D'une rive à l'autre - André Viola - E-Book

D'une rive à l'autre E-Book

André Viola

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Beschreibung

Partant de son expérience au travers des coopérations à l’international menées par les collectivités locales qu’il a eu à gérer, André Viola souligne le rôle majeur que ces dernières peuvent jouer sur la scène internationale.
Sans remplacer le rôle des États, les collectivités locales peuvent faire avancer concrètement des actions sur le pourtour méditerranéen, par exemple, ou agir sur des sujets majeurs comme l’accès pour tous à l’eau potable. Les Objectifs de Développement Durable ne pourront d’ailleurs pas être atteints sans leur implication forte, par delà les Etats et avec la société civile.
‘Penser global, agir local’… mais agir local, partout, en coopérant, tel est le fil conducteur de cet essai préfacé par Émilia Saiz, secrétaire générale de Cités et Gouvernements Locaux Unis.


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AndréViola

D’une rive à l’autre…

Les collectivités locales au cœur de l’action internationale

à la mémoire de mon ami Toufic Mouawad

Si je savais quelque chose utile à ma famille et qui ne le fût pas à ma patrie, je chercherais à l’oublier. Si je savais quelque chose utile à ma patrie, et qui fût préjudiciable à l’Europe, ou bien qui fût utile à l’Europe et préjudiciable au genre humain, je le regarderais comme un crime.

–Montesquieu

Préface

L’agenda du développement est universel. Il unit les peuples de la planète autour d’objectifs communs, d’un travail conjoint visant à améliorer les moyens de subsistance, et suscite des espoirs de sécurité et des aspirations à la dignité, ainsi que l’anticipation d’un avenir meilleur pour les générations à venir. Pour cette raison même, il ne peut être l’affaire d’une seule sphère de gouvernement. Les communautés du monde entier ont incité le niveau de gouvernement le plus proche des personnes, à établir des liens avec d’autres dans le monde.

Au cours du siècle dernier, le mouvement international des collectivités territoriales a systématisé la coopération entre pairs, consolidé les exercices de renforcement des capacités et, surtout, déployé des liens profonds entre territoires et associations. Des relations profondes et durables qui ont inspiré toutes les personnes impliquées et qui ont eu un impact sur les visions de toutes les parties prenantes, tout en constituant une contribution importante aux agendas de développement mondiaux.

Alors que de nombreuses recherches et études ont été menées pour répondre à la question de savoir qui sont les acteurs de la coopération décentralisée, le mouvement territorial international considère la coopération décentralisée, de collectivité à collectivité et d’association à association, comme une forme de collaboration portée par la vision des gouvernements locaux. En outre, les relations établies vont au-delà des administrations, elles touchent les communautés et constituent des approches globales et durables qui influencent non seulement la gestion et les politiques, mais aussi les expressions et les échanges culturels.

Les pays qui ont bénéficié de la coopération décentralisée ont compris qu’elle était essentielle pour renforcer la gouvernance locale et la démocratie et pour miser sur la santé dans les collectivités, avec d’autres domaines clés comme l’éducation ou le développement économique. Le rôle de la coopération décentralisée dans le développement d’une culture du dialogue, dans la lutte contre le racisme et l’exclusion mais aussi dans la gestion des situations post-conflit est indéniable.

La France est clairement une pionnière de la coopération décentralisée pour le développement, avec plus de 4 000 collectivités territoriales directement impliquées et un financement de ce type d’activités en étroite collaboration avec les diasporas et la société civile organisée. Cette passion et ce leadership s’expliquent, je crois, par la vision internationale profondément ancrée des dirigeants locaux français et leur compréhension du rôle que les territoires doivent jouer dans les relations internationales.

Comme l’a démontré André Viola tout au long de l’ouvrage, ce type de coopération développe une connexion qui transcende souvent l’utilitaire et le politique, et développe des liens durables qui témoignent du pouvoir transformateur de l’action locale.

Pourtant, le pouvoir de la coopération décentralisée pour le développement est souvent négligé dans le schéma international et son impact profond n’est pas reflété dans les plans nationaux ou régionaux à l’échelle qu’il devrait. L’ouvrage soutient que c’est particulièrement le cas autour de l’initiative des deux rives de la Mare Nostrum. La Méditerranée est à la fois le berceau et la destination d’initiatives de coopération au développement qui ont un fort impact communautaire, économique et social.

Le présent ouvrage offre des éclairages importants sur le rôle joué par les réseaux de collectivités territoriales, tels que Cités Unies France et CGLU. Il s’agit certainement d’un aspect important à souligner : les initiatives de coopération décentralisée matures peuvent être systématisées, valorisées et complétées par le mouvement organisé. Les initiatives accompagnées par les réseaux acquièrent une nouvelle portée, en termes de politique, d’acteurs, de visibilité et de liens avec l’écosystème international plus large.

Dans une période de plus en plus difficile, où différents types d’urgences se chevauchent et touchent directement les habitants et les administrations, la solidarité déclenchée par la coopération décentralisée pourrait être une véritable balise de sécurité et une voie pour trouver le chemin de la durabilité construite à partir de labase.

Le livre d’André Viola n’est pas seulement un témoignage personnel de nombreuses années de dévouement, de détermination et de travail systématique des gouvernements locaux et de leurs associations, mais aussi un outil précieux pour comprendre le potentiel de construction de communautés transfrontalières de ces initiatives.

Les lecteurs obtiennent ainsi un siège au premier rang d’un cours magistral sur la coopération, guidé par les expériences personnelles d’André Viola. L’ouverture, le respect, la solidarité et la confiance sont les éléments clés de ce voyage perspicace à travers les années qui inspirera notre mouvement international à continuer à travailler pour un avenir meilleur et plus heureux pour les générations à venir.

EmiliaSaiz

Secrétaire générale de Cités et Gouvernements LocauxUnis

Préambule

L’idée de faire un livre sur l’action des collectivités locales à l’international est née en 2013, à mon retour de mon premier voyage au Liban, à Zgharta Ehden, dans le cadre de la mise en place d’une coopération entre cette commune et le conseil départemental de l’Aude que je présidais alors. Quelques mois ont passé et l’envie grandit d’écrire, de décrire à la fois notre partenariat et de contribuer à des débats sur l’évolution de la politique de solidarité internationale ou encore sur la place des collectivités locales dans les relations internationales ou enfin l’importance de créer un espace euro-méditerranéen de solidarité.

Mais ce n’est que début 2014 que me vint l’idée d’écrire un livre, non pas seul, mais à quatre mains, et de proposer à mon ami Toufic Mouawad (le président de la municipalité de Zgharta Ehden) de co-écrire ce livre dont le titre, que je lui proposais immédiatement, serait : « D’une rive à l’autre… ».

Il hésita, n’ayant jamais rédigé de livre ou d’articles, comme j’ai pu modestement le faire en tant qu’universitaire. Mais il accepta, et l’on s’était dit que l’été 2014 serait un bon moment, profitant des vacances, pour commencer à le rédiger.

Las. Toufic est décédé brutalement dans un accident de la route, le 19 juin 2014, plongeant sa famille, sa ville et une grande partie du Liban dans la douleur. Le conseil départemental de l’Aude aussi. L’annonce fut brutale pour nous tous. Nous perdions, certes, le président de la municipalité avec qui nous coopérions, mais surtout unami.

Vint le temps des questions : notre coopération allait-elle perdurer quand on sait que la coopération décentralisée tient souvent aux femmes et aux hommes qui y contribuent, qui l’ont impulsée?

Passé le deuil, la municipalité de Zgharta Ehden nous a relancés, souhaitant poursuivre le travail engagé par Toufic. Ce fut pour le conseil départemental de l’Aude un réconfort, un moyen aussi de rendre hommage à Toufic.

Pour moi, vint aussi cette lancinante question : que faire de ce projet de livre ? Devais-je l’abandonner, Toufic n’étant plus là ? Ou devais-je au contraire le faire, pour moi aussi, à titre personnel, lui rendre hommage et laisser quelque part une trace de notre rencontre?

Ces lignes que vous lisez répondent à la question. C’est ainsi que je me suis lancé dans la rédaction. Le titre du livre, je ne sais s’il est approprié, restera « D’une rive à l’autre », car c’est ce titre que j’avais évoqué avec Toufic, début 2014. Et puis, finalement, il peut prendre aujourd’hui un tout autresens.

Centré au début sur la coopération avec Zgharta Ehden, du temps passa, je me lançais dans d’autres projets de coopération et je mis la rédaction entre parenthèses. C’est finalement en 2020 que j’ai souhaité en reprendre l’écriture, mais j’ai alors décidé que cet ouvrage, sur la base de toutes ces expériences, aborderait l’action des collectivités locales à l’international de façon plus large.

Alors Toufic, toi qui étais et qui es encore sur l’autre rive, c’est à toi, bien sûr, que je dédie ces quelques lignes. Compte sur moi pour que ce que tu as semé en lançant ce partenariat avec l’Aude porte ses fruits et contribue à améliorer les conditions de vie de ceux à qui tu as consacré une partie de ta vie, les habitants de Zgharta Ehden. Et compte sur moi aussi pour que je défende le développement de la coopération à l’échelle des collectivités locales, démarche en laquelle tu croyais.

Introduction

Lorsque je suis devenu président du conseil départemental de l’Aude, en 2011, j’ai tout de suite souhaité que mon département se lance plus avant dans la coopération décentralisée.

L’Aude avait déjà eu quelques expériences depuis les années 1980, notamment avec le Burkina Faso. Ainsi, le conseil départemental de l’Aude, plus particulièrement le service des archives, avait instauré une coopération depuis des années avec les archives nationales du Burkina Faso avec de nombreux échanges d’agents et aussi d’expositions, comme celle concernant « Les chefs au Burkina Faso : la chefferie traditionnelle des origines à nos jours ».

Mais je souhaitais aller plus loin. Ce souhait, il reposait sur une conception humaniste et solidaire de la société que je voulais traduire concrètement dans l’action politique que j’allais mener à la tête du conseil départemental de l’Aude, non seulement vis-à-vis des audois, mais également au-delà, bien au-delà, au travers du développement de coopérations décentralisées.

J’avais déjà développé ce type de démarche dans mon mandat précédent, celui de maire de Bram, en mettant en place un jumelage avec Soum, commune du centre ouest du BurkinaFaso.

C’est en 2004 que je fus mis en relation avec des burkinabés qui avaient de la famille dans l’Aude, des amis. C’est au cours d’une soirée que fut envisagée l’idée d’un jumelage. J’eus ce mauvais réflexe de dire immédiatement « bien sûr, de quoi avez-vous besoin ? », réflexe partant d’un bon sentiment, mais dénotant d’une conception dépassée de la coopération que je n’aurai plus jamais. Mon interlocuteur me sourit, et me dit que ce n’était pas à lui de dire de quoi serait faite cette coopération, ni si elle se ferait, lui qui n’habitait plus le village de Soum, mais la capitale Ouagadougou. Je compris que ça ne serait pas nous, non plus, vu de France. L’accord fut vite trouvé : il y aurait d’abord une délégation bramaise qui se rendrait à Soum pour prendre un premier contact, puis une délégation de Soum viendrait à Bram pour les mêmes raisons. Ce ne fut qu’après cet échange que le jumelage sera conclu... et dure encore1.

Cette première expérience a quelques similitudes d’ailleurs avec la première que je mènerai avec le conseil départemental de l’Aude. Partant d’une rencontre fortuite, des liens vont se nouer pour finalement aboutir à une coopération s’inscrivant dans la durée. Il s’agit de la coopération menée avec Zgharta-Ehden, territoire à bien des égards ressemblant à celui de l’Aude : des productions agroalimentaires et artisanales présentant des typicités, des espaces et des paysages naturels préservés et un lien avec le patrimoine mondial de l’UNESCO avec Zgharta-Ehden, qui est la porte d’entrée de la vallée de la Qadisha (classée) et la Cité de Carcassonne et le Canal du midi (classés également) pour l’Aude2, une histoire forte avec un patrimoine riche lié à la naissance de la chrétienté maronite et au catharisme, des épisodes douloureux avec des territoires victimes des croisades, un esprit commun de convivencia,… et surtout avec des enjeux similaires comme celui de la ruralité et une même volonté d’éviter l’exode vers les grandes villes, de trouver une économie territoriale propre qui ancre les populations sur les territoires.

Cette coopération, même si elle s’est nouée au hasard d’une rencontre, s’inscrit parfaitement dans la volonté politique initiale que j’avais en devenant président du conseil départemental de l’Aude : développer, en priorité, des coopérations avec des collectivités territoriales du bassin méditerranéen. Pourquoi?

En partie, certainement, parce que je suis né à Carcassonne, dans un département bordant cette Méditerranée. Mais surtout parce que je considérais, et je considère encore aujourd’hui, que c’est dans cette région du monde que se joue l’avenir de l’humanité. Qu’il est plus que temps, pour les nations de la rive nord, pour l’Europe, de regarder vers le sud de la Méditerranée, vers l’autre rive, pour nouer des partenariats, tisser des relations, bref, créer un espace de solidarité, comme cela s’est fait depuis la seconde guerre mondiale sur le continent européen.

C’est d’ailleurs dans cet état d’esprit que, lorsque je fus président pour 3 ans de l’Arc latin3, j’ai impulsé, j’y reviendrai plus longuement plus loin, une politique d’ouverture des collectivités territoriales du nord de la Méditerranée vers celles du sud. C’est à ce titre qu’un partenariat s’est tissé entre le conseil départemental de l’Aude et la ville de Sousse, en Tunisie. Une deuxième coopération, qui en appellera d’autres, parfois dans le cadre méditerranéen4, parfois au-delà, notamment en Afrique ou encore en Amérique du Sud.

Toutes ces expériences de coopération me serviront de base, d’appui, pour me permettre de livrer quelques analyses, quelques réflexions plus générales sur l’action internationale des collectivités locales. Car, au-delà de la description de ces coopérations, qui ne sont que des prétextes, ce livre aura pour ambition de présenter des convictions qui se sont forgées en moi au fil du temps, convictions qui ont guidé mon action en matière de coopération décentralisée.

La première de ces convictions est qu’il nous faut sortir, entre collectivités territoriales du nord et du sud de la Méditerranée, entre collectivités de pays dits développés et collectivités de pays dits en voie de développement (cela vaut aussi pour les États), d’une vision totalement dépassée de la coopération qui consistait à ce que le nord apporte son savoir-faire, ses moyens, et les impose au sud. Aujourd’hui, il nous faut avoir une conception renouvelée de ces coopérations, fondée sur une idée d’échanges, de rapports d’égal à égal où chacun peut apporter à l’autre.

La seconde de ces convictions, elle ne surprendra personne vu les propos tenus jusqu’ici, c’est qu’il est urgent de construire un espace de solidarité autour de la Méditerranée. Dans cet objectif, je suis persuadé que les collectivités territoriales ont un rôle majeur à jouer pour réussir là où les États ont échoué en ne donnant pas plus de contenu à l’Union pour la Méditerranée, belle idée qui mériterait une nouvelle et grande impulsion aujourd’hui.

Ces coopérations, que j’ai eu le bonheur de développer au cours de ces dernières années, se sont de plus inscrites parfois dans une actualité brûlante qui a frappé nos homologues : la crise des réfugiés de Syrie au Liban et les attentats perpétrés à Sousse. Ce qui n’a fait que conforter en moi une autre conviction : la solution à tous ces problèmes ne se situe certainement pas dans la tentation du repli sur soi, dans l’exacerbation des égoïsmes, mais, au contraire, dans l’ouverture aux autres, la coopération et l’aide au développement... réciproque.

Aujourd’hui, alors que j’ai quitté la présidence du département de l’Aude depuis juin 2020, je poursuis mon investissement et mon implication dans la coopération décentralisée. D’abord, en tant que délégué en charge de l’Europe et de l’international, toujours au sein du conseil départemental de l’Aude, ensuite au travers des questions relatives à l’eau, enjeu majeur pour l’humanité dans les années qui viennent.

M’étant investi dans la création d’un syndicat à vocation départementale (RéSeau11 pour Réseau Solidarité Eau du département de l’Aude) gérant les questions de protection, de production et d’adduction de la ressource en eau pour ses collectivités adhérentes (soit 200 communes et 3 établissements publics de coopération intercommunale), c’est tout naturellement que j’ai commencé à me pencher sur des coopérations décentralisées dans ce domaine spécifique, notamment au travers de l’agence de l’eau Adour Garonne5.

Toute cette implication m’a amené à assurer la vice-présidence de la Commission nationale de Coopération décentralisée, aux côtés du ministre des Affaires étrangères, portant la voix des collectivités territoriales auprès de l’État pour défendre inlassablement leur place et leur rôle dans l’action internationale. Cela m’a également amené à m’impliquer dans le réseau mondial des collectivités engagées à l’international (Cités et gouvernements locaux unis ou C.G.L.U.), réseau portant ce même plaidoyer, mais à l’échelle mondiale...

C’est donc cette expérience de plus de dix ans de coopération décentralisée que je veux désormais partager, de mes débuts à Soum et à Zgharta Ehden, aux frontières du Pérou et de l’Équateur en passant par les pourtours de la Méditerranée, dans des domaines aussi variés que le tourisme durable, la gestion de la ressource en eau ou la jeunesse, au sein d’instances nationales ou mondiales. Avec toujours cette conviction chevillée au corps, que cette action à l’international des collectivités locales se doit d’évoluer, de se développer et la conviction également que les Objectifs du Développement durable que se sont fixés les États du monde entier, ne seront atteints que grâce à l’implication des collectivités, plus proches des citoyens que ne le sont les États eux-mêmes.

1Le jumelage a finalement été conclu après ces échanges, courant 2005. Il perdure encore aujourd’hui au travers d’une association, « Terres d’amitié ». C’est cette association qui coordonne toutes les actions menées entre les deux communes, actions axées essentiellement autour de l’éducation.

2Notre département mène actuellement une démarche pour obtenir l’extension de l’inscription de la Cité de Carcassonne à de nouveaux sites, à savoir les forteresses de montagne, qui font partie des sites dits du « Pays cathare » dont je parlerai plus loin.

3L’Arc latin est une association regroupant les collectivités territoriales, dites de niveau intermédiaire, de la rive nord de la Méditerranée, à savoir les départements français, les diputaciones espagnoles et les provinces italiennes. C’est un espace de coopération entre collectivités territoriales au sein duquel sont mises en œuvre des actions intégrées dans différents domaines stratégiques pour la cohésion économique et sociale des territoires qui le composent.

4Le conseil départemental, en effet, noua d’autres partenariats avec d’autres collectivités territoriales du sud de la Méditerranée. On peut évoquer par exemple la coopération avec la commune de Byblos au Liban.

5J’ai été élu président de la commission relations internationales de l’agence de l’eau Adour Garonne en février 2021.

Chapitre I : La découverte de l’action internationale des collectivités locales.

Comme je l’ai évoqué dans le préambule, le point de départ de cet ouvrage, le « prétexte », se situe tout particulièrement dans la première véritable coopération décentralisée que j’ai développée en tant que président du conseil départemental de l’Aude avec la commune libanaise de Zgharta Ehden.

Mais, le virus de la coopération à l’international, si je puis m’exprimer ainsi, était entré en moi, sans m’en apercevoir, quelques années plus tôt, lorsque j’avais mis en place un jumelage entre le village de Soum, au Burkina Faso, et la commune de Bram, dont j’étais maire. Le début d’une longue histoire que je n’imaginais pas à l’époque...

SECTION1La genèse d’une passion : le jumelage avecSoum.

En effet, tout a débuté lorsque j’étais maire de Bram, commune de 3 200 habitants du département de l’Aude.

C’est en 2003 que je suis devenu maire, à l’âge de 32 ans, suite à la démission de mon « mentor » en politique, Jacques Cambolive, aujourd’hui décédé.

La commune de Bram n’avait jusque là développé aucune forme d’action à l’international et mon prédécesseur, s’il avait eu quelques expériences à l’international dans le cadre de son mandat passé de député, n’avait pas mis en œuvre de coopération dans la commune qu’il dirigeait depuis1971.

Pourtant, j’ai souhaité, jeune maire, mettre en place une coopération, alors que cela n’était pas dans la « pratique » de la commune. Il faut dire que l’international, je devrais dire l’internationalisme, a toujours été au cœur de mon engagement politique.

Rentré dans le mouvement des jeunes socialistes en 1991 à l’âge de 20 ans, je me suis tout de suite passionné pour les questions européennes (ma première campagne électorale fut celle concernant le référendum sur le traité de Maastricht en 1992) et au-delà, pour les sujets internationaux. Je me sentais plus que tout, et je me sens encore aujourd’hui plus que tout, citoyen du monde. Ce qui se passait à 10 000 kilomètres ne me laissait pas indifférent et comptait autant que ce qui se passait en proximité.

Pour moi, faire de la politique, c’était avant tout avoir une ouverture sur le monde, sur l’autre que l’on côtoie au quotidien, mais aussi sur l’Autre, avec un grand A si je puis dire, sur l’être humain où qu’il se trouve.

J’aurais très bien pu, à ce moment-là, m’engager dans l’humanitaire, c’est quelque chose qui m’aurait passionné. D’ailleurs, je me souviens d’une interview que j’ai donnée en 2011 lorsque je suis devenu président du département de l’Aude. Lorsque le journaliste m’a dit que je pourrais rester président du département, vu mon âge, pendant quelques décennies, je lui avais répondu que cela n’était pas ma conception de la politique et que je pensais qu’il y aurait pour moi une autre vie après la politique, sûrement dans l’engagement humanitaire...

Donc, j’aurais pu choisir cette voie de l’humanitaire, mais, engagé au sein du mouvement des jeunes socialistes, je me suis très vite retrouvé avec quelques responsabilités locales puis nationales, et retrouvé conseiller municipal en 1995... Le virus de l’engagement politique est alors entré en moi, totalement incompatible avec un engagement humanitaire qui se veut, qui se doit d’être neutre.

Pour autant, ce goût de l’international est resté en moi, et c’est ainsi que, lorsque je suis devenu maire, et au vu de quelques exemples de communes qui avaient développé des jumelages dans le département, je me suis dit qu’un jour, ce serait quelque chose que j’aimerais développer...

Les choses sont allées plus vite que je ne l’avais imaginé, puisqu’une opportunité se présenta à moi dès 2004. C’est d’ailleurs quelque chose d’assez récurrent dans la coopération décentralisée. Il y a parfois des coopérations que l’on recherche, que l’on initie, mais d’autres fois, souvent, elles sont le fruit du hasard, de rencontres... Ce fut le cas de la coopération, du jumelage entre la commune de Bram et celle de Soum au BurkinaFaso.

En effet, je connaissais depuis plusieurs années Marc Trille, pour avoir mené des combats politiques ensemble. Il était alors conseiller municipal de Villemoustaussou, dans l’Aude, commune proche de Carcassonne, d’un peu plus de 3 000 habitants alors, comme Bram. Il était aussi agent du département de l’Aude, puisqu’il travaillait aux archives départementales. Marc Trille était déjà l’ami du Burkina Faso, pays qui l’avait adopté depuis de nombreuses années, lui qui est surnommé là-bas « le burkinabé au teint clair ». Marié avec une burkinabé, il avait développé des liens de coopération à plusieurs titres.

D’abord, il était à l’origine du jumelage de sa commune, Villemoustaussou, avec la commune de Lô au Burkina Faso. Il était alors président du comité de jumelage, association qui pilotait le partenariat entre les deux communes.

Ensuite, en tant qu’agent du département, il participait très activement aux relations qu’entretenaient les archives départementales de l’Aude avec les archives nationales du Burkina Faso. Il aida beaucoup à la création de ces archives nationales, à leur structuration, en organisant de nombreuses formations à Ouagadougou ou à Carcassonne.

Connaissant donc Marc Trille, celui-ci, à qui j’avais fait part de mon intérêt pour la coopération, me dit un jour que son beau-frère, Pierre Digma, était de passage chez lui et que ce serait peut-être une bonne chose que je fasse sa connaissance.

La rencontre fut organisée et je ne me doutais pas alors qu’elle serait déterminante, en tout cas qu’elle compterait autant dans ma vie, puisque c’est cette rencontre, en quelque sorte, qui me mît le pied à l’étrier de la coopération décentralisée.

Pierre Digma me parla beaucoup du village dont il était originaire, Soum, de la province de Nanoro au Burkina Faso. Comme beaucoup de burkinabés, lui qui avait réussi sa vie en tant que docteur à Ouagadougou, était très attaché à son village d’origine et faisait tout pour que celui-ci se développe.

Je fus immédiatement enthousiaste à l’idée de pouvoir peut-être engager une coopération, un jumelage entre Soum et Bram, un peu sur le modèle de ce qu’avait fait Marc Trille avec Villemoustaussou. Je demandais à Pierre ce dont avait le plus besoin le village de Soum et il eut cette réponse qui me marqua et qui donna le ton de toutes les futures coopérations que j’aurai l’occasion de développer ensuite. Il me dit qu’il n’en savait rien (alors qu’il le savait très bien), lui qui avait quitté le village depuis des années et habitait désormais dans la capitale, et que la meilleure des choses qu’il y avait à faire, plutôt que de rester dans l’abstraction, était que j’aille sur place pour me rendre compte par moi-même, et juger de ce qui pourrait être fait pour Soum, mais surtout de ce qui pourrait se faire ensemble.

Sans m’en apercevoir sur le coup, je reçus deux leçons en une phrase, leçons qui me marqueraient pour toujours. La première leçon, était que jamais je ne lancerai une coopération sans des échanges préalables, des visites croisées, pour évaluer, vérifier s’il y avait un intérêt ou pas à coopérer. Ces échanges préalables ont d’ailleurs fait qu’à quelques occasions dans l’avenir, je considérerai qu’une coopération n’était finalement pas envisageable... La seconde leçon était qu’une coopération était faite de réciprocité et que même dans une coopération entre deux territoires où l’écart de développement est conséquent, il y avait à s’enrichir les uns des autres et que la coopération ne pouvait être à sens unique...

Nous étions à l’été 2004, rendez-vous était donc pris au Burkina Faso pour 2005... Il fallait préparer ce voyage qui serait pour moi l’occasion de découvrir le continent africain. J’ai été aidé en cela par Xavier Beaujard, un ami de longue date, natif de Bram, dont le père, Claude, était mon adjoint au conseil municipal. Xavier voulait depuis très longtemps découvrir l’Afrique et tout particulièrement le Burkina Faso, son parrain étant membre d’une association qui agissait dans ce pays et qui lui avait transmis l’envie d’agir. Nous voilà donc tous les deux impatients de partir. Ce sera chose faite en février2005.

Je garderai toujours en mémoire mes premiers pas en Afrique, la sortie de l’aéroport de Ouagadougou, la chaleur du climat et de l’accueil. Ce fut un tourbillon, les yeux grands ouverts sur le chemin qui nous amena jusqu’à la maison de Marc Trille. Après avoir passé quelques jours dans la capitale, ce fut le moment de partir pour Soum avec de nombreux kilomètres de pistes, en véhicule tout terrain. Nous sortions de cette capitale, jeune, colorée, dans laquelle bien sûr on ressentait déjà un décalage avec les villes que nous connaissions en France, important, mais où il y avait malgré tout l’électricité, quelques routes bitumées...