Contes de pirates - Arthur Conan Doyle - E-Book

Contes de pirates E-Book

Arthur Conan Doyle

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Beschreibung

Si les aventures du détective Sherlock Holmes sont universellement connues et appréciées, il est loin d'en être de même pour les contes et nouvelles que Conan Doyle fit paraître dans divers magazines pour la plupart à la toute fin du XIXe siècle. Arthur Conan Doyle est aussi l’auteur des "Contes de pirates", écrits dans la plus pure tradition du genre en 1922.

"Contes de pirates" mettent en scène le capitaine Sharkey, pirate redoutable que l’on reconnaît à ses « yeux bleus voilés et cerclés de rouge », et qui sème la terreur sur les mers… Qui aura la peau de Sharkey ?

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Arthur Conan Doyle

Contes de pirates

table des matières

CONTES DE PIRATES

LE GOUVERNEUR DE SAINT KITTS

LES RAPPORTS DU CAPITAINE SHARKEY AVEC STEPHEN CRADDOCK

LA FLÉTRISSURE DE SHARKEY

COMMENT COPLEY BANKS EXTERMINA LE CAPITAINE SHARKEY

« LA CLAQUANTE »

UN PIRATE DE LA TERRE

CONTES DE PIRATES

Arthur Conan Doyle

LE GOUVERNEUR DE SAINT KITTS

Titre original : Captain Sharkey : How The Governor of Saint Kitts’ Came Home (1897).

Quand le traité d’Utrecht eut mis fin aux longues guerres de la succession d’Espagne, les nombreux corsaires qui avaient été utilisés par les nations en lutte se trouvèrent sans emploi. Certains prirent goût aux habitudes paisibles, mais moins lucratives, du commerce ordinaire. D’autres furent absorbés par les flottes de pêche. Quelques téméraires hissèrent le pavillon noir à la misaine et le drapeau rouge au grand mât ; pour leur propre compte ils déclaraient la guerre à toute l’humanité.

Avec des équipages mêlés, recrutés un peu partout, ils écumèrent les mers. De temps en temps, ils disparaissaient pour caréner dans une crique écartée, ou bien ils se livraient à mille débauches dans un port excentrique dont ils émerveillaient les habitants par leur prodigalité et les terrorisaient par leurs manières de brutes.

Sur la côte de Coromandel, à Madagascar, dans les eaux africaines, et surtout dans les Antilles et les mers américaines, les pirates constituaient une menace constante. Avec un insolent appétit de confort ils réglaient leurs déprédations sur l’agrément des saisons : en été ils harcelaient la Nouvelle-Angleterre, et en hiver ils descendaient vers les îles des Tropiques.

Ils étaient d’autant plus à redouter qu’ils manquaient totalement de la discipline et de la mesure qui avaient rendu leurs prédécesseurs, les boucaniers, à la fois formidables et respectables. Ces Ismaëls de l’océan ne rendaient de comptes à personne et ils traitaient leurs prisonniers selon leur capricieuse ivresse du moment. Des éclairs d’une générosité grotesque alternaient avec de plus longues périodes d’une inconcevable férocité. Le capitaine qui tombait entre leurs mains pouvait se trouver aussi bien relâché avec sa cargaison après avoir participé à d’abominables beuveries qu’assis à table avec son propre nez et ses lèvres servis en vinaigrette devant lui. À cette époque il fallait être un solide marin pour commercer dans la mer des Caraïbes !

Justement le capitaine John Scarrow, du bateau Morning-Star, en était un. Il n’en poussa pas moins un profond soupir de soulagement quand il entendit l’ancre gifler l’eau et qu’il évita sur ses amarres à moins de cent yards des canons de la citadelle de Basseterre. Saint Kitts était le dernier port où il relâchait ; de bonne heure le lendemain matin sa proue pointerait en direction de la vieille Angleterre. Il en avait assez de ces océans hantés par les voleurs ! Depuis qu’il avait quitté Maracaïbo sur la mer des Antilles avec son plein chargement de sucre et de poivre rouge, il avait tressailli chaque fois qu’un hunier miroitait au-dessus de la surface violette des eaux tropicales. Il avait caboté en remontant les îles du Vent, touchant ici ou là, et partout il avait dû prêter l’oreille à des histoires de brigands.

Le capitaine Sharkey, qui commandait le corsaire Happy-Delivery de vingt canons, avait descendu la côte en la jalonnant de navires coulés et de cadavres. Quantité d’anecdotes couraient sur ses plaisanteries sinistres et sur son impitoyable férocité. Des Bahamas à la mer des Antilles, son bateau noir comme du charbon était une promesse de mort et de beaucoup de choses plus terribles que la mort. Le capitaine Scarrow avait été tellement énervé par ces histoires qu’avec son navire neuf gréé en trois-mâts carré et sa cargaison de valeur il s’était déporté vers l’ouest jusqu’à l’îles des Oiseaux pour s’écarter de la route commerciale normale. Même dans ces eaux solitaires le capitaine Sharkey s’était rappelé à son souvenir.

Un matin ses matelots avaient repêché un canot à la dérive, dont le seul occupant était un marin délirant qui avait poussé des rugissements pendant qu’il avait été hissé à bord, et qui leur avait montré une langue aussi sèche qu’un champignon noir. De l’eau et des soins avaient vite fait de lui l’homme le plus robuste et le plus alerte de tout l’équipage. Il était de Marblehead, dans la Nouvelle-Angleterre, à ce qu’il semblait, et il restait l’unique survivant d’un schooner qui avait été coulé par le terrible Sharkey.

Pendant une semaine Hiram Evanson (il s’appelait ainsi) avait vogué à la dérive sous le soleil tropical. Sharkey avait donné l’ordre que les restes mutilés de son défunt capitaine fussent placés dans son canot « en guise de provisions de voyage », mais le malheureux les avait instantanément rejetés à la mer de peur que la tentation ne devînt trop forte. Il avait vécu sur les réserves de sa grande carcasse jusqu’à ce que, in extremis, le Morning-Star l’eût trouvé dans l’état de folie qui, dans ces cas-là, précède la mort. Pour le capitaine Scarrow, qui naviguait avec un équipage réduit, ce robuste originaire de la Nouvelle-Angleterre était une aubaine. Il se vantait même d’être le premier marin à qui le capitaine Sharkey avait rendu service.

À présent qu’ils étaient amarrés à l’abri des canons de Basseterre, le pirate n’était plus guère à redouter. Pourtant le marin ne cessait de penser à lui, et la vue de son agent local grimpant en canot pour aller à sa rencontre ne parvint pas à le distraire.

– Je vous parie, Morgan, dit-il à son second, que l’agent prononcera le nom de Sharkey dans les cent premiers mots qui sortiront de sa bouche !

– Eh bien ! capitaine, voilà un dollar en argent, je le risque, répondit le vieux marin de Bristol qui se tenait à côté de lui.

Les rameurs noirs rangèrent le canot le long du bateau et l’agent grimpa à l’échelle.

– Bonjour, capitaine Scarrow ! s’écria-t-il. Connaissez-vous la nouvelle pour Sharkey ?

Le capitaine décocha à son second un sourire en coin.

– Quelle diablerie vient-il de commettre ?

– Diablerie ? Mais alors vous ne savez pas ! Eh bien ! Nous l’avons ici sous les verrous. Oui, ici, à Basseterre. Il a été jugé mercredi dernier, et il sera pendu demain matin.

Le capitaine et son second poussèrent un cri de joie, auquel l’équipage ne tarda pas à faire écho. Il ne fut plus question de discipline : ils se rassemblèrent tous à la coupée pour entendre les nouvelles. Le matelot de la Nouvelle-Angleterre se tenait au premier rang ; il tourna vers le ciel un visage extasié, car il était de souche puritaine.

– Sharkey va être pendu ! s’exclama-t-il. Savez-vous, monsieur l’agent, si l’on n’a pas besoin d’un bourreau ?

– Arrière ! rugit le second, dont le sens de la discipline l’emporta enfin sur l’intérêt qu’il portait à la nouvelle. Je vous paie ce dollar, capitaine Scarrow, plus joyeusement que je n’ai jamais payé un pari perdu. Comment le bandit a-t-il été capturé ?

– Ah ! pour cela, il était devenu insupportable pour ses propres camarades ! Ils l’avaient si bien pris en horreur qu’ils n’ont plus voulu le voir sur leur navire. Alors, ils l’ont abandonné sur les Little Mangles, au sud de la Mysteriosa Bank ; un bateau de commerce de Portobello l’y a découvert et l’a amené ici. Il avait été question de l’envoyer se faire juger à la Jamaïque, mais notre bon petit gouverneur, sir Charles Ewan, n’a rien voulu entendre. « Sharkey est mon plat du jour, a-t-il déclaré. Je le ferai cuire moi-même. » Si vous pouvez rester jusqu’à demain matin dix heures, vous verrez un beau quartier de viande se balancer au vent.

– Je le voudrais bien, répondit le capitaine d’une voix où traînait le regret d’un spectacle manqué. Mais malheureusement je ne suis pas en avance. Je partirai avec la marée du soir.

– Oh ! n’y comptez pas ! Le gouverneur part avec vous.

– Le gouverneur ?

– Oui. Il a reçu une dépêche du gouvernement lui ordonnant de rentrer sans délai. Le bateau qui l’a apportée est reparti pour la Virginie. Aussi sir Charles vous a-t-il attendu, car je lui ai dit que vous arriveriez avant les pluies.

– Eh, eh ! fit le capitaine, perplexe. Je ne suis qu’un simple marin, et je ne connais pas grand-chose aux gouverneurs ni aux baronnets ; à leurs manières non plus d’ailleurs ! je ne me rappelle pas avoir jamais adressé la parole à l’un d’eux. Mais si c’est pour le service du roi George, et s’il veut que je le conduise jusqu’à Londres, je m’arrangerai. Il pourra disposer de ma cabine personnelle. Pour ce qui est de la cuisine, il y a de la ratatouille et du salmigondis six jours par semaine ; s’il pense que notre ordinaire est trop grossier pour son palais, il n’a qu’à se faire accompagner de son cuisinier.

– Ne vous faites pas de soucis pour cela, capitaine Scarrow ! Sir Charles en ce moment n’est pas en très bonne santé ; il relève d’une fièvre quarte, et il ne bougera pas de sa cabine pendant la plus grande partie du voyage. Le docteur Larousse m’a dit qu’il ne se serait pas rétabli si la prochaine pendaison de Sharkey ne l’avait ravigoté. C’est un homme qui a un tempérament plein de fougue ; il ne faudra pas lui en vouloir s’il a le parler un peu brusque.

– Il pourra dire ce qu’il voudra et faire ce qui lui plaira tant qu’il ne se mettra pas par le travers de mes écubiers quand je m’occuperai du bateau, dit le capitaine. Il est gouverneur de Saint Kitts, mais moi je suis gouverneur du Morning-Star. Et, avec sa permission, je partirai dès la première marée, car j’ai des devoirs à remplir vis-à-vis de mon patron, tout comme il en a vis-à-vis du roi George.

– Il doit régler beaucoup d’affaires avant son départ ; il ne pourra pas être prêt pour ce soir.

– Alors pour la première marée demain matin !

– Très bien. Ce soir, je ferai porter ses bagages à bord, et il montera lui-même demain de bonne heure si je peux obtenir de lui qu’il quitte Saint Kitts sans voir Sharkey danser la matelote des bandits. Ses ordres sont pressants ; il est donc possible qu’il arrive tout de suite. Le Dr Larousse l’accompagnera sans doute pour le soigner pendant le voyage.

Une fois seuls, le capitaine et son second se livrèrent à tous les préparatifs dignes d’un illustre passager. La plus grande cabine fut nettoyée et décorée en son honneur ; des tonneaux de vin et des caisses de fruits furent achetés pour corser l’ordinaire. Dans la soirée commencèrent à arriver les bagages de sir Charles : de grandes malles cerclées de fer à l’épreuve des fourmis, des valises officielles, et aussi des paquets de forme bizarre qui contenaient probablement un tricorne et une épée. Et puis survint une lettre, avec des armes sur le gros cachet rouge, qui présentait les compliments de sir Charles au capitaine Scarrow ; le gouverneur espérait le rejoindre dans la matinée, dès que ses devoirs et ses infirmités le lui permettraient.