ? Ces questions tournaient dans ma tête et je n’avais pas les réponses.
Je me réveillais en sursaut, laissant de côté mes songes. Le petit matin me surprit, allongée sur mon canapé, encore tout habillée. Je réalisais que ma boutique de fleurs attendait l’ouverture. Instantanément, je pensais à lui envoyer une jolie carte avec un petit bouquet de camélias et d’anthuriums, ce qui confirmerait mes pensées d’amour érotique en l’invitant à venir chez moi, pour un apéritif dînatoire, avant qu’elle ne parte pour New York, ne serait-ce que pour la revoir une dernière fois, afin de lui rendre son baiser et lui murmurer :
— Je suis à toi, je t’aime déjà et je t’aimerai toujours !
Par son baiser, j’avais ressenti qu’un lien profond nous unissait. C’est ce que je pensais dans mon for intérieur. Désormais, je ne pourrais plus aimer une autre femme. Je me demandais pourquoi avait-elle agi ainsi, si brusquement, si imprévisiblement et dans quel but ? Pourtant il me semblait avoir entendu une déclaration d’amour à mon encontre. Je l’avais acceptée puisque je ressentais pour elle une grande et soudaine passion. J’imaginais alors que Marie-Antoinette, à travers Mary, m’avait choisi comme « favorite ».
Ma journée fut habituelle, j’avais une belle clientèle, je gagnais aisément ma vie et une jeune apprentie me secondait, ce qui me permettait de m’absenter aussi souvent que je le désirais. J’avais surnommé ma boutique, « les jardins du Petit Trianon ». J’en ressentais une certaine fierté, je l’avais reçue en héritage de la part de ma tante puisqu’elle n’avait pas eu d’enfant, elle ne s’était jamais mariée et avait été professeur de musique toute sa vie, tout en tenant sa boutique. J’étais donc devenue la propriétaire d’un ancien édifice de briques et de pierres dont le toit couvert d’ardoises se situait dans les vieilles rues de Versailles, c’est-à-dire dans le quartier Saint-Louis, pas très loin de la Cathédrale Saint-Louis avec sa façade baroque construite entre 1743 et 1754.
En fin d’après-midi, vers 18h30, je me surpris, une fois de plus, à penser à Mary. Pourquoi ? Je ne saurais le dire. Je fermais donc ma boutique avec la forte envie de rejoindre mon cousin, chef jardinier des jardins du Petit Trianon, après dîner, pour lui parler de mon étrange rencontre avec cette femme, qui semblait être la réincarnation de Marie-Antoinette, ce qui provoquait un grand trouble en moi. Étais-je vraiment en présence de la Reine de France dans une autre dimension ?
Je raconterais à Jacques notre entrevue insolite dans le parc, mais cette nuit, je resterais seule dans l’attente de l’apparition de Marie-Antoinette, il me semblait qu’elle souhaitait me voir et que, précisément, quelque chose d’important allait se passer ! Mon intuition m’encourageait d’aller vers elle, comme si des aimants voulaient nous réunir étroitement et dans ce cas, intimement. Mon cher cousin, qui était dans la confidence, avait entendu parler des fantômes du Petit Trianon et y croyait, mais il savait que peu d’élues ou d’élus pouvaient être parmi eux, ce qui était mon cas, car j’avais déjà eu plusieurs visions.
C’est pourquoi en toute confiance, il m’avait remis les clefs de ces lieux dans lesquels je pouvais me rendre seule et à ma guise. Ce soir-là serait une nuit très particulière, ce que je souhaitais ardemment bien sûr. Je m’assis sur un banc tout près de la grotte du Petit Trianon. Dans le silence qui régnait, je pouvais entendre les cris de quelques oiseaux de nuit perchés sur les branches. Je levais les yeux pour regarder les étoiles et me gaver du spectacle de cette pleine lune puis, j’attendis, les minutes passèrent, les heures aussi, quand soudainement eut lieu l’apparition de celle que j’attendais. Elle était là, resplendissante devant moi. Je n’osais plus bouger de peur qu’elle disparaisse. Figée et éblouie par la beauté de cette si jolie femme, je ne savais quoi faire. Elle était la « Reine » et moi celle qu’elle avait choisie parmi tant d’autres. Elle me pria de me lever pour la suivre et tout en me guidant, main dans la main, nous nous dirigeâmes à l’intérieur de la grotte, mon cœur battait très vite, elle souriait tendrement pour me dire :
— N’aie pas peur, tu ne crains rien auprès de moi.
Pour entrer, il fallait descendre un escalier en pierre, puis j’aperçus dans un coin, tout au fond, un large banc de pierre revêtu de mousse et tout près un autre tout petit, également taillé dans la pierre blanche ; au-dessus de celui-ci, une ouverture permettait de discerner les jardins tout en gardant une certaine intimité sans risque d’être surpris par quelqu’un d’autre.
Marie-Antoinette, c’est-à-dire Mary dans mon fantasme, s’assit la première, puis m’invita à m’asseoir également. Je la dévorais des yeux. C’était avec une certaine fougue que j’envisageais d’explorer les profondeurs de son corps. La même envie nous titillait, celle de nous embrasser amoureusement. Elle approcha lentement sa bouche de la mienne avec volupté et passion. Je lui rendis doublement son baiser. Nous ne cessions de nous caresser avec nos mains devenues brûlantes et actives. Brusquement et sans raison, elle cessa de m’étreindre et me dit haletante, « Une autre fois, sûrement davantage… », puis elle s’en alla comme elle était venue, elle disparut de ma vue. Je repris pied lentement, j’avais eu l’impression de rêver. Il était tard dans la nuit, aussi je rentrais complètement chamboulée chez moi, mais heureuse quand même de ce petit moment, le cœur en fête. Sans cesse je repensais fortement à Mary, les deux femmes se confondaient, l’une était irréelle, l’autre réelle. Je ne savais plus dans quel siècle me situer. Je m’endormais sans savoir…
Le lendemain, j’allais recevoir Mary avant son départ pour New York, aussi je pensais me rendre chez un bijoutier pour lui acheter la « bague d’amour de Marie-Antoinette » reproduite naturellement, en or, avec trois lys gravés sur une pierre violette, une améthyste. Je désirais une inscription à l’intérieur, « Toi et Moi, Diane ».
La journée passa très vite, je fis livrer des amuse-bouche par un traiteur de même qu’une bouteille de champagne. Nous dînerions aux chandelles, évidemment. Je décorais les lieux d’innombrables fleurs odorantes de couleur pastel. Leurs parfums embaumaient agréablement les pièces.
Cependant, j’étais impatiente de la revoir, je n’arrêtais pas de penser à ce baiser échangé et à celui à venir. Je l’aimais si fort. Avant son arrivée, je décidais de prendre un bain parfumé puis je m’habillais avec élégance, un chemisier de soie blanche entrouvert laissait découvrir légèrement le galbe de mes seins, un pantalon de cuir noir complétait joliment ma tenue. Tout était prêt pour l’accueillir, je m’asseyais confortablement sur mon sofa pour l’attendre joyeusement, en écoutant une jolie musique romantique en sourdine.
Un coup de sonnette me fit sursauter, je me levais d’un bond en pleine panique. Très vite, le sourire aux lèvres, j’ouvris la porte. Elle se précipita sur moi, tenant à la main une grande boîte, contenant probablement des friandises, qu’elle déposa sur la table la plus proche, puis vint m’embrasser sur les deux joues, ce qui me fit rougir et m’intrigua. Voyant mon air déconcerté, Mary éclata de rire, j’en fis de même.
Je lui proposais de lui faire visiter mon agréable appartement aux multiples pièces. Elle me suivit ravie, mais quand j’ouvris la porte de ma chambre, un cri d’émerveillement lui échappa. Elle ne s’attendait pas à voir la réplique de la chambre à coucher de Marie-Antoinette du Petit Trianon, c’était un boudoir meublé de chaises et de fauteuils en bois sculpté, les murs peints de guirlandes, de muguet, de lierre, de jasmin, d’épis de blé et de pommes de pin. À la base des pieds des fauteuils et sur le dossier se trouvaient les symboles d’une nature à laquelle, elle aspirait. Le mobilier aux épis avait un décor de bouquets de roses et de barbeaux (petits bleuets des champs) sur du basin blanc. Il avait fallu au moins six mois pour réaliser ces broderies à Lyon, la grande ville de la soie. Le lit avait le plus d’étoffes possible. Les tissus, les baldaquins et les rideaux, par leur prix, en faisaient la valeur et pouvaient occulter les fenêtres grâce à un mécanisme ingénieux. Un de mes amis, grand décorateur de Versailles, avait accompli ce petit miracle pour moi, des miroirs complétaient ce décor.
Sa fascination était immense. C’est pourquoi je l’entraînais vers le salon, je voulais ouvrir la bouteille de champagne pour trinquer, comme on l’avait fait chez elle, mais cette fois-ci ce serait moi qui la prendrais délicieusement dans mes bras.
Après avoir bu une première gorgée de cette boisson pétillante, debout, je lui dis :
— Mary, tu pourras venir dans cette chambre, ici, chez moi, quand tu le voudras pour me visiter la nuit si tu le désires, je t’attendrai.
— Mais comment ? Me répondit-elle d’un air ébahi.
— Par la pensée, tout simplement, en tant que Marie-Antoinette… Puis j’affichais mon sourire narquois.
Elle me regardait très étrangement. Je ne lui laissais pas le temps de réfléchir, je la pris par la taille en la pressant contre moi, elle ne bougeait pas et continuait de me regarder profondément dans les yeux. J’approchais doucement mes lèvres des siennes, elle me les offrit à son tour. Je l’embrassais comme elle l’avait fait pour moi. Nos bouches s’unirent et nos corps ne faisaient plus qu’un.
Étourdies de plaisir, nous revenions au salon pour dîner. J’avais glissé la bague d’amour dans la poche de mon pantalon. Je voulais lui faire la surprise, aussi je lui demandais de fermer les yeux et de me donner sa main droite. Elle me la tendit sans comprendre. Je glissais doucement l’anneau à son auriculaire en lui disant tendrement :
— C’est un peu de moi que tu porteras maintenant.
Elle retira aussitôt la bague. Son regard s’était durci, mais changea d’avis lorsqu’elle vit les fleurs de lys. De ce fait, elle la remit aussitôt à son doigt. Elle acceptait de s’identifier à Marie-Antoinette, elle avait compris qu’elle lui ressemblait.
À haute voix, Mary commença à comparer ses yeux bleus, sa taille, la même, 1,68 mètre, ses cheveux blonds, ses mèches longues et bouclées, ses goûts similaires, comme le chant, la danse, la musique, les arts, la mode, les bals masqués, l’équitation, le théâtre, les fleurs, les jeux d’argent. Elle voulait vivre dans ce siècle pour être la Reine de France. Un plaisant compromis pour elle entre le 18e et le 21e siècle. Tout avait l’air d’être comparable en aimant ce qu’elle affectionnait.
Mary savait que notre rencontre n’avait pas été un hasard. Elle avait l’impression d’un vécu, que nous nous connaissions déjà en tant que Reine de France et favorite, mais beaucoup de souvenirs restaient encore flous dans sa mémoire.
Le rythme de musique qui était distillé dans l’air nous emporta dans une danse sensuelle, puis ce fut une douce mélodie qui prit la suite. Nos corps, échauffés par la précédente danse, se blottirent l’un contre l’autre, ce qui provoqua de tendres caresses. Enfin, je l’entraînais en direction du sofa pour nous restaurer et boire du champagne, sa boisson préférée, je voulais la combler d’attentions.
La soirée se termina plaisamment, mais simplement. L’heure du départ était là. Mary n’arrivait pas à se séparer de moi, elle se sentait tellement bien auprès de moi. Je savais que j’allais lui manquer. Soudain, elle prit une décision et me dit :
— J’aimerais que tu viennes me chercher pour me conduire à l’aéroport ? Est-ce possible ?
J’acceptais avec grand plaisir de lui servir de chauffeur, ce qui me permettrait de rester plus longtemps avec elle. Cela semblait la rassurer et au moment de s’en aller, elle me serra très fort dans ses bras, tout en m’affirmant :
— J’ai passé une merveilleuse soirée en ta compagnie.
Je l’accompagnais jusqu’à sa voiture et l’embrassais longuement sur la bouche. Elle partit comblée et agita le bras en signe d’adieu en partant.
Deux jours plus tard, je me rendais chez elle pour la conduire à l’aéroport. Sa levrette était du voyage et attendait devant le perron à côté de deux grosses valises. Je les pris pour les déposer dans le coffre de ma voiture, la chienne s’engouffra à l’arrière. Mary arriva et me rejoignit. Ce fut seulement dans la voiture qu’elle engagea la conversation, juste après un baiser déposé rapidement sur ma joue.
En arrivant à l’aéroport, elle demanda de la laisser, sans autre formalité, aucun geste de tendresse, rien, mais me remit un petit paquet à n’ouvrir seulement qu’au lendemain de son départ.
Le retour à ma boutique fut triste pour deux raisons, elle ne m’avait pas embrassée, puis je savais que je ne la reverrais pas pendant de nombreux mois. Je passais la journée à composer des bouquets de fleurs, ce que j’aimais faire, mes tristes pensées s’y noyèrent ainsi.
Le lendemain, je m’empressais d’ouvrir mon cadeau, je découvrais une chevalière surmontée de diamants, deux initiales gravées : M-A. Je ne l’ai mise seulement qu’un jour. Dans la boîte, il y avait également une mèche de ses cheveux blonds accompagnée d’un petit mot que je ne pris pas le temps de lire. Nous avions désormais, chacune une bague, identique à celle que portait Marie-Antoinette. Je la remettrai à mon doigt à son retour de New York.
En fin de soirée, Mary me téléphona des États-Unis, elle était bien arrivée et avait apprécié pleinement notre rencontre dans les jardins du Petit Trianon. Je la remerciais pour son somptueux cadeau, mais surtout pour la mèche de ses cheveux. Elle m’informait de l’organisation d’un défilé de mode en rencontrant de nouveaux mannequins, en particulier une jeune femme qui lui avait été recommandée pour sa beauté, elle était française et avait débarqué depuis peu à New York. Elle se devait de contacter personnellement cette jeune femme, une jeune restauratrice en recherche d’emploi. Si cela correspondait à ce qu’elle recherchait, elle passerait du métier de bouche à celui de mannequin.
Gabrielle se présenta sans certitude dans la célèbre boutique de mode de Mary de la cinquième Avenue. Belle blonde foncée d’un mètre soixante-dix aux magnifiques yeux d’un bleu intense, un nez retroussé, de jolies dents blanches étaient entourées d’une bouche au sourire éclatant, elle s’avançait vers la personne à laquelle on l’avait recommandée. Gabrielle se dirigeait d’un pas gracieux et félin, vers la directrice des lieux qui l’attendait assise dans un fauteuil en bois doré, derrière son bureau Louis XVI. D’un rapide coup d’œil, Mary la définit comme la femme la plus ravissante jamais rencontrée. Elle était d’une extrême beauté et dégageait un certain charme auquel il était difficile de ne pas succomber. Elle se leva promptement pour aller à sa rencontre.
La jeune femme n’eut pas le temps de prononcer un seul mot, Mary la pria aussitôt de s’asseoir près d’elle sur un canapé, aux motifs fleuris et commença à lui expliquer pourquoi elle avait voulu la voir. Gabrielle l’écoutait sans l’interrompre. Elle avait la sensation de « déjà vu » et s’en étonnait. Elle cherchait vaguement dans sa mémoire, qui pouvait-elle être. Elle eut subitement un flash en se souvenant du portrait de Marie-Antoinette accroché dans le hall d’entrée, elle lui ressemblait étonnamment. On lui avait dit aussi qu’elle-même semblait être la copie conforme de la Duchesse de Polignac, ce qui l’avait fortement troublée, elle en portait même les prénoms, mais avait choisi le dernier. Alors pourquoi pas Mary… Antoinette ? pensait-elle.
Toutes les deux se serrèrent l’une contre l’autre au lieu de se serrer la main. Cette jeune femme la troublait si fort qu’elle devait s’en éloigner quelques minutes et rapidement, aussi elle lui proposa de savourer un chocolat chaud. La laissant seule dans ses pensées, elle partit chercher dans l’arrière-pièce de son bureau, un pot de ce breuvage royal ainsi que deux tasses en porcelaine. Le chocolat arriva en France en 1615, rapporté par les conquistadors espagnols, mais il était réservé uniquement à la noblesse et à la haute bourgeoisie. Cette boisson chaude faisait fureur à Versailles. Le chocolatier de la Reine mêlait le chocolat avec de la fleur d’oranger ou de l’amande douce, parfois, ajoutant un jaune d’œuf avec la touche finale d’une crème fraîche fouettée, aussi Mary ajouta cette note distinguée à ce breuvage à l’occasion de cette rencontre.
Portant le tout sur un plateau en souriant, elle s’assit près d’elle et fit le service. Toutes les deux apprécièrent cette boisson exquise et raffinée. Mary, ravie par sa nouvelle rencontre, prit spontanément ses deux mains dans les siennes pour lui demander si elle voulait bien accepter d’être premier mannequin dans son prochain défilé.
Gabrielle, sans réfléchir, répondit positivement à cette demande. Mary, en entendant ce « oui », déposa avec ses lèvres chaudes dans les mains qu’elle tenait, un tendre baiser. Gabrielle à son contact frémit délicieusement en se laissant faire.
Mary sursauta à la sonnerie du téléphone. Lorsqu’elle décrocha, elle s’étonna qu’il n’y ait personne à l’autre bout, puis elle descendit en toute hâte au rez-de-chaussée, une de ses meilleures clientes l’attendait. Elle prévint sa nouvelle recrue d’aller préparer ses affaires, parce qu’en fin de journée elle viendrait la chercher en voiture pour passer chez elle le week-end, voire plus, après lui avoir demandé si elle était libre. Il lui était donc inutile pour l’instant de garder le studio. Mary lui expliqua qu’elle habitait dans une grande maison en dehors de New York à une cinquantaine de kilomètres. L’un de ses plaisirs favoris était de monter à cheval, puisque toute petite déjà, elle pratiquait l’équitation. Des promenades à cheval de pur-sang agrémentaient ses instants libres.
Après avoir fait affaire avec sa cliente, Mary s’en alla récupérer sa voiture. Elle arriva à la tombée de la nuit dans le quartier de Soho dans l’arrondissement de Manhattan, devant le studio de son nouveau mannequin et l’aida à mettre sa valise dans le coffre de la voiture. Gabrielle était rayonnante de bonheur, elle savait que sa vie allait changer. Elle venait d’avoir vingt-cinq ans et un avenir prometteur l’attendait. Mary, tout en conduisant, la regardait avec ravissement. Elle-même avait la trentaine, elle esquissa un sourire de satisfaction.
Dans la voiture un profond silence régnait, pourtant une douce sensation les envahissait, on pouvait entendre leur cœur cogner dans leur poitrine. Lorsqu’elles arrivèrent à destination, un portail en fer forgé s’ouvrit automatiquement. Aussitôt, dès l’arrêt de la voiture devant le perron, un serviteur accourut pour prendre la valise et la monter dans une chambre comme il avait l’habitude de le faire.
Le dîner était prêt. Elles firent une rapide toilette pour se rafraîchir. Habillées classiquement, elles se dirigèrent vers la salle à manger. Après un délicieux repas arrosé d’un vin californien, elles profitèrent de la terrasse et bénéficièrent de la nuit éclairée par une lune rousse. La pureté de l’air ainsi que les odeurs de la nature imprégnaient agréablement leurs narines.
C’est alors que Mary susurra à Gabrielle, comme si elle avait peur qu’on lui prenne l’idée, qu’elle désirait créer à Versailles, une seconde maison de couture, voire de création de haute couture. C’était son rêve depuis toujours. Elle l’informa en même temps que demain elle recevait son couturier. Ce sera lui qui créera la nouvelle collection. Ils étaient devenus de bons amis depuis qu’ils avaient pratiqué ensemble l’équitation.
La fatigue se faisant ressentir, Mary proposa à Gabrielle d’occuper la chambre rose qui était juste en face de la sienne. De tendres baisers sur les joues clôturaient cette soirée. La nuit passa paisiblement.
Une douce odeur de café les sortit de leur sommeil. Le petit déjeuner les attendait et fut servi sur la terrasse. Ce fut Mary qui se leva la première et quelques secondes après Gabrielle. Mary, le sourire aux lèvres parce qu’une immense joie illuminait son visage, cette joie était déclenchée par Gabrielle qui, bonne nouvelle, montait à cheval. Elles avaient donc la même passion et cela l’enchantait.
Les deux jeunes femmes prirent place afin de déguster tout ce qui avait été posé sur la table. Un vrai régal autant pour la vue que pour la bouche. John arriva avec un grand bouquet de fleurs qu’il offrit à son amie. Quand il vit Gabrielle, il resta plus de dix minutes en admiration devant elle et sut qu’une grande carrière attendait la jeune femme. Elle deviendrait un mannequin international. Il fallait dès à présent lui apprendre les ficelles du métier en organisant des cours de maintien et des séances de pose pour les photographies. La conversation avec Mary était très animée. Gabrielle écoutait de loin sans trop comprendre, mais avait espoir que c’était élogieux pour elle.
Les heures défilaient rapidement. L’heure du déjeuner sonnait, aussi, il fut décidé qu’ils partiraient de suite après, en promenade à cheval tous les trois dans la magnifique campagne d’Hudson Valley située au nord de New York City, la Hudson Valley suit le cours de la rivière Hudson. C’est une immense région comprenant tout l’état de New York. Sur les berges de la rivière, des forêts denses s’érigeaient et souvent, de superbes maisons historiques prenaient place parmi elles.
Mary proposa une tenue de cavalière à sa protégée. Tout en se dirigeant vers les box des chevaux, elle lui prit discrètement la main, puis l’amena vers un magnifique pur-sang arabe noir, un des plus beaux. Elle possédait, dans cette écurie aux alentours de New York, plusieurs chevaux de cette race. William, le palefrenier, s’occupait des écuries et logeait sur place. Au fond du parc, une petite maison lui avait été attribuée. Célibataire, la quarantaine, il ne vivait que pour l’amour des chevaux. C’était un professionnel de grande classe, Mary avait eu beaucoup de chance de l’avoir embauché.
Les trois cavaliers chevauchèrent longtemps ensemble, et décidèrent de rentrer aux écuries. Tous les trois mirent pied à terre, c’est alors que William interpella Mary. Il venait de recevoir d’un ami éleveur de chevaux de race, un appel téléphonique très intéressant. Il suggéra donc à Mary d’acheter une jument, plusieurs fois championne à l’hippodrome de Paris Longchamp. Il connaissait personnellement le propriétaire. Ce dernier voulait se séparer d’une jument, son haras était surchargé.
William attendait anxieusement une réponse, celle-ci ne se fit pas attendre. Il savait que pour Mary cela serait un bon investissement. Elle lui répondit positivement :
— Peu importe le prix, pensa-t-elle, cette jument serait sûrement d’un bon rapport, une de plus dans les écuries.
L’idée lui semblait fantastique, en plus d’avoir peut-être une maison de couture à Versailles, elle se ferait connaître sur les champs de courses. En île de France notamment, les chevaux sont les rois toute l’année avec des courses prestigieuses qui se déroulent à Auteuil, Longchamp, Vincennes ou Saint-Cloud. Le grand prix d’Amérique à Vincennes était une course de trot attelé des plus prestigieuses. Le symbole de l’élégance, le Prix de Diane Longines, se déroulait sur l’hippodrome de Chantilly, puisque tous les ans, des milliers de spectatrices venaient y afficher leur goût de la mode et notamment des chapeaux exubérants. Gabrielle y ferait certainement sensation. Tout était bien pensé, mais il fallait cette maison de couture à Versailles. Ses idées devenaient brusquement une réalité, il restait les démarches à faire, c’était décidé !
Mary annonça brusquement qu’elle devait partir immédiatement avec John pour Versailles. Elle devait visiter plusieurs locaux afin de pouvoir en acheter au moins un, rapidement, et installer sa nouvelle maison de couture. Dans le même temps, Mary concrétiserait l’acquisition de la jument. Elle avisa hâtivement, Diane qui habitait près de Versailles, pour qu’elle puisse venir les chercher à l’aéroport Charles de Gaulle à Paris, de façon à conclure ses affaires en suivant.
Gabrielle pensait résilier la location de son studio puisque, probablement, elle vivrait auprès de Mary. Ce serait à Paris qu’elle aurait sa formation de mannequin. Quant à John, il commencerait à dessiner la nouvelle collection dans sa propriété, près de Versailles. Pour l’inauguration de la boutique de mode et le lancement de Gabrielle, il devait créer et réaliser la nouvelle collection. Mary voulait que tout soit prêt dans les six mois. Dès son arrivée en France, elle contacterait la meilleure agence immobilière pour visiter plusieurs locaux, les mieux placés. John dut s’établir un planning afin de réaliser les souhaits de Mary.
La France, ça y est, elle y était ! Mary rayonnait de joie. Une voiture, en conséquence celle de Diane, les attendait pour les emmener en direction de Versailles dans « son Petit Trianon », comme elle se plaisait à le nommer.
Diane dévorait des yeux Mary qui était assise près d’elle, sans se soucier de la passagère. Elle conduisait tout en détournant son regard à maintes reprises sur cette personne, pourtant elle savait qu’elle avait une nouvelle maîtresse, un coup de foudre pour Gabrielle, mais cela ne la gênait pas. Elle en était follement amoureuse, elle pouvait partager. Ses pensées l’habitaient chaque jour et chaque nuit. Juste avant de s’endormir profondément, elle fermait ses yeux et imaginait se blottir nue contre elle. Elle sentait qu’au contact de sa peau douce et chaude elle frissonnerait, elle aimerait la caresser sous les draps avec une main à la rencontre de ses seins qui la troubleraient au plus profond d’elle-même et avec l’autre, son ventre et son mont de Vénus. Elle ressentait, à ce moment-là, une exultation infinie, puisque Mary était imprégnée de Marie-Antoinette. Les deux femmes se fondaient dans le passé comme dans le présent, mais ce n’était qu’un rêve.
Lorsqu’elle arriva devant la grille du parc, elle eut un sursaut, ses mains tremblaient légèrement, son rêve s’effaçait, mais elle lui souriait innocemment. En les voyant arriver, deux serviteurs accoururent pour les saluer et monter les valises dans les chambres. La femme de chambre de Mary était américaine, une jeune et jolie femme noire de la Louisiane qui la servait déjà depuis plusieurs années.
Les domestiques formaient une haie, le sourire aux lèvres, ils avaient préparé une soirée qui se terminerait par un petit feu d’artifice de bienvenue dans les jardins de la demeure. Un cercle d’amis était présent à cette fête féerique, tous vêtus de costumes d’époque que Mary avait acquis pour des occasions spéciales. Ils étaient rangés dans une immense pièce aux somptueuses garde-robes, bonne idée, pensa-t-elle, elle voulait justement leur annoncer l’ouverture de sa deuxième grande boutique de mode en France, à Versailles…
Gabrielle, en descendant de voiture, vint vers elle et lui prit la main en l’embrassant dans le cou. Son chatouillement lui déclencha un gémissement, puis un rire sensuel. Personne ne dit mot, mais on s’attendait au cours de la soirée à plus de démonstration des deux femmes.
Mary lança un regard circulaire et sourit. Elle s’y croyait, elle avait remonté les siècles. Elle s’avançait pour se rapprocher de son Petit Trianon. Elle était sûre, désormais, que Gabrielle s’imprégnerait de ce siècle. Diane, qui suivait, s’émerveillait de ce spectacle. Elle était transportée, elle aussi, au XVIIIe siècle…
Dolly, sa levrette entendit le son de la voix de sa maîtresse, elle arriva en se dandinant et en aboyant pour réclamer des caresses. Cette chienne avait une adoration pour sa maîtresse et c’était bien réciproque. Elle l’appelait parfois « Baby ».
Mary la prit tendrement dans ses bras pour la couvrir de baisers, tant elle lui avait manqué, puis l’emmener à New York par avion en soute n’aurait pas été idéal pour la chienne, mais cette fois-ci Mary resterait plus longtemps à Versailles. Gabrielle, qui aimait les chiens, passa délicatement sa main sur le dos recouvert de doux poils courts et s’exclama :
— Qu’elle est belle et douce !
Diane s’approcha à son tour de la chienne et la caressa. Elle se retourna et entoura de ses bras les deux femmes. Ce tableau féminin était touchant.
On sonna à la porte d’entrée, la petite chienne se dirigea vers l’entrée. Un domestique ouvrit la porte, un livreur, caché par de grandes corbeilles de fleurs de toute beauté, se présenta une enveloppe à la main.
— C’est pour Madame Mary !
Entendant son prénom et surprise de la livraison, Mary s’avança pour saisir l’enveloppe afin de lire la carte parfumée à la rose : Je t’aime avec ferveur ! Signé : Diane…
Mary, aux anges, s’orienta vers elle pour la remercier et l’embrassa sur le front devant sa nouvelle amie qui, ne comprenant pas cette familiarité, ouvrit de grands yeux.
— Merci, ma chère Diane, tu es adorable…
Ces douces paroles firent bondir de jalousie Gabrielle, Diane remarqua sa moue boudeuse avec amusement, mais une chose était sûre, elle ne l’aurait jamais. C’était un lien secret entre elle et Mary.
Elles regagnèrent séparément leur chambre pour se préparer et revêtir leur costume de fête. Les miroirs envoyaient des portraits de jolies femmes du XVIIIe siècle. Ces dernières n’arrêtaient pas de s’admirer, pourtant tout le monde était prêt et les attendait dans le grand hall au rez-de-chaussée, où un buffet grandiose avait été dressé pour un apéritif avant le dîner. Ils avaient tous oublié leur époque actuelle et étaient revenus au siècle de Marie-Antoinette.
Les nombreuses tables étaient recouvertes d’assiettes en porcelaine bleues de four avec des dorures aux sceaux de M.A. Des verres à pied en cristal à l’or incrusté par les plus célèbres verriers de France se dressaient majestueusement. Un spectacle magnifique pour les yeux.
Les rires fusaient, le champagne coulait à flots, les femmes étaient belles et les hommes cherchaient à les séduire pour obtenir une nuit d’amour. Après quelques heures, tous se dirigèrent dans le grand parc où brillaient des centaines de lumières, des lampadaires éclairaient chaque allée dessinée par des graviers blancs, que les invités devaient obligatoirement emprunter.
Les musiciens de l’orchestre, également revêtus d’habits de l’époque, portaient des perruques poudrées. Un son de harpe s’échappait de l’orchestre et ravissait les oreilles des invités. Mary avait à sa table sur la gauche Diane, sur la droite Gabrielle. Elles se regardaient longuement en essayant par leur regard de faire ressortir leurs sentiments. Aussi, sous la table leurs genoux se frôlaient, sans savoir si leur but était atteint. Diane assistait à tout cela avec amusement, mais rien ne l’atteignait, elle restait pour le moment impassible parce que pour elle ce n’était qu’une amourette de passage, Mary était un « oiseau volage »…
Dolly, la chienne, couchée sur un coussin de soie rose au pied de la table, attendait qu’on lui donne un morceau de poulet, un choix exquis. Mary picorait du bout des lèvres, des idées quelque peu extravagantes trottaient dans sa tête.
Mary portait une robe deux tons, rose et lilas, ses yeux étaient joliment maquillés aux couleurs assorties, une mouche en velours noir au coin gauche de la bouche, ce qui signifiait la baiseuse, complétait son maquillage. Par contre, Gabrielle en portait une en soie noire près de l’œil droit, ce qui signifiait, la passionnée. Diane, c’était en dessous de la lèvre, voire le menton, ce qui signifiait la discrète.
La mouche placée sur le décolleté, parfois sur la joue, sur le front, sur le menton, prenait une signification et une symbolique afin de transmettre un message précis. Une mouche reflétait la personnalité et l’humeur de la personne qui la portait, cela valait mieux que des paroles, c’était plus qu’un complément de mode, c’était l’accessoire de séduction. Sur le front, la duchesse ou la majestueuse, sur le nez, l’effrontée, sur les pommettes, l’enjouée, au milieu de la joue, la galante, sur les lèvres, la coquette, sur la poitrine, la généreuse. Ainsi, la mouche laissait discrètement son message suivant son emplacement.
La grande horloge, située au-dessus du porche de la maison, fit retentir les douze coups de minuit ; à ce même moment, un feu d’artifice explosait dans le ciel. Les applaudissements des invités, ravis par tant de faste, ne purent couvrir le bruit des explosions. Le bouquet final apparut en même temps que de multiples coupes de champagne. Mary, voulait par cette soirée, évoquer par improvisation, l’ouverture prochaine d’une somptueuse boutique à Versailles de prêt à porter, succursale de New York, mais aussi présenter Gabrielle, son mannequin et John son créateur de tous ses vêtements.
— Je viens d’acheter une jument plusieurs fois championne à l’hippodrome de Longchamp. Elle sera ma Darling !
Tout le monde leva leur coupe en criant leur enthousiasme pour ce fantastique projet. Heureuse de cette ovation, dans un rire cristallin, Mary annonça une autre grande nouvelle pendant que Gabrielle s’était absentée quelques instants :
— Puis, je vais également créer une autre boutique de mode ! Et voici mon mannequin, Gabrielle qui va arriver dans un instant !
Elle se présenta à l’assemblée, poussée par Diane qui avait entendu les paroles de Mary. Les applaudissements crépitèrent à nouveau et des sourires s’affichèrent sur tous les visages. Pour achever son discours, Mary annonça qu’elle donnerait par tirage au sort, à chacune et à chacun un « jeton » à l’effigie de Marie-Antoinette afin d’accéder à ses jardins en son absence lorsqu’elle serait à New York, afin de se ressourcer s’ils le désiraient. Ils ressemblaient étonnamment aux jardins du Petit Trianon. Une telle similitude lui avait coûté une fortune, mais elle en était fière.
Elle expliqua aussi que la « Reine » donnait à ses intimes ce jeton, car aucune autre personne ne pouvait entrer ni même le Roi, sans ce passe. Elle se plaisait à dire « Ici, je ne suis pas la Reine, mais c’est moi qui choisis ».
Les applaudissements reprirent encore plus fort en guise de remerciements. Enfin, les invités regagnèrent le manoir pour reprendre leurs vêtements civils et s’en aller. À son tour, Diane vint embrasser discrètement sur les lèvres la femme de sa vie, Mary, qui se laissa faire sans se douter que Gabrielle l’avait vue. Elle se tut, pourtant elle avait ressenti un petit pincement de jalousie.