Contes indiens : Les Trente-deux récits du trône - Léon Feer - E-Book

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Léon Feer

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Beschreibung

La traduction de contes indiens que nous offrons au lecteur se compose : 1° d’un Avertissement très court, en quelques lignes ; 2° d’une Introduction assez longue qui est un véritable conte ; 3° des Trente-deux contes annoncés par le titre de l’ouvrage.

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Contes indiens

Léon Feer

First Published in 1883

Copyright © 2020 Librorium Editions

Table of Contents

Titre

Contes indiens

Avis au lecteur

§ 1. — Les contes relatifs à Vikramâditya

§ 2. — Vikramâditya et Çâlivâhana

§ 3. — Journée d’un roi indien

§ 4. — Vertus morales de Vikramaditya

§ 5. — La science

§ 6. — La vie

§ 7. — Les plaisirs

§ 8. — Les richesses

§ 9. — Fatalité, activité

§ 10. — Un roi peut-il voyager ? — Du devoir qui lui incombe

§ 11. — Les dix-huit vices

§ 12. — Vertus populaires ; — castes ; — mariage ; — veuvage

§ 13. — Les neufs rasa ( « goût, saveur »)

§ 14. — Chaussures magiques et transformations

§ 15. — Êtres surhumains

§ 16. — Croyances vulgaires.

§ 17. — Culte

§ 18. — Croyances fondamentales

§ 19. — L’âme suprême

Avis du traducteur bengali

Introduction

Récit de la première figure

— deuxième

— troisième

— quatrième

— cinquième

— sixième

— septième

— huitième

— neuvième

— dixième

— onzième

— douzième

— treizième

— quatorzième

— quinzième

— seizième

— dix-septième

— dix-huitième

— dix-neuvième

— vingtième

— vingt-et-unième

— vingt-deuxième

— vingt-troisième

— vingt-quatrième

— vingt-cinquième

— vingt-sixième

— vingt-septième

— vingt-huitième

— vingt-neuvième

— trentième

— trente-et-unième

— trente-deuxième

Épilogue

Table alphabétique des noms indiens

AVIS AU LECTEUR

L

atraduction de contes indiens que nousoffrons au lecteur se compose : 1° d’un Avertissement très court, en quelques lignes ;2° d’une Introduction assez longue qui estun véritable conte ; 3° des Trente-deux contes annoncés par le titre de l’ouvrage.

Ce travail n’est pas à proprement parlerune œuvre d’érudition. Nous avons traduitces contes pour le commun des lecteurs et nonpas seulement pour les indianistes. Cependantnous avons cru devoir les faire précéderet les faire suivre de deux morceaux qu’onpourrait croire inspirés par la préoccupationde complaire aux savants. Ce que nous avonsmis avant la traduction est une « Étude » surles contes ; nous aurions voulu éviter ce titreun peu ambitieux d’ « Étude » et employercelui d’ « Introduction », mais il fallait le réserverpour le récit initial du recueil. — Ceque nous avons mis à la suite de notre traductionest une table alphabétique des nomsindiens, accompagnés de quelques indicationset de renvois aux contes dans lesquels ils setrouvent. Nous avons réservé pour cette tablecertaines explications que nous n’avions pascru devoir mettre en note dans le cours desrécits. Le lecteur est prié de vouloir bienconsulter cette table pour les éclaircissementsqu’il pourrait désirer.

Le lecteur appréciera l’utilité de l’ « Étude »et de la « Table » ; nous nous sommes proposé, en augmentant notre traduction de cesdeux appendices., d’en rendre la lecture plusfacile, plus agréable., plus intéressante et plusinstructive, sans surcharger néanmoins notretravail d’une science qui n’est bonne que pourles savants de profession.

Il est impossible de faire un travail de cegenre sans reproduire beaucoup de mots hindous.Aussi en rencontrera-t-on un bon nombre.Si nous les avions écrits en conservant ànos lettres la valeur que nous leur donnonshabituellement, notre volume serait hérisséde mots bien étranges ; d’un autre côté, nousne pouvions, par bien des raisons, employerle système de transcription dont nous aurionsfait usage si nous avions entrepris un travaild’érudition pure. Nous nous sommes doncarrêtés à un système mixte que nous n’avonspas à motiver autrement ni à défendre, etqu’il suffit de faire connaître en indiquantla valeur spéciale et contraire à l’usagedonnée à certaines de nos lettres. Tout ceque nous dirons pour justifier ces bizarreries, c’est que la valeur donnée à telle ou telle lettre, contrairement à notre usage, se justifiepar celui de tel ou tel peuple européen.

Voici donc les lettres qui se prononcentd’une façon particulière :

c et ch se prononcent tch (ch est censé accompagné d’une aspiration).

g est toujours dur comme dans guerre, guide, garde, etc.

h venant après une consonne représente une aspiration que nous ne savons pas exprimer (bh, ch, dh, gh, kh, ph, th, sont b, c, d, g, k, p, t aspirés).

j se prononce dj.

s se prononce ç jamais z.

sh se prononce ch.

u se prononce ou.

au se prononce aou.

ai se prononce ay.

v après ç ou s se prononce généralement ou.

x se prononce kch.

D’après cela, Cîrajîva se prononce Tchîradjîva ;

Candramaulî se prononce Tchandramaoulî ;

Çixâ se prononce Çikchâ ;

Jyeshtha se prononce Djyechtha ;

Ghatakapurî se prononce Gatakapourî ;

Guru, Svarga se prononcent Gourou, Souarga.

ÉTUDE

SUR

LES TRENTE-DEUX RÉCITS

DU TRÔNE

I. — APERÇU GÉNÉRAL

§ 1 — LES CONTES RELATIFS À VIKRAMÂDITYA

L

e nom du roi Vikramâditya ( « Soleil d’héroïsme » ) est un des plus illustres parmi ceux des souverains de l’Inde. Son règne marque l’époque où la culture des lettres et des sciences brilla du plus vif éclat. Les plus beaux génies se réunissaient à sa cour, et le siècle de Vikramâditya est pour l’Inde ce qu’est pour la Grèce le siècle de Périclès, pour Rome le siècle d’Auguste, pour l’Italie le siècle de Léon X, pour la France le siècle de Louis XIV. Malheureusement, en dépit d’une si haute renommée, l’histoire de ce roi n’est pas, pour cela, plus certaine ni mieux connue ; et il n’en existe pas une relation suivie qui mérite une entière confiance. Le sens historique manque aux Hindous, et ce qu’ils ont trouvé de mieux à faire pour célébrer la gloire d’un de leurs plus grands monarques, ç’a été de composer des contes dont il est le héros. Deux séries de fictions se rattachent à son nom : l’une est intitulée « les trente-deux récits (des figures) du trône[1] » ; l’autre a pour titre « les vingt-cinq contes du Vétâla[2] ». Le second recueil n’est qu’un épisode du premier et a un lien moins étroit avec les actions réelles ou imaginaires de Vikramâditya ; c’est dans les trente-deux récits du trône qu’on le voit constamment mis en scène, il est l’unique héros de ces légendes destinées à faire ressortir ses vertus et visiblement consacrées à sa louange.

Les « contes du Vetâla » sont des histoires que l’on raconte au roi, et sur lesquelles il est appelé ou se croit appelé à porter un jugement, presque des énigmes dont il doit et sait trouver le mot. Ce recueil est donc principalement destiné à mettre en relief la sagacité, la justesse et la finesse d’esprit du Salomon indien. Rédigé primitivement en sanscrit comme les autres compilations du même genre, il a passé dans plusieurs des langues modernes de l’Inde ; on l’a traduit de quelques-unes de ces langues en anglais. Il a même franchi la frontière de la péninsule et pénétré, par le Tibet, jusqu’en Mongolie, où il existe encore, partie en kalmouk, partie en mongol. En 1867 et 1868, M. le professeur Jülg, d’Innsbruck, en a donné le texte kalmouk-mongol avec une traduction allemande, savant travail dont le mérite est encore rehaussé par l’initiative que l’auteur a prise dans un domaine presque inexploré. Les diverses versions des vingt-cinq contes du Vetâla différent notablement les unes des autres, elles nous occuperont peut-être un jour ; pour le moment, nous les laisserons de côté, les trente-deux récits du trône réclament seuls notre attention.

Voici, en deux mots, le cadre de ces récits : Le roi Vikramâditya possédait un trône merveilleux qui lui avait été donné par Indra, le roi des dieux, et sur lequel se voyaient, entre autres ornements, trente-deux figures sculptées. Après sa mort, ce trône fut enterré profondément, nul n’osant y prendre place. Quelques siècles plus tard, un roi appelé Bhoja vint à le découvrir et voulut s’y asseoir ; mais, chaque fois qu’il en fit la tentative, une des trente-deux figures l’en détourna par le récit de quelqu’un des merveilleux exploits de Vikramâditya. Quand chacune eut fait son récit, ces trente-deux figures, qui étaient des divinités fixées dans ce trône et immobilisées par suite d’une malédiction, le prirent et l’emportèrent chez elles, probablement au ciel d’Indra.

J’ignore si les trente-deux récits se sont répandus autant que les vingt-cinq ; je sais seulement que ce recueil a été traduit du sanscrit, qui est la langue originale, dans le dialecte moderne braj-bhâkhâ par Sundar, sur l’ordre de Shâh-Jehân ; depuis, il a été traduit du braj-bhâkhâ en hindoustani-ourdou par Lallu. Je crois, du reste, qu’il a été traduit en plusieurs autres langues, et qu’il en existe un certain nombre de versions plus ou moins fidèles, plus ou moins concordantes et conformes à l’original. Mon intention n’est pas de les comparer entre elles ni de les rapprocher du texte sanscrit qui est le point de départ commun de ces compilations diverses, et que je ne connais pas. Ce serait un travail fort étendu, pour lequel les matériaux me font défaut, tout spécial d’ailleurs et très différent de celui que j’ai entrepris sans aucune prétention à l’érudition, dans le seul désir d’instruire et d’intéresser le commun des lecteurs.

Néanmoins il est une de ces versions dont je ne puis me dispenser de dire au moins un mot, parce qu’elle a passé dans notre langue ; c’est la version persane traduite en français par Lescallier[3]. On y reconnaît bien nos trente-deux contes et leur Introduction ; mais la rédaction est tout autre et les différences de détail sont considérables. Je n’en parle que par comparaison avec la seule version que je connaisse à fond, celle qui m’a servi pour le présent travail, et qu’il me reste à faire connaître[4].

C’est une traduction bengalie intitulée Batris putalikâ sinhâsan, imprimée à Londres en 1815 et réimprimée depuis ; elle est l’œuvre de Mrityunjama. Je ne saurais dire sur quel texte elle a été faite ; mes conjectures sont en faveur d’une version fidèle de l’original sanscrit ; toutefois, je ne saurais en donner d’autre preuve que la forme et la teneur des récits auxquels je trouve un cachet d’authenticité très marqué.

Ces fictions me semblent de nature à piquer vivement la curiosité du lecteur européen, et à trouver des amateurs en dehors de l’orientalisme. Mais elles sont particulièrement propres à satisfaire quiconque éprouverait quelque désir de connaître l’Inde, et je crois qu’il serait impossible de trouver sous un petit volume une peinture plus fidèle et plus captivante de l’esprit indien. Les témérités les plus audacieuses de l’invention, les idées et les pratiques religieuses, la manière dont on conçoit l’exercice du pouvoir, la conduite de la vie, la loi morale, quelques-unes des traditions essentielles et des croyances fondamentales de l’Inde, tout cela est réuni, condensé en quelques pages ; et le langage du bon sens s’y trouve sans cesse mêlé aux plus grands écarts de l’imagination. Certes, la lecture du Râmâyana et du Mahâbhârata apprend infiniment plus de choses que ce petit recueil n’en renferme ; et cependant, même après avoir étudié ces deux immenses amas de légendes, peut-être n’est-il pas mauvais de prendre connaissance de nos trente-deux contes. Quant aux personnes (et elles sont nombreuses) qui n’auraient pas le temps d’aborder ces gigantesques compilations, elles pourront, en lisant les trente-deux récits du trône, acquérir une notion exacte et très suffisante du génie indien.

Ces récits, qui sont en prose, et ont ainsi quelque chose de plus populaire[5], qui ne font point partie de la littérature officielle autorisée, ont une certaine saveur qui manque aux monuments grandioses de la pensée brahmanique ; ils peignent davantage l’esprit des classes inférieures et la vie quotidienne. Non pas que ces contes représentent fidèlement l’état actuel ; ils doivent avoir une certaine antiquité, et se rapporter au temps où l’Inde, non encore subjuguée, était sous la discipline du brahmanisme intact et florissant. Ils nous offrent donc, si je ne me trompe, un tableau de l’esprit indien, au temps du brahmanisme, mais en dehors du monde brahmanique officiel, quelque chose de plus spontané, de plus libre, de plus populaire que la littérature savante, mais sans esprit de révolte contre l’état de choses établi ou même d’affranchissement de l’empire exercé sur les esprits par la caste dominante.

Pour aider le lecteur à mieux profiter de cette lecture, nous croyons devoir résumer ici les principaux enseignements fournis par les trente deux contes et l’introduction qui les précède.

En sanscrit :

Sinhâsana-dvâtrimçati

.

En sanscrit :

Vetâla-pancavimçati

.

Le trône enchanté, conte indien traduit du persan, par M. le baron Lescallier. New-York, 1817, 2 volumes grand in-8°.

M. Garcin de Tassy dit que cette version est un pur roman qui s’éloigne beaucoup de l’original. Il en parle sans doute par comparaison avec la version hindoustanie qu’il connaissait mieux que personne. Mais j’ai cru m’apercevoir que la version hindoustanie n’est pas en parfait accord avec la version bengalie, de sorte qu’on ne sait pas bien qui s’écarte plus ou moins de l’original. Il y a là toute une question à étudier.

Cette proposition semblera peut-être paradoxale, la poésie paraissant être le caractère propre des compositions primitives et populaires ; mais, dans la littérature indienne, le vers est la forme naturelle des écrits officiels, des compositions faisant autorité. Les textes sacrés sont généralement en vers ; les explications et les commentaires sont en prose. Les recueils de fables, avec lesquels nos contes ont beaucoup d’analogie, sont en prose, mais en prose entremêlée d’une foule de vers qui sont, pour ainsi dire, la partie dogmatique de ces compilations. Nos contes n’ont pas même de vers, circonstance qui semble dénoter un genre d’écrits encore plus éloigné des textes officiels, partant plus populaire.

II. — HISTOIRE

§ 2. — VIKRAMÂDITYA ET ÇÂLIVÂHANA

Quand nous parlons « d’histoire », il est bien entendu qu’il ne peut être question de retracer la vie de Vikramâditya, ni même de faire la critique des faits cités dans le recueil pouvant avoir un caractère historique ; il s’agit simplement de recueillir et résumer ces faits. Voici à quoi ils se réduisent :

Bartrihari ayant été sacré roi d’Avantî, son jeune frère Vikramâditya, froissé par nous ne savons quelle injure, prit le parti de s’expatrier. Cependant Bartrihari finit par prendre le monde et la royauté en dégoût ; il quitta le trône et se fit ermite. Il ne laissait pas de fils, et on ne put lui trouver un successeur convenable. Vikramâditya sortit alors de sa retraite, se présenta comme candidat au trône, fut agréé, et régna glorieusement jusqu’au jour où il périt sur le champ de bataille en combattant Çâlivâhana. Sa première épouse était alors enceinte ; elle attendit le moment de sa délivrance pour « entrer dans le feu », c’est-à-dire, pour se brûler et suivre son mari dans la mort. Le fils qu’elle laissa fut élevé par les conseillers du feu roi et régna à son tour sous le nom de Vikramâsena.

§ 3. — JOURNÉE D’UN ROI INDIEN

Le conte vingt-deuxième semble avoir été fait pour initier à la connaissance de l’emploi du temps d’un roi indien. La description qu’il nous donne de la journée de Vikramâditya absorbe presque tout le récit, et le reste est insignifiant. Voici donc comment un grand et puissant monarque de l’Inde distribue sa journée :

Matinée. — Réveil au son des instruments et des louanges ; — prières et méditations religieuses. — Maniement des armes. — Libéralités et gratifications. — Expédition des affaires.

Midi. — Actes religieux.

Après-midi. — Libéralités, distributions. — Repas. — Mastication du bétel ; onctions. — Sieste. — Causerie avec les femmes ; lecture et récit des antiques histoires. — Examen des richesses royales de toute nature.

Soir. — Actes religieux. — Chants, danses et musique. — Visite à ses femmes. — Sommeil.

Tels étaient les exercices qui se succédaient du matin au soir et du soir au matin pendant la vie du roi.

À cette description de la vie quotidienne, il faut joindre celle des promenades que le roi faisait dans son parc lorsque venait le printemps. Cette description revient fréquemment dans les ouvrages indiens ; notre cinquième récit nous la donne avec de grands détails. Le roi se rend à son parc accompagné de ses femmes, et se livre avec elles dans les bosquets à toutes sortes de jeux plus ou moins innocents.

III. — MORALE

§ 4. — VERTUS MORALES DE VIKRÂMADITYA

Si les contes du Vétâla sont destinés à montrer jusqu’où va la sagacité du roi, les trente-deux récits du trône servent à faire éclater ses vertus, qui sont nombreuses ; mais il en est une qui les domine et les résume, la générosité, le sacrifice. Les trésors de Vikramâditya, son activité, sa vie sont à la disposition d’autrui. Pour soulager un homme dénué de tout, pour délivrer un individu ou une population en proie à quelque fléau, pour obliger un ami, pour satisfaire un caprice, il renonce aux plus grands biens, à des sources inouïes de richesses, même à la vie. Bref, il pratique dans sa plus grande étendue le « don » (Dâna), cette vertu suprême recommandée par le Brahmanisme, et plus encore par le Bouddhisme ; il réalise ce grand idéal que les Orientaux se font d’un roi : donner beaucoup à tout le monde, ne prendre rien à personne.

En conséquence, onze fois mis en possession d’un joyau, d’un talisman, il le donne presque immédiatement à un mendiant, ou à un besogneux quelconque, à tout individu qu’il rencontre et qu’il pense obliger de cette manière (2, 9, 12, 13, 17, 18, 19, 20, 23, 25, 29, 30). Six fois, il ouvre ses trésors et fait de larges dons individuels (4, 5, 15, 28) ou collectifs (1, 22) pour reconnaître un service quelquefois douteux, ou pour obéir au devoir, pour témoigner sa reconnaissance d’une instruction qu’on lui a donnée. Dix fois, il essaie de se tuer pour sauver une ou plusieurs personnes d’un grand péril (2, 6, 7, 10, 16, 21, 24, 26, 27, 28) ; — cinq fois, il s’expose à des dangers redoutables ou à de cruelles souffrances pour délivrer un ami ou une personne qui lui est étrangère (8, 11, 14, 15, 30). Deux fois, pour ne pas manquer à sa parole, il s’expose à perdre son royaume (23) ou ses vertus (31) ; — une fois, il est prêt à abandonner, à livrer à un autre, la reine sa première épouse, en expiation d’un crime qu’il n’a pas commis, les apparences étant contre lui. Toutes ses actions, empreintes de merveilleux, ont pour motif l’amour de la sagesse et de la science, la compassion pour les autres.

Les vertus ou les qualités qu’on exalte en sa personne sont : la « grandeur » (mahatva, 1, 2, 3, 4, 9, 11, 12, 13, 16, 19) ; — la « libéralité » (Dâna, 1 et audârya, 2, 5, 14, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 30, 31) ; — « l’énergie » (sâhasa, 18, 25, 28, 30) ; — « l’héroïsme » (Çaurya, 2, 17, 23, 25) ; « l’obligeance envers les autres » (paropakâraka, 6, 10, 21) ; la « fermeté » (dhairya, 23, 25) ; — le « désir d’être utile à toutes les créatures » (Sarvaprâni-upakâraka, 7) ; — la « protection des créatures » (prajâpratipâlaka) — la « satisfaction des désirs d’autrui » (paravancapûraka, 6, 20, 21) ; — « l’humanité » (purushârtha, 11, 14) ; — la reconnaissance (upakâranatâ, 4) ; — la « bienfaisance » (hitakarî, 22), — « l’attachement à la vérité » (satyasandha, 31) ; — la « majesté » (pratâpa, 1) ; la puissance (prabhâva, 18).— Quoique je n’écrive pas pour les philologues ou les indianistes, j’ai cru devoir ajouter les noms bengalis-sanscrits des vertus et qualités énumérées ; plusieurs de ces termes sont synonymes, et il arrive assez souvent que plusieurs d’entre eux ont cités dans un même récit.

La morale héroïque de ce roi qui obtient un talisman, un préservatif contre la maladie, la vieillesse et la mort, et s’empresse de l’abandonner au premier malade qu’il rencontre, qui jette à pleines mains ses trésors pour secourir des mendiants qu’il ne connaît pas, qui est prêt à se couper le cou pour donner de l’eau à ceux qui en manquent, pour faire cesser des sacrifices humains, etc., etc., est-elle bien saine ? On ne peut nier qu’il y ait dans tous ces récits une belle idée du dévoûment et du sacrifice ; mais il me semble qu’on n’y peut méconnaître un air grimaçant et faux, bien en rapport avec les circonstances merveilleuses qui servent de cadre à l’exercice de ces vertus. À présenter sous ces traits la pratique du bien, on la met en dehors de la conduite générale de la vie. Pour faire une impression sérieuse, les modèles de vertu doivent être plus près de la nature humaine, et l’exagération poussée à ce degré n’a plus de prise sur nous : on assiste à une fantasmagorie, à des jeux de Mahâmâyâ, « la grande enchanteuse », qui ne sont pas de notre domaine ni de notre monde. Reconnaissons le souffle moral qui anime ces pages, mais ne lui accordons pas notre admiration sans réserve ; souvenons-nous qu’il est des extravagances qui gâtent les meilleures choses, et n’oublions pas que l’héroïsme, si rare qu’il soit, n’est pas une vertu qui soit et doive être placée en dehors des conditions ordinaires de l’humanité.

Après cette espèce de revue générale, nous passons aux détails, et nous étudions, en les classant de notre mieux, les questions diverses traitées une ou plusieurs fois, avec plus ou moins de développement, dans nos récits.

 

 

§ 5. — SCIENCE

La science est ce qui distingue l’homme de la bête ; car l’homme et la bête accomplissent les mêmes fonctions vitales. Donc, l’homme qui réduit son activité à ces fonctions, sans s’élever par la science, est une bête dès cette vie, et il retournera à l’animalité dans les existences futures (8 et 20). — La science peut aussi être assimilée à la vie ; vivre sans la science, c’est être mort ; et un fils mort vaut mieux qu’un fils ignorant. Que mettre au-dessus de la science ? elle est supérieure à tous les autres avantages : — à la royauté, car le savant est aussi considéré à l’étranger que dans son propre pays ; — aux richesses, car on ne peut l’enlever à celui qui la possède ; — aux ornements qui ne brillent que sur les jeunes gens, car, à tout âge, la science reluit en l’homme qui en est doué (8).