Croire que c’est possible - Didier Kimmel - E-Book

Croire que c’est possible E-Book

Didier Kimmel

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Beschreibung

Et s’il existait une forme de vie après la mort ? Une question essentielle, encore irrésolue, qui alimente bien des débats. Une équipe de chercheurs décide d’y apporter des éléments de réponse. À sa tête, le professeur Philippe Jansen fait appel à Marc Carboire, neuroscientifique de renom, pour participer à cette aventure hors du commun. Ce dernier revient d’un séjour en Inde où il est convaincu d’avoir communiqué avec l’esprit d’une femme décédée, qu’il a autrefois aimée passionnément. Au fil des séances de travail, des cas troublants émergent, et Marc Carboire se retrouve happé dans un tourbillon d’émotions. Croire que c’est possible, c’est l’histoire de nos vies plurielles !

À PROPOS DE L'AUTEUR

Didier Kimmel signe son troisième ouvrage avec "Croire que c’est possible", après "Les roses bleues – Si aimer pouvait se conjuguer au pluriel" et "Je ne serai jamais loin de toi". Il explore les liens entre émotion, psychologie et science, offrant une vision où l’espérance devient tangible. À travers son écriture lumineuse, il invite le lecteur à questionner ses certitudes et à entrevoir l’infini des possibles.

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Seitenzahl: 352

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Didier Kimmel

Croire que c’est possible

Roman

© Lys Bleu Éditions – Didier Kimmel

ISBN : 979-10-422-6395-9

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Du même auteur

Romans (Le Lys Bleu Éditions)

– Les roses bleues – Si aimer pouvait se conjuguer au pluriel
– Je ne serai jamais loin de toi

Contribution à des livres hommages collectifs (Rencontre des auteurs francophones)

À Antoine de Saint-Exupéry, pour les 80 ans de la parution de Petit Prince :

– Dessine-moi un futur

À Albert Camus, pour le 110e anniversaire de sa naissance :

– Quand le hasard donne du sens à la vie

À Romain Gary, pour le 110e anniversaire de sa naissance :

– Cette braise qui me brûle

Méditerranée – Rives et rêves :

– La magie de la grande bleue

À Jean-Guillaume, Julien et Sarah

Si nous pensons savoir vaguement qui nous sommes, nous n’avons aucune idée de ce qu’il adviendra demain et encore moins si nous avons vécu une autre vie dans le passé.

Notre ignorance est si grande qu’elle devrait nous faire frémir.

Une proposition surprenante

J’aurai l’air d’être mort, mais ça ne sera pas vrai.

Antoine de Saint-Exupéry

— Allô Marc Carboire ? Ici le professeur Jansen, le neurologue qui vous a pris en charge à votre retour d’Inde. Je ne vous dérange pas ?

— Ah bonjour professeur, quelle surprise. Non, vous ne me dérangez pas du tout. Comment allez-vous ?

— Très bien merci, mais c’est à vous qu’il faut demander ça. J’aimerais que nous puissions nous revoir en consultation pour faire un point sur votre état de santé.

— Oh, je vous rassure. Tout va pour le mieux, je n’ai gardé aucune séquelle de ma mésaventure indienne. Visiblement, j’ai plutôt bien résisté à cette intoxication au datura. C’est bien ce que les analyses toxicologiques avaient révélé, n’est-ce pas ?

— Effectivement, vous n’êtes pas passé très loin de quelque chose de grave. Votre fille a vraiment eu le bon réflexe de prendre contact immédiatement avec mon service. Je suis ravi que vous vous sentiez complètement remis de cet épisode douloureux. Toutefois, j’insiste pour que nous convenions d’un rendez-vous. Ce sera l’occasion d’échanger dans de bonnes conditions, car la dernière fois que je vous ai vu, lors de votre hospitalisation, vous n’étiez pas au mieux de votre forme, et comme ça se comprend !

— Écoutez, bien que je ne perçoive pas vraiment l’intérêt d’un tel rendez-vous médical, j’éprouverais beaucoup de plaisir à vous revoir

pour vous remercier de vive voix d’avoir répondu immédiatement à l’appel de détresse de ma fille et de m’avoir apporté tous les soins nécessaires. Quand pourriez-vous me recevoir ?

— Eh bien, j’ai une possibilité la semaine prochaine. Plus précisément, mardi matin à 10 h à l’hôpital.

— Une minute, je jette un œil sur mon planning. Oui, ça me convient tout à fait. J’y serai et vous rencontrerez un homme en pleine possession de ses moyens !

— Je n’en doute pas une seconde. Comme j’ai pu l’indiquer à votre fille, c’est pour moi un grand honneur d’avoir croisé le chemin d’un spécialiste de neurosciences auréolé d’une telle réputation pour ses recherches sur le cerveau et le langage. Nous sommes, en quelque sorte, assez complémentaires. Vous, dont les recherches sur l’incroyable complexité du cerveau ont contribué à faire avancer nos connaissances et moi, qui interviens chirurgicalement sur lui. En ce qui vous concerne, je me réjouis d’être parvenu à poser assez rapidement le bon diagnostic et à mettre en œuvre un traitement qui a montré toute son efficacité. Nous nous disons donc à mardi matin monsieur Carboire.

Une fois la communication achevée, Marc trouva curieux que ce professeur tienne tant à le rencontrer. Après tout, il lui avait bien indiqué qu’il ne souffrait d’aucune séquelle et que tout allait pour le mieux. Mais il avait bien perçu l’insistance de son interlocuteur. Cela cachait-il quelque chose de plus grave sur son état de santé ? Un tel questionnement contribuait à l’inquiéter et, du coup, il avait déjà hâte de se rendre à cette consultation.

Lorsqu’il se présenta à l’hôpital le mardi matin, Marc fut accueilli par l’assistante du professeur Jansen qui l’assura que ce dernier serait là dans moins de cinq minutes. Il achevait une visite d’un de ses patients dans les étages. Dès la première heure, il avait pris soin de rappeler à son assistante toute l’importance qu’il attachait à ce rendez-vous avec Marc. Il lui avait précisé qu’il ne faudrait, sous aucun prétexte, les déranger pendant leur rencontre.

En attendant l’arrivée du professeur, elle proposa un café à Marc qui l’accepta bien volontiers. Comme il s’agissait d’un rendez-vous visiblement très important pour son patron, elle l’avait préparé avec la machine qui leur était exclusivement réservée, car l’affreuse préparation fournie par l’imposante machine à pièces du hall pouvait peut-être contenter un visiteur occasionnel, mais certainement pas être bue quotidiennement. À peine venait-il de terminer la dernière gorgée de cet excellent expresso que le professeur Jansen fit son apparition et se dirigea vers lui pour le saluer chaleureusement et il l’invita à le suivre dans son bureau.

— Il est 10 h 2 ! Deux minutes de retard seulement, j’espère que vous ne m’en voudrez pas trop ! Pour ma part, ça relève de l’exploit ! Il m’est très difficile de respecter les horaires de mon emploi du temps. Il y a tellement de patients à suivre et tant d’imprévus au quotidien.

— Ne vous tracassez pas, j’apprécie tout particulièrement votre ponctualité, vraiment. Deux minutes de décalage par rapport à l’horaire prévu, ce n’est rien du tout d’autant plus que votre charge de travail est considérable. J’en déduis que ce que vous avez à me dire doit être important.

— Sans aucun doute. À vous voir et après notre conversation téléphonique de la semaine dernière, je comprends et je constate que vous vous portez à merveille et cela me réjouit complètement. Désirez-vous me faire part d’un point particulier concernant votre état de santé ? Ressentez-vous des maux de tête ? Souffrez-vous de vertiges, de pertes de mémoire ou d’autres troubles de ce type ?

— Comme je vous l’ai dit au téléphone, je me sens parfaitement bien et je ne souffre d’aucun trouble particulier consécutif à l’absorption de ce breuvage maléfique. Pour répondre à une question que vous ne m’avez pas encore posée, à ce jour, ni mon entourage ni moi n’avons décelé de détérioration neurologique ou d’atteinte de ma santé mentale. Bien sûr, comme tout un chacun, l’âge aidant, il arrive que ma mémoire me joue des tours comme si elle était un peu plus lente à la détente ! Mais enfin, rien d’exceptionnel !

— Je n’en doute pas et c’est ce que l’on pouvait souhaiter de mieux.

— Du coup, pourquoi avez-vous tant insisté pour me voir ?

— En réalité, monsieur Carboire, si je vous ai fait venir aujourd’hui, c’est pour vous faire part d’un sujet de la plus haute importance.

— J’avais bien compris que vous vouliez évoquer un autre point. Cette sollicitation a raisonné en moi depuis notre échange téléphonique et est même parvenue à m’inquiéter réellement. Auriez-vous une très mauvaise nouvelle à m’annoncer concernant ma santé ?

— Non, pas du tout. Je suis sincèrement désolé de vous avoir stressé inutilement. Il ne s’agit pas d’un problème avec votre santé, je veux vous rassurer complètement sur ce point. Tous les examens et analyses effectués dans mon service n’ont absolument rien décelé qui serait susceptible de fournir des indications inquiétantes sur votre état de santé. La véritable raison de ce rendez-vous, en dehors du fait que j’ai beaucoup de plaisir à vous revoir et à échanger avec vous, est tout autre. Je m’explique. Vous qui avez été un chercheur reconnu et passionné, vous serez sans doute intéressé par ce que je vais vous présenter. Il s’agit du lancement d’un nouveau programme de recherche sur le cerveau.

— Ah oui, c’est un domaine qui me parle ! Mais vous savez que j’ai pris un peu de distance avec tout ça, et pour cause, me voici à la retraite désormais.

— J’en suis parfaitement conscient. Mais il est envisagé de vous solliciter sur le programme assez partiellement en tant que contributeur à ces travaux de recherche et également en tant que patient.

— Vous voulez dire, en tant que patient « cobaye », je présume ?

— C’est une bien vilaine appellation ! En fait, avant de vous apporter des précisions sur ce point, je voudrais vous expliquer pourquoi nous avons pensé à vous pour cette expérimentation novatrice. D’abord pour votre connaissance du système cérébral, le

sérieux incontestable de vos observations et de vos apports scientifiques sur la compréhension du fonctionnement du cerveau. Ensuite, parce que vous avez vécu récemment une expérience qui correspond exactement au sujet de ce programme.

— Quelle expérience ? L’absorption du datura et les effets de ce psychotrope sur l’individu ?

— Pas uniquement, même si l’effet des drogues est visiblement majeur sur le cerveau et même si certaines interactions de ces substances restent à approfondir. Nous avons surtout pour objectif d’essayer d’avancer sur les visions et les connexions que vous avez pu avoir avec cette femme pourtant décédée. Vous savez, depuis que je vous ai reçu en consultation, je n’ai cessé de repenser à nos échanges. Je me pose moi-même beaucoup de questions sur l’éventualité d’une forme de vie après la mort et je dois vous avouer que notre rencontre n’a fait qu’augmenter ma curiosité sur le sujet. D’ailleurs, vous n’ignorez pas qu’il s’agit d’une question universelle qui a déjà fait couler beaucoup d’encre et a suscité d’innombrables débats sans que jamais personne ne parvienne à y apporter une réponse définitive. Il me semble que c’est un sujet qui passionne le genre humain, même si la plupart des individus refusent de livrer leur point de vue sur une des interrogations les plus importantes de notre existence. Vous percevez dès lors pourquoi votre contribution pourrait être déterminante dans ces travaux de recherche. Mais j’aimerais déjà en savoir un peu plus sur ce que vous avez vécu, lors de cette entrée en communication, en Inde, avec l’esprit de cette personne que vous avez tant aimée. Pouvez-vous m’en dire quelques mots ?

— Je veux bien essayer, mais je reste prudent, car je ne voudrais pas passer pour quelqu’un de « dérangé » alors que jusqu’à présent, j’avais l’impression d’avoir franchi toutes les étapes pour être réhabilité auprès des miens et être déclaré « sain d’esprit » ! Vous n’ignorez pas que mes proches ont eu un sérieux doute sur ma santé mentale face à mon attitude sur ce sujet. Le simple fait d’évoquer l’idée que vous êtes persuadé d’être entré en communication avec l’esprit d’un défunt suffit à vous faire basculer dans un autre monde. Vous pouvez rapidement devenir un paria et quelqu’un de bizarre auprès de votre entourage, y compris auprès de ceux qui vous aiment le plus.

— Je perçois la difficulté de la situation, effectivement. Vous n’avez pas d’inquiétude à avoir, je ne suis pas en train de vous tendre un piège ! Non, je veux revenir sur le moment où vous avez eu la conviction d’être entré en communication avec l’esprit de Diane, si je me souviens bien du prénom de cette femme, lors de l’épisode indien que vous avez vécu non loin du Taj Mahal. Est-ce que vous considérez aujourd’hui qu’il s’agissait seulement d’un simple délire psychologique engendré par cette drogue qu’est le datura ou, au contraire, restez-vous persuadé d’avoir pu vous connecter à l’esprit de Diane ? En termes plus clairs, avez-vous effacé de votre mémoire ce passage de votre vie comme on pourrait le faire après une bonne cuite, si vous me passez l’expression, ou au contraire êtes-vous convaincu qu’il faille creuser cette grande question, restée à ce jour sans réponse, de l’existence d’une autre forme de vie après la mort ?

— Ouah, là j’avoue que vous me scotchez ! Je sais bien qu’il existe des programmes de recherche sur les phénomènes occultes, sur d’autres événements inexpliqués rencontrés dans des maisons réputées comme étant hantées, sur les objets volants non identifiés, les extra-terrestres et bien d’autres, mais je dois concéder qu’ils m’ont toujours donné l’impression de relever d’une vaste farce. Par contre, vous êtes en train de m’indiquer qu’un projet de recherche viserait à essayer de déterminer si une partie de l’âme ou de l’esprit existerait et serait, en quelque sorte, immortelle. Vous savez pourtant comme moi que la position scientifique dominante est qu’il n’y a pas de preuve de l’existence d’une vie après la mort. D’ailleurs, il est clairement admis par la médecine que le cycle d’une vie humaine s’achève avec le décès de l’individu. Bien sûr, la perspective de tenter d’apporter de la rationalité à cette réflexion me passionne, pour avoir réfléchi et travaillé longuement sur cette question. J’ai moi-même été aussi loin qu’il était envisageable de le faire lorsque je me suis rendu en Inde et que j’ai rencontré ce brahmane. Encore aujourd’hui, je reste persuadé qu’il m’a permis de rentrer en relation avec l’esprit de Diane. Mais comment aller encore plus loin dans ces tentatives de connexion avec l’au-delà ? Au fond, j’ai dû finalement admettre que seule l’eschatologie individuelle accordait du crédit à l’étude religieuse de l’âme après la mort. Ceci étant dit, j’ai également bien compris que le subterfuge du datura utilisé faisait courir un risque considérable à celui qui en ingérait. Pourtant, il est indéniable que le pouvoir psychotrope de certaines substances joue un rôle de déclencheur dans ce processus d’extériorisation et d’ouverture.

Je désire vous poser une autre question : ce projet de recherche empruntera-t-il des chemins d’expérimentation plus intrusifs ?

— L’objectif de ce programme est d’avancer sur un sujet sur lequel notre ignorance est grande et nos certitudes bien fragiles. Est-ce que l’âme, l’esprit, la conscience, l’être, peu importe le nom qu’on lui attribue, existe ? Notre hypothèse de départ est de considérer le cerveau comme le siège éventuel de cette entité. Si celle-ci existe, alors, elle se situe immanquablement au niveau du cerveau. D’après nos supputations, elle pourrait contrôler notre comportement, notre attitude et nos réactions. Elle piloterait totalement notre corps qui serait entièrement dépendant de sa volonté. Et lorsqu’elle déciderait de quitter l’enveloppe charnelle dans laquelle elle s’était réfugiée, alors c’est la mort de l’individu qui surviendrait. Donc, il va falloir explorer plus avant le cerveau pour parvenir à détecter sa présence. Mais si nous avons une idée assez précise des différentes aires qui structurent le cortex cérébral, nous ignorons encore comment accéder à cette entité spirituelle. Il existe probablement des portes à actionner et c’est précisément cela que nous voulons tester. Alors non, cette expérimentation ne sera pas véritablement intrusive. Il n’y aura pas d’intervention physique de type chirurgical sur votre boîte crânienne et votre cerveau ! Il faudra juste que vous tentiez de retrouver le chemin qui vous a conduit vers l’esprit de Diane. Et nous, nous suivrons cette progression, et nous espérons que ce contact sera rendu possible grâce aux capacités extraordinaires de l’imagerie médicale.

— C’est une piste intéressante, effectivement, je crois depuis longtemps aux formidables capacités de cette technologie. Mais pourquoi vouloir se lancer dans une telle recherche qui, immanquablement, risque de vous faire pointer du doigt par l’immense majorité de la communauté scientifique ? Vous êtes conscient que sortir du cadre établi provoque assez rapidement une marginalisation, une mise à l’écart de celui ou de celle qui pense différemment de la majorité de ses contemporains.

— C’est très simple à expliquer et à comprendre. Le constat est factuel et apparaît comme une telle évidence qu’on peut se demander pourquoi nous ne sommes encore pas parvenus à lever le voile sur cette question. Je m’explique. Supposez que nous puissions prélever le cœur et le système nerveux dont le cerveau sur un individu et que nous parvenions à les faire fonctionner in vitro. Nous aurions deux organes placés dans un milieu type laboratoire qui fonctionneraient de façon artificielle, dirons-nous. Eh bien, la réunion et la connexion de ces deux organes essentiels ne suffiraient pas à recréer un être humain avec ses intentions, ses capacités décisionnelles, ses pensées, ses réactions, ses sentiments, etc. Cela tendrait donc à démontrer qu’au moins un autre composant est absolument nécessaire pour dépasser le simple fonctionnement de ces organes et pour injecter une personnalité, une attitude, un comportement à un sujet.

— Sauf qu’il y a un petit souci dans votre raisonnement puisque votre hypothèse de départ est de considérer le cerveau comme le siège de l’âme.

— Justement, cela tendrait à abonder dans mon sens pour signifier que cette entité quitterait l’enveloppe charnelle de l’individu dès son décès survenu. Admettez que l’extraction du cerveau de la boîte crânienne d’un sujet engendre le décès du patient ! Et la mort physique du patient n’empêche pas le fonctionnement de certains organes après les avoir prélevés.

— D’accord, je suis prêt à admettre cette possibilité. Et donc ?

— Vous avez été une sorte de visionnaire, il y a une quarantaine d’années, en pensant que parmi toutes les techniques de l’imagerie médicale, celle de l’imagerie par résonance magnétique parviendrait à améliorer encore davantage nos connaissances sur le fonctionnement du cerveau. Et nous comptons bien nous appuyer sur cette technologie pour avancer dans ce domaine.

— Oui, c’est assez plaisant de me rappeler avoir pronostiqué que des progrès déterminants allaient s’offrir à nous grâce à l’IRM. Tout un champ de nouvelles connaissances pourrait alors s’ouvrir au monde scientifique. Mais il manquait encore quelques pièces au puzzle pour rendre les machines encore plus performantes. Ceci étant dit, il n’y avait rien d’extraordinaire à percevoir une telle évolution ! La lecture de revues scientifiques et les échanges avec des spécialistes du domaine annonçaient de telles perspectives.

— Vous savez probablement que des étapes essentielles ont été franchies ces dernières années sur cette question puisque l’IRM fonctionnelle permet de visualiser les zones du cerveau activées par un stimulus exercé sur le sujet. Ces zones vont recevoir un apport d’oxygène par voie sanguine plus important qu’en l’absence du stimulus, à l’origine de la modification du signal IRM. Les machines actuellement déployées dans les hôpitaux permettent déjà de poser des diagnostics précis sur les atteintes du cerveau. Les progrès accomplis permettent d’accéder à des machines encore plus puissantes, dites à très haut champ. Les sauts technologiques enregistrés sont à l’origine de hauts pouvoirs de résolution. La priorité aujourd’hui est de consacrer ces rares équipements dans le monde à la compréhension des mécanismes sous-jacents aux maladies neurodégénératives de type Alzheimer ou Parkinson, à l’épilepsie, aux pathologies de type sclérose en plaques ou tumorales. Les recherches visent à essayer de mieux comprendre les origines, les évolutions, les mécanismes et traitements susceptibles de ralentir l’évolution de chaque atteinte, et de parvenir à mettre au point un traitement préventif. En France, plus précisément dans la région Île-de-France, une IRM dédiée à la recherche médicale, la plus puissante au monde, offrira l’occasion aux chercheurs de progresser encore davantage dans la connaissance du fonctionnement du cerveau. Cet équipement devrait permettre d’obtenir des images de notre cerveau jusqu’à cent fois plus précises que celles réalisées jusqu’ici dans les hôpitaux et franchir des pas de géant dans la connaissance, puis le traitement de certaines maladies comme Alzheimer.

— Vous êtes en train de me dire que votre programme pourra accéder à certains de ces outils dans le but de découvrir des zones entières du cerveau qui n’auraient pas encore été explorées ?

— Oui, car certaines d’entre elles restent invisibles avec des techniques plus traditionnelles. Et comme plus le champ magnétique est puissant, meilleure est la résolution des images, vous comprenez que nous visons l’accès aux machines les plus performantes. Des discussions sont toujours en cours sur cette question. Nous avons déjà l’assurance que deux hôpitaux nous ouvriront des plages d’acquisition, uniquement la nuit, car dans la journée, le taux d’utilisation de ces machines pour les patients est extrêmement élevé. Pour les rares machines encore plus performantes, des négociations sont toujours en cours.

— Je reconnais que vous êtes parvenu à éveiller ma curiosité. J’hésitais un peu à répondre favorablement à votre sollicitation, mais, à la réflexion, j’accepte bien volontiers votre proposition de collaboration, même si je me demande si cela est vraiment raisonnable. Pour vous, comme pour moi. En effet, je ne suis pas certain d’être en mesure de vous apporter des éléments pertinents et décisifs sur cette question. En tant que chercheur, même si je suis un peu moins connecté à l’actualité scientifique sur le cerveau, je continue à m’y intéresser au quotidien, ce qui fait que je n’ai pas de doutes réels sur mon apport à la réflexion globale. J’avais l’impression d’avoir fait le tour du sujet sans parvenir à établir, de façon formelle, l’existence d’une entité hébergée dans notre enveloppe charnelle et qui nous subsisterait bien au-delà du décès. L’idée de buter sur un obstacle et d’être dans l’incapacité de le franchir me consternait et du coup, ce programme parviendra peut-être à faire renaître une petite lueur d’espoir en moi. Évidemment, la possibilité d’accéder à des moyens aussi performants que l’imagerie médicale pour poursuivre les recherches sur cette question change mon point de vue. J’ignore si nous parviendrons à avancer sur la résolution de cette énigme, mais j’entrevois, par ce biais, un nouveau chemin qui s’ouvre à nous pour progresser dans nos connaissances. Par contre, le rôle de patient m’effraie un peu plus, car je ne maîtrise pas du tout le processus qui m’a permis d’entrer en communication avec l’esprit de Diane, hormis l’efficacité probable de l’élément psychotrope pour le déclencher. Par ailleurs, en ce qui me concerne, j’avoue redouter un peu la réaction de ma fille Laura qui garde de mon expérience indienne un très mauvais souvenir, et pour cause !

— Prenez le temps de la réflexion et n’hésitez pas, si vous le désirez, à me poser d’autres questions ou à changer d’avis. Dans l’immédiat, je retiens que vous acceptez cette proposition et je vous en remercie. Je mesure pleinement les inquiétudes que cette décision peut susciter auprès de ceux qui vous aiment. Mais soyez sans crainte, nous veillerons à votre bien-être et à votre équilibre psychologique lors de nos travaux. Si vous l’acceptez, et si elle le souhaite, je recevrai votre fille pour lui expliquer en quoi votre participation à cette étude nous semble déterminante. D’ailleurs, si vous ressentez une pression trop forte, vous pourrez à tout moment décider de vous retirer de l’aspect expérimental de ce programme. Gardez bien à l’esprit que vous disposez d’un pouvoir de rétractation permanent dans l’hypothèse où cette proposition vous causerait souci. Nous sommes en train de faire un pari assez fou. En effet, quelle idée d’essayer de creuser un tel sujet alors que personne n’y est vraiment parvenu, scientifiquement parlant, avant nous ! Pourtant, qui ne s’est jamais posé des questions sur ce passage de la vie à la mort ? S’agit-il d’un point final ou faut-il croire en un prolongement d’une partie de nous ? Voilà le mystère auquel nous nous proposons de nous attaquer. Eh oui, il faut une certaine dose d’inconscience pour se lancer dans une telle quête, mais n’est-ce pas là le sens même de la recherche que de vouloir explorer des chemins inconnus ?

Le temps de la réflexion

La vie est une grande surprise.

Pourquoi la mort n’en serait-elle pas une plus grande ?

Vladimir Nabokov

En sortant du bureau du professeur Jansen, et tout en marchant dans les rues de la ville pour regagner son domicile, Marc essayait de se persuader qu’il ne venait pas de se laisser embarquer un peu trop vite dans une telle aventure. Il lui arrivait souvent de mettre à profit ses moments de déambulation pour tenter de faire un point sur les événements importants de sa vie. Se retrouver à l’extérieur d’un bâtiment lui permettait une certaine libération de l’esprit. Ce n’était d’ailleurs pas si simple, car tant de choses pouvaient le distraire lorsqu’il marchait dans les rues de Bordeaux ou le long de la Garonne. Ce jour-là pourtant, il parvenait complètement à se concentrer sur son sujet en tentant de faire un point aussi exhaustif que possible de la situation. Une multitude de questions se bousculaient déjà dans sa tête. Était-il vraiment raisonnable de se lancer dans un tel pari ? Qu’est-ce qui pouvait encore bien l’attirer sur cette thématique, au demeurant très sensible, puisque le simple fait de l’évoquer dans son entourage générait immédiatement inquiétude et suspicion ? Qu’avait-il à y gagner ? Pour sa part, ce n’était absolument pas la recherche d’une gloire ou d’une reconnaissance. À son âge, cela faisait bien longtemps qu’il n’y songeait plus. Il avait perçu le véritable sens de la vie ! Non, il se disait que l’éventuelle réponse à la question l’intéressait et le concernait, bien sûr à titre personnel, mais surtout, correspondait indiscutablement à une attente forte de la société. Mais il restait lucide et n’imaginait pas régler définitivement ce débat par des réponses tranchées. Marc était conscient qu’en acceptant de collaborer à cette étude, il se lançait dans un double défi. Le premier, relatif aux phénomènes de mort imminente, sachant que beaucoup de travaux avaient déjà été menés sur ce sujet sans véritablement parvenir à faire l’unanimité, et le second, encore plus mystérieux, car frisant le domaine du paranormal. Le décès d’un individu libérerait-il une partie de lui-même qui poursuivrait alors son chemin ? Comment parvenir à affirmer ou non que les êtres humains aient une âme immortelle qui quitterait le corps après la mort pour aller se réfugier ailleurs, dans une autre existence, dans une autre époque, dans une autre enveloppe charnelle et dans d’autres lieux ? Le débat était très loin d’être clos sur ce sujet, l’approche scientifique et l’approche religieuse et spirituelle ne faisant vraiment pas bon ménage. Pourquoi se torturer l’esprit avec de telles questions ? Sera-t-il possible un jour d’y apporter au moins un début de réponse ?

Marc souriait en pensant que le plus étonnant, sans doute, résidait dans une certaine contradiction entre le réel et l’imaginaire. Le réel, c’est que la mort d’une personne est bien concrète et visualisable. Elle provoque un choc si terrible pour les proches et l’entourage qu’elle s’impose comme un point d’arrêt définitif dans l’existence de l’être humain. Celui que je connaissais n’existera plus, je ne le verrai plus, je ne pourrai plus converser avec lui et passer de bons moments à ses côtés. L’imaginaire, c’est l’idée qu’il puisse exister une continuité d’une forme de vie après le décès d’une personne. Ce qui est troublant et qui dépasse l’entendement, c’est qu’une croyance persistante continue secrètement à nous habiter. Comme si espérer pouvait nous aider à nous préparer à mieux affronter l’inéluctable. La facette mystérieuse de quelque chose que nous ne pouvons pas comprendre, mais dans laquelle beaucoup croient, comme s’il s’agissait d’une évidence. C’est d’ailleurs assez étrange de constater que si beaucoup d’entre nous y songent, très peu sont prêts à l’admettre publiquement, comme si de telles révélations traduisaient une certaine fragilité ou un dérangement de l’esprit. Aurions-nous honte de telles pensées ?

En réalité, ceux qui affirment l’existence de l’âme ne sont toujours pas parvenus à en apporter la preuve, pas plus d’ailleurs que ceux qui clament le contraire. Il y a bien eu des tentatives, toutes plus ou moins farfelues pour vérifier l’hypothèse de son existence. Tout en marchant, Marc se remémorait la plus célèbre et la plus connue d’entre elles. Celle de Duncan McDougall, un médecin et psychiatre britannique qui publia, en 1907, dans le New York Times et dans Medical American Medicine, un article dit « scientifique » qui relatait une expérience menée auprès de plusieurs personnes décédées, en vue de démontrer l’existence de l’âme par la mise en évidence de sa masse. L’idée de départ paraissait séduisante. Si l’âme existe, alors, il va de soi que celle-ci quitte le corps humain très rapidement après le décès. Donc, en pesant le sujet juste avant qu’il rende le dernier souffle et très rapidement après que le décès soit constaté, on en déduit sa masse. Ce médecin annonça une masse arrondie à 21 grammes (trois quarts d’once) et bien que cette valeur n’ait aucun réel fondement scientifique, elle resta profondément ancrée dans la culture populaire. Aujourd’hui encore, cette référence aux 21 grammes reste très répandue et les plus moqueurs ne manquent pas d’y faire allusion à chaque occasion.

Et Marc essayait de comprendre pourquoi beaucoup d’entre nous adhéraient encore à l’idée de l’existence de l’âme. Tout simplement parce que si l’âme existe, alors l’anxiété éprouvée face à la mort peut probablement s’atténuer, voire disparaître. Et il ne suffit pas d’être mystique pour y croire puisque visiblement, nombreux sont ceux qui s’accrochent à cette possibilité de dimension spirituelle qui ouvrirait les portes sur une certaine éternité. Alors, peu importe qu’il s’agisse de l’âme, de l’esprit, de l’être ou de toute autre dénomination, l’essentiel étant d’imaginer que la vie ne s’arrête pas complètement au moment du dernier souffle, mais qu’il y a bien autre chose après.

Mais comment parvenir à établir la vérité sur cette question qui obnubile le monde depuis toujours ? Qui croire, la science ou la spiritualité ? Où se trouve l’explication la plus raisonnable ? Lorsque nous ne parvenons pas à démontrer définitivement l’existence de quelque chose, est-ce pour autant que celle-ci n’existe pas ? Il y a des interrogations qui demeurent mystérieuses et cela est proprement insupportable. Faut-il absolument changer notre perception de la réalité et modifier notre vision de la vie pour accéder au début d’une explication ou d’une révélation ? N’est-on pas en train de chercher à élucider une espèce de mythe qui, au fond, n’aurait aucune réalité ?

Toutes ces interrogations se bousculaient et le cerveau de Marc était véritablement chahuté. Deux chemins lui apparaissaient. Celui du renoncement et celui de l’obstination. Décidément non, il n’était pas question de sombrer dans la facilité et même si le challenge lui semblait extraordinairement difficile, il tenait à tenter l’aventure. Être intégré dans une équipe d’éminents spécialistes, avec les moyens hautement sophistiqués de l’imagerie médicale, pourrait peut-être permettre de déboucher sur des avancées notables, se persuadait-il. C’est d’ailleurs le moteur de la recherche scientifique que d’espérer apporter une contribution déterminante sur une question difficile à traiter et jusqu’alors non résolue.

En poursuivant son chemin, Marc tentait de faire remonter à la surface d’autres arguments qui pourraient contribuer à le convaincre, car il avait besoin de s’appuyer sur des éléments factuels pour s’engager ou non dans cette aventure. C’est alors qu’il repensa aux conclusions d’études récentes effectuées conjointement par l’université de Liège et l’Impérial Collège de Londres, et dont il avait pris connaissance. Leurs conclusions étaient très éclairantes. Elles confirmaient que des phénomènes vécus par la conscience et recueillis dans des enquêtes sur les expériences de mort imminente avaient de nombreux points communs avec ceux rencontrés lors de la prise de certaines puissantes drogues psychédéliques. En particulier, la rencontre avec des esprits était assez récurrente dans les deux cas. Et Marc n’avait pas oublié que c’était précisément ce qui lui était arrivé lors de l’expérience avec le brahmane, en Inde, qui lui avait fait boire une décoction à base de datura. Il est indéniable qu’il avait eu alors la certitude de rentrer en communication avec Diane, pourtant décédée quelque temps auparavant. Dans son cas, il ne s’agissait pas d’une expérience de mort imminente et pourtant, beaucoup de points présentaient une certaine similitude avec ce qu’il avait pu vivre. D’ailleurs, dans cette même étude belgo-anglaise, au-delà des dangers réels de la prise de telles drogues qui y sont mentionnés, il est fait référence à l’ayahuasca. C’est une plante hallucinogène originaire d’Amérique du Sud, consommée par un grand nombre d’indigènes de l’Amazonie, car elle aurait une efficacité curative, apaisante, voire magique. Marc se souvint avoir lu que les sorciers en font usage, car l’ayahuasca contient un puissant psychotrope naturel qui provoque d’intenses hallucinations sensorielles qui vont jusqu’à faire vivre à ceux qui en boiraient des événements internes incontrôlés, comme s’ils étaient plongés dans un état de conscience altéré. Pour tenter d’expliquer de tels phénomènes, des scientifiques ont fourni leur interprétation. Ce qui a été établi, c’est que ce psychotrope est la DMT (diméthyltryptamine) qui serait assez proche du LSD. Des expériences auraient montré que l’injection de DMT serait à l’origine d’une activité électrique anarchique du cerveau qui engendrerait une intensification des fonctions de l’imagination. Le sujet pouvant alors ressentir des perceptions transformées avec impression que l’esprit sort du corps, ce qui coïnciderait alors avec les témoignages faisant état de tels phénomènes. Est-ce l’effet des drogues qui serait à l’origine de visions purement hallucinatoires ou est-ce que ces breuvages psychotropes ne feraient que mettre en lumière des éléments fonctionnels insoupçonnés enfouis dans notre cerveau ? Disposons-nous de capteurs de communication jusqu’alors totalement inconnus ? Oui, cela pourrait être une hypothèse, comme celle d’un dérèglement chaotique du cerveau engendré par les molécules de drogue en est une autre, aujourd’hui très largement admise et constatée. Et précisément, au moment d’un stress extrême, le corps produirait de la DMT.

Toutes ces questions ne faisaient qu’exciter son désir d’essayer d’y répondre. Comment y résister ?

Bien évidemment, la curiosité naturelle de Marc et son envie inextinguible de se confronter à des questions difficiles ne pouvaient que l’inciter à se lancer dans cette nouvelle aventure si palpitante et si riche de promesses. C’était décidé, il ne pouvait passer à côté de cette formidable occasion de contribuer à une avancée scientifique d’une telle importance.

Il ne lui restait plus qu’à l’annoncer à sa fille Laura dont il redoutait déjà la réaction.

Lever le voile sur un grand mystère

Notre cerveau est parfois notre pire ennemi.

Nous souffrons plus de l’imagination que de la réalité.

Sénèque

— Au fait papa, c’est quoi ce post-it sur la porte du réfrigérateur ?

— Duquel parles-tu Laura ? Il y en a tant !

— Je parle de celui qui indique que tu as noté un rendez-vous avec le professeur Jansen.

— Ah oui, j’avais prévu de t’en dire deux mots.

— Tu as rendez-vous dans le service de neurologie de l’hôpital et tu ne m’en as pas parlé ! Tu ne serais pas en train de me cacher quelque chose de grave sur ton état de santé ?

— Non, pas du tout, rassure-toi. En réalité, le professeur Jansen m’a proposé de participer à une étude dans le cadre d’un programme de recherche. Et tu me connais, je n’ai pas pu résister à une telle sollicitation. J’ai donc donné mon accord.

— C’est bien ce que je pensais ! Tu n’es pas capable de rester inactif alors que tu es en retraite depuis peu de temps. Enfin ! Je ne suis pas étonnée. Mais en quoi consiste ce programme ?

— Il s’agit d’une étude sur le cerveau.

— Je me doutais bien qu’on ne t’avait pas contacté pour tes connaissances sur les recettes de cuisine ou sur celles en mécanique automobile ! Le cerveau d’accord, mais plus précisément, quel sera ton rôle et qu’est-ce qu’on attend de toi pour cette étude ?

— Euh… disons que ma contribution concernera principalement deux axes. Le premier est relatif à tout ce que je pourrais apporter sur la connaissance du cerveau et son fonctionnement et le second visera plus spécifiquement mon témoignage sur l’expérience que j’ai vécue. Bon, sinon, tu vas bien ? Et Kevin aussi ?

— Une seconde, pas si vite. Je n’ai toujours pas compris en quoi consiste cette étude. Avec des mots simples, s’il te plaît, quel est le sujet principal de celle-ci ?

— Elle concerne un domaine encore mal connu à ce jour.

— Mais encore ?

— L’étude a pour objectif d’essayer de lever le voile sur un très grand mystère ou, tout au moins, de rechercher des informations factuelles et vérifiées pour réfléchir, de façon plus rigoureuse et scientifique. En fait, l’équipe va tenter de fournir suffisamment de données en vue d’établir l’existence ou non, d’une certaine forme de vie après le décès d’une personne.

— Tu n’es quand même pas en train de me dire tranquillement que tu vas te relancer sur un sujet dont tu connais pertinemment les effets néfastes et gravissimes qu’il a déjà eus sur toi dans le passé ?

— Ne t’inquiète pas pour moi ! Contrairement à ma démarche individuelle précédente, je suis intégré au sein d’une équipe composée de neurologues, d’un psychiatre, d’un télépathe et d’un médium. Tu vois, il y a à la fois des scientifiques et des spécialistes de sciences dites « molles ». En plus, ma participation sera ponctuelle à ces travaux, car il n’est pas question pour moi de reprendre une activité à temps plein. Donc, toutes les garanties sont réunies pour qu’il n’y ait aucune conséquence négative pour moi.

— Dois-je te rappeler qu’après ton voyage en Inde, tu as été profondément touché, bouleversé et affecté par l’expérience que tu avais vécue ? Le choc traumatique que tu avais subi a nécessité beaucoup de temps et de séances spécifiques chez le psychiatre pour que tu parviennes à t’en remettre. Tu peux comprendre ma surprise et mon inquiétude.

— Effectivement, les séances chez le psychiatre m’ont beaucoup aidé. Elles m’ont permis de bien intégrer les événements qui m’avaient atteint. Ces séances sont parvenues à transformer la nature de mes souvenirs et de mes pensées, mais pas à me les faire oublier.

— D’ailleurs, tu ne m’as jamais vraiment dit grand-chose sur elles. C’était quoi exactement la nature de ces séances ?

— J’ai eu la chance de tester une méthode encore assez peu connue en France. Il s’agit de l’EMDR.

— Ça, je le sais, car tu m’en avais déjà dit quelques mots. J’étais d’ailleurs assez dubitative, car, si je me souviens bien, tu devais faire des mouvements oculaires pour apaiser tes angoisses ! Faut vraiment croire en ce genre d’approche ?

— Tu m’étonneras toujours ! Comment peux-tu être aussi fermée à de telles innovations ? Il s’agit d’une psychothérapie reconnue aujourd’hui comme efficace, même si elle n’est pas encore suffisamment connue. EMDR est l’acronyme anglo-saxon de « Eye Movement Desensibilization and Reprocessing ». Tu l’as compris, c’est une méthode qui nous arrive tout droit des États-Unis et qui permet de réaliser une désensibilisation des souvenirs traumatiques. Et oui, effectivement, il s’agit d’une thérapie basée sur le mouvement des yeux.

— Bah oui, j’ai quand même beaucoup de mal à être convaincue de l’efficacité de telles pratiques.

— Justement, les séances d’EMDR m’ont fait beaucoup de bien. Veux-tu que j’essaie de t’expliquer pourquoi ?

— Oui, précisément, c’est bien ce que je te demande. Si tu penses me convaincre, fais-toi plaisir !

— C’est très simple à comprendre. Nous vivons chaque jour une multitude d’événements, certains agréables, d’autres sans saveur particulière et certains autres, quelquefois, très désagréables. Tous ces éléments transitent par notre cerveau qui reçoit en permanence des milliers d’informations. Et tu sais que le siège de la mémoire est l’hippocampe, je te l’ai déjà dit. Pour te donner une image, la très grande majorité de ces informations défilent dans notre cerveau comme si elles étaient acheminées sur un tapis roulant pour être mémorisées dans l’hippocampe. Pourtant, certaines d’entre elles ne parviennent pas à y être stockées immédiatement, car elles constituent un choc émotionnel. Elles restent alors comme bloquées sur ce tapis roulant et font revivre, en boucle, des émotions négatives de façon intense à celui qui les a vécues. Et donc, l’EMDR va faire remonter l’événement traumatique à la surface afin que le patient puisse s’en souvenir. Et, petit à petit, grâce aux mouvements oculaires qui vont suivre ceux du doigt du thérapeute, cet événement traumatique va être fortement atténué. Et je te garantis qu’en ce qui me concerne, ça m’a beaucoup soulagé. En fait, cela est possible parce que cette approche permet de rentrer dans un état de conscience modifié.

— Un état de conscience modifié ? De quoi s’agit-il ?

— C’est un peu compliqué à expliquer en quelques mots. Disons que c’est lorsque tu te trouves dans un état différent de ton état ordinaire. Il peut, par exemple, être provoqué par la méditation, l’hypnose ou les psychotropes, et notamment, il augmente ou au contraire réduit les stimulations externes, l’activité motrice, l’état de vigilance. Tu vois ce que je veux dire ?

— Je perçois assez bien ce que tu essaies de m’expliquer et tu penses que cet état peut aider le cerveau à débloquer un événement négatif qui serait comme coincé et qui ne parviendrait pas être évacué ? Ça semble assez incroyable, mais je suppose que tout cela a pu être démontré.

— Personnellement, cette technique m’a permis de remplacer mes pensées négatives par des pensées positives. Et précisément, c’est l’action du balayage avec les mouvements oculaires qui permet au cerveau de passer à autre chose et de cesser de se focaliser de façon répétée sur un souvenir traumatique.

— Bon d’accord, admettons. L’important est que tu sois convaincu de l’efficacité de ces séances. Mais j’ai quand même du mal à te suivre lorsque tu me dis qu’une partie de l’étude aura pour objectif de revenir sur ta propre expérience. Je suppose qu’il s’agit de celle que tu as vécue en Inde avec ce brahmane ? Ne penses-tu pas que cet épisode t’a suffisamment perturbé ? Crois-tu qu’il soit raisonnable de te replonger dans ce passé si douloureux ?