De la Sagesse des Anciens - Francis Bacon - E-Book

De la Sagesse des Anciens E-Book

Francis Bacon

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Beschreibung

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« La connaissance est en elle-même puissance. »
De Narcisse à Protée, de Orphée à Proserpine en passant par Cupidon, Cassandre et Deucalion, Francis Bacon nous offre une interprétation toute particulière des mythes de la tradition gréco-romaine. De la Sagesse des Anciens lui permet de mettre en scène sous un jour attractif ses propres pensées sur la philosophie de la nature, la conception de la science, de la morale ou de la politique. Cet éminent philosophe, père de l’empirisme, inspira les plus grands scientifiques et penseurs de Kant à Leibnitz.  
TEXTE TRADUIT DU LATIN AVEC NOTES DE BAS DE PAGES DYNAMIQUES

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De la Sagesse des Anciens

Francis Bacon

Traduit du latin parAntoine de La Salle

Alicia Éditions

La connaissance est en elle-même puissance.

Table des matières

1. Cassandre, ou de l’excessive liberté dans les discours.

2. Typhon ou les révoltes.

3. Les Cyclopes, ou les ministres de terreur.

4. Narcisse, ou l’homme amoureux de lui-même.

5. Le Styx, ou les promesses, les conventions et les traités.

6. Endymion, ou le favori.

7. La sœur des géants, ou la renommée.

8. Actéon et Penthée, ou l’homme trop curieux.

9. Orphée, ou la philosophie.

10. Le ciel, ou les origines.

11. Protée, ou la matière.

12. Memnon, ou l’homme précoce.

13. Tithon, ou la satiété.

14. L’amant de Junon, ou la bassesse d’ame.

15. Cupidon, ou l’atome.

16. Diomède, ou le zèle religieux.

17. Dédale ou le mécanicien.

18. Erichton, ou l’imposture.

19. Deucalion, ou la restauration.

20. Némésis, ou les vicissitudes (naturelles) des choses.

21. Achéloüs, ou le combat.

22. Atalante, ou l’amour du gain.

23. Prométhée ou du véritable état de l’homme (de la condition humaine)

24. Scylla et Icare, ou la route moyenne (le milieu entre les extrêmes).

25. Le Sphinx, ou la science.

26. Proserpine, ou l’esprit.

27. Les Sirènes, ou la volupté.

Également disponible

1

Cassandre, ou de l’excessive liberté dans les discours.

Cassandre, selon les poètes, fut aimée d’Apollon, et, tout en éludant les désirs de ce dieu, elle ne laissa pas d’entretenir ses espérances, jusqu’à ce qu’elle eût extorqué de lui le don de la divination (la faculté de prédire l’avenir). Mais, sitôt qu’elle fut en possession de ce qu’elle avait voulu obtenir par cette longue dissimulation, elle rejeta toutes ses prières, et le rebuta ouvertement. Le dieu ne pouvant révoquer le don qu’il lui avait fait ; mais, indigné d’avoir été joué par cette femme artificieuse, et brûlant du désir de se venger, y joignit une condition qui en fit pour elle un vrai châtiment ; car, en lui laissant la faculté de prédire avec justesse, il lui ôta celle de persuader ; en sorte que, depuis cette époque malgré la vérité de ses prédictions, personne n’y ajoutait foi : disgrâce qu’elle éprouva dans une infinité d’occasions, et sur-tout relativement à la ruine de sa patrie qu’elle avait su prédire, sans que personne eût daigné l’écouter ou la croire.

Cette fable paraît avoir été imaginée pour montrer l’inutilité des conseils les plus sages, donnés avec une généreuse liberté mais mal-à-propos et sans les ménagements nécessaires elle semble désigner ces individus d’un caractère âpre, difficile et opiniâtre, qui ne veulent point se soumettre à Apollon, ou au dieu de l’harmonie, ne prenant ni le ton, ni le mode, ni la mesure des personnes et des choses (qui, dans leurs discours ne savent régler ni leur ton ni leur style, sur la disposition des auditeurs), en un mot, qui ne savent point chanter sur un ton pour les oreilles savantes, et sur un autre ton pour les oreilles novices ; qui, enfin, semblent ignorer qu’il est un temps pour parler, et un temps pour se taire car, quoique les gens de ce caractère aient toutes les connaissances et toute l’énergie requises pour donner un conseil salutaire et courageux ; cependant, malgré tous leurs talents et tout leur zèle, comme ils manquent de la dextérité nécessaire pour manier les esprits, rarement ils réussissent à persuader ce qu’ils conseillent, et ils ont peu d’aptitude pour les affaires1 ; ils sont même nuisibles à ceux avec qui ils se lient, et dont ils se font écouter ; ils hâtent la ruine de leurs amis, et alors enfin, je veux dire lorsque le mal auquel ils ont eux-mêmes contribué par la raideur et l’âpreté de leur caractère, est consommé et sans remède, ils passent pour des oracles, pour de grands prophètes, pour des hommes qui ont la vue longue. C’est ce dont on vit un exemple frappant en la personne de Caton d’Utique. Ce Romain prévit que la ruine de sa patrie serait l’effet de deux causes ; savoir, d’abord la conspiration de César et de Pompée, puis leur mésintelligence. Son génie élevé vit cette catastrophe long-temps avant l’événement, et sa prédiction fut une espèce d’oracle. Mais ce malheur qu’il sut prévoir de si loin, il ne sut pas le prévenir ; il fut même assez imprudent pour y contribuer, et son âpreté hâta la ruine de sa patrie2 : observation judicieuse qu’a faite Cicéron lui-même avec cette élégance qui lui était propre. Caton, disait-il, est un personnage d’un grand sens, cependant il ne laisse pas de nuire quelquefois à la république ; il nous parle comme si nous vivions dans la république de Platon, et non dans cette lie (ce marc) de Romulus.

1La plus utile de toutes les sciences, c’est celle des convenances. Le véritable sot est celui qui les ignore, soit parce qu’il ne les cherche pas, soit parce qu’il ne sait pas les découvrir. L’homme vraiment savant c’est celui qui sait le mieux ce qui convient à l’homme en général et à tel homme dans tel temps dans tel lieu dans telle situation et la première partie des mathématiques (comme nous le disions ailleurs et comme il n’est pas inutile de le redire), c’est l’art de mesurer ses discours et ses actions sur le tour d’esprit et le caractère de ceux avec qui l’on est obligé de vivre ; afin de se bien ajuster à eux et de les bien ajuster à soi. Pour faire sa partie dans un concert, ce n’est pas assez de savoir jouer des sonates, il faut savoir prendre le la, accorder son instrument et suivre la mesure. Rarement un homme d’un esprit supérieur a le talent de persuader, parce qu’il veut toujours rendre les autres semblables à lui, au lieu de se rendre lui-même semblable à eux et qu’au lieu de s’occuper d’eux, il veut les occuper de lui. Il s’imagine trop aisément que les raisons qui le persuadent lui-même, sont aussi les meilleures pour persuader les autres et toutes les vérités qu’il possède demeurent stériles dans son cerveau, parce qu’il ignore celle-ci qui vaut mieux que tout ce qu’il sait : Il faut semer de l’avoine dans une mauvaise terre et des sottises dans l’oreille d’un sot, en réservant les choses spirituelles pour les gens d’esprit, et employer, avec chaque individu, non les meilleures raisons possibles, mais les moins mauvaises d’entre celles dont il veut bien se payer car tout est relatif.

2Caton d’Utique rival secret de Jules-César, dont les talents supérieurs et la noble aisance l’offusquaient, fournit, par les mesures violentes qu’il suggéra, et par d’imprudentes menaces, de très spécieux prétextes à l’élégant scélérat qui voulait renverser la république. Il eut l’imprudence de dire que, si César (qui était encore dans les Gaules) licencient son armée, il l’appellerait en jugement : n’était-ce pas exhorter César à garder cette armée ? et cette vérité si frappante qui accuse Caton d’Utique, c’est César lui-même qui nous l’a apprise. Cet homme transcendant, qui eut tout à la fois une âme tendre et une ambition insatiable, voyant les corps de plusieurs milliers de ses concitoyens étendus dans les vastes champs de Pharsale, déplora lui-même les maux qu’il venait de faire, semblable à l’enfant qui pleure après avoir battu : Ils l’ont voulu, dit-il, moi, Caius-César après avoir fait de si grandes choses, j’aurais été condamné comme le plus vil des mortels, si je n’avais appelé à mon secours mon armée. Le vice radical de Caton d’unique fut la mauvaise humeur, fille de l’orgueil mécontent ce fut cet orgueil qui en l’aveuglant, lui déroba la vue de cette vérité ; En aigrissant ton ennemi, tandis qu’il a la force en main, tu ne fais que bander l’arc qui va tirer sur toi ; et en le menaçant, tu l’avertis de se fortifier. Il fallait amadouer César, pour l’engager à revenir sans son armée, et alors le juger : cet expédient n’eût pas été fort noble, suivant les règles du théâtre ; mais un homme artificieux, qui sauve sa patrie, me paraît à moi, un fripon bien respectable ; et cet honnête homme, qui la ruine par son orgueilleuse probité, ne me paraît qu’un vénérable fou ; car c’est la fin qui sanctifie ce moyen.

2

Typhon ou les révoltes.

Junon, indignée de ce que Jupiter avait engendré, de lui-même et sans le concours de son épouse, Pallas qui était sortie toute armée de son cerveau, fatigua long-temps, par ses prières, tous les dieux et toutes les déesses, afin qu’ils la missent aussi en état d’enfanter sans la coopération de Jupiter. Les dieux, vaincus par ses importunités, ayant consenti à sa demande, elle ébranla la terre jusques dans ses fondements ; secousse qui donna naissance à Typhon, monstre d’une stature immense et de l’aspect le plus terrible un serpent fut chargé de le nourrir. Lorsqu’il fut grand, il déclara aussi-tôt la guerre à Jupiter. Dans ce combat, le dieu fut vaincu, et tomba au pouvoir du géant, qui, l’ayant mis sur ses épaules, le porta dans une région obscure et fort éloignée ; puis il lui coupa tous les nerfs des pieds et des mains, et, après l’avoir ainsi mutilé, il le laissa dans ce triste état : mais ensuite Mercure eut l’adresse de dérober au géant les nerfs de Jupiter, et les rendit à ce dieu. Jupiter, ayant ainsi recouvré toutes ses forces, attaqua de nouveau le monstre ; il le blessa d’abord d’un coup de foudre, et du sang qui coula de la blessure qu’il lui fit, naquirent quantité de serpents ; alors enfin, il lança contre lui le mont Etna, et, l’écrasant de cette masse énorme, il le tint immobile, état où il est encore.

Cette fable paraît avoir été imaginée pour montrer les vicissitudes de la destinée des princes, ainsi que les causes et le remède de ces révoltes qui s’élèvent quelquefois dans les monarchies. Car, c’est avec raison qu’on pense que les rois sont (ou doivent être) unis à leurs peuples comme Jupiter à Junon, et par une sorte de lien conjugal ; mais, trop souvent corrompus par la longue habitude du commandement, ils le font dégénérer en tyrannie ils attirent à eux toute l’autorité ; ils foulent aux pieds les privilèges et les droits de tous les ordres de l’état ; ils dédaignent les avis de leur sénat (du conseil d’état, et en Angleterre ceux du parlement) c’est-à-dire, qu’ils exercent un pouvoir arbitraire, voulant que leurs ordres les moins réfléchis soient exécutés sur-le-champ1, et que leur caprice ait force de loi : puis, les peuples, indignés d’une telle conduite et las de l’oppression, tâchent d’enfanter aussi sans la coopération du prince se créant d’eux-mêmes quelque chef, et lui déférant le commandement ; cette insurrection a ordinairement pour cause les instigations et les sollicitations des grands, qui, une fois coalisés, tentent de soulever le peuple ; soulèvement d’où résulte, dans l’état, une sorte de gonflement figuré dans cette fable par l’enfance de Typhon. Cette agitation croit et est, en quelque manière, nourrie par la malignité innée et le mécontentement du peuple ; disposition qui est le serpent le plus dangereux pour les rois puis, lorsque les rebelles ont rassemblé toutes leurs forces et pris toutes leurs mesures, la révolte éclate et dégénère en guerre ouverte. Or ces insurrections étant la source d’une infinité de maux, soit pour les peuples, soit pour les rois, c’est avec raison qu’elles sont ici représentées par la monstrueuse effigie de Typhon. Les cent têtes de ce monstre figurent la division et la multiplicitédes pouvoirs ; ses gueules enflammées désignent les incendies ; ces serpents qui lui servent de ceinture ou de collier, indiquent les maladies pestilentielles qui règnent alors, sur-tout durant les sièges ; ses mains de fer se rapportent aux massacres ; les serres d’aigle sont l’image des rapines et des vexations ; enfin, les plumes dont tout son corps est couvert, représentent les bruits inquiétants qui se répandent alors, ainsi que les nouvelles fâcheuses et les vaines terreurs dont ces bruits sont la source. Quelquefois le parti insurgent prend tellement le dessus que les rois, emportés, pour ainsi dire par les rebelles, sont forcés d’abandonner le siège de leur empire et leurs principales villes, de rassembler autour d’eux le peu de forces qui leur restent, et de se retirer dans quelque province éloignée et peu connue, après avoir perdu leurs trésors et leur autorité, qui sont leurs deux principaux nerfs. Cependant, quelque temps après, pour peu qu’ils supportent leur disgrace avec une sage patience, ils recouvrent leurs nerfs par l’industrie et la dextérité de Mercure, je veux dire que, par de sages édits, par leur affabilité, par des discours gracieux et populaires, ils regagnent peu à peu l’affection de leurs sujets, qui ensuite paient avec joie les contributions ; et c’est ainsi que l’autorité du prince reprend une nouvelle vigueur. Cependant les princes les plus prudents et les plus circonspects se gardent bien de tenter souvent la fortune en pareille circonstance, et de risquer des batailles ; ils tâchent seulement de ruiner la réputation des rebelles par quelque exploit mémorable. Si cette tentative est couronnée par le succès, les rebelles, étant découragés et abattus par cette grande blessure, et commençant à redouter la vengeance du prince, tout le feu qui leur reste, s’exhale en vains murmures figurés dans cette fable par le sifflement des serpents : ensuite désespérant tout-à-fait de leur fortune, et perdant entièrement courage, ils commencent à se disperser en fuyant ; et alors enfin, il est temps pour les rois de les écraser, en jetant sur eux le mont Etna, c’est-à-dire, de tomber sur eux avec toute la masse des forces du royaume.

1Ils veulent que leurs ordres soient donnés militairement et exécutés prévôtalement : au lieu de s’assurer sur la confiance publique, la base la plus large et la plus solide de toute autorité ils s’asseyent sur une baïonnette qui tôt ou tard leur perce… L’état respectif du peuple et du prince est un état de guerre ; ils se résistent réciproquement, et le prince est continuellement obligé de réagir contre la multitude immense qui agit sans cesse par la violence ou la ruse contre ses lois et son autorité. S’il a un caractère foible cette résistance le fatigue ; et c’est pour s’épargner cette fatigue, qu’il s’efforce sans cesse d’augmenter son autorité ; c’est une sorte de paresse. De plus, le prince s’accoutumant peu à peu à la mesure d’autorité dont il est revêtu, et cessant de la sentir, cesse, par cela seul, d’en jouir ; et c’est encore pour renouveler en lui le sentiment de sa puissance, qu’il veut l’augmenter. Telles sont les deux principales causes du despotisme, et les deux importantes vérités que nous avons autrefois apprises, par notre propre expérience en régnant de temps en temps, pendant quelques heures, sur une vingtaine d’hommes, dans une chaloupe ; car le tout a nécessairement de l’analogie avec les parties dont il est composé. Dans une chaloupe et dans un empire se trouvent les mêmes relations ; ce sont toujours des hommes qui se résistent réciproquement, et dont chacun voudrait devenir le maitre. Il n’est point d’individu qui ne soit tout à la fois roi et sujet, parce qu’il n’en est point qui ne soit dans le cas de commander et d’obéir alternativement ; ainsi, quoique ce chapitre semble ne parler qu’aux rois, il parle à tous les individus.