Curiosités Infernales - Paul Lacroix - E-Book

Curiosités Infernales E-Book

Paul Lacroix

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Beschreibung

Simon Goulart en envoyant ŕ son frčre Jean Goulart un volume de sonThrésor des histoires admirables et mémorableslui dit: ŤCe sont pieces rapportees et enfilees grossičrement ausquelles je n'adjouste presque rien du mien, pour laisser ŕ vous et ŕ tout autre debonnaire lecteur la meditation libre du fruit qu'on en peut et doit tirer. Dieu y apparoit en diverses sortes prčs et loin, pour maintenir sa justice contre les coeurs farouches de tant de personnes qui le regardent de travers; item pour tesmoigner en diverses sortes sa grace ŕ ceux qui le reverent de pure affection.ť
Autant nous en dirons de notre ouvrage. De tout temps il y a eu des croyants et des incrédules.
ŤLes ignorans, dit Bodin, pensent que tout ce qu'ils oyent raconter des sorciers et magiciens soit impossible. Les athéistes et ceux qui contrefont les sçavans ne veulentpas confesser ce qu'ils voyent, ne sçachans dire la cause, afin de ne sembler ignorants. Les sorciers et magiciens s'en moquent pour deux raisons principalement: l'une pour oster l'opinion qu'ils soyent du nombre; l'autre pour establir par ce moyen le rčgne de Satan. Les fols et curieux en veulent faire l'essay.ť

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Paul Lacroix

Curiosités Infernales

2017 - Anna Ruggieri

TABLE DES MATIČRES

PRÉFACE

LES DIABLES.

I.—Existence des démons

II.—Apparitions du diable

III.—Enlčvements par le diable

IV.—Métamorphoses du diable

V.—Signes de la possession du démon

VI.—Sabbat

VII.—Union charnelle avec le diable—Incubes et Succubes

VIII.—Pacte avec lediable—Marque des sorciers

IX.—Fourberies et méchancetés du diable

LES BONS ANGES

I.—Fées

II.—Elfes

NATURE TROUBLÉE.

I.—Possédés—Démoniaque

II.—Ensorcelés

III.—Hommes changés en bętes—Lycanthropes—Loups-garous

IV.—Sortilčges

MONDE DES ESPRITS.

I.—Nature des esprits

II.—Follets et Lutins

III.—Gnomes—Esprits des mines—Gardes des trésors

IV.—Esprits familiers

PRODIGES.

I.—Prodiges célestes

II.—Animaux parlants

EMPIRE DES MORTS.

I.—Ames en peine—Lamies et Lémures

II.—Revenants, spectres, larves, etc.

III.—Fantômes

IV.—Vampires

PRÉSAGES.

I.—Présages de guerre, de succčs et de défaites

II.—Présages de naissance

III.—Présages de mort

IV.—Avertissements

PRÉFACE

Simon Goulart en envoyant ŕ son frčre Jean Goulart un volume de sonThrésor des histoires admirables et mémorableslui dit: ŤCe sont pieces rapportees et enfilees grossičrement ausquelles je n'adjouste presque rien du mien, pour laisser ŕ vous et ŕ tout autre debonnaire lecteur la meditation libre du fruit qu'on en peut et doit tirer. Dieu y apparoit en diverses sortes prčs et loin, pour maintenir sa justice contre les coeurs farouches de tant de personnes qui le regardent de travers; item pour tesmoigner en diverses sortes sa grace ŕ ceux qui le reverent de pure affection.ť

Autant nous en dirons de notre ouvrage. De tout temps il y a eu des croyants et des incrédules.

ŤLes ignorans, dit Bodin, pensent que tout ce qu'ils oyent raconter des sorciers et magiciens soit impossible. Les athéistes et ceux qui contrefont les sçavans ne veulentpas confesser ce qu'ils voyent, ne sçachans dire la cause, afin de ne sembler ignorants. Les sorciers et magiciens s'en moquent pour deux raisons principalement: l'une pour oster l'opinion qu'ils soyent du nombre; l'autre pour establir par ce moyen le rčgne de Satan. Les fols et curieux en veulent faire l'essay.ť

LES DIABLES

I.—EXISTENCE DES DÉMONS

ŤIl y en a plusieurs, dit Loys Guyon[1], tantincrédules de nostre temps, qui neveulent croire qu'il y aitdes demons ou malins esprits qui habitent en certaines maisons (quisont cause que personne n'y peut fréquenter) ou par lesdeserts qui font fourvoyer les voyageurs. Et aussi en d'autreslieux… Ce qui m'a donné occasion d'escrirede ces demons,c'est que lisant le livre du voyage de Marc Paul, Venétien,des Indes Orientales, il escrit d'un desert, qu'il appelle Lop, quiest situé dans les limites de la grande Turquie qui est entreles villes de Lop et de Sanchion, qu'on ne sçauroit passer envingt-cinq ou trente journées, et pour ce qu'il estnécessaire ŕ aucuns, pour la négotiation qu'ont ceuxde Lop avec ceux de Sanchion ou de la province du Tanguth, depasser par ces deserts, combien qu'ils s'en passeroyent bien, s'ilspouvoyent, veu les dangers et grandes difficultez qui s'ytrouvent… C'est chose admirable qu'en ce desert l'on void etoid de jour, et le plus souvent de nuict, diverses illusions etfantosmes, de malins esprits, au moyen de quoy, ja n'est besoinŕ ceux qui y passent de s'eslongner ŕ la trouppe, ets'escarter de la compagnie. Autrement, ŕ cause des montagneset costaux, ils perdroyent incontinent la veüe de leurscompagnons. Et les appellent par leurs propres noms, feignans lavoix d'aucuns de la trouppe et par ce moyen les destournent etdivertissent de leur vray chemin, et les meinent ŕ perditiontellement qu'on ne sçait qu'ils deviennent. On oid aussiquelquefois en l'air des sons et accords d'instrumens de musique,et le plus souvent des bedons et tabourins, et pour ces causes cedesert est fort dangereux et perilleux ŕ passer.

[Note 1:Diverses leçons. Lyon, 1610, 3 vol. in-12, t. II,p. 300 et suivantes.]

ŤVoilŕ ce qu'en a laissé par escrit, Marc Paulqui y a esté, qui vivoit l'an 1250, je pensoy que cefussentchoses fabuleuses (et controuvées ŕ plaisir oupour quelque autre raison). Mais ayant leu les oeuvres de Teuet,cosmographe, pour la plus grand part tesmoin oculaire de beaucoupde choses que plusieurs autheurs ont laissé par escrit, etentre autres de cedesert de Lop, je n'ay plus creu que ce fussentfables.

ŤQue semblables choses ne se voyant ailleurs, il se void ence qu'on a escrit de plusieurs grands et illustres personnages quis'estoyent retirez aux deserts d'Égypte, comme sainctMachaire, sainct Anthoine, sainct Paul l'hermite, lesquels onttrouvé tous les deserts lieux pleins de grande solitude,remplis de démons. Comme fit sainct Anthoine qui estant sortide sa cellule, ayant envie de voir jour et Paul l'hermite, quidemeuroit en un desert plus haut que luy trois journées,trouva en chemin, une forme monstrueuse d'homme, qui estoit uncheval, et tel que ceux que les poëtes anciens ont appeléHippocentaures. Auquel il demanda le chemin du lieu oůdemeuroit ledict Paul Hermite, lequel parla. Mais ilne peut estreentendu et monstra de l'une de ses mains le chemin et puisaprčs il s'osta de devantluy, s'enfuyant d'une grande vitesse.Or si c'est homme estoit point quelque illusion du Diable, faitepour espouvanter le sainct homme ou si (comme les solitudes sontcoustumieres de produire diverses formes d'animaux monstrueux) ledesert avoit engendré cest homme ainsi difforme, nous n'enavons rien de certain.

ŤSainct Anthoine donc s'esbahissant de ceste occurrence, etresvant, sur ce que desja il avoit veu, ne discontinua son voyage,et de passer outre. Mais il ne fut gueres avant, qu'estant en unvallon pierreux et plein de rochers, il vid un autre homme d'assezbasse stature, mais laid, et difforme, ayant le nez crochu et deuxcornes qui lui armoyent horriblement le front, et le bas du corps,lequel alloit en finissant ainsi que les cuisses et pieds d'unbouc. Le vieillard sans s'estonner de ceste forme si hideuse, nes'esmouvant d'un tel spectacle, si effroyable, se fortifia, commeestant bon gendarme chrestien vestu des armes deJésus-Christ,… et, voicy ce monstre susdit qui luiprésenta des dattes et fruicts de palmier comme pour gaged'amitié et asseurance. Ceci encouragea ce bon hermite qui,apprivoisé du monstre, s'arresta un peu et s'enquit de sonestre et que c'est qu'il faisoit en ceste solitude, auquel cestanimal inconu respondit: Je suis mortel et un des citoyens ethabitans de ce desert, que les gentils et idolatres aveugles etdeçeus sous l'illusion diverse d'erreur, adorent et reverentsous le nom de faunes, pans, satyres et incubes. Je suis venu de lapart de ceux de ma trouppe, et compagnie vers toy pour te requerirqu'il te plaise de prier le commun Dieu et Seigneur de nous tous,pour nous misérables, lequel sçavons estre venu au mondepourle salut et rachat de tous les hommes, et que le son de saparole a esté semé et espandu par toute la terre. Cemonstre parlant ainsi, le voyager chargé d'ans etvénérable hermite Anthoine pleuroit ŕ chaudeslarmes, lesquelles couloyent le long de sa facehonnorable, non dedouleur, ains de joye.

ŤEn Hirlande, il s'y void et entend des malins espritsparmi les montagnes, et combien qu'aucuns disent que ce ne sont quedes fausses visions qui proviennent de ce que les habitans usent deviandes et breuvages vaporeux, comme de pain faict de chair depoisson seché. Et leur boire sont bieres fortes. Mais i'aysceu (asseurement) des Anglois qui y ont demeuré quelquesannées, qui vivoyent civilement et delicatement, qu'il y avoitdes esprits malins parmy les montagnes, lesquels molestent parleurs façons de faire et font peur aux voyageurs soit de jouret de nuict.

ŤPlusieurs autres démons luy ont donné de grandesfascheries en son desert, lui jettans sur son chemin des vaissellesd'or et d'argent, lesquelles chosesil voyoit soudains'esvanouir.ť

ŤLes Arabes qui, communément voyagent par les desertsde leurs pays, y voyent des visions espouvantables et quelquefoisdes hommes qui s'esvanouissent incontinent, entre autres Teuetatteste avoir ouy dire ŕ un truchement arabe qui le conduisoitpar l'Arabie déserte nommée Geditel, qu'un jourconduisant une caravanne par les deserts du royaume de Saphavien,le sixiesme de juillet, ŕ cinq heures du matin, luy Arabe etplusieurs de sa suite ouyrent une voix assez esclattante,etintelligible qui disoit en la mesme langue du pays: Nous avonslonguement cheminé avec vous. Il fait beau temps, suivons ladroitte voye. Avint qu'un folastre nommé Berstuth, quiconduisoit quelques trouppes de chameaux, qui toutesfoisn'apercevoit homme vivant, la part d'oů venoit cestevoix,respond: Mon compagnon, je ne sçay qui tu es, suy tonchemin. Lors ces paroles dites, l'esprit espouvanta si bien latrouppe composée de divers peuples barbares qu'un chascunestoit presque esperdu, et n'osoyent ŕgrand peine passeroutre.

ŤJésus-Christ fut tenté au desert par le malinesprit.

ŤEt voilŕ comme l'on peut recueillir que ce ne sontfables (de dire) qu'il y a des esprits malins par les deserts; etqu'il semble que Dieu permet qu'ils habitent plus tost ences lieuxescartez que lŕ oů demeurent les hommes ŕ fin qu'ilsn'en soyent si communément offensez. Comme fit l'ange Raphaelduquel est parlé en la saincte Escriture, au livre de Tobie,qui confina le demon qui avoit fait mourir sept maris ŕ lafille de Raguel aux deserts de la haute Egypte.

ŤD'autres démons fréquentent la mer et les eauxdouces, et dans icelles, et causent des naufrages aux navigeans etplusieurs autres maux, et y apparoissent des phantosmes. Et d'iceuxesprits, comme escrit Torquemada, il s'en void journellement sur larivičre Noire, en Norvege, qui sonnent des instrumens musicauxet lors cest signe qu'il mourra bien tost quelque grand du pays.J'ay veu et fréquenté avec un Espagnol qui par tourmentede mer fut jetté jusques aux mers, quisont environ les terresdu grand Khan de Tartarie, qu'il a veu souvent en cesrégions-lŕ de ces phantosmes tant sur mer que sur terre,notamment aux grandes solitudes de Mangy et deserts de Camul, etchoses si estranges que je ne les auseroy mettre par escrit, depeur qu'on ne les voulust croire.

ŤQuelqu'un pourra objecter qu'il n'est pas vraysemblableque les demons qui sont aux deserts de Lop, et d'ailleurs appellentles voyageans par leurs noms, d'autant qu'iceux n'ont organes pourpouvoir parler suivant ce que Jésus-Christ dit que les espritsn'ont ni chair ni os. Je respon, suivant en l'opinion de S.Augustin, S. Basile, Coelius Rodigin et Appulée, que les angesse peuvent former des corps aeriens, de la nature la plusterrestre, et par le moyen d'iceux parler comme firent ces troisanges qui apparurent ŕ Abraham. Et l'ange Gabriel, quiannonça la conception de Jésus-Christ ŕ la ViergeMarie. Et que les demons s'en peuvent aussi forger non pas d'unematiere si pure, mais plus abjecte.

ŤJ'ay parlé d'un monstre chevre-pied qui apparutŕ sainct Anthoine, que je pense avoir esté engendrépar le moyen de Satan, d'autre façon que les autres demons.Neantmoins il requit ce sainct personnage de prier Dieu pour luy etpour d'autres monstres habitans ce desert. Son corps n'estoit pointaérien mais charnel, comme ceux des boucs. Il fut prins etmené tout vif en Alexandrie vingt ans aprčs, au grandestonnement de tous ceux qui le virent, et combien qu'on le voulustnourrir curieusement quelques jours aprčs sa prise il mourut,et son corps fut salé et embaumé et puis portéŕ Antioche et présenté ŕ Constantin, fils dugrand Constantin.

ŤLycosthčne escrit estre avenu ŕ Rotwille enAlemagne, l'an de grâce 1545, que le diable fut veu en pleinmidi allant et se pourmenant par la place: cest ici que lescitoyens s'effroyčrent, craignans qu'ainsi qu'il avoit faitailleurs, il ne bruslast toute la ville. Mais chascun s'estant misen devotion de prier Dieu, et ordonner des jeunes et aumosnes, cemalin esprit lors s'en alla, et jaçoit que le diable viennepeu souvent vers nous si est ce queDieu le souffrant, il n'y vientpoint sans de bien grandes occasions, et pour estre l'executeur dela vengeance divine. Et ne nous faut point tourmenter sur ce queles demons sont si corporels,ainsi que vrayement tient la doctrinedes chrestiens, veu que Dieu le veut ainsi.

ŤIls se rendent sensibles et visibles par les moyens descorps empruntez ou formez en l'air ou en esblouissant le sens despersonnes, et leur présentant des idées enl'âme,qu'ils pensent voir par la veüe extérieureainsi que S. Augustin dit, qu'aucuns de son temps pensoyent estretransmuez par quelques sorcičres en bestes ŕ corne,lŕ oů le bon sainct ne voyoit autre cas que la figure del'homme, mais le sens visible de ceux-cy estant ensorcelé etperverti par la force de l'imagination causoit l'opinion de leurchangement oů l'effect estoit tout au contraire. Suivant cesdiscours, il se void que par tout les demons ou diables s'efforcentde nuire ŕ l'homme, encor qu'il se retire au plus hideux etinhabitable desert du monde, soit qu'il habite dans les pluspopuleuses villes, tousiours taschera-il de le fairetresbucher.ť

Lavater[1], ministre calviniste, admet avec beaucoup deméfiance les faits surnaturels; son ouvrageestprécédé de plusieurs chapitres oů il racontedes faits merveilleux en apparence et qui pour lui ne sont que dessupercheries; ils ont pour titres:

[Note 1:Trois livres Des apparitions des esprits, fantosmes,prodiges, etc. composez par Loys Lavater, plustrois questionsproposées et résolues, par M. Pierre Martyr. Geneve, Fr.Perrin, 1571, in-12.]

ŤCH. I. Les mélancholiques et insensez s'impriment enla fantasie beaucoup de choses dont il n'est.

ŤCH. II. Gens craintifs se persuadent de voir et ouďrbeaucoup de choses espouvantables dont il n'est rien.

ŤCH. III. Ceux qui ont mauvaise vue et ouďe imaginentbeaucoup de choses qui ne sont pas.

ŤCH. IV. Beaucoup de gens se masquent, pour faire que ceuxausquels ils s'adressent, pensent avoir veu et ouď desesprits.

ŤCH. V. Les prestres et moines ont contrefait les espritset forgé des illusions comme un nommé Mundus abusa dePaulina par ce moyen, et Tyrannus de beaucoup de nobles ethonnestes femmes.

ŤCH. VI. Timothée Aelurus ayant contrefait l'ange,usurpe une couschée: quatre jacopins de Berne ont forgébeaucoup de visions et de ce qui s'en est ensuivi.

ŤCH. VII. L'histoire du faux esprit d'Orléans.

ŤCH. VIII. D'un curé de Clavenne qui apparut ŕune jeune fille et luy fit croire qu'il estoit la Vierge Marie etd'un autre qui contrefit l'esprit; ensemble du cordelier escossoiset du jésuite qui contrefit le le diable ŕAusbourg.ť

Voici cette derničre histoire:

ŤPendant que j'escrivois cet oeuvre, j'ay entendu par desgens dignes de foy, qu'en l'an 1569 il y avoitŕ Ausbourg,ville fort renommée d'Allemagne, une servante et quelquesserviteurs d'une grande famille qui ne tenoyent pas grand compte dela secte des jésuites au moyen de quoy l'un de ceste sectepromit au maistre qu'il feroit aisément changer d'opinionŕses serviteurs. Pour ce faire, aprčs s'estredéguisé en diable, il se cacha en quelque lieu de lamaison oů la servante allant quérir quelque chose de songré, ou y estant envoyée par son maître, trouva cejésuite endiablé qui luy fit fort grand peur. Elle containcontinent le tout ŕ un de ses serviteurs, l'exhortant den'aller en ce lieu-lŕ. Toutefois peu aprčs il y vint, etcomme ce diable desguisé vouloit se ruer dessus, il desgaineson poignard et perce le diable de part en part, tellement qu'ildemeure mort sur la place. Cette histoire a esté écriteet imprimée en vers allemans, et est maintenant entre lesmains de tout le monde.

II.—APPARITIONS DU DIABLE

Le Loyer[1] prétend que les démons paraissent plusvolontiers dans les carrefours, dans lesforęts, dans lestemples paďens et dans les lieux infestésd'idolâtrie, dans les mines d'or et dans les endroits oůse trouvent des trésors.

[Note 1:Discours et histoires des spectres, visions etapparitions, par P. Le Loyer. Paris, Nic. Buon, 1605, in-4°,p. 340.]

Nous lui empruntons l'histoire suivante:

ŤUn gendarme nommé Hugues avait été pendantsa vie un peu libertin et mesme soupçonnéd'hérésie. Comme il étoit prčs de la mort, unegrande trouppe d'hommes se présenta ŕ luy et le plusapparent d'entre eux luy dit: Me connois-tu bien, Hugues?—Quies-tu, répondit Hugues?—Je suis, dit-il, le puissant despuissants, et le riche des riches. Si tu crois que je te puispréserver du péril de mort, je te sauveray et ferai quetu vivras longuement. Afin que tu sçaches que je te dis vray,sçaches que l'empereur Conrad est ŕ ceste heure paisiblepossesseur de son empire et a subjugué l'Allemagne et l'Italieen bien peu de temps. Il luy dit encore plusieurs autres choses quise passoient par le monde. Quand Hugues l'eut bien escouté, ilhaussa la main dextre pour faire le signe de la croix, disant:J'atteste mon Dieu et Seigneur Jésus-Christ, que tu n'es autrequ'un diable menteur. Alors le diable lui dit: Ne hausse pas tonbras contre moy et tout aussitost ceste bandede diables disparutcomme fumée. Et Hugues, le męme jour de la vision,trespassa le soir.ť

Le Loyer raconte aussi[1] cette autre apparition du diable:

[Note 1:Discours et histoires des spectres, etc., page 317.]

ŤEn la ville de Fribourg, du temps de Frédéric,second du nom, un jeune homme bruslé par trop ardemment del'amour d'une fille de la mesme ville, pratiqua un magicien auquelil promit argent, s'il pouvoit par son moyen jouir de l'amour de lafille. Le magicien le mene de belle nuit en un cellier escartéoů il dresse son cercle, ses figures et ses caractčresmagiques, entre dans le cercle et y fait pareillement entrerl'escolier. Les esprits appelez se présentent mais en diversesformes, fantosmes et illusions… Enfin le plus meschant diablede tousse montre ŕ l'escolier en la forme de la fille qu'ilaymoit et en contenance fort joyeuse s'approche du cercle.L'escolier aveuglé et transporté d'amour, estend sa mainhors le cercle pour penser prendre la fille, mais tout content, lediable lui saisit lamain, l'arrache du cercle et le rouant outournant deux ou trois tours lui casse et brise la tęte contrela muraille du celier, et jeta le corps tout mort sur le magicien,et ce fait luy et les autres esprits disparurent.

ŤIl ne faut pas demander si le magicien fut bieneffrayé ŕ ce piteux spectacle, se voyant en outrechargé du pesant fardeau de l'escolier. Il ne bougea de lanuit de l'enclos de son cercle, et le lendemain matin il se fit sibien ouďr criant et lamentant, qu'on accourt ŕ son cry etest trouvé ŕ demy mort avec le corps de l'escolier et estdégagé ŕ toute peine.ť

ŤAu surplus, dit Le Loyer[1], quant auxhérétiques et hérésiarques de nostre temps, ilsne se trouveront pas plus exempts d'associations avec le diable etde ses visions. Car Luthera eu un démon, et a esté siimpudent que de le confesser bien souvent par ses écrits. Jene le veux faire voir que par un traicté qu'il a faict de lamesse angulaire, oů il se descouvre ouvertement et ditqu'entre luy et le diable y avoit familiarité biengrande, etqu'ils avoient bien mangé un muy de sel ensemble. Que lediable le visitoit souvent, parloit ŕ luy fort privément,le resveilloit de nuict, et le provocquoit d'escrire contre lamesse, luy enseignant des arguments dont il se pourroit servir pourl'impugner.

[Note 1: Męme ouvrage, p. 297.]

ŤMais Luther est-il seul qui ŕ sa confusion estcontraint de confesser sa conférence avec le diable? Il y aaussi Zwingle, sacramentaire qui dit que resvant profondémentune nuict sur le sens des paroles de Jésus-Christ: Cecy estmon corps, se présente ŕ luy un esprit, qu'il est endoute s'il estoit blanc ou noir, qui lui enseigna d'interpreter lepassage de l'Écriture sainte d'une autre façon quel'Église des catholiques ne l'interprétoit et dire queces mots:Cecy est mon corps, valaient tout autant comme qui diroit:Cecy signifie mon corps…

ŤAlors que Bucere, disciple de Luther, estoit en l'agoniede la mort, un diable s'apparut en la chambre oů il estoit ets'approchant peu-ŕ-peu auprčs de son lit, non sansessayer les présens poussa rudement Bucere et le fit tomber enla place oů il trespassa ŕ l'instant.

ŤC'est aussy chose qu'on tient pour toute véritable etainsi l'affirme Érasme Albert, ministre de Basle, que troisjours devant que Carolostade trespassa, le diable fut veu prčsde luy en forme d'homme de haute et énorme stature, commeCarolostade preschoit. Ce fut un présage de la mort future decet hérétique.ť

Dans l'affaire des possédées de Louviers, suivant lePčre Bosroger[1],

[Note 1:La Piété affligée,ou Discours historiqueet théologique de la possession desreligieuses dictes de Saincte-Élisabethde Louviers, etc., par le R.P. Esprit deBosroger. Rouen, Jean Le Boulenger, 1652,in-4°, p. 137.]

ŤLa soeur Marie de Saint-Nicholas apperceut deux formeseffroyables, l'une représentait un vieil homme avec une grandebarbe, lequel ressemblait ŕ nostre faux spirituel; cephantosme qu'elle apperceut ŕ quatre heures du matin, environle soleil levant s'assit sur les pieds de sa couche, et luy ditd'un ton d'homme désespéré: Je viens de voirMadelčne Bauan, et la soeur du Saint-Sacrement; ah queMadelčne est méchante! elle est entičrement ŕnous, mais l'autre nous ne la sçaurions gagner. Ce spectreobligea la soeur Marie de Saint-Nicholas de recourir ŕ Dieu enfaisant le signe de la croix, et aussitost elle futdélivrée de ce phantosme; l'autre estoit seulement commeune teste grosse et fort noire, que cette fille envisagea en pleinjour ŕ la fenestre d'un grenier, laquelle donnoit dans celuioů elle travailloit; cette teste la regarda long-temps, et luycausa une grande frayeur, elle ne laissa pourtant de laconsidérer attentivement, jusqu'ŕ ce qu'elle remarqua quecette teste commençoit ŕ descendre de la fenestre; carpour lors elle fut saisie depeur, et se retira, puis aussitostayant pris courage, elle alla dans le grenier oů la formeavoit paru, mais elle n'y trouva plus rien, sinon quelque tempsaprčs qu'elle avisa dans le meme endroit des cordes qui serouloient d'elles-memes et l'on voyoittomber le linge dont ellesétoient chargées; souvent on renversoit les meubles et onentendoit des bruits épouvantables.ť

D'aprčs le męme auteur, dans la męmeaffaire[1],

[Note 1:La Piété affligée, p. 421.]

ŤUn homme ayant apporté ŕ Picard une lettred'importance arriva ŕ onze heures de nuit ŕ sonpresbytčre passant au travers de la cour close d'un mur, etentra dans la cuisine qui étoit ouverte, oů il trouvaPicard courbé sur la table, et un homme noir et inconnuvis-ŕ-vis de luy. Picard luy feit sa réponse de bouche,passa de la cuisine dans une chambre basse, laquelle il trouvapareillement ouverte; aussitost le déposant entendit un cryeffroyable dont il avoit eu grand peur: ce vilain homme noir etinconnu luy reprocha qu'il trembloit, et avoit peur.ť

Crespet[1] cite d'autres apparitions du diable:

[Note 1:Deux livres de la hayne de Sathan et malins espritscontre l'homme et de l'homme contre eux, par P. P. Crespet, prieurdes Célestins de Paris. 1590, in-12, p. 379.]

ŤOr le bon Pčre Cesarius dans ses exemples dit bienautrement d'une concubine de prestre, laquelle voyant que sonpaillard désespéré s'estoit tué soy-mesme,s'alla rendre nonnain oů estant ŕ cause qu'elle n'avoitentičrement confessé ses pechez, fut vexée d'undiable incube qui la tourmentoit toutes les nuicts, pour a quoyobvier, elle s'advisa de faire une confession générale detous ses péchez. Ce qu'ayant faict, jamais le diablen'approcha d'elle depuis.

ŤJe ne puis omettre, ajoute-t-il, ce que ŕ ce proposje trouve čs archives de ce monastčre oů jeréside, qu'un bon religieux plein de foy (1504) voyant que lediable se meslant parmy les esclairs de tonnerre estoit entréen l'église oů les religieux estoient assemblez pourprier Dieu, et qu'il vouloit tout renverser et prophaner leschosesdédiées ŕ Dieu, se vint constammentprésenter armé du signe de la croix et commanda au nom decrucifix ŕ Sathan de désister et sortir de la maison deDieu, ŕ la voix duquel il fut forcé d'obéir, et seretirer sans aucune offence.ť

ŤMais entre tous les contes, desquels j'aye jamais entenduparler, ou veu, dit Jean des Caurres[1], cestui-cy est digne demerveille, lequel est advenu depuis peu de temps ŕ Rome.Unjeune homme, natif de Gabie, en une pauvre maison, et de parentsfort pauvres, estant furieux, demauvaise condition et de meschanteconversation de vie, injuria son pčre, et luy fit plusieurscontumélies; puis estant agité de telle rage, il invoquale diable, auquel il s'estoit voué: et incontinent se partitpour aller ŕ Rome, et ŕ celle fin entreprendre quelqueplus grande meschanceté contre son pčre. Il rencontra lediable sur le chemin, lequel avoit la face d'un homme cruel, labarbe et les cheveux mal peignez, la robe usée et orde, lequellui demanda en l'accompagnant la cause de sa fascherie ettristesse. Il lui respondit qu'il avoit eu quelques paroles avecson pčre, et qu'il avoit délibéré de luy faireun mauvais tour. Alors le diable luy fit réponse que telinconvénient luy estoit advenu; et ainsi le pria-il de leprendre pour compagnon, et ŕ celle fin que ensemble ils sevengeassent des torts qu'on leur avoit faicts. La nuit doncquesestant venue, ils se retirčrent en une hostelerie, et secouchčrent ensemble. Mais le malheureux compagnon print ŕla gorge le pauvre jeune homme, qui dormoit profondément etl'eust estranglé, n'eust esté qu'en se réveillant ilpria Dieu. Dont il advint que ce cruel et furieux se disparut, eten sortant estonna d'un tel brui et impétuosité toute lachambre que les solives, le toict et les thuilles endemeurčrent toutes brisées. Le jeune hommeespouvanté de ce spectacle, et presque demy mort, se repentitde sa meschante vie et de ses meffaicts, et estant illuminéd'un meilleur esprit, fut ennemy des vices, passa sa vie loing destumultes populaires et servit de bon exemple. Alexandre escrittoutes ces choses.ť

[Note 1:Oeuvres morales et diversifiées en histoires, etc.,par Jean des Caurres. Paris, Guill.Choudičre, 1584, in-8°, p. 390.]

ŤLorsque j'étudiais en droit en l'académie deWitemberg, dit Godelman[1],cité par Goulart[2], j'ay ouysouvent reciter ŕ mes précepteurs qu'un jour, certainvestu d'un habit estrange vint heurter rudement ŕ la ported'un grand théologien, qui lors lisoit en icelleacadémie, et mourut l'an 1516. Le valet ouvre et demande qu'ilvouloit? Parler ŕ ton maistre, fit-il. Le théologien lefait entrer: et lors cest estranger propose quelques questions surles controverses qui durent sur le fait de la religion. A quoi lethéologien ayant donné prompte solution, l'estranger enmit en avantde plus difficiles, le théologien lui dit: Tu medonnes beaucoup de peine: car j'avois le présent autre choseŕ faire et la dessus se levant de sa chaire montre en un livrel'exposition de certain passage dont ils débatoyent. En cestestrif il aperçoit que l'estranger avoit au lieu de doigts despattes et des griffes comme d'oyseau de proye. Lors il commenceŕ lui dire: Est-ce toi donc? Escoute la sentenceprononcée contre toi (lui monstrant le passage dutroisičme chapitre de Genese): La semence de la femme briserala teste du serpent. Il adjousta: Tu ne nous engloutiras pas tous.Le malin esprit tout confus, despité et grondant, disparutavec grand bruit, laissant si puante odeur dedans le poisle qu'ils'en sentit quelques jours aprčs, et versa del'encrederričre le fourneau.ť

[Note 1: Jean-George Godelman, docteur en droit ŕ Rostoch,au traitéDe magis, veneficis, lamis, etc., livre 1, ch.III.]

[Note 2:Thrésor d'histoires admirables et mémorablesde nostre temps, recueillies de divers autheurs,mémoires etavis de divers endroits.Paris, 1600, 2 vol. in-12.]

Le męme auteur fournit encore cette autre histoire ŕGoulart:

ŤEn la ville de Friberg en Misne, le diable seprésente en forme humaine ŕ un certain malade, luimonstrant un livre et l'exhortant de nombrer les péchez dontil se souviendroit, pour ce qu'il vouloit les marquer en ce livre.Du commencement le malade demeura comme muet: mais recouvrant etreprenant ses esprits, il respond. C'est bien dit, je vay tedeschifrer par ordre mes péchez.Mais escri au dessus engrosses lettres: La semence de la femme brisera la teste duserpent. Le diable, oyant cette condamnation sienne s'enfuit,laissant la maison remplie d'une extręme puanteur.ť

Goulart emprunte celle-ci ŕ Job Fincel[1]:

[Note 1: Job Fincel, au premier livreDes Miracles.]

ŤL'an mil cinq cens trente quatre, M. Laurent Touer,pasteur en certaine ville de Saxe, voyant quelques jours devantPasques ŕ conférer avec aucuns du lieu, selon lacoustume, des cas divers et scrupules de conscience,Satan en formed'homme lui apparut et le pria de permettre qu'il communiquast aveclui; sur ce il commence ŕ desgorger des horriblesblasphčmes contre le Sauveur du monde. Touer lui résisteet le réfute par tesmoignages formels recueillis del'Escriture sainte, que ce malheureux esprit tout confus, laissantla place infectée de puanteur insupportables'esvanouit.ť

ŤUn moine nommé Thomas, dit Alexandre d'Alexandrie[1],personnage digne de foy, et la preud'hommie duquel j'ayesprouvée en plusieurs afaires m'a raconté pour chosevraye, avec serment, qu'ayant eu debat de grosses paroles aveccertains autres moines, aprčs s'estre dit force injures depart et d'autre, il sortit tout bouillant de cholere d'avec eux etse promenant seul en un grand bois rencontra un homme laid, deterrible regard, ayant la barbe noire, et robe longue. Thomas luidemande oů il alloit? J'ay perdu, respondit-il, ma monture, etvai la cercher en ces prochaines campagnes. Sur ce ils marchent decompagnie pour trouver ceste monture, et serendent pres d'unruisseau profond. Le moine commence ŕ se deschausser pourtraverser ce ruisseau: mais l'autre le presse de monter sur sesespaules, promettant le passer ŕ l'aise. Thomas le croid, etchargé dessus l'embrasse par le col: mais baissant lesyeuxpour voir le gué, il descouvre que son portefaix avoit despieds monstrueux et du tout estranges. Dont fort estonné, ilcommence ŕ invoquer Dieu ŕ son aide. A ceste voix,l'ennemi confus jette sa charge bas, et grondant de façonhorrible disparoît avec tel bruit et de si extraordinaireroideur, qu'il arrache un grand chesne prochain et en fracassetoutes les branches. Thomas demeura quelque temps comme demy-mort,par terre, puis s'estant relevé, reconnut que peu s'en estoitfalu que ce cruel adversaire ne l'eust fait perir de corps etd'ame.ť

[Note 1: Au IVe livre, chap. XIX de sesJours géniaux,cité par Goulart,Thrésord'histoires admirables, t. Ier, p. 535.]

III.—ENLČVEMENTS PAR LE DIABLE

J. Wier[1] rapporte cette histoire d'une femme emportée parle diable:

[Note 1:Histoires, disputes et discours des illusions etimpostures des diables, des magiciens, infames, sorciers etempoisonneurs, le tout compris en 5 livres, traduit du latin, deJean Wier, sans date, vers 1577.]

ŤL'an 1551 il advintprčs Mégalopole joignantWildstat, les festes de la Pentecoste, ainsi que le peuple seamusoit ŕ boire et ivrongner, qu'une femme que estoit de lacompagnie, nommoit ordinairement le diable parmy ses jurements,lequel en la présence d'un chacun l'enleva par la porte, et laporta en l'air. Les autres qui estoyent présens sortirentincontinent tous estonnez pour voir oů ceste femme estoitainsi portée, laquelle ils virent hors du village penduequelque temps au haut de l'air, dont elle tomba en bas et latrouvčrent aprčs morte au milieu d'un champ.ť

D'aprčs Textor[1]: ŤIl y en eut un lequel ayant tropbeu, se print ŕ dire, en follastrant, qu'il ne pouvoit avoirune ame, puisqu'il ne l'avoit point veuë. Son compagnonl'acheta pour le prix d'un pot de vin, et larevendit ŕ untiers lŕ présent et inconnu lequel tout ŕ l'heuresaisit et emporta visiblement ce premier vendeur au grandestonnement de tous.ť

[Note 1: En sonTraicté de la nature du vin, liv I, ch.XIII, cité par Goulart,Thrésor des histoires admirables,t. III, p. 67.]

Crespet[1] cite d'autres exemples d'enlčvements par lediable: ŤTesmoing, dit-il, ce grand usurier quiderničrement voyant que les bleds estoient ŕ bon prix sedesespera et appellant le diable il le veit incontinent ŕ sonsecours, qui l'emporta au haut d'un chesne et le jectant du haut enbas, lui rompit le col.

[Note 1:De la hayne de Sathan, p. 379.]

ŤUn autre qui avoit perdu son argent au jeu; apres qu'ileut blasphemé le nom de Dieu et de la Vierge Marie, futvisiblement emporté par le diable, auquel il s'estoitvoué.ť

Chassanion[1] rapporte que ŤJean François Picus, comtede la Mirande, tesmoigne avoir parlé ŕ plusieurs lesquelss'estant abusez aprčs la veine espérance des chosesŕ venir, furent par apres tellement tourmentez du diable aveclequel ils avoyent fait certain accord, qu'ils s'estimeroyent bienheureux d'avoir la vie sauve. Dit d'avantage que de son temps il yeut un certain magicien, lequel promettoit ŕ un trop curieuxet peu sage prince de lui représenter comme en unthéâtre du sičge de Troyes, et lui faire voirAchilles et Hector enla maničre qu'ils combattoyent. Mais ilne peut l'exécuter se trouvant empesché par un autrespectacle plus hideux de sa propre personne. Car il futemporté en corps et en âme par un diable sans que depuisil soit comparu.ť

[Note 1: En sonHistoire des jugemens de Dieu, liv. I, ch. II,cité par Goulart,Thrésor des histoires admirables, t. II,p. 718.]

Le Loyer[1] raconte encore cette histoire d'un diable noyant unanabaptiste:

[Note 1:Discours et histoires des spectres, etc., p. 332.]

ŤEn Pologne, dit-il, un chef et prince d'anabaptistesinvita aucuns de sa secte ŕ son baptesme les assurant qu'ils yverroient merveilles et que le saint esprit descendrait visiblementsur luy. Les invitez se trouvent au baptesme, mais comme cetanabaptiste qui devait ętre baptisé mettait le pied dansla cuve pleine d'eau, incontinent, non le saint esprit, quin'assiste point les hérétiques, ains l'esprit deseptentrion qui est le diable, apparoist visiblement devant tous,prend l'anabaptiste par les cheveux, l'éleve en l'air et tantet tant de fois luy froisse la teste et le plonge en l'eau qu'il lelaissa mort et suffoqué dans la cuve.ť

ŤNous lisons aussi que le baillif de Mascon, magicien, futemporté, dit J. des Caurres[1], par les diables ŕ l'heuredu disner, il fut mené par trois tours ŕ l'entour de laville de Mascon, en la présence de plusieurs oů il criapar trois fois: Aydez-moy, citoyens, aidez-moy. Dont toute la villedemeura estonnée, et luy perpétuel compagnon des diables,ainsi que Hugo de Cluny le monstre ŕ plein.ť

[Note 1:Oeuvres morales et diversifiées et histoires, p.392.]

ŤUn homme de guerre voyageant par le marquisat deBrandebourg, ŕ ce que rapporte Simon Goulart[1], d'aprčsJ. Wier[2], se sentant malade et arresté ŕ unehostellerie, bailla son argent ŕ garder ŕ son hostesse.Quelques jours aprčs estant guéri il le redemanda ŕceste femme, laquelle avoit déjŕ délibéréavec son mari de le retenir, par quoy elle lui nia le dépost,et l'accusa comme s'il lui eust fait injure: le passant aucontraire, se courrouçoit fort, accusant de desloyauté etlarcin cette siene hostesse. Ce que l'hoste ayant entendu, maintintsa femme, et jetta l'autre hors de sa maison, lequelcholéré de tel affront tire son espée et en donne dela pointe contre la porte. L'hoste commence ŕ crier au voleur,se complaignant qu'il vouloit forcer sa maison. Ce qui fut causeque le soldat fut pris, mené en prison, et son procčsfait par le magistrat, prest ŕ le condamner ŕ mort.Lejour venu que la sentence devoit estre prononcée etexécutée le diable entra en la prison, et annonça auprisonnier qu'il estoit condamné ŕ mourir; toutefois ques'il vouloit se donner ŕ lui, il lui promettoit de le garantirde tout mal. Le prisonnier fitresponse qu'il aimoit mieux mouririnnocent que d'estre délivré par tel moyen. Derechef lediable lui ayant représenté le danger oů il estoit,et se voyant rebuté, fit néantmoins promesse de l'aiderpour rien et faire tant qu'il le vengeroit de ses ennemis. Il luiconseilla donc lorsqu'il seroit appelé en jugement demaintenir qu'il étoit innocent et de prier le juge de luibailler pour advocat celui qu'il verroit lŕ présent avecun bonnet bleu: c'est assavoir lui qui plaideroit la cause. Leprisonnier accepte l'offre et le lendemain, amené au parquetde justice, oyantl'accusation de ses parties et l'advis du juge,requiert (selon la coustume de ces lieux lŕ), d'avoir unadvocat qui remonstrast son droit: ce qui lui fut accordé. Cefin Docteur es loix commence ŕ plaider et ŕ maintenirsubtilement sa partie, alléguant qu'elle estoit faussementaccusée, par conséquent mal jugée; que l'hoste luidétenoit son argent et l'avoit forcé; mesmes il racontacomme tout l'affaire estoit passé, et déclaira le lieuoů l'argent avoit esté serré. L'hoste au contrairese défendoit, et nioit tant plus impudemment, se donnant audiable, et priant qu'il l'emportast, s'il estoit ainsi qu'il l'eustpris. Alors ce Docteur au bonnet bleu, laissant les plaids,empoigne l'hoste, l'emporte dehors du parquet, et l'esleve si hauten l'air que depuis on ne peut sçavoir qu'il estoitdevenu.ť Paul Eitzen[3] dit que ceci avint l'an 1541 et que cesoldat revenoit de Hongrie.

[Note 1:Thrésor d'histoires admirables, tome I, p.285.]

[Note 2: Au IVe livrede Praestigiis Daemonum, ch. XX.]

[Note 3: Au VIe livre de sesMorales, ch. XVIII.]

Les męmes auteurs nous font encore connaître les deuxhistoires suivantes:

ŤUn autre gentilhomme coustumier de se donner aux diables,allant de nuict par pays,accompagné d'un valet, fut assaillid'une troupe de malins esprits, qui vouloyent l'emmener ŕtoute force. Le valet désireux de sauver son maistre, commenceŕ l'embrasser. Les diables se prennent ŕ crier:ŤValet lasche priseť; mais le valet perséverant ensadélibération, son maistre eschappa.ť

ŤEn Saxe, une jeune fille fort riche promit mariage ŕun beau jeune homme mais pauvre. Lui prevoyant que les richesses etla légčreté du sexe pourroyent aisement fairechanger d'avis ŕ ceste fille, lui descouvrit franchement cequ'il en pensoit. Elle au contraire commence ŕ lui faire milleimprécations, entre autres celle qui s'ensuit: Si j'enépouse un autre que le diable m'emporte le jour des nopces.Qu'avient-il? Au bout de quelque temps l'inconstante estfiancée ŕun autre, sans plus se soucier de celui-ci, quil'admonneste doucement plus d'une fois de sa promesse, et de sonhorrible imprécation. Elle hochant la teste ŕ tellesadmonitions s'appreste pour les espousailles avec le second: maisle jour des nopces, lesparens, alliés et amis faisans bonnechere, l'espousée esveillée par sa conscience semonstroit plus triste que de coustume. Sur ce voici arriver en lacour du logis oů se faisoit le festin, deux hommes de cheval,qu'on ameine en haut, oů ils se mettent ŕtable, etaprčs disné, comme l'on commençoit ŕ danser, onpria l'un d'iceux (comme c'est la coustume du pays d'honorer lesestrangers qui se rencontrent en tels festins) de mener danserl'espousée. Il l'empoigne par la main et la pourmeine par lasalle: puis en présence des parens et amis, il la saisitcriant ŕ haute voix, sort de la porte de la salle, l'enleve enl'air, et disparoit avec son compagnon et leurs chevaux. Lespauvres parens et amis l'ayans cherchée tout ce jour, comme ilcontinuoyent le lendemain, esperans la trouver tombée quelquepart, afin d'enterrer le corps, rencontrent les deux chevaliers,qui leur rendirent les habits nuptiaux avec les bagues et joyaux dela fille, adjoutans que Dieu leur avoit donné puissance surceste fille et non sur les acoustremens d'icelle, puiss'esvanouirent.ť

Goulard répčte aussi cette attaque du diablerapportée par Alexandre d'Alexandrie[1]:

[Note 1: Au IIe livre de sesJours géniaux.]

ŤUn mien ami, homme de grand esprit, et digne de foy estantun jour ŕ Naples chez un sien parent, entendit de nuit la voixd'un homme criant a l'aide, qui fut cause qu'il aluma la chandelle,et y courut pour voir que c'estoit. Estant sur le lieu, il vid unhorrible fantosme, d'un port effroyable et du tout furieux, lequelvouloit ŕ toute force entrainer un jeune homme. Le pauvremisérable crioit et se défendoit, mais voyant aprochercelui-ci soudain il courut au devant, l'empoigne par la main etsaisit sa robe le plus estroitement qu'il lui fut possible etaprčs s'estre long temps débattu commence ŕ invoquerle nom et l'aide de Dieu et eschappe, le fantosme disparoissant.Mon ami meine en son logis ce jeune homme, pretendant s'en desfairedoucement, et le renvoyer chez soy. Mais il ne sceut obtenir cepoinct, car le jeune homme estoit tellement estonné qu'on nepouvoit le rassurer, tressaillant sans cesse de la peur qu'il avoitpour si hideuse rencontre. Ayant enfin reprins ses esprits, ilconfessa d'avoir mené jusques alors une fort méchantevie, esté contempteur de Dieu, rebelleŕ pčre etŕ mčre, ausquels il avoit dit et fait tant d'injures etoutrages insupportables qu'ils l'avoyent maudit. Sur ce il estoitsorti de la maison et avoit rencontré le bourreaususmentionné.ť

Goulart[1] raconte encore d'autres histoiresd'enlčvementspar le diable d'aprčs divers auteurs:

[Note 1:Thrésor d'histoires admirables, t. I, p. 538.]

ŤUn docteur de l'académie de Heidelberg ayantdonné congé ŕ certain sien serviteur de faire unvoyage en son pays, au retour comme ce serviteur aprochoit deHeidelberg, il rencontre un reître monté sur un grandcheval, lequel par force l'enlčve en croupe, en tel estat ilessaye d'empoigner son homme pour se tenir plus ferme; mais lereître s'esvanouit. Le serviteur emporté par le chevalbien haut en l'air, fut jetté bas prčs d'un pont hors laville, oů il demeura quelques heures sans remuer pied ni main:enfin revenu ŕ soi, et entendant qu'il estoit prčs de sonlieu, reprint courage, se rendit au logis, oů il fut six moisentiers attaché au lict, devant que pouvoirse remettre enpied[1].ť

[Note 1: Extrait duMirabiles Historiae de spectris, Leipzig,1597.]

ŤPrčs de Torge en Saxe, certain gentilhomme sepromenant dans la campagne, rencontre un homme lequel le salue, etlui offre son service. Il le fait son palefrenier. Le maistre nevaloit gueres. Le valet estoit la meschanceté mesme. Un jourle maistre ayant ŕ faire quelque promenade un peu loin, ilrecommande ses chevaux, spécialement un de grand prix ŕce valet, lequel fut si habile que d'enlever ce cheval en une forthaute tour. Comme le maistre retournoit, son cheval qui avoit lateste ŕ la fenestre le reconnut, et commence ŕ hennir. Lemaistre estonné, demande qui avoit logé son cheval en sihaute escuirie. Ce bon valet respond que c'estoit en intention dele mettre seurement afin qu'il ne se perdist pas, et qu'il avoitsoigneusement executé le commandement de son maistre. On eutbeaucoup de peine ŕ garrotter la pauvre beste et la devaleravec des chables du haut de la tour en bas.Tost aprčs quelquesuns que ce gentilhomme avoit volez, deliberans de le poursuivre enjustice, le palefrenier lui dit: Maistre, sauvez-vous, luimonstrant un sac, duquel il tira plusieurs fers arrachez par luides pieds des chevaux, pour retarder leur course au voyage qu'ilsentreprenoyent contre ce maistre: lequel finalement attrappéet serré prisonnier, pria son palefrenier de lui donnersecours. Vous estes, respond le valet, trop estroitementenchaisné; je ne puis vous tirer de lŕ. Mais le maistrefaisant instance, enfin le valet dit:Je vous tireray decaptivité moyennant que vous ne fassiez signe quelconque desmains pour penser vous garantir. Quoi accordé, il l'empoigneavec les chaines, ceps et manottes, et l'emporte par l'air. Cemisérable maistre esperdu de se voir en campagne sinouvellepour lui conmence ŕ s'escrier: Dieu éternel, oům'emporte-on? Tout soudain le valet (c'est-ŕ-dire Satan) lelaisse tomber en un marest. Puis se rendant au logis, fait entendreŕ la damoiselle l'estat et le lieu ou estoit son mari, afinqu'on l'allast desgager et delivrer.ť

Des Caurres[1] raconte que Ťŕ la montagne d'Ethna, nongučres loin de l'île de Luppari, montagne qu'on appellela gueule d'enfer, Dieu monstra la peine des damnez. Il y a si longtemps qu'elle brusle et tout demeure en son entier, comme feraenfer, quand elle auroit autant entier que toute l'Italie, elledevroit estre consommée. On entend lŕ cris etcomplainctes, et les ennemis et mauvais esprits meinent lŕgrand bruict, et suscitent de grandes tempestes sur la merprčs de cestemontagne. De nostre temps un prélataprčs son trespas, fut trouvé en chemin par ses amis,lequel se disoit estre damné et qu'il s'en alloit en cestemontaigne. Il n'y a pas encor longtemps qu'une nef de Sicile abordalŕ, en laquelle y avoit un pčre gardiende ce pays-lŕavec son compagnon, le Diable luy dit qu'il le suivist pour fairequelque chose que Dieu avoit ordonné. Et soudain futporté par luy en une cité assez loin de lŕ. Et quandil fut lŕ, le mauvais esprit le conduit au sépulchre del'Evesque dulieu, qui estoit mort depuis trois mois: Et luicommanda de despouiller ses habillemens épiscopaux, et lui ditapres: Ces habillemens soyent ŕ toy, et le corps ŕ moycomme est son âme; dans une demie heure, ledit religieux futrapporté audit navire, et racompta ce qu'il avoit veu. Pourvérifier cecy le patron du navire fit voile vers cestecité: le sépulchre fut ouvert et trouvčrent que lecorps n'y estoit point. Et ceux qui l'avoient revestu aprčs samort recogneurent les dicts habillemens épiscopaux. Un hommede bien, et grand prescheur d'Italie, a mis cecy en escript, qui acogneu ces gens-lŕ.ť

[Note 1:Oeuvres morales et diversifiées, p. 378.]

ŤEn ce mesme temps, continue des Caurres, y avoit en Sicileun jeune homme addonné ŕ toute volupté, ŕ jeux,et reniemens: lequel le vice-roy de Sicile, envoya un soir, en unmonastčre pour quérir une salade d'herbes: en cheminsoudain il fut ravy en l'air, et on ne le vit plus. Un peu de tempsaprčs un navire passoit auprčs de ceste montagne, etvoicy une voix qui appelle par deux fois le patron du navire, etvoyant qu'il ne respondoit point pour la troisičme, ouit ques'il n'arrestoit il enfondroit le navire. Le patron demande cequ'il vouloit, qui respondit: Je suis le diable, et di au vice-royqu'il ne cerche plusun tel jeune homme, car je l'ay emporté,et est icy avec nous: voicy la ceinture de sa femme qu'il avoitprinse pour jouer; laquelle ceinture il jette sur lenavire.ť

IV.—MÉTAMORPHOSES DU DIABLE

Le diable apparaît sous toutes sortes de figures.

ŤQue diray-je davantage? lit-on dans l'ouvrage de LeLoyer[1]. Il n'y a sorte de bestes ŕ quatre pieds que lediable ne prenne, ce que les hermites vivans es déserts ontassez éprouvé. A sainct Anthoine qui habitoit esdéserts de la Thébaďde les loups, les lions, lestaureaux se présentoient ŕ tous bouts de champ; et puisŕ sainct Hilarion faisant ses pričres se monstroittantost un loup qui hurloit, tantost un regnard qui glatissoit,tantost un gros dogue qui abbayoit. Et quoy? le diable n'auroit-ilpas été si impudent mesmes, que ne pouvant gaigner leshermites par cette voye, il se seroit montré, comme il fitŕ sainct Anthoine, en la forme que Job le dépeint sous lenom de Léviathan, qui est celle qui lui est comme naturelle etqu'il a acquise par le péché, voire qui lui demeurera esenfers avec les hommes damnés. Ce n'est point des animauxŕ quatre pieds seulement que les diables empruntent la figure,ils prennent celles des oyseaux, comme de hiboux, chahuans,mouches, tahons… Quelquefois les diables s'affublent dechosesinanimées et sans mouvement, comme feu, herbes, buissons,bois, or, argent et choses pareilles… Je ne veux laisser quequand les esprits malins se monstrent ils ne gardent aucuneproportion parce qu'ils sont énormément grands et petitscomme ils sont gros et gręles ŕl'extrémité.ť

[Note 1:Discours et histoires des spectres, etc.p. 353.]

ŤJ'ai entendu, dit Jean Wier, cité par Goulart[1], quele diable tourmenta durant quelques années les nonnains deHessimont ŕ Nieumeghe. Un jour il entra par un tourbillon enleur dortoir, oů il commença un jeu de luth et de harpesi mélodieux, que les pieds frétilloyent aux nonnainspour danser. Puis il print la forme d'un chien se lançant aulict d'une soupçonnée coulpable du péchéqu'elles nomment muet. Autres cas estranges y sont advenus, commeaussi en un autre couvent prčs de Cologne, le diable sepourmenoit en guises de chiens et se cachant sous les robes desnonnains y faisoit des tours honteux et sales autant en faisoit-ilŕ Hensberg au duché de Cleves sousfigures dechats.ť

[Note 1:Thrésor d'histoires admirables, etc.]

ŤLes mauvais esprits, dit dom Calmet[1], apparoissent aussiquelquefois sous la figure d'un lion, ou d'un chien, ou d'un chat,ou de quelque autre animal, comme d'un taureau, d'un cheval oud'uncorbeau: car les prétendus sorciers et sorcičresracontent qu'au sabbat on le voit de plusieurs formesdifférentes, d'hommes, d'animaux, d'oyseaux.ť

[Note 1:Traité sur les apparitions des esprits, t. Ier, p.44.]

ŤLe diable n'apparoit aux sorciers dans les synagoguesqu'en bouc, dit Scaliger[1]; et en l'Escriture lors qu'il estreproché aux Israëlites qu'ils sacrifioient aux demons,le mot porte aux boucs. C'est une chose merveilleuse que le diableapparoisse en cette forme.

[Note 1:Scaligerana, Groeningue, P. Smith, 1669, in-12.2e partie, articleAzazel.]

ŤLes diables, dit-il plus loin[1], ne s'addressent qu'auxfoibles; ils n'auroient garde de s'addresser ŕ moy, ie lestuerois tous.ť

[Note 1: Męme ouvrage, articleDiable.]

Quelquefois le diable apparaît sous la forme empruntéed'un corps mort.

ŤJe ne puis, dit Le Loyer[1], pour vérifier que lesdiables prennent des corps morts qu'ils font cheminer comme vifs,apporter histoire plus récente que celle-ci. Ceux qui ontrecueilliz l'histoire de notre temps de la démoniaque de Laondisent qu'un des diables qui étoit au corps d'elle appeléBaltazo print le corps mort d'un pendu en la plaine d'Arlon pourtromper le mary de la démoniaque, et la fraude du diable futdescouverte en ceste façon. Le maryestoit ennuyé desfrais qu'il faisoit procurant la santé de sa femme, n'ypouvant plus fournir. Il s'addresse donc ŕ un sorcier, quil'asseure qu'il délivrera sa femme des diables desquels elleestoit possédée. Le diable Baltazo est employé parle sorcieret mené au mary qui leur donne ŕ tous ŕsouper, oů se remarque que Baltazo ne but point. Aprčs lesouper, le mary vint trouver le maître d'escole de Vervin enl'église du lieu, oů il vaquoit aux exorcismes sur ladémoniaque. Il ne luy cele point la promesse qu'il avoit dusorcier, et réitérée de Baltazo durant le souperqu'il guériroit sa femme, s'il le vouloit laisser seul avecelle: mais le maître d'escole avertit le mary de prendre biengarde de consentir cela. Quelque demie heure apres le mary quis'étoit retiré, amčne Baltazo dans l'église,que l'esprit Baalzebub qui possédoit la femme appelaincontinent par son nom, et luy dit quelques paroles. DepuisBaltazo sort de l'église, disparoit et ne sçait-on cequ'il devint. Le maistre d'escole qui voit toutcecy, conjureBaalzebub, et le contraint de confesser que Baltazo étoitdiable et avoit prins le corps d'un mort, et que si ladémoniaque eut esté laissée seule, il l'eustemportée en corps et en âme.ť

[Note 1:Discours et histoires des spectres, visions,etc.p.244.]

ŤL'exemple de Nicole Aubry, démoniaque de Laon estplus que suffisant pour montrer ce que je dis, ajoute Le Loyer[1].Car devant que le diable entrast en son corps, il se presentaŕ elle en la forme de son pčre décédésubitement, luy enjoignit de faire dire quelques messes pour sonâme, et de porter des chandelles en voyage. Il la suivoitpartout oů elle alloit sans l'abandonner. Cette femme simpleobéit au diable en ce qu'il lui commandoit, et lors il leve lemasque, se montre ŕ elle, non plus comme son pčre, maiscomme un phantosme hideux et laid, qui luy persuadoit tantost de setuer, tantost de se donner ŕ luy.—Cela se pouvoitattendre par les réponses que la démoniaque faisoit audiable, luy résistant en ce qu'elle pouvoit.—Je me veuxservir de l'histoire de la démoniaque de Laon attestéepar actessolennels de personnes publiques, tout autant que si elleestoit plus ancienne. [...]