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"Dans l'abîme" est une nouvelle de l'écrivain anglais H. G. Wells, publiée pour la première fois en 1896 dans Pearson's Magazine. Il a été inclus dans The Plattner Story and Others, un recueil de nouvelles de Wells publié pour la première fois en 1897. L'histoire décrit un voyage jusqu'au fond de l'océan dans une sphère métallique spécialement conçue ; l'explorateur intérieur découvre une civilisation de créatures ressemblant à des humains.
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Veröffentlichungsjahr: 2024
DANS L'ABÎMELES TRIOMPHES D'UN TAXIDERMISTELA POMMEL'HOMME VOLANT
Le lieutenant se tenait debout devant la sphère d'acier et mordillait un éclat de bois.
—Que pensez-vous de ça, Steevens? demanda-t-il.
—C'est une idée comme une autre, dit Steevens, du ton de quelqu'un qui veut se faire une opinion sincère.
—Je crois que ça s'écrasera à plat, continua le lieutenant.
—Il semble avoir calculé son affaire soigneusement, dit Steevens encore impartial.
—Mais pensez à la pression, insista le lieutenant. À la surface de l'eau, elle est de quatorze livres par pouce; trente pieds plus bas, elle est double; soixante, triple; quatre-vingt-dix, quadruple; neuf cents, quarante fois plus grande; cinq-mille pieds, trois-cents fois... c'est-à-dire qu'à un mille de profondeur la pression est de deux cent quarante fois quatorze livres; c'est-à-dire... attendez... un quintal... une tonne et demie, Steevens, une tonne et demie par pouce carré. Et l'Océan a ici cinq milles de profondeur. Il subira une pression de sept tonnes et demie...
—Un joli sondage! dit Steevens. Mais il est protégé aussi par une jolie épaisseur d'acier.
Le lieutenant ne répondit pas et se mit à mâchonner son bout de bois. L'objet de leur conversation était une immense boule d'acier, d'un diamètre extérieur d'environ neuf pieds, et qui semblait être le projectile de quelque titanique pièce d'artillerie; elle était fort laborieusement nichée dans un échafaudage monstrueux, élevé dans la charpente du vaisseau, et les espars gigantesques qui allaient bientôt la faire glisser par-dessus bord donnaient à l'arrière du navire un aspect qui avait excité la curiosité de tout honnête marin, depuis le pool de Londres jusqu'au tropique du Capricorne. En deux endroits, l'un au-dessus de l'autre, l'acier faisait place à une couple de fenêtres circulaires, fermées d'une paroi de verre d'une épaisseur énorme, et l'une d'elles, enchâssée dans un cadre d'acier d'une grande solidité, se trouvait pour l'instant en partie dévissée.
Le matin même, les deux hommes avaient vu, pour la première fois, l'intérieur de ce globe. Il était soigneusement matelassé de coussins à air, garnis de petits boutons fixés entre les saillies, et qui constituaient le simple mécanisme de la chose. Tous les objets étaient, de même, soigneusement capitonnés, même l'appareil Myers, qui devait absorber l'acide carbonique et remplacer l'oxygène inspiré par l'habitant du globe, quand, s'y étant introduit, l'ouverture vitrée aurait été vissée.
Tout était si parfaitement capitonné qu'un être humain aurait pu supporter, en toute sécurité, d'être lancé avec la sphère par un canon. Et il fallait qu'il en fût ainsi, car bientôt un homme allait s'insinuer par l'ouverture; il serait enfermé solidement à l'intérieur et lancé par-dessus bord pour s'en foncer dans l'Océan jusqu'à une profondeur de cinq milles, comme le lieutenant l'avait dit. L'imagination de ce dernier était exclusivement occupée de cet objet; c'était devenu pour lui une obsession, même aux repas, et Steevens, le nouveau venu, était un compagnon inattendu auquel il allait pouvoir à son aise causer de sa préoccupation.
—J'ai idée, dit le lieutenant, que ces hublots de verre fléchiront simplement, crèveront et s'écraseront sous une pression pareille. Daubrée a liquéfié des rochers sous des pressions énormes... et, remarquez bien ceci...
—Si le verre casse, fit Steevens, qu'arrivera-t-il?
—L'eau entrera comme un jet de fer. Avez-vous jamais reçu, bien droit, un jet à haute pression? Ça frappe comme un boulet. Il serait simplement écrasé et aplati. L'eau entrerait dans sa gorge, dans ses poumons, pénétrerait dans ses oreilles...
—Quelle imagination détaillée! s'écria Steevens, qui se représentait vivement les choses.
—C'est le simple exposé d'une chose inévitable, dit le lieutenant...
—Et le globe?
—Il laisserait s'échapper quelques petites bulles et s'installerait confortablement, jusqu'au jour du jugement, parmi la vase et le limon du fond... avec le pauvre Elstead étalé sur ces coussins aplatis, comme du beurre sur du pain.
Il répéta cette image, comme si elle lui eût plu beaucoup:
—Comme du beurre sur du pain.
—Un coup d'œil au tape-cul, fit une voix.
Et Elstead parut derrière eux, vêtu d'un complet blanc, une cigarette aux lèvres et les yeux souriants sous les amples bords de son chapeau.
—Qu'est-ce que vous dites, à propos de pain et de beurre, Weybridge? Vous grommelez, comme d'habitude sur la paye insuffisante des officiers de marine?... Il n'y a plus qu'un jour à attendre avant que je parte maintenant. Les élingues vont être prêtes aujourd'hui. Ce beau ciel et cette houle tranquille sont juste ce qu'il faut pour lancer par-dessus bord une douzaine de tonnes de plomb et de fer, n'est-ce pas?
—Vous ne vous apercevrez pas beaucoup de la houle, dit Weybridge.
—Non. À soixante ou quatre-vingts pieds de profondeur... et j'y serai dans dix à douze secondes... pas une molécule ne bougera, quand le vent hurlerait et que l'eau s'élèverait jusqu'aux nuages. Non. Là, au fond...
Il s'avança jusqu'au bastingage, et les deux autres le suivirent. Tous trois se penchèrent sur leurs coudes et contemplèrent l'eau, d'un vert jaunâtre.
—... La paix, dit. Elstead, en achevant tout haut sa pensée.
—Êtes-vous absolument certain que le mouvement d'horlogerie marchera? demanda tout à coup Weybridge.
—Il a marché trente-cinq fois, dit Elstead. Il est tenu de marcher.
—Mais s'il ne fonctionne pas?
—Pourquoi ne fonctionnerait-il pas?
—Je ne voudrais pas, pour vingt mille livres, descendre dans cette maudite machine, dit Weybridge.
—Vous êtes tout à fait encourageant, remarqua Elstead.
—Je ne comprends pas encore de quelle façon vous pourrez faire fonctionner la chose, dit Steevens.
—Eh bien! d'abord, j'entre dans la sphère, et l'on visse l'ouverture, commença Elstead. Et quand, trois fois de suite, j'ai allumé et éteint la lumière électrique pour montrer que tout va bien, je suis lancé par-dessus le bastingage par cette grue, avec tous ces gros fonceurs de plomb suspendus au-dessous de moi. Le gros poids de plomb, qui est fixé sur le dessus, est muni d'un cylindre sur lequel s'enroulent cent toises de solide cordage, et c'est tout ce qui lie les fonceurs à la sphère, sauf les élingues qui seront coupées quand la sphère tombera. Je me sers de cordes plutôt que de câbles de fer, parce que c'est plus facile à couper et plus flottant, conditions nécessaires, comme vous allez voir. Vous remarquez que tous ces fonceurs de plomb sont percés d'un trou; une tringle de fer y sera adaptée, qui dépassera de six pieds sur la face inférieure. Dès que cette tringle sera en contact avec le fond, elle frappera sur un levier qui déclenchera le mouvement d'horlogerie placé sur le côté du cylindre sur lequel les cordes s'enroulent... Vous suivez? On descend gentiment dans l'eau tout le système. La sphère flotte... avec l'air qu'elle renferme, elle est plus légère que l'eau... mais les poids de plomb continuent à s'en foncer, et la corde se déroule jusqu'au bout. Quand la corde est entièrement filée, la sphère s'enfonce aussi.
—Mais à quoi sert la corde? demanda Steevens. Pourquoi ne pas fixer directement les poids à la sphère?