Des limaces dans le potager - Claire Le Guellaff - E-Book

Des limaces dans le potager E-Book

Claire Le Guellaff

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Beschreibung

À la mode provençale 1. Prenez deux couples : les Dupondt et les Cigalou. 2. Bardez le premier d'un gros gain au Loto avec des bouleversements, un changement de région et de vie, puis versez l'autre sans attendre. 3. Laissez mijoter. 4. Délayez ensuite une grande cuillérée de vinaigre pour que remontent à la surface les différences d'âge, d'habitudes, de culture...sans oublier les a priori. 5. Accommodez avec plusieurs rumeurs et battez l'ensemble pour qu'un conflit de voisinage se déclare. 6. Ajoutez un évènement auquel personne ne s'attend. 7. Une fois le tout bien lié, déposez-le avec délicatesse dans un charmant village du Vaucluse en Provence : Cigalette-sur-Sorgue. 8. Entourez-le d'Avignon, du Ventoux, de L'Isle-sur-la-Sorgue et d'Althen-des-Paluds. 9. En accompagnement, prévoyez un potager avec quelques limaces, des petites et des grosses. Votre histoire est maintenant prête à déguster : légère et divertissante. Avertissement de l'auteur : Si vous aimez les clichés, vous allez être servi !

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Seitenzahl: 118

Veröffentlichungsjahr: 2024

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« Le Code de la propriété intellectuelle et artistique n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1er de l’article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. »

Du même auteur

Collection Les Temps Hypothétiques

Sélection des encombrants – Novella

JEANNE DE… – Roman

CHUCHOTIS – Poésie

Parcelles singulières – Fragments

Collection Patapouf et Cie

Petites histoires simples à conter – Album illustré Jeunesse

À mes fils chéris

« Dans la vie, faut savoir la boucler

avant de l'ouvrir. »

Pierre Dac

Il y a Paris et les parisiens…

Il y a la Provence et les provençaux…

D’un côté, les Dupondt ; de l’autre, les Cigalou.

Des limaces dans le potager

IL ÉTAIT UNE FOIS

Sortis de l’ordinaire

Un p’tit Jaune, ça vous dit ?

C’est parisien ?

Perplexité et accent circonflexe

À tournis, tournicotons

IL ÉTAIT DEUX FOIS

Chercher le fils

Trédeur et extension

Un doute peut en cacher un autre

Viennent les rumeurs…

… Puis l’exil

ÇA PREND UNE DRÔLE DE TOURNURE

Un beau parti pris

Chacun chez soi… C’est vous dire !

Manquerait plus qu’ça !

Demain, y fera jour

VA FALLOIR TROUVER DES SOLUTIONS

À potins, potins et demi

À bon entendeur, salut !

Fiancée contre fiancé : match nul !

Ça s’emberlificote.

Noël à la foire d’empoigne

MAIS POURQUOI C’EST SI COMPLIQUÉ ?

Chaud, chaud devant !

Moins on en dit, mieux c’est.

Ça fait désordre !

Un contre un …

… et seuls contre tous

DE L’EAU DANS LE PASTIS ET DU SUCRE DANS LA CITRONNELLE

La trêve de Noël…

…ou presque

Chacun sa barque, chacun sa rivière

Y paraîtrait, à c’qui paraît…

IL ÉTAIT UNE FOIS

– 1 –

Sortis de l’ordinaire

Les Dupondt ! Anne et Vincent. Voilà un couple charmant à la ligne de vie toute tracée.

Elle se rêve artiste ; elle est professeur des écoles, comme maman. Il admire et envie les grands aventuriers ; il est inspecteur des impôts, comme papa.

Ils se connaissent depuis la maternelle, fréquentent les mêmes écoles, deviennent amis, puis débutent une relation. Sur les conseils avisés de leurs mère et père respectifs, ils se marient sans délai à vingt ans.

Ils cherchent un appartement dans le XIIème arrondissement de Paris et se retrouvent dans le XV ème à habiter l’héritage de feue grand-maman paternelle.

Ils souhaitent une fille ; ils donnent naissance à un garçon : Christophe, prénom choisi ou imposé par la grand-mère maternelle.

Les opportunités se décident ainsi et jalonnent leur quotidien.

Quarante-sept ans que cela dure.

Ils envisagent de travailler jusqu’à soixante-cinq voire soixante-sept ans, comme il se doit, et de rester à Paris là où ils ont leurs habitudes et quelques collègues amis.

Mais le 23 septembre de l’année dernière, dans leur quatre pièces cuisine deux salles de bains, dans leur salon crème, sur leur canapé crème, devant le grand écran de leur télévision, c’est l’heure du tirage du Loto. Les boules tombent une à une ; les chiffres s’affichent. Anne, la lèvre supérieure en accent circonflexe, interroge son époux dans un souffle : nos numéros ? Vincent ferme les yeux et, en sueur, murmure un oui…nos numéros…

Rien de plus simple pour commencer.

Viennent les choix : dire ou se taire, partager ou garder tout, composer, dépenser, investir, lé-guer…combien pour Christophe, si jeune encore… Compter ! Vingt-cinq millions à se donner des vertiges, des nausées, des suées…des crampes. Ils prennent froid tout à coup.

Déménager alors ? Tout quitter pour y voir plus clair, là où il y aurait davantage de lumière, là où il ferait plus chaud, là où personne…là où le temps…

Orphelins en manque de repères, mamans et papas ne sont plus, ils décident pour la première fois de leur vie : oui, direction le Sud, la Provence et les provençaux !

C’est ainsi que huit mois plus tard, ils se préparent à emménager à Cigalette-sur-Sorgue, un petit village du Vaucluse, niché au cœur du Comtat Venaissin avec ses commerces et son château. Ils ont choisi un ancien mas rénové, coûteux, mais dans des prix à ne pas éveiller la curiosité. Après tout, on sait que les parisiens ça a les moyens. Lors de leurs visites, on les croise et on les salue, qui au café-restaurant du village, qui à la boulangerie, qui sur le chemin menant au mas, et on discute. Eux ne regardent que leurs pieds et la bâtisse envisagée, à la manière des enfants : si je baisse la tête, je ne suis pas vu. Ils en oublient l’environnement de proximité et les voisins ; Un sympathique couple de retraités leur glisse l’agent immobilier.

Leur arrivée prochaine questionne, puis porte à sourire. On les dit gentils à souhait et on les prend pour des benêts à toujours regarder leurs pieds. La bourgade toute entière s’en émeut ; les anciens réfléchissent aux bons tours à leur jouer, les plus jeunes aux mauvais. Tous veulent en rire.

Sauf, peut-être, Arlette et Pierrot.

L’ancien propriétaire du mas, un entrepreneur marseillais, leur avait causé bien du souci avec son airbi-n-bi loué pour les vacances à des anglais, des canadiens et des parisiens. Parfois à des lyonnais. Ça défilait à qui mieux mieux. Jamais les mêmes. Plus moyen d’être tranquille et surtout plus moyen de faire la chambre d’hôtes chez l’habitant, en l’occurrence au Bed&Breakfast Les Cigalou.

Par d’heureuses circonstances, il s’est lassé des plaintes de ses clients et a décidé de vendre pour investir et se développer dans un autre secteur... À c’qu’on raconte. Arlette et Pierrot auraient bien aimé que leurs enfants achètent le mas, mais le prix demandé ne le leur permettait pas. Et après connaissance du prix de vente, pas mieux.

L’installation des Dupondt ne se passe pas comme prévu. Le camion de déménagement arrivera avec une semaine de retard sur la date convenue : la faute à Anne qui s’en était occupée.

Dans l’impossibilité de gérer ses émotions, elle enregistre les informations avec difficulté et en trompe sa mémoire. Elle assume ce décalage tant bien que mal depuis sa plus tendre enfance. Une originalité dont feu ses parents s’étaient accommodés comme ses amis et surtout Vincent, son mari. Un charme indéfinissable pour lui, mais pour elle un réel handicap puisque son embarras se traduit par une crampe de la lèvre supérieure qui la remonte brusquement en son centre et dévoile ses deux incisives centrales. Mon lapin lui susurre alors Vincent dans un élan d’affection. Ainsi, décider ou donner son avis la plonge dans un tel état de perplexité qu’elle préfère s'abstenir la plupart du temps. On la dit silencieuse, discrète, voire pour certains : taiseuse.

Elle en fera les frais.

À la mairie, devant leur désarroi, la secrétaire leur propose de loger chez l’habitant, le temps pour leurs meubles et cartons d’arriver à destination. Ils font ainsi connaissance avec leurs futurs voisins.

Les Cigalou ! Des retraités hauts en couleurs. Des nudistes par conviction.

Anne et Vincent ne le savent pas encore.

Ils sont armés de dix enfants et de vingt-trois petits-enfants par tradition familiale et pratiquent l’apéro et le barbecue par addiction régionale.

La première moitié de leur progéniture tient les commerces du village, l’autre l’administre. Christian, l’aîné, assume la fonction de maire ; Karine, la cadette, en assure le secrétariat à ses côtés. Vingt ans que cela dure. Kévin gère le camping municipal. Romane dirige d’une main de fer la Maison des Jeunes et de la Culture, son frère jumeau Romain s’occupe de la bibliothèque et de l’harmonisation des multiples associations qui fleurissent au sein de la localité.

Loin de les inquiéter, Anne et Vincent trouvent cela pittoresque, charmant et rassurant.

– 2 –

Un p’tit Jaune, ça vous dit ?

À peine installés chez Arlette et Pierrot, ceux-ci frappent aux carreaux de la double porte vitrée. Du lit où ils se trouvent assis, Anne et Vincent ne distinguent que les protubérances de l’anatomie de leurs hôtes, effet dû aux reflets farceurs d’un soleil de printemps en fin de journée. Anne pousse un cri d’effroi ; Vincent couvre de sa main les yeux de son épouse et demande :

—Qu’est-ce que c’est ?

—Sans vous déranger, on sert l’apéro dans dix minutes. Tout va bien ?

—C’est parfait…merci !

—Alors, à tout à l’heure, à la bonne franquette et sans chichis, avec le p’tit jaune qui va bien…si ça vous dit.

—Le temps de nous changer, nous arrivons. La stupeur passée, Anne interroge son mari.

—C’est quoi un p’tit jaune ? Nous changer, mais pourquoi ? On l’a fait en arrivant.

—Ma chérie, pour le p’tit Jaune : je n’en sais rien. Au cas où tu ne l’aurais pas compris, nos hôtes semblent pratiquer le nudisme…ou peut-être le naturisme, je ne sais pas. Pour faire honneur à leur hospitalité, on ne peut décemment se présenter habillés ainsi à l’apéritif.

—Tu veux qu’on y aille à poil ?

—Non, bien sûr que non. En maillot de bain, cela me paraît plus adapté.

—Normalement, on fait l’inverse.

— Oui...normalement.

Peu convaincue, mais conciliante, Anne accepte à la condition de pouvoir revêtir un paréo autour de sa taille. Inquiète, elle n’ose demander la différence entre nudiste et naturiste. Elle ne sait pas s’il en existe une et si oui, de quel ordre. Ses pensées l’entraînent un instant vers l’aspect sexuel de la chose surtout avec le p’tit jaune… Elle s’apeure et, sous l’inquiétude, sent sa lèvre se tordre. Elle se précipite dans la salle de bains. L’image renvoyée confirme la situation.

—Mon lapin, ça ne va pas à ce que je vois.

—Je ne peux pas y aller comme ça.

—Mais si, ça se remarque à peine.

Vincent ment : Anne est défigurée. Que vont penser leurs hôtes ?

Au même instant, deux voix éraillées s’écrient en chœur !

—Pastis et Rosé, c’est prêt !

– 3 –

C’est parisien ?

La fraîcheur du soir de mai les déconcerte ; ils frissonnent. La petite allée qui les sépare de la terrasse embaume la glycine et l’odeur ambrée du ciste. Ils respirent les senteurs par plaisir et pour se donner du courage. Anne n’en peut plus du rictus qui lui donne un air de demeurée et Vincent ne sait où mettre ses mains. Il n’a qu’un short de natation, sans poche. Arlette et Pierrot les accueillent avec bonhomie. La surprise est de taille : ils sont habillés. Les glandes sudoripares de Vincent s’excitent ; il sue à grandes eaux. Alors qu’Anne se cache la bouche avec un pan de son paréo, son mari maudit cette contrariété. Ce genre de désagrément lui arrive rarement. Il s’en préserve, anticipe, gère au mieux les évènements et leurs conséquences car il connaît sa fragilité. Son maillot est trempé, son visage dégouline de sueur. Il a cru choisir la meilleure option et les a placés dans une posture des plus inconfortables. Il perçoit l’échange de regards de leurs hôtes, leurs sourires, sans savoir s’il s’agit de moquerie ou de surprise amusée. À perdre sa contenance, il essaie de sauver cet instant du flottement :

—Vous vous êtes habillés ? Désolés pour notre tenue ; nous avons cru bien faire.

—Vous savez, on a beau être dans le Sud, les soirées sont fraîches au printemps, faut pas croire. Y a bien que les parigots pour pas s’en rendre compte !

—Pierrot, tu vas pas commencer ; laisse-les donc s’installer.

—Bah, je remarque surtout que la petite dame se les gèle, pas vrai ?

Anne secoue la tête pour indiquer que, non, tout va bien. Pierrot, en verve, poursuit sous les coups d’œil autoritaires d’Arlette qui l’invite à se taire.

—C’est pas le cas de votre mari, à ce que je vois. Vincent, vous m’avez l’air d’avoir trop chaud. Allez, qu’est-ce que je vous sers ? Un p’tit Jaune ou un Rosé bien frais ? Moumoune, t'as pas sorti les glaçons.

Vincent transpire à grosses gouttes, du visage surtout. Il se liquéfie au sens propre comme au figuré. Démuni, il attrape l’autre pan du paréo d’Anne et s’éponge. Pierrot n’en rate pas une miette et déclare :

—Mazette ! Joli maillot de bain et tout le reste qui va avec.

Arlette s’empresse d’intervenir.

—Faites pas attention à ce nigaud, il est pas méchant… Alors, comme ça, vous vous installez dans notre joli village ? À votre âge, ça surprend.

—Enfin Arlette, y a pas que des vieux par ici. L’écoutez pas, comme elle sort presque jamais, à part pour aller chez ses copines, elle croit qu’on a tous le même âge.

—Mais, qu’est-ce que tu racontes ? Je sors pas de chez moi ?

Anne toussote, se saisit du verre imposé d'office. Elle a horreur du pastis ! Vincent réussit à se contrôler ; il boit sa première gorgée, avec lenteur et application, et pioche quelques pistaches dans le bol que lui tend Arlette. Pierrot se fond dans le fauteuil-relax à accoudoirs ; à croire qu’il a été façonné spécialement pour lui.

—Ah, on n’est pas bien là ? Nos enfants ne vont pas tarder. On pourra commencer le barbecue. Saucisses et merguez, ça vous va ? De toute façon, y a pas le choix !

—Ne vous inquiétez pas Anne, j’ai fait de la salade aussi. Elle vient de notre potager, vous m’en direz des nouvelles. Et vous ? Vous avez des enfants ?

En chœur, comme à l’école, Anne et Vincent répondent qu’ils en ont un : Christophe.

—Un ? Boudiou, comment vous avez fait ?

—Euh, comme tout le monde, bredouille Anne.

—J’imagine ! Nous, avec l’Arlette, on en compte dix et vingt-trois petits-enfants pour l’instant. On n’a peut-être pas fait comme tout le monde, mais dans notre famille ça se passe comme ça. Faut dire qu’on n’est pas des parigots, non plus.

—Tu vas arrêter avec tes parigots ! Tu vois pas que ça en devient gênant. À votre âge, vous travaillez encore, bien sûr ?

Vincent s’étouffe d’une cacahuète perdue au milieu des pistaches ; Anne le regarde, désespérée. Pierrot insiste.