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Au plus intime de nos corps, l'appétit est ce manque douloureux et impudique, qui crie nos besoins et hurle nos désirs. Il nous presse, il nous force, nous porte en avant, hors de nous-mêmes. Sa tâche est de veiller à réserver en nous une place libre. Une place pour accueillir ce qui vient et nous est accordé par la vie. Les cris du nourrisson témoignent de la vigueur impérative de l'appétit. Ce compagnon, fidèle pour la vie, nous porte vers d'innombrables objets : appétit de savoir, de pouvoir et de conquête, appétit qui donne leur force à la curiosité du scientifique, et prête aux amants leur audace.
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Seitenzahl: 52
Veröffentlichungsjahr: 2024
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À mes enfants.
Préface d’Anne-Gaëlle Élie
Avant-propos
I. ENFANTINS
Grenier
Volonté
Attente
Cortèges
Effeuillage
Fidélité
Bête à bon Dieu
II. COSMIQUES
Sécheresse
Intertidal
La Lune parle aux étoiles
Palimpseste
Le Printemps de Dionysos
La Grâce
III. PRÉDATOIRES
Faim et Soif
Wokists’ appetite
Musique militaire
Prédateurs et Proies
Le Roi du temps
Conquêtes
Nourritures infernales
Domestique
Combat
S’emparer du fouet
Intime déficience
Réveil
Sortie de scène
Cynisme et Moralité
IV. IMPUDIQUES
Vallées et Collines
Blitzkrieg
Laisse circulâtre
Petite, laisse dire…
Courte laisse d’été
L’Odeur et le Goût
Jeunesse
Festin
V. APAISÉS
Mieux-être
Martyre
Refuge
Arts ménagers
Derniers départs
Verticale
Retrouver la foi
VI. REMÉMORÉS
Paroles de silence
Ingénue
Repas de fête
Le Regret et l’Oubli
Éternité
L’Été hors jeu
VII. OUBLIÉS
Vérité
Royaume de poche
Une époque
trop mouvementée
Petit matin
Rondeau
Page vierge
Notes
Du même auteur
« Il y a en nous une part de sensibilité qui ne prend pas une ride. Si nous pouvions desquamer la peau de sa corne protectrice, et que nous en ayons le désir, apparaîtrait alors un être sur lequel le temps n’a fait que glisser, lisse comme au premier jour, vulnérable, tantôt chagrin, tantôt folâtre, et insoucieux des conséquences – tout un jeu d’émotions aussi incontrôlables que les érections de l’adolescence. »
Wallace Stegner, Vue Cavalière (The Spectator Bird, 1976) traduit de l’anglais par Éric Chédaille en 1998 pour les Editions Phébus Libretto.
De grands appétits réclament de solides nourritures. Réputés insatiables, les appétits dévorants de la jeunesse, qui croque à belles dents dans tout ce qui s’offre à l’expérience des sens, se muent avec le temps en voluptés de gastronomes, à mesure que s’éduquent palais et papilles : on exige alors des mets plus délicats, des vins moins capiteux, des recettes inédites, pour continuer à goûter le monde, à savourer la vie. Mais concocter toujours de la nouveauté engendre parfois la satiété qu’on se promettait d’éviter.
Il arrive ainsi qu’à être trop titillés, nos sens s’émoussent et qu’un dérèglement de tous les sens — celui des priorités, celui qu’on donne à l’existence, et même celui de l’Histoire — nous coupe l’appétit, ou exacerbe au contraire nos pulsions. On aimerait tant retrouver le goût des choses simples, s’en émerveiller, s’en repaître juste assez pour profiter des euphories légères, de ces enivrements charmants que nous accorde l’existence : l’ivresse des sommets ou des profondeurs, de la vitesse ou du succès ; la transe de la danse, l’extase des amoureux, la fascination de l’enfant devant la bête à bon Dieu ; le ravissement devant le spectacle du soleil couchant, puis la joie de regarder, chaque matin, l’astre se relever.
Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse…
Pour ma part, j’ai choisi depuis longtemps l’ivresse de l’art, et notamment de la poésie, rencontrée assez tôt pour la préférer aux autres flacons : « De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise », proposait Baudelaire dans Le Spleen de Paris, « pour ne pas sentir l’horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve. ». Gageons que la poésie, qu’elle surgisse au coin de la rue ou au coin des lèvres, est l’élixir le plus pur et le plus puissant pour désaltérer l’âme et réveiller l’enthousiasme.
En me plongeant dans la lecture du nouveau recueil de Jean-Marie Sonet, j’ai retrouvé le plaisir intense de la déclamation, et le souvenir lumineux que j’ai conservé de mon premier véritable tête-à-tête avec la poésie : j’avais treize ans, peut-être plus, peut-être moins ; dans le salon de la maison familiale, quelques livres à couverture de cuir coloré étaient serrés, à l’abri, dans la vitrine de la petite bibliothèque. Ils portaient en lettres d’or les noms de Verlaine, Villon, Rimbaud, Ronsard et Baudelaire. Ils auraient pu conserver à jamais leur seule fonction décorative — ce qui arrive à bien des ouvrages joliment reliés! — si mon désir ne m’avait pas poussée à m’en saisir, pour en caresser la couverture, en humer l’odeur de neuf puis à les ouvrir, pour voir resplendir enfin les perles contenues à chaque page : une curiosité qui s’est transformée en une avidité pour les mots et pour la vie qu’ils recèlent. Je me revois, scandant les vers de Baudelaire — de loin alors mon préféré! — tourner en rond dans le salon au rythme des inflexions de ma voix. Comprenais-je alors tout ce que je lisais? Certes non, mais tout mon être se délectait du mystère et de la magie qui coulaient de ces vers comme un nectar.
Il en va ainsi du recueil De grands appétits que j’ai le privilège de présenter ici : dès la première bouchée, vous y trouvez de quoi réveiller votre imaginaire, nourrir votre besoin d’élévation, pour les temps à venir ; vous y revenez, pour la délectation des mots dans votre bouche, pour la beauté de la langue ciselée et savoureuse de Jean-Marie Sonet. Son parfum délicat de classicisme nimbe avec élégance l’acuité du regard que le poète porte sur le monde. C’est avec pudeur qu’il soulève le voile sur ses émois, ses colères et ses espoirs, permettant à chacun de s’approprier les émotions que font naître ses tableaux versifiés, aux couleurs riches et variées. Car le poète excelle à garder intact ce trésor qu’est le mystère de nos vies, de nos cœurs
Ses souvenirs, Jean-Marie Sonet en délivre dans ses vers la quintessence, offrant ainsi aux lecteurs une liqueur propre à aiguiser leurs sensations, à raviver leurs propres souvenirs et à distiller les saveurs du passé. Puisant dans une inspiration très intime, donc universelle, ses poèmes nous rappellent à tout ce qui fait le sel de notre humanité, avec un assaisonnement parfait : l’élégance d’une écriture très exigeante dans sa construction, musicale et érudite, le raffinement d’une pensée philosophique à l’épreuve de notre époque mouvementée.