Les roses bleues - Didier Kimmel - E-Book

Les roses bleues E-Book

Didier Kimmel

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Beschreibung

Après le décès de Diane, Kevin, son fils unique, devient orphelin. Alors qu’il fait le tri dans les affaires de sa mère, il trouve un manuscrit qui va lui révéler une partie de sa vie qu’il ignorait. Sa lecture va l’immerger dans la relation fusionnelle qu’elle vécut des années plus tôt avec Marc, un chercheur en neurosciences. Au fil des pages, Kevin va pouvoir revivre ces années de bonheur qu’ils savourèrent ensemble. Mais leur amour va entrer dans une zone dangereuse au moment où Marc commence à souffrir d’un dédoublement de la personnalité qui le fait basculer, petit à petit, dans un monde irréel dominé par une déraison sans limites.
Et puis, un jour, c’est le coup de foudre pour Nadia, rencontrée au cours d’une soirée à Paris et sur le point de partir s’installer aux États-Unis. Devra-t-il choisir entre ces deux femmes alors que la confusion mentale qui le gagne lui fera bientôt céder à ses fantasmes ? La lecture achevée, encore bouleversé par ce qu’il n’aurait jamais pu imaginer, Kevin part à la recherche de Marc.

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Seitenzahl: 333

Veröffentlichungsjahr: 2021

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Didier Kimmel

Les roses bleues

Si aimer pouvait

se conjuguer au pluriel

Roman

© Lys Bleu Éditions – Didier Kimmel

ISBN : 979-10-377-2516-5

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Est-ce une illusion, un mirage ou le soupir du paradis ?

J’aimerais m’endormir sur cette langue de sable chaud,

Et puis courir vers l’océan mystérieux aux reflets vert et bleu,

Oui, ce serait une bulle merveilleuse.

Une autre page de ma vie

Plus tard, il sera trop tard.

Notre vie c’est maintenant.

Jacques Prévert

Après le décès du dernier de ses parents, en vidant la maison dans la perspective de la vendre, Kevin découvrit dans l’armoire de leur chambre, dissimulée derrière une pile de draps parfaitement alignés, une jolie boîte en carton rigide finement décorée entourée d’un ruban rouge délicatement noué.

Diane sa mère s’était éteinte quelques mois auparavant. Elle avait tout juste soixante-sept ans et lui vingt-huit. Kevin n’avait pas véritablement eu le temps de partager des souvenirs avec son père Xavier disparu tragiquement lors d’un attentat à Paris alors qu’il n’avait encore que huit ans. Il avait bien des souvenirs de lui mais tout était assez confus et avait un goût d’inachevé. De sa maman Diane qui l’avait élevé, entouré, dorloté et aimé jusqu’à son dernier souffle, il se rendait compte aujourd’hui qu’il ne savait finalement pas grand-chose de ce qu’avait été sa vie. Après la disparition de son mari Xavier, elle avait fait le choix de rester célibataire et Kevin ne l’avait jamais vu fréquenter un autre homme, pas un seul rendez-vous, pas la moindre sortie sans son fils. Son choix avait été de se consacrer entièrement à lui. Pourtant, elle était restée une femme splendide sur laquelle Kevin avait souvent surpris se poser, de façon insistante, le regard de nombreux hommes. Elle faisait encore l’objet de sollicitations périodiques de prétendants auxquelles elle ne donnait jamais suite. Encore jeune adolescent, Kevin se souvient qu’il imaginait qu’elle ne devait pas savoir ce qu’était l’amour, ne rien y comprendre, ne pas être intéressée par une aventure ou une histoire sentimentale. Avec le temps, il a pensé qu’elle avait fait ce choix uniquement pour le bien-être de son fils comme si élever un enfant correspondait à une espèce d’entrée en religion ne souffrant d’aucun chemin de distraction. Lorsqu’un peu plus tard Kevin lui posa plus précisément la question du pourquoi, alors qu’elle n’avait encore que cinquante-deux ans, elle n’avait pas souhaité se réinstaller avec un autre compagnon, et pour la première fois, elle eut cette formule :

— Je ne pourrai plus jamais aimer comme j’ai aimé. J’ai eu trois amours dans ma vie : toi, ton père et, avant, quelqu’un que je ne suis jamais parvenue à oublier, tant nous nous sommes aimés et que, finalement, j’ai quitté.

C’est toujours délicat pour un enfant d’interroger sa mère sur sa vie d’avant, et d’ailleurs, ce n’est pas une démarche qui se fait surtout s’il s’agit de poser des questions sur sa vie sentimentale. Pourtant, Kevin brûlait d’envie d’en savoir davantage. Qui était cet homme ? Comment s’appelait-il ? Était-il encore vivant ? Qu’avaient-ils fait ensemble de si extraordinaire pour que sa mère l’aime tant et y pense encore après toutes ces années ? Pourquoi l’avait-elle quitté ?

Et puis, il n’a pas osé. Aurait-elle répondu ? Mais cette phrase est restée gravée dans sa mémoire et, aujourd’hui, il se dit qu’il n’aura jamais de réponses à ses questions. C’est trop bête, il aurait tant voulu qu’elle lui dise, qu’elle lui explique. Il y a des choses dans la vie qu’on ne dit pas et après, il est parfois trop tard.

Kevin devait se faire violence pour sortir toutes les affaires de la maison de sa mère. C’est tellement difficile d’avoir à réaliser une telle tâche. Une vie achevée et que devient ce qui constituait votre décor quotidien, vos souvenirs, vos collections, vos photos, vos films, vos livres, vos musiques, vos meubles ? Tout ce que vous avez aimé et qui vous entourait. Certaines choses seront données, d’aucunes conservées, et d’autres seront vendues ou jetées. Tous ces éléments constituant les étapes de votre vie seront dispersés ou détruits. Que restera-t-il au fond, à la fin de votre existence ? Certes, chacun voit très bien ce que peuvent devenir ses biens matériels et financiers constituant l’éventuel héritage. Mais qu’advient-il, après votre disparition, de ce qui caractérisait votre personnalité, faisait qu’il s’agissait de vous et pas d’une autre personne, de vos idées, de vos convictions, de votre regard et de votre sourire ?

Il avait dû extraire une à une les pièces de linge de cette armoire de la chambre de sa mère qu’il n’avait jamais eu l’occasion d’ouvrir ni l’audace de le faire, comme si un interdit imaginaire avait toujours été établi, jusqu’à la découverte de cette boîte un peu plus grosse qu’une boîte à chaussures. Kevin la saisit et la transporta vers la table du salon où il la déposa. Il s’assit face à elle, tentant d’imaginer ce qu’elle pouvait bien contenir, en espérant qu’il ne s’agisse pas de bijoux ou d’argent. Il préférerait que sa maman ait juste pris le temps de lui écrire quelques mots en guise d’adieu. Il aurait tant aimé qu’elle lui livre les clefs qui lui permettraient de répondre aux innombrables questions qu’il se posait à son sujet.

Il fixait cette boîte porteuse de tant d’espoir et redoutait que la réalité de son contenu le déçoive. Le besoin de prendre une large respiration l’envahit. Puis, il se lança et dénoua précautionneusement le ruban de soie rouge. Il ressentait les palpitations de son cœur. L’émotion l’envahissait. Il souleva son couvercle avec un soin infini tout en fermant les yeux. Lorsqu’il les rouvrit, il aperçut une grande enveloppe épaisse sur laquelle son prénom avait été écrit de la main de sa mère.

Il la décacheta et en sortit une lettre manuscrite de Diane, et ce qui visiblement ressemblait à un manuscrit.

Son visage s’illumina, c’était exactement ce qu’il désirait le plus, disposer d’un dernier message de sa mère pour l’éternité.

« Mon cher Kevin, mon petit chéri,

Ces derniers mots pour te dire de ne pas être triste. Je ne suis pas loin, juste de l’autre côté du chemin d’où je continuerai, autant que je le pourrai, à veiller sur toi.

Depuis que tu es né, mon unique raison de vivre a été de te voir grandir, te faire découvrir de belles choses et savoir t’en émerveiller. Ton père Xavier et moi avons passé des années agréables. Il était un modèle de douceur et rempli d’attention, un papa fier de voir son fils grandir et avancer sur le chemin de la vie. Nous avons voulu que tu ne t’encombres pas de choses futiles, seuls les bons moments sont à mémoriser. Puis après son départ, j’ai essayé, au mieux, de te montrer la route pour que, toujours, tu t’attaches à l’essentiel. Le seul but à avoir dans la vie est d’atteindre le bonheur.

Un jour, tu m’as demandé pourquoi j’étais restée seule après le décès de ton père. La réponse que je t’avais faite alors à dû te sembler bien mystérieuse et tu n’as pas osé aller plus loin dans cet échange et qu’aurais-je pu t’expliquer en quelques phrases ? Tu sais, certains êtres humains vivent plusieurs vies en une seule. J’ai eu cette chance et j’ai décidé de te faire découvrir cette partie de ma vie que tu ignores. Je veux que tu saches que ta maman a été follement amoureuse d’un homme qui s’appelait Marc. J’ai partagé la passion avec lui pendant plus de sept ans. Nous étions éperdument et profondément ancrés l’un à l’autre mais l’accumulation des expériences et le besoin de découvrir sans cesse de nouveaux horizons a fini par faire naufrager notre couple. Nous avons commis une erreur provoquant une plaie ouverte que nous ne sommes jamais parvenus à refermer. L’amour peut parfois être si exclusif que la jalousie qu’il génère ne s’accommode d’aucun écart. Kevin, souviens-toi que les fantasmes doivent rester cantonnés au plus profond de nous et qu’il est fort dangereux de vouloir les mettre tous en pratique.

Cette partie de ma vie figure dans le manuscrit que tu as désormais sous les yeux que Marc avait pris soin de rédiger et qu’il m’a remis au moment de notre séparation. Il avait voulu immortaliser notre histoire. Beaucoup de ce qu’il a écrit s’inspire de notre liaison mais plusieurs passages sont le fruit de son imagination. Ce sera le côté un peu mystérieux de cette lecture et tu pourras te plaire à essayer de discerner le vrai du faux. J’avais pour dessein de poser sur son texte mes propres commentaires et rectifications, mais j’y ai renoncé. Après tout, c’est sa vision des choses telles qu’il s’est plu à la raconter et parfois il y a comme un relent de journal intime dans son récit.

Marc avait eu une liaison avec une autre femme, une certaine Nadia. Encore plus incompréhensible, il lui a même fait un enfant.

Alors que nous étions ensemble depuis six ans, nous vivions chaque jour avec passion et pourtant, il n’a rien trouvé de mieux que de me trahir et de m’entraîner sur des rivages scabreux.

Tu constateras que Marc a choisi d’écrire ce texte, le plus souvent, au travers de dialogues et de narrations. Mais tu remarqueras qu’il pratique également régulièrement la troisième personne. J’ai toujours pensé qu’il avait ainsi voulu prendre un peu de distance avec lui-même. Peut-être s’agissait-il pour lui d’exprimer, avec recul, son désaccord avec les agissements de son personnage ? Ce qui m’a sans doute le plus surpris dans ce texte, c’est l’honnêteté avec laquelle il s’est livré en révélant toute une partie de sa vie intérieure. Dans certains passages, il semble même réaliser sa propre analyse. Il est rare d’accéder à une connaissance si intime de l’autre. Chacun cultive en lui son petit jardin secret !

Ces quelques pages te montreront comment, l’amour peut basculer dans la déraison fatale.

Pardonne-moi cette sincérité et cette transparence, parfois dérangeante, et n’en veux pas à ta maman d’avoir aimé un autre homme que ton père. C’était avant de le rencontrer. Avec Xavier, nous avons été heureux, certes d’une façon différente et plus conventionnelle. Ton arrivée nous a comblés et m’a permis d’estomper, sans jamais parvenir à la faire disparaître, cette première partie de ma vie. La suite, tu la connais car après cet attentat, toi et moi avons continué à vivre en parlant de ton père.

Tu sais tout de notre rencontre jusqu’à son décès. C’est aussi pour cela que ce manuscrit ne relate que cette partie de ma vie avec Marc, celles de ces années que tu ignores.

À la fin de ta lecture, tu découvriras la photographie de Marc et moi que j’ai collée sur la dernière page.

Ne me juge pas.

Je t’aime.

Diane, ta maman ».

À la fin de la lecture, Kevin avait les yeux embués de larmes et, très vite, il finit par éclater en sanglots. Il venait de comprendre, avec un petit temps de latence, qu’il se retrouvait seul, sans parents, pour poursuivre le reste de sa vie.

Mais déjà, l’envie irrésistible de découvrir un peu de celle de sa mère l’envahissait.

Il se dirigea vers le petit canapé de cuir blanc dans lequel Diane aimait s’asseoir. Il songea qu’elle aurait apprécié qu’il y prenne place pour explorer les pages de sa vie puisque c’est précisément là qu’elle se réfugiait lorsqu’elle dévorait un roman dans les moments de quiétude qu’elle affectionnait tant.

Amour et déraison

Amour et déraison

Rencontre

Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point.

On le sait en mille choses.

Blaise Pascal

Pour son anniversaire, Marc avait décidé de se faire un petit plaisir. Vingt-huit ans, est un âge qui mérite d’être célébré. Il se rendit chez un grand couturier parisien avec l’idée de s’offrir la veste qui ferait fureur en le distinguant des autres, même si ce petit caprice risquait de lui coûter bien cher. Il se disait qu’on ne vit qu’une fois et qu’il ne parvenait pas à effacer de son esprit cette envie qui était née en lui quelques années auparavant. Après tout, certains font l’acquisition de montres rares, d’autres de motos ou de véhicules onéreux et bien lui, son truc, c’étaient les vêtements.

En pénétrant dans cette boutique prestigieuse, il fut comme immédiatement plongé dans un autre monde. Des vêtements pour femmes et hommes d’une originalité évidente, des couleurs admirablement associées, des compositions de tissus de qualité exceptionnelle intégrant des motifs décoratifs discrets. Tous ces modèles étaient comme mis en scène dans un décor moderne et lumineux qui vous installait dans un bien-être réel. Il ne savait plus où porter son regard tant il tentait de s’imprégner complètement de ce qu’il voyait. Sa qualité de scientifique le poussant, quel que soit le sujet qu’il aborde, à vouloir tout détailler, tout parcourir et tout comprendre. Ce qui peut être une grande qualité peut se révéler assez handicapant dans la vie de tous les jours. Ce que certains peuvent observer en quelques secondes lui demande de donner du temps au temps.

Une voix féminine le sortit de son errance mentale.

— Bonjour monsieur, bienvenue dans « espace création mode ». Je m’appelle Diane, je suis la styliste - créatrice de cette collection et je suis à votre disposition pour vous apporter toute l’assistance nécessaire. N’hésitez pas à me solliciter et à essayer les modèles qui pourraient vous plaire. Vous cherchez quelque chose pour vous ?

En levant les yeux, Marc eut l’impression de recevoir une flèche en plein cœur, tant la beauté de cette jeune femme était renversante.

Il balbutia quelques mots d’une banalité extrême avant de reprendre ses esprits.

— Bonjour, enchanté. Quelle chance d’être accueilli par la créatrice de cette collection impressionnante ! En fait, un ami m’a recommandé votre adresse. J’ai envie de changer de look en m’offrant une veste originale mais relativement discrète à la fois. Auriez-vous un tel modèle ?

— Savoir ce que l’on veut est un très bon début. Mais, il me faut un peu plus de détails pour accéder à votre demande. Une information sur le type d’étoffe, le style de coupe, le coloris qui aurait votre préférence pourraient m’orienter. Quant à votre taille, j’opterai pour un 52 ou 54, mais nous affinerons le moment venu. Vous êtes plutôt coupe cintrée ou droite ?

— Droite, s’il vous plaît et oui, effectivement, ma taille est 52 ou 54 en fonction des modèles.

— Très bien et pour que je puisse identifier la veste de vos rêves, que pourriez-vous encore me dire ?

— Pour être un peu plus précis, je ne suis pas à la recherche d’un modèle excentrique ou bariolé de couleurs improbables.

Diane l’interrompit, sans le brusquer, en faisant preuve d’une grande empathie et lui précisa :

— Puis-je vous demander de m’indiquer plutôt ce qui vous tenterait ?

— Je voudrais acquérir une veste distinguée, plutôt classe pour pouvoir la porter lorsque je suis invité à une cérémonie ou un cocktail. Je la souhaite différente des modèles de prêt-à-porter habituels. Je suis plutôt quelqu’un à la recherche d’originalité et je n’aime pas ce qui fait basculer dans la routine ou le quotidien. Si quelques motifs brodés ou éléments légèrement brillants pouvaient être associés à ce modèle pour le mettre en valeur en le distinguant délibérément des autres vestes, j’en serais ravi. Parce que vous êtes une femme, il vous est sans doute facile de percevoir ce que je ressens. L’idée même de risquer de me retrouver à côté d’un autre homme qui aurait la même veste que moi me déplaît. Je suis donc à la quête d’un modèle unique, c’est impératif ! Mais attention, l’exercice est délicat, il s’agit aussi qu’elle reste masculine et que ces fantaisies ne soient pas interprétées par ceux que je rencontrerai comme un signe ostentatoire d’une féminité larvée. Ce n’est pas du tout, mon truc, il ne faut pas que la moindre ambiguïté puisse naître de ma démarche ! C’est juste que je m’évertue chaque jour à essayer de trouver des chemins singuliers, voire insolites, pour colorer ma vie et la rendre la plus originale possible.

Diane resta assez interloquée par ce qu’elle venait d’entendre. Rares sont les personnes qui ont des idées aussi tranchées avec ce souci marqué de faire la différence. Elle était intriguée également car elle venait d’achever un modèle qui correspondait exactement à la description qu’en avait fait le client potentiel.

— Eh bien, cher Monsieur, il se fait que j’ai justement le modèle qui pourrait correspondre à vos attentes. D’après ce que j’ai cru comprendre, nous serions en plein dans la thématique. Quelle coïncidence et quel hasard, en vous écoutant j’ai eu l’impression que vous étiez en train de le décrire. Et pourtant, il n’est pas encore exposé dans le showroom car encore en atelier puisque nous venons tout juste de finir d’y apposer quelques strass discrets. Je suis assez confiante sur le fait qu’il vous plaira. C’est une taille 54 que nous serions en mesure de retoucher, le cas échéant. Voulez-vous tenter l’expérience et l’essayer ?

— Ce serait assez formidable que vous ayez imaginé la veste qui correspondrait exactement à mon cahier des charges ! D’accord pour essayer cette petite merveille !

— Je demande à une vendeuse d’aller la chercher. Pendant ce temps, j’ai une petite exigence vous concernant. Pour que les conditions de l’essayage soient optimales, je voudrais que vous passiez cette chemise blanche. Elle permettra de bien trancher avec le coloris de la veste et la mettra en valeur.

Lorsqu’il sortit de la cabine d’essayage après avoir revêtu la chemise blanche, Diane le pria de bien vouloir fermer les yeux un instant, le temps qu’on lui passe la veste en question. Elle tenait à l’effet de surprise et que son client découvre le rendu de ce modèle une fois porté.

— Première constatation, elle tombe parfaitement, indiqua Diane. Vous pouvez rouvrir les yeux et exprimer ce que vous en pensez.

Marc rouvrit les yeux et avant même de se regarder devant le grand miroir qui faisait face à lui, il tourna les yeux vers Diane qui visiblement était enchantée par l’élégance et le raffinement de sa création. Elle était souriante et sa simple vision montrait qu’elle était totalement convaincue de l’adéquation de cette veste avec celui qui la portait.

Effectivement, Marc fut instantanément conquis. Il fonctionnait beaucoup à l’instinct et à la première impression. La veste correspondait totalement à ce qu’il avait imaginé. Son coup de cœur ne se limitait pas à cette veste, et il le sentait bien. Il y avait également comme un coup de foudre dans l’air et il était comme hypnotisé par cette jeune femme magnifique et pétillante. Cette attirance influençait-elle son choix pour cette veste ? Il tentait de se persuader que son esprit parvenait à distinguer les deux sujets mais au fond de lui, il avait compris immédiatement que la féminité éblouissante de Diane lui faisait perdre son objectivité et ses facultés d’analyse.

Après cet essai transformé, ils passèrent encore beaucoup de temps ensemble à discuter de sujets qui dépassèrent assez largement le seul cadre de la mode, avant d’aller régler son achat. N’y tenant plus, Marc osa :

— Je tiens à saluer les excellents conseils que vous m’avez fournis et qui m’ont permis de faire l’acquisition de cette veste si originale. Je m’aperçois que j’ai passé plus de deux heures remarquables à vos côtés qui m’ont semblé quelques minutes ! Moi qui pensais rester très peu de temps ici, juste pour me rendre compte du choix dont vous disposiez. Je veux louer vos connaissances exceptionnelles de la mode, votre goût prononcé pour l’accompagnement, également le conseil auprès de vos clients et la gentillesse dont vous avez fait preuve au cours de cet après-midi midi à mon égard. Je vais peut-être vous sembler très direct et probablement grossier mais j’aimerais beaucoup avoir l’occasion de vous revoir ?

La réponse polie de Diane fut toutefois cinglante.

— Je ne crois pas, Monsieur. Ici, seules les créations sont à vendre et pas les créatures !

Marc comprit qu’il avait été beaucoup trop loin, présenta ses excuses et quitta les lieux, un peu triste.

Pour tenter de se faire pardonner, il se dirigea directement chez un fleuriste proche de la galerie. Mais quelles fleurs choisir ?

Il demanda conseil à la vendeuse. Il était plutôt décidé pour les roses mais n’avait pas la moindre idée ni du nombre ni de la couleur à adopter.

— Si vous êtes partant pour les roses, lui précisa la fleuriste, et que vous croyez un tant soit peu au langage des fleurs, alors, il faut savoir que la rose rouge est la fleur des amoureux. Sommes-nous dans le bon répertoire ?

— Heu… pas exactement ! Je cherche un moyen de présenter mes excuses, de façon élégante mais également originale, à une femme, car je crains de l’avoir froissée par une déclaration maladroite.

— Ah oui, je vois. J’ai ce qu’il vous faut. Je pense à des roses bleues. Elles véhiculent les excuses et évoquent le mystère en symbolisant l’inaccessible. Pourquoi ? Il faut savoir que dans la nature, il n’existe pas de rose bleue. On lui confère également pour celui ou à celle qui la détient de pouvoir réaliser ses vœux.

— Je constate que vous connaissez bien votre domaine. Je suis très intéressé par les sciences et la génétique m’a toujours subjugué. Toutefois, j’avoue être un peu interloqué car, à ma connaissance, il n’existe pas de roses bleues à ce jour, tout simplement parce que les rosiers ne produisent pas le pigment végétal primaire qui est à l’origine des vraies fleurs bleues : la delphinidine. Je n’ignore pas que des recherches génétiques sont en cours mais n’ont pas encore permis d’aboutir. Quel est donc votre secret ?

— Vous avez tout à fait raison et j’ai effectivement un secret. Je sais modifier la couleur de mes roses. Je parviens à les faire passer de la couleur blanche à la couleur bleue. J’avoue tricher un peu, tout simplement à l’aide d’un colorant alimentaire de couleur bleue. Et je le fais, en attendant que les recherches en cours soient couronnées de succès. Mais savez-vous que les roses bleues semblent exercer une fascination particulière ? Si vous êtes observateur, peut-être en avez-vous déjà vu, reproduites, sur des céramiques ou des tissus imprimés. Et pourtant, elles n’existent pas. Elles sont attendues avec impatience par tous ceux qui apprécient les fleurs. Voulez-vous sentir celles que j’ai réussi à modifier ?

— Quel parfum, c’est un délice olfactif, comme c’est agréable !

— Vous savez, par ailleurs, que le nombre de fleurs exprime une symbolique. Si je comprends bien ce que vous m’avez expliqué, il s’agit pour vous de vous faire pardonner. Dans ce cas, il faut offrir deux roses. Mais j’ai aussi cru percevoir dans vos propos qu’il pourrait bien y avoir aussi une émotion particulière teintée d’un léger trouble voire d’une certaine attirance envers cette personne. Alors, si vous vous placez dans cette disposition, que vous cherchez à exprimer votre galanterie, il faut lui envoyer vingt-quatre roses. Et ne croyez surtout pas que j’essaie de vous vendre un maximum de ces jolies fleurs, je vous précise juste ce que le langage des fleurs essaie de nous dire. Et, sans vouloir en rajouter, ce n’est pas tous les jours que j’en dispose d’autant.

— Vous m’avez convaincu. Préparez un bouquet de vingt-quatre de ces roses si différentes et mystérieuses et faites-le livrer à la galerie « espace création mode » le plus rapidement possible dans l’après-midi, au nom de Diane.

— Vous souhaitez accompagner ce bouquet d’un petit mot ?

Afin de ne pas aggraver son cas auprès de la styliste, il se contenta d’écrire quelques lignes en prenant soin de ne pas faire figurer ni son nom ni son téléphone, pour éviter qu’elle imagine qu’il était insistant. Il ne pouvait se résoudre à repartir sans lui exprimer ses plus profondes excuses même s’il savait qu’il ne la reverrait jamais. C’était une question de savoir vivre et ce qui importait pour lui, c’était le regard que les autres pouvaient avoir sur lui.

Un livreur pénétra dans la galerie en demandant qui était Diane. Il lui remit le bouquet de roses bleues mis en valeur par des fougères d’une finesse remarquable, le tout disposé sur un papier crépon de couleur blanche et recouvert par un papier cristal noué avec des fils de raphia. Sur cette présentation figurait une enveloppe soigneusement agrafée. Surprise, Diane qui se demandait qui pouvait lui faire parvenir ces fleurs, ouvrit délicatement l’enveloppe pour prendre connaissance du message qu’il contenait et identifier ainsi l’auteur de cet envoi.

Ces fleurs sauront davantage que moi exprimer mes regrets de vous avoir blessée en laissant parler mon cœur alors que nous n’étions pas à l’unisson.

Votre client et sa veste !

Diane comprit aussitôt :

— J’ai été un peu rude avec mon client. Je l’ai rembarré alors qu’il était très sympathique et que j’ai passé un bon moment avec lui. Enfin quelqu’un qui s’intéressait à la mode, la création et le stylisme. Visiblement, nous avions de nombreux points d’intérêts communs. Et voilà, j’ai eu une réaction de jeune fille effarouchée alors qu’il est une personne avec qui j’aurais pu entrer en relation. En m’envoyant ces fleurs, il se comporte en gentleman et je n’ai aucun moyen de le joindre pour lui indiquer que je ne suis nullement contrariée. Quelle occasion perdue, quelle idiote je suis !

Et effectivement, elle ne revit plus celui auquel il lui arrivait parfois de songer. Jusqu’au jour où, lors d’un vernissage en soirée, elle l’aperçut alors qu’il détaillait une toile suspendue à un mur.

Lui, il ne la reconnut pas sur l’instant et pour cause, il ne la regarda pratiquement pas tant il était immergé dans la toile qu’il détaillait frénétiquement.

— Bonsoir. Figurez-vous qu’il a été très simple pour moi, en voyant votre veste, de remarquer qu’il s’agit de l’une de mes créations, que vous portez parfaitement. Elle est originale, suffisamment personnalisée et relevée par quelques paillettes et strass discrets déposés sur ce drapé de velours broché couleur bleu ciel mais qui font étinceler cette soirée. La chemise blanche que vous avez associée ne fait qu’accroître la classe qui se dégage de votre silhouette et je me réjouis de voir que mes recommandations ne sont pas restées vaines.

Marc détacha son regard de l’œuvre qui lui faisait face. Il eut la sensation de reconnaître cette voix qui poursuivait déjà.

— Par ailleurs, je me souviens très bien de vous, pour deux raisons. La première, parce qu’il y a maintenant pratiquement six mois, nous avons passé quelques heures assez plaisantes dans mon showroom, que le courant était bien établi, que nous avons beaucoup discuté et que le petit fil fragile qui s’était tissé doucement entre nous a été brusquement rompu par une demande assez incongrue et prématurée de votre part. Je regrette d’avoir réagi avec excès face à l’audace dont vous aviez fait preuve. La seconde, c’est la réaction étonnante dont vous avez fait preuve en me faisant livrer ce bouquet de magnifiques roses dans les tons bleutés accompagné d’un message qui le moins qu’on puisse dire m’a laissé sur ma faim. Là où vous aviez fait très fort, je dois le reconnaître, c’est que vous n’aviez laissé aucun indice qui m’aurait permis de vous contacter. Et j’avoue que ça m’a beaucoup perturbé de ne pas parvenir à vous joindre. Sans doute que la piqûre d’une épine de ces roses alors que je leur changeais leur eau a contribué à entretenir la mémoire de cette rencontre. Et il a fallu attendre aujourd’hui, pour enfin vous revoir.

— Je suis confus de n’avoir pas su vous reconnaître immédiatement, tout absorbé que j’étais par les joyaux de cette exposition. Certes, ma mémoire des visages est assez défaillante mais j’ai quand même quelques excuses. Vous n’êtes absolument pas habillée de la même façon que la dernière fois que je vous ai vue. Votre coiffure est différente et votre maquillage n’est pas le même. Bref, dois-je encore vous demander pardon de ne pas vous avoir immédiatement reconnue alors qu’il m’aurait suffi de vous regarder dans les yeux pour être à nouveau transporté dans leur profondeur si troublante ?

— Même si vous avez une façon bien plaisante de vous faire pardonner, c’est plus à moi de le faire aujourd’hui car bien loin de moi l’idée de vous contrarier. J’ai cherché à vous contacter pour vous remercier. Mais si la fleuriste a su composer un des plus beaux bouquets que je n’ai jamais reçus, il faut bien reconnaître aussi qu’elle doit être l’une des personnes les plus têtues que je n’ai jamais rencontrées. Malgré toutes mes tentatives pour obtenir vos coordonnées, elle n’a jamais voulu me les communiquer. Et voilà comment je ne suis jamais parvenue à vous joindre. Et le plus comique dans cette histoire, c’est que depuis, à chaque fois que la porte de la galerie s’ouvre, j’ai le secret espoir de vous voir apparaître. Mais là aussi, mon attente est restée vaine.

— Diane, vous permettez que je vous appelle Diane, je suis un peu embarrassé de ne pas pouvoir prolonger cette conversation très intéressante mais je ne suis pas venu seul à ce vernissage. J’accompagne une amie et je ne voudrais pas qu’elle s’imagine que je l’abandonne !

— Oh, pardon, je ne savais pas que vous étiez en couple. Je vous laisse et passez une bonne soirée en appréciant cette merveilleuse exposition.

— Non, ce n’est pas du tout ce que vous croyez, restez encore quelques minutes, dit Marc en la retenant par le bras. J’accompagne l’épouse d’un ami pour ce vernissage. Elle cultive une véritable passion pour l’art alors que lui y est totalement insensible. Comme elle ne voulait pas s’y rendre toute seule, j’ai été sollicité pour tenir le rôle d’escort boy pour la soirée. Rien de plus ! Écoutez-moi Diane, je m’appelle Marc et j’ai été enchanté de vous revoir vraiment, et le hasard nous permettra peut-être, avec un peu de chance, de nous recroiser d’ici six mois. C’est en tout cas, ce que j’espère, très sincèrement.

— Eh bien, voyez-vous Marc, cette fois-ci, c’est à moi que ça ne convient pas ! Mais alors, pas du tout. Je n’ai pas envie de revivre l’expérience de la dernière fois, où pendant un semestre, je me suis reproché de ne pas savoir comment vous recontacter. Alors, si ça vous tente, notez mon numéro. Si le cœur vous en dit, rappelez-moi, vite de préférence, que nous puissions organiser une petite sortie tous les deux. Je me rends compte que c’est un peu culotté de ma part de vous faire une telle déclaration alors que j’avais moi-même eu une réaction assez définitive lorsque vous m’aviez fait une proposition assez similaire.

— N’en dites pas davantage Diane. Je le note, ça y est. Voici le mien en retour. Je reviens vers vous dès demain car j’ai hâte de vous revoir.

Alors qu’elle lui tendait timidement la main pour prendre congé, Marc l’attira légèrement vers lui pour lui faire la bise. Et elle accepta cette invitation sympathique.

Restaurant japonais

Une rencontre n’est que

Le commencement d’une séparation

Proverbe japonais

On ne sait jamais exactement à quel moment une histoire d’amour va débuter et avec qui on passera une partie de sa vie. Ce qui est certain, c’est que le jour où cette rencontre se produit, il y a des petits signes qui ne vous trompent pas. Il survient une connexion assez particulière mêlant attirance physique grandissante, pulsations cardiaques accélérées, stress envahissant, activité cérébrale focalisée sur l’autre, hésitations répétées, peur de commettre une maladresse et crainte de rompre le charme.

— Quand faut-il que je l’appelle, se dit Marc ? Pour lui dire quoi ? Lui proposer quoi ? C’est compliqué un premier rendez-vous surtout quand on sent qu’il sera déterminant et qu’on n’a pas du tout envie de le manquer.

— Si j’appelle trop tôt, je risque de la déranger au travail et si c’est trop tard, sera-t-elle seule ? Après tout, je ne sais rien d’elle et je me plais à imaginer qu’elle est célibataire. Que faire ? Bon, allez, je vais faire une tentative vers dix-neuf heures trente, ça me semble raisonnable, se persuada Marc.

Après avoir réfléchi et longuement hésité, il prit son courage à deux mains et composa le numéro qu’il connaissait déjà par cœur, à force de le lire et de le relire.

Après quelques sonneries, elle décrocha.

Ils discutèrent pendant plus d’une heure, à distance, et au fond, c’était une façon assez facile de faire connaissance et de pouvoir s’exprimer assez librement.

Pour un premier véritable échange, c’était très bien. Et puis, assez logiquement, ils eurent envie d’aller plus loin car ils partageaient déjà de nombreux points communs et identifiaient bon nombre de voies de convergence, avec un réel désir d’en partager d’autres.

C’est Diane qui proposa la première à Marc de quitter le monde du virtuel et de la connexion téléphonique pour se voir « en vrai ».

Marc était tout à fait d’accord avec cette idée mais ne savait pas trop quoi lui proposer de peur de commettre encore une maladresse.

— Diane, je voudrais que tu m’aides un peu pour ce rendez-vous… oh, toutes mes excuses, voilà que je te tutoie.

— Oui, et continuons comme ça. Je vous… plutôt… je t’en prie. Après tout ce que nous nous sommes dit au téléphone, on peut considérer que l’on se connaît déjà un peu mieux et que cela justifie largement que nous nous tutoyons. Tu es d’accord, Marc ?

— Elle me demande si je suis d’accord ? Mais, je rêve ! Oui et encore oui, ça me semble effectivement d’une grande normalité. Alors Diane, vois-tu, je souhaite que notre relation ne sombre ni dans la banalité, ni dans les méandres du quotidien. Pourtant, je sens bien que pour commencer nous pourrions dîner au restaurant ? Me laisses-tu le choix de l’endroit pour cette première invitation ?

— Ouah… pour commencer notre relation ! Tu as déjà des projets d’installer nos échanges dans la durée ? Ce qui peut sembler précoce à ce stade pourrait peut-être se concrétiser. L’avenir nous le dira. Eh oui, je te laisse m’emporter où tu voudras. J’accepte de te faire confiance.

— Très bien, alors ça pourrait être demain, cela te convient ?

— Cela me convient tout à fait. À quelle heure et où ?

— Je suggère à vingt heures et nous pourrions nous retrouver à Paris, que dirais-tu du boulevard Saint-Germain ?

— Les choses se précisent mais pas suffisamment. Ce qui est sûr, c’est que tu n’as pas choisi le lieu le plus calme de la capitale ! Tu aurais peut-être un indice supplémentaire à me donner comme un numéro de rue par exemple ?

— Ah oui, comme ça là, tu me prends au dépourvu. Je te rappellerai pour te le dire avec précision.

— Tout ça me semble assez clair ; et pour le dress code ?

— J’aurais dû me douter que ce point était très important pour toi. Dans le cas présent, ce n’est pas très simple de répondre à cette question, mais disons « chic et décontracté » à la fois.

— On ne peut pas dire que ta réponse va beaucoup m’aider. Mais, je saurais m’adapter, sois sans crainte. J’ai hâte de te revoir Marc et d’être enfin seule avec toi.

— Moi aussi Diane. Bonne nuit.

— Toi aussi, bonne nuit.

Le jeudi soir, comme convenu, ils se retrouvèrent au lieu de rendez-vous fixé la veille.

Il avait choisi l’un des plus vieux restaurants japonais de Paris situé dans une petite ruelle calme adjacente au grand boulevard. À peine entrée, elle fut surprise par le lieu et son atmosphère. D’autant plus, qu’on les installa autour du teppanyaki, une grande plaque chauffante autour de laquelle officiait un cuisinier particulièrement agile qui se livrait à un véritable show artistique. Ils se laissèrent guider pour être transportés dans un véritable voyage. Des morceaux de bœuf et de poulet puis des coquilles Saint-Jacques furent ainsi préparés devant eux. La salière et le poivrier en bois s’entrechoquèrent dans un numéro de jongle savamment orchestré par notre chef. Il actionna à plusieurs reprises un long couteau affûté pour finir par trancher, en plein vol, la queue de grosses crevettes avant d’envoyer leurs parties charnues directement dans les assiettes de Marc et Diane. Ils étaient à la fois impressionnés et dépaysés.

— Que veux-tu boire, questionna Marc ?

— J’hésite… je n’ai pas trop envie de thé pour le moment, du coup je ne sais pas trop.

— Puis-je te suggérer d’accompagner notre dîner avec du saké ?

— Pouah, cette affreuse boisson alcoolisée qui ressemble à du tord-boyaux ? J’ai déjà eu l’occasion de boire ce breuvage, très fort et très mauvais, dans ces petits verres qui, une fois vidés, laissent apparaître des corps d’hommes ou de femmes nus ! Non, sans façon !

— Oh non, tu n’y es pas du tout. Je veux te parler du vin de riz. Il est élaboré à partir de grains de riz qui sont polis et d’eau dont la minéralité est très importante pour la qualité du saké. Les grains de riz subissent une opération de polissage qui va conditionner, en partie, la qualité du saké puisqu’elle va permettre de se débarrasser des graisses et de l’albumine contenues dans le riz. La teneur en amidon augmentera d’autant plus le grain de riz aura été poli. C’est bien le polissage poussé qui déterminera la finesse du saké. Comme pour le vin, il y a différentes catégories de saké. Du plus standard au plus raffiné. Je voulais te proposer de tester un grand cru. Il est servi froid et il titre une quinzaine de degrés. Donc, tu te rends compte qu’il n’a rien à voir avec la crainte que tu avais.

Elle adhéra à la proposition de Marc et elle apprécia ce parcours initiatique qui lui permit de découvrir une boisson dont elle ignorait tout quelques minutes auparavant. Rien à voir avec un bon vin mais expérience gustative à tenter, immanquablement.

Ce dîner fut l’occasion de mener une conversation assez débridée, régulièrement interrompue par le spectacle acrobatique auquel se livrait le maître des lieux.

Profitant d’un moment de répit au cours de ce dîner, Diane décida de poser à Marc des questions plutôt personnelles pour mieux le cerner.

— Marc, et si tu me parlais un peu de toi.

— Ce n’est pas l’exercice que je préfère mais que veux-tu savoir ?

— Tu pourrais débuter par me dire où tu es né, si tu as des frères et des sœurs, où tu résides, ta scolarité, tes études, ton parcours, ton métier, enfin bref, je ne suis pas en train de me lancer dans une enquête de police mais il faut juste que nous nous connaissions mieux. Tu partages mon point de vue ?