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Destins de femmes est une représentation de la vie fictive de femmes, qui se distinguent en tant qu’héroïnes grâce à leurs parcours inspirants. Cet ouvrage invite également à voyager à travers différentes contrées du monde. Il véhicule des valeurs humaines profondes et offre une lueur d’espoir à celles qui aspirent à donner un sens à leur existence.
À PROPOS DE L’AUTEUR
Le développement de l’esprit rêveur et de la sensibilité de
Jipy Pink fut largement influencé par son environnement de croissance. Un événement marquant dans sa vie l’encouragea à embrasser le monde de l’écriture. Il amorça son parcours en créant une trilogie poétique, avec pour objectif d’éveiller les émotions du cœur et de l’âme. Puis, guidé par un devoir de mémoire et un profond respect pour les âmes du passé, il donna naissance au livre
Les enfants des Terrils. En juin 2023, il compléta son œuvre poétique en publiant L’
Orientale. Aujourd’hui, à la demande de ses dévoués lecteurs et pour leur rendre hommage, il poursuit son voyage littéraire avec
Destins de femmes.
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Seitenzahl: 267
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Jipy Pink
Destins de femmes
Tome I
La légende des étoiles
Roman
© Lys Bleu Éditions – Jipy Pink
ISBN : 979-10-422-0154-8
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Cette fin d’année 1985, Alger, surnommée la blanche, avait adopté un air de fête en l’occasion de cette soirée mémorable.
Même la lune s’était revêtue de sa robe argentée et l’éclat immaculé de la couronne de brume se détachait du ciel constellé.
Poursuivant sa course, une étoile filante semblait suspendre sa marche au-dessus de la ville.
Le sirocco joueur faisait une brève apparition dans l’avenue noire de monde.
Le service d’ordre était renforcé. Il fut appelé pour contenir les débordements de la foule tout en s’occupant de la circulation automobile.
Depuis la rue s’observait la Coupole D’Alger, ce bâtiment mythique accueillant sports et distractions. Tel un diamant, il brillait de mille feux. Un cordon de sécurité composé d’agents privés garantissait les entrées. Il contrôlait avec vigilance les invitations.
À l’intérieur, dans sa loge Dalila Lahlou, l’enfant chérie du pays, installée dans le confort des coussins moelleux, se reposait tout en buvant une coupe de champagne. Elle exerçait sa voix par quelques vocalises, car elle devait assurer son tour de chant à l’attention de son public fidèle.
La diva, surnommée « le pain de sucre » pour sa gentillesse, attendait son passage sur les planches du théâtre et observait la salle comble. Depuis les écrans de contrôle, elle visionnait la préparation du récital. Elle reconnaissait la nomenklatura de son pays, certains chefs d’État étrangers ou leurs représentants et des partenaires commerciaux.
Dans l’avant-scène, elle distinguait les présidents de la République française, italienne, le roi d’Espagne et le Premier ministre d’Angleterre.
Par peur de décevoir l’auditoire, elle se relaxait en évacuant son trac. Elle contrôlait sa respiration tout en exerçant quelques mouvements doux de son corps. Elle devait retrouver ses sensations positives qui la transportaient vers des moments d’extase au contact du public.
Songeuse, au déroulement du fil de sa vie, elle louait son dieu et son esprit vagabondait dans ses souvenirs les plus intimes :
Elle avait grandi dans la propriété de monsieur et madame Marchand, colons français, établis en Algérie.
Ils vivaient heureux dans le Languedoc près de Montpellier au pays des cigales, avant cette fameuse crise viticole dévastatrice (le phylloxera) qui frappa le vignoble et les décida à émigrer.
Âgés de quarante ans, mais munis d’une foi sans borne, ils aspirèrent à un nouveau départ dans ce pays décrit comme un eldorado, l’Algérie.
La navigation parut assez éprouvante sur le bateau à vapeur. Son épouse demeurait sensible au mal de mer et la méditerranée peut se montrer parfois capricieuse.
À peine descendus à terre, ils se mirent en route afin de trouver un site où pouvoir s’installer. Un jour, la chance leur sourit, ils repérèrent une plaine, en bon agriculteur, Yves Marchand sentit, goûta et malaxa la terre. Il se réjouit en comprenant la fertilité du lieu.
Il observait la présence de cours d’eaux pour l’irrigation, de forêts pour fournir le bois de construction, de chauffage et un port un peu vétuste pour commercialiser et exporter ses productions.
Il avait déniché son paradis et il ne lui restait qu’à trouver la main-d’œuvre locale. C’est en se promenant sur le ponton qu’il remarqua un couple avec un enfant occupé à pêcher et à vider les poissons pour les vendre au marché.
Le visage buriné par le soleil, ils ne ménageaient pas leurs efforts pour jeter et remonter les filets. Le garçon aux cheveux bouclés un peu turbulent les aidait comme il le pouvait.
Saisissant son courage à deux mains, Alain les accosta et fit connaissance de la famille Lahlou.
En tant que gestionnaire, il découvrit les qualités du ménage, gentillesse, charisme et énergie et force de travail.
Sa décision prise, il devait les convaincre de le suivre dans ce projet ambitieux. Ahmed, le mari serait le futur régisseur du domaine et Bariza, sa femme deviendrait la gouvernante.
Grâce à ce duo et au personnel recruté, en quelques années l’exploitation prit tournure. Devant l’âpreté de la tâche, ils ne durent à aucun moment se décourager, une bonne entente régnait et les soudait.
L’emplacement choisi qu’envahissaient les ronces et les mauvaises herbes hautes devait être aménagé. De son ventre émergeaient une terre noirâtre et quelques rochers à dynamiter. Quel bonheur, l’ouvrage achevé, que de humer cette odeur du sol fraîchement retourné !
Alain était contraint de l’irriguer, pour cela, tout un réseau de drainage fut créé. Quelles larmes de joie pour Alain quand il vit s’écouler ce précieux liquide qui ruisselait sur les terrains labourés !
Puis vint l’instant délicat des plantations par ordre de récoltes.
Les céréales telles que : blé, orge et avoine seront distribuées en Algérie. Puis exportées en France.
Les fruitiers comme : les orangers, les oliviers et les vignes seront commercialisés dans quelques années.
En même temps, ils construisirent le domaine composé d’une bâtisse de production et d’un grand hangar, décoré de mosaïques et d’arabesques d’un pur style oriental.
Ils avaient érigé une habitation sur deux étages que se partageaient les deux ménages. Les deux épouses mettaient un point d’honneur à la présence dans chaque pièce à vivre, d’un bouquet de fleurs coupées la veille qui sublimait de parfums.
Pas de dépenses superflues pour un prestige quelconque, la famille avait gardé les pieds sur terre. Le médaillon en lettre d’or, qui ornait le portail d’entrée, demeurait l’exception. On pouvait y lire : la chance.
Une année plus tard, Bariza attendit un heureux événement, Yves suggéra donc de lui adjoindre une jeune fille pour l’aider dans ces tâches ménagères.
Enceinte de son deuxième enfant, elle ne put que participer au choix de la décoration des logis, car les deux femmes voulaient que les lieux deviennent une véritable bonbonnière.
Elles mélangèrent avec adresse les styles occidentaux et orientaux. De larges tentures d’un bleu nuit ornaient chaque pièce, des rideaux avec des motifs floraux égayaient les fenêtres, des tapis berbères posés à même le sol revigoraient les pieds. De vastes cheminées permettaient de cuire la valeur d’un agneau, de chauffer de façon agréable la maisonnée pendant les fortes pluies et la saison d’hiver.
Quand ce fut le moment, la famille Marchand l’emmena accoucher dans l’hôpital français réputé pour la qualité de ses soins. Devant son affolement, Alain lui assura de prendre le coût de son séjour à sa charge.
En outre, avec l’aide d’Ahmed, ils agencèrent une chambre de couleur rose, pendant qu’Anne s’occupait de l’achat du berceau et des articles de puériculture. C’est là qu’un jour de printemps naissait, Dalila.
Sa mère put se reposer le temps nécessaire avant de retravailler, car la jeune fille, embauchée, suppléait aux tâches quotidiennes.
Dalila vivait dans un certain cocon entre ses parents et leurs employeurs, ils entretenaient une relation amicale basée sur une estime réciproque.
Elle grandissait à vue d’œil et lors de la perte de sa première dent de lait, Anne lui mit sous l’oreiller un louis d’or, en lui racontant le conte de la petite souris. Dalila le porte encore de nos jours autour du cou.
Anne n’ayant jamais enfanté, elle la considérait un peu comme sa propre fille et la choyait énormément, au désespoir de sa mère. Elle appréhendait son futur comportement de gamine gâtée.
La famille Lahlou se demandait ce qui expliquait tant de largesses et de bonté de la part de leurs employeurs et amis.
C’était sans compter sur le passé du couple Marchand. Il était issu du peuple paysan, dans une région communiste où le travail et la solidarité représentent de vraies valeurs humaines.
Ils le prouvèrent à maintes occasions : ils payèrent les études du fils pour son progrès en connaissances viticoles. Reconnaissant, il se fixa comme but d’élaborer une gamme d’appellations. Vendre dans le monde et bien entendu en France devenait son ambition commerciale.
Plus tard, ce fut Hamed, son père qui suivit des cours en gestion pour évoluer en tant que régisseur du domaine.
Quant à Bariza, elle reçut un enseignement des techniques du dessin, car elle aimait représenter en croquis ses visions, pour garder une trace en guise de souvenir.
Anna n’avait fait qu’une folie dès son arrivée, l’achat d’un piano de marque importé de France qui trônait dans le salon. Elle tenait cette passion de sa mère. Il avait fière allure quand la maîtresse de maison divertissait l’entourage en effleurant ses touches qui délivraient des notes harmonieuses.
Tout ce petit monde était sagement assis, autour du feu où crépitaient les escarbilles. Depuis les canapés, ils observaient les ombres qui semblaient danser au rythme de la mélodie, à la lueur des lampes à huile orientales.
Dalila s’intéressa très tôt à la musique et c’est spontanément qu’elle apprit le solfège. Elle commença par jouer l’air, au clair de la lune, avant de pouvoir progressivement interpréter des morceaux de célèbres compositeurs et compositrices.
Elle, de nature, si timide, elle se surprenait à fredonner en flânant dans la rue. Elle observait les promeneurs avec attention qui s’arrêtaient sur son passage pour l’écouter. Anne décida un soir de tester ses capacités harmoniques. Elle l’accompagna au piano et la voix cristalline fit merveille pour le bonheur des deux familles réunies.
Alain jugea que c’était le moment de penser à son évolution musicale. Il fit donc appel à une professionnelle venue de Paris. À la faveur des exigences de sa professeure, son chant devint plus mélodieux, avec un timbre d’une grande beauté.
Elle fit honneur en donnant des représentations dans des exploitations coloniales et devant les membres du gouvernement français.
Au vu de ses prestations et pour donner suite au conseil de sa directrice d’orchestration, non sans gaieté de cœur, elle fut envoyée au conservatoire de Paris pendant un an. Elle y développera sa tessiture de soprano lyrique.
Dalila débarqua dans cette capitale française et fréquenta avec ses amies chanteuses le quartier de Saint-Germain-des-Prés.
C’était l’endroit à la mode pour rencontrer les intellectuels et les artistes. Elle était attablée dans le café, accompagnée de ses proches, quand un bohème qui buvait une rasade de vin l’aborda. Il possédait un ego démentiel, il ne considérait pas le lyrique comme un métier. Elle le regarda en riant en fixant le verre en cristal vide, puis poussant sa voix dans les aigus, elle le brisa. L’air ébahit et en s’excusant il quitta, vexé, l’établissement.
Cette nouvelle fit le tour du Tout-Paris, car un journaliste, témoin, écrivit un article dans une revue destinée au monde culturel. Cela arriva aux oreilles du conservatoire qui entrevoyait une future diva, son directeur lui donna des leçons particulières de chant et de maintien.
Elle devenait la coqueluche, invitée à des soirées privées, où elle fit sensation.
Malheureusement, Dalila dut quitter rapidement la France, car en Algérie survinrent les incidents, d’où découla la décolonisation.
Sa famille adoptive, Marchand déchirée et déçue, par obligation, rentra en larmes en France, après des adieux poignants.
Ils s’installèrent dans les Corbières, sur une propriété viticole baptisée « le pain de sucre » en hommage à Dalila, cette jolie fillette transformée en cette femme pleine de promesses.
Nacer, le fils algérien, par nostalgie pour ses anciens employeurs, les rejoignit. Il mit en pratique ses compétences dans son magnifique pays d’intégration. Il les aida à élaborer des cuvées de prestige connues même en Amérique. En hommage à sa sœur, la marque de sélection portait son surnom.
Quant à la famille Lahlou, ils purent rester sur le domaine dirigé maintenant par l’état algérien et son ministère de l’agriculture.
Ils venaient tant qu’ils pouvaient pour passer leurs vacances en France et voir leurs fils et sous la tonnelle de la villa, ils aimaient se remémorer de si beaux souvenirs :
Le temps des vendanges où Dalila foulait le raisin avec ses pieds pour obtenir ce précieux nectar et le travail à la cave où se mélangeaient les odeurs. Quelle joie que de le déguster à la lueur de la bougie devant un plat de charcuterie !
Celui du méchoui mensuel, sur la terrasse, où, sous l’oranger, on installait de grandes tables pour tout le personnel. Ces odeurs de viandes chaudes, de cendres, se mêlaient à celui des fleurs. Le vin coulait à flots, y circulaient de l’alcool et les jus de fruits faits maison.
Pendant ce moment, Dalila chantait accompagnée d’Anne qui jouait du piano. Que reprenait en cœur l’orchestre des cigales endiablées qui se cachaient dans les arbres. Quel beau présage pour le déroulement de sa carrière !
Le temps automnal où l’équipe ramassait les olives. Les hommes grimpaient sur des échelles en bois pour les cueillir, pendant que leurs femmes triaient la récolte tombée sur de vastes filets. Que penser de ces réminiscences de bruit et d’odeur des meules de pierre qui les broyaient pour en extraire l’huile ?
Ils se remémoraient Bariza.
Anne et Dalila qui distribuaient aux animaux les déchets de noyaux en guise de nourriture.
Le moment où ils allaient se distraire à Alger. Les maris s’épanchaient au bar un verre de Picon à la main. Les épouses se promenaient au parc en jetant une pièce dans le bassin pour remercier leurs dieux.
Dalila a même effectué ses premiers pas en discothèque sous la surveillance de son frère aîné. À cette époque, la famille, qui avait réussi l’effort de comprendre la culture islamique, profitait de cette douceur de vivre.
Le temps, où ils pouvaient flâner dans le quartier de la casbah dont la France avait recomposé le paysage. Ils déambulaient dans les souks en négociant pour le plaisir les achats réalisés par les trois femmes.
Tous les cinq fréquentaient assidûment le hammam pour purifier le corps.
Que d’excursions dans les ruelles étroites et ombragées à la rencontre des habitants, où se mêlaient les odeurs et les parfums enivrants des fleurs !
Que de belles découvertes lors de la visite de la vieille ville ! Ses vestiges historiques et culturels permettaient une meilleure compréhension du passé.
Ahmed mettait un point d’honneur à rappeler : bien que nos confessions religieuses nous séparent, nous sommes des êtres de paix !
Dalila qui s’était assoupie un petit moment voyageait ainsi au pays de ses souvenirs.
C’était maintenant l’heure de donner son récital. Dans un silence liturgique, en l’honneur du Président, elle commencera par l’hymne à la joie qui décrit un univers fraternel. Celui-ci prônait davantage de démocratie et une ouverture sur des relations commerciales avec les nations européennes. Elle songea à la bouffée d’oxygène apportée à son peuple.
Sous le rideau de la scène, elle pratiqua son rituel. Puis vint le moment traditionnel de la prière et de la pensée pour sa mère. Toutes les deux apparaissent différentes et complémentaires. L’une semblait timide, douce et tendre, elle ne s’exprimait que dans son art lyrique. L’autre paraissait plus loquace, mais elle cachait toutes ses blessures de la vie derrière ses paroles.
Son tour de chansons classique terminé, la foule debout la salua et l’acclama. Sous un tonnerre d’ovations et les larmes aux yeux, elle fit la révérence avant la fermeture du rideau. Mais au moment où elle comptait rejoindre sa loge, le public scandait le rappel. Elle donna alors au chef d’orchestre une partition et sous cette mélodie apaisante elle chanta un air de sa composition qui parlait de tolérance, de monde cosmopolite et d’amitié. Ce sont ces valeurs qui avaient bercé toute sa vie. Ce fut un vrai débordement de joie, d’allégresse. L’auditoire se leva et vint l’embrasser, la scène fut recouverte de fleurs.
Elle dut s’appuyer sur un des musiciens pour s’éloigner et rejoindre sa loge tellement elle était épuisée d’avoir laissé ses sentiments s’exprimer et de s’être consacrée totalement au public.
À l’intérieur l’attendait le président pour la féliciter et l’encourager à continuer dans cette voie. Elle le remercia de toute la chaleur humaine qu’elle apportait. Dès qu’elle l’eut quitté, elle pria qu’on ne la dérangea sous aucun prétexte, elle avait besoin de repos.
En esprit, elle s’évada de ce lieu et se retrouvait au mois prochain, quand elle donnerait un concert en France dans la région des corbières. Elle dédierait spécialement ce récital à l’anniversaire de mariage de ses bienfaiteurs, ses amis. Elle viendrait bien entendu, accompagnée à l’occasion par ses parents.
Elle rencontrerait aussi son frère aîné, qui a toujours gardé ce côté un peu espiègle.
Elle mettrait un point d’honneur malgré son statut social à préparer un couscous suivant la coutume familiale pour tous les invités triés sur le volet.
Pain de sucre, est devenue une grande dame, avec des qualités de cœur et de traditions basées sur le mélange culturel.
Nul doute qu’elle illuminera cette soirée dans ce domaine et rejoindra avec joie en quelque sorte sa seconde mère, Anne !
Quel chemin parcouru pour cette femme dont les parents furent de modestes agriculteurs et quelle destinée !
Rien ne prédisposait la fillette à exercer son futur métier, car elle passait son existence rythmée par le quotidien familial et le climat. Isabelle aimait ces hivers doux et humides et ces étés plus frais où elle se promenait dans la cité, habillée en conséquence.
Elle habitait un joli cottage à la périphérie de la ville à l’atmosphère tempérée.
Quel bonheur de vivre dans la maison moelleuse de ses parents qui alliait l’aspect traditionnel et le confort moderne !
Du bout de la rue, elle pouvait l’apercevoir, qui se démarquait par ses murs peints en blanc et son toit de chaume.
Elle préférait les mois de mars et d’avril, cette période où nichait un couple de cigognes sur l’une des cheminées non utilisées. C’était l’attraction du quartier que de nombreux promeneurs prenaient en photo.
D’ailleurs, cela faisait la Une d’une revue animalière, au titre évocateur : le résultat du plan de sauvetage élaboré par les autorités anglaises.
Elle affectionnait de jouer, à cache-cache, avec ses deux lévriers barzoï à la robe sable blanc, dans le vaste jardin paysager qui entourait la demeure.
Un peu fatiguée, elle se reposait ensuite au bord de la piscine, les deux chiens allongés sur la pelouse fraîchement tondue.
Sa mère Jenifer avait gardé son style baba cool. Elle portait des lunettes polychromes, un collier avec des attrape-rêves. Elle était également vêtue de son tee-shirt favori marqué : paix et amour, habillé d’un pantalon réalisé en matière naturelle.
Pure écologiste par conviction, elle avait créé une petite entreprise d’entretien d’espaces verts et de parcs, qui travaillait aussi pour la ville.
Isabella par la fenêtre de sa pièce l’admirait, elle taillait les glycines avec ses abondantes floraisons de couleur. Elles recouvraient les murs de la mairie et embaumaient toute la rue d’une odeur de miel.
Elle remarquait au loin l’équipe de jardiniers qui modelaient la tonnelle de rosiers grimpants.
Isabella se sentait heureuse grâce à l’imagination de sa mère qui permettait de pratiquer l’art topiaire. De sa chambre, elle avait vu sur les buissons de buis sculptés. Ils symbolisaient un couple d’éléphants et leur petit qui gambadaient dans l’espace vert. C’était un clin d’œil à sa propre famille.
Quel contraste avec son père James, pure représentation du parfait gentleman anglais !
Il s’habillait en costume et cravate, de sa légendaire montre à gousset et de sa pipe en écume de mer.
Il exerçait le métier de professeur et enseignait en faculté, la géopolitique. Sa taille imposante inspirait le respect pendant les cours. D’ailleurs Jade, la meilleure amie de sa fille le décrivait comme un homme austère, peu souriant. Mais ce n’était qu’un aspect de sa personnalité, sans stress il pouvait se détendre et rire à la maison.
Elle découvrit par hasard le monde de la navigation dans l’ancien port de la ville, son école ayant organisé une journée de connaissance des techniques nautiques.
Un moniteur par bateau leur inculquait les bases pour manœuvrer un voilier. Dans un premier temps, elle éprouva quelques difficultés à le positionner dans l’axe du vent, à sentir les courants et les réactions du frêle esquif.
Mais en lâchant prise et en se fiant à ses sensations, elle se débrouilla assez bien. Elle adora cette sortie pédagogique et se jura de continuer l’apprentissage.
Pour la conforter dans cette idée, en se restaurant à la guinguette sur le quai, elle écouta attentivement son moniteur. Il lui prodiguait de judicieux conseils. Elle devait acquérir la maîtrise du kayak avant de passer à la voile.
Il lui parla de ce talent caché qu’elle avait, qui lui concédait la possibilité de devenir une grande navigatrice.
Elle lui promit d’en discourir avec ses parents, d’ailleurs sa mère venait la chercher dans sa voiture électrique pour l’accompagner aux courses alimentaires.
Son père ayant terminé sa réserve de gin de fabrication régionale parfumé à la rhubarbe, elles durent se pourvoir chez le distillateur local.
Par-dessus tout, elle affectionnait la visite chez Mary l’amie de la famille qui tenait une fromagerie à l’écart de la ville.
Pendant que Jenifer discutait en choisissant un quart de meule de cheddar affiné dans les caves, Isabella caressait les vaches dans leur enclos tout en assistant à la traite.
Puis, elles se rendirent toutes les trois dans la cuisine afin de goûter les macarons et les petits cakes à la fraise autour d’un thé et d’une limonade bien fraîche.
Ensuite, rassasiées, elles rentrèrent, contentes, à la maison.
Isabella aimait sa région avec sa population de jeunes assez dynamiques qui fréquentaient les différentes universités de renom.
De nombreux artistes résidants y développaient l’espace culturel. Tout ceci la stimulait et l’encourageait à se dépasser.
Elle ne se séparait jamais de son amie Jade, une grande rousse pleine de vitalité. En se déplaçant à vélo électrique, elles découvraient la nature et les monuments. Dans une semi-obscurité, elles jouaient à traverser à vive allure, les passages souterrains creusés il y a plusieurs centaines d’années sous la ville.
Elles savouraient les randonnées sur les sentiers de terre, en cheminant entre les arbres et la végétation parmi les plus luxuriantes.
Elles croisaient dans cette forêt, ce véritable éden bocager, un scooter tout terrain pour personnes à mobilité réduite. La température se refroidissant, elles se réfugiaient un peu tremblantes au café du parc. Là, blotties autour du poêle à bois, elles buvaient un bon chocolat fumant qui répandait son odeur suave, tout en dégustant des pâtisseries.
Puis, repues et radieuses, elles regagnaient leurs domiciles respectifs.
Isabella et Jade se comportaient comme deux sœurs, en partageant le plus d’événements et de joies.
Voyant avec bonheur cette relation amicale, les parents encourageaient de tout cœur sa continuité et invitaient Jade à toutes les sorties. Elles pouvaient paraître ludiques, mais le but consistait en une ouverture sur la culture.
À cet égard, Jenifer amenait souvent les deux fillettes dans un parc à thème, certes pour s’amuser sur des montagnes russes et des attractions nautiques. Mais elle était membre de la société royale qui luttait contre la maltraitance envers les bêtes. Elle se devait de les élever dans le respect de la cause. Elle-même profitait d’une semaine de vacances pour participer au fonctionnement de cette institution.
Ici, la ferme servait de bases aux leçons de pédagogie, elles pouvaient observer les animaux de l’étable et la présentation d’insectes.
Quant à James, amateur de films, il emmenait les adolescentes au musée, car de nombreux objets qui provenaient d’Hollywood y sont exposés. Elles purent découvrir le côté technique, la philosophie de l’art cinématographique et les valeurs inculquées dans les anciennes pellicules.
Elles durent maintenant, éduquer leur palais afin qu’elles puissent acquérir un goût éclectique en matière de nourriture.
Pour ce faire, elles dégustèrent de la cuisine chinoise, indienne, italienne, jamaïcaine, européenne et bien entendu britannique.
C’est ainsi que les deux amies cultivées avec une ouverture d’esprit mondiale développaient leur tolérance envers les autres, tout en ne pouvant renier leurs origines britanniques. Elles purent dans ces conditions voyager avec aisance et sans crainte du quotidien.
Tous les week-ends, elles adoraient naviguer en kayak à deux places sur la rivière qui longeait les quais à la recherche d’un concert en plein air. Ce besoin d’évasion et de découverte les orienta vers leurs futurs métiers.
À l’âge de raison, Jade désirait évoluer dans une compagnie aérienne anglaise. Isabella, quant à elle, choisissait d’exercer dans la marine marchande.
Isabella suivit un cursus universitaire et scientifique, avec options, français et espagnol. Elle décrocha sa licence avec une mention très bien.
Elle demanda par la suite son admission à l’École nationale supérieure maritime française pour progresser vers une formation d’ingénieur, grâce à L’Europe, qui autorisait l’équivalence des diplômes. En cinq ans, elle devint officière avec le grade de capitaine.
Ses parents très contents de sa réussite lui achetèrent un petit appartement dans une cité balnéaire proche des côtes anglaises.
Elle commença sa carrière, en commandant un bateau-mouche qui assurait des croisières régulières sur la Tamise. L’obscurité permettait pendant deux heures aux passagers et passagères d’observer les monuments de la capitale tels que le parlement, l’horloge de Greenwich et de rêver par une nuit constellée d’étoiles.
C’est lors d’un repas privé avec spectacle, pour le jour de l’an qu’elle rencontra le vice-premier ministre et son épouse.
Elle venait d’accoster le vaisseau, de main de maître. Les personnalités pouvaient ainsi admirer en toute tranquillité le magnifique feu d’artifice tiré depuis la rive droite.
Tout sourire, il s’approcha d’elle en lui remettant sa carte de visite. Un peu confuse et songeuse, elle rejoignit son poste de pilotage pour ramener le bateau à son embarcadère.
Elle salua tout le monde lors de la descente du navire et observa un air malicieux sur le visage de l’homme d’État qui lui demanda de lui téléphoner rapidement.
Elle dormit mal cette nuit-là, en pensant en premier lieu à un plan séduction.
Le prestige de l’uniforme ne tournait-il pas la tête de cet homme ?
Cet homme politique se trompait lourdement, car la préférence sexuelle d’Isabella se portait sur les personnes féminines.
Elle résolut néanmoins, après mûre réflexion, d’honorer le rendez-vous et se présenta donc à la résidence privée du ministre. Un majordome l’introduisit dans une pièce de travail. Là, elle découvrit une somptueuse bibliothèque où l’attendait patiemment le représentant de la nation.
Il la guettait assis, à l’aise dans son bureau et il leva les yeux de son dossier en rajustant ses lunettes.
Un peu étonnée de sa présence en ce lieu, elle prit place sur le fauteuil en cuir.
Elle fut vite rassurée autour d’un thé servi sur la table en marbre blanc, sur ses intentions. S’ensuivit une discussion de type informelle et en toute simplicité.
Elle parla librement de ses opinions politiques et ses compétences techniques dans son métier.
Satisfait de ses réponses, il lui fit part du projet franco-anglais de traversée de la manche en hydroglisseur. Il lui demanda si commander ce type de navire pouvait l’intéresser, compte tenu de la nouveauté.
Pour clôturer l’entretien, il lui dit qu’il reviendrait vers elle pour la tenir informée du contenu de son audience privée en présence de la reine.
Un peu médusée, elle quitta la résidence et continua à effectuer les rotations sur la Tamise à bord du bateau. Elle ne se faisait pas de grande illusion sur le devenir de sa situation professionnelle.
C’est un jour où elle s’y attendait le moins, pendant l’accostage, qu’un officiel vint la chercher pour l’emmener au palais de Buckingham. Introduite dans la demeure, puis dans les appartements qui dominaient le jardin arboré, elle aperçut la reine et la princesse qui conversaient.
Après la révérence d’usage, Isabella prit place dans le fauteuil en face de la souveraine et le maître d’hôtel apporta quelques boissons fraîches. Tout en caressant les chiens de race « corgis » qui dormaient à ses pieds, elle lui fit part de son dessein subtil. Les deux représentantes de la couronne manifestaient le besoin d’exposer une femme d’expérience, aux médias. Elle devait représenter sa nation en endossant le costume de commandant d’un aéroglisseur, pour relever le prestige de la royauté.
Dans un délai de deux mois, elle devait maîtriser sa conduite. En outre, elle ne pouvait refuser, car la société des bateaux-mouches avait déjà reçu le message officiel de sa rupture de contrat.
Surprise par cette détermination, elle vit le domestique qui lui apportait la lettre cachetée posée sur le coin de la table. Elle l’ouvrit avec étonnement et constata son engagement à partir du lendemain. Elle se retira étourdie, tout en balbutiant des paroles de remerciement.
Elle rentra chez elle et célébra la bonne nouvelle jusqu’au matin, accompagnée de son amie Jade. Elles allèrent passer la soirée au restaurant et au dancing. À la lueur de l’aube, elles se mirent au lit avec une bouteille de champagne. Elles habitaient ensemble, car le vent des années soixante-huit et sa libération sexuelle avaient caressé leurs visages. Elles étaient toutes deux amantes et toute la vie durant elles luttèrent pour la reconnaissance de leur statut dans des associations.
Pour le père d’Isabella, ce ne fut pas facile de se faire à cette idée. Néanmoins, sa mère observa sa fille très heureuse et le convainquit de l’évolution des mœurs. Il ne devait surtout pas se formaliser et se montrait si puritain.
Il apprit également que lors d’un congé pris en commun, elles décidèrent de se marier pour pouvoir entamer une procédure d’adoption longue et compliquée.
Sa carrière progressa donc, elle commanda effectivement le « Princess Margaret » pendant vingt-trois ans. La puissance des moteurs lui permettait d’effectuer le trajet en vingt-cinq minutes en embarquant plus de deux cents passagers et des automobiles dans ses flancs.
Jade reconnaissait le bruit typique des hélices qui assurait la portance du coussin d’air avant de le voir émerger du brouillard. Elles adoraient se retrouver à la fin du travail, pour aller flâner en amoureuses.
Mais le rendement prenait le pas sur le plaisir. La période des trente glorieuses achevées, ce moyen de transport maritime céda la place à des navires, qui contenaient plus de véhicules. Ils consommaient bien moins de carburant et revenaient moins chers en entretien. De plus, la création du tunnel sous la manche permettait le passage des trains et un trafic routier de tous types.
Elle dut s’engager vers la voie de la retraite anticipée, mais extrêmement méritée. Elle devint une femme d’intérieur hors pair. Pour vaincre l’ennui, elle s’adonnait aux tournois d’échecs et aux activités culturelles de la ville. Elle attendait avec impatience le retour du travail de Jade, qui, par bonheur, faisait partie de la catégorie du personnel navigant en fin de carrière.
Isabella, depuis le domicile, se remémorait la destinée de Jade et les bons moments passés ensemble malgré les préjugés. Elle avait réussi ses examens et elle commença son métier dans la nouvelle compagnie anglaise qui volait sur Boeing.
Elle préférait particulièrement la ligne Londres-Paris, car pendant l’escale elle pouvait visiter la capitale française et ramener du parfum et des bijoux.
Aux vues de ses capacités et de ses notations, elle fut sélectionnée pour occuper le poste de chef de cabine sur le prestigieux avion, le concorde qui reliait l’aéroport de New York.
Isabella feuilletait la larme à l’œil, l’album photographique de ces moments. Jade qui posait dans sa tenue réalisée par une maison de couture et qui accueillait en souriant les passagers. Elle étudia attentivement le cliché du steward qui servait dans de la vaisselle en porcelaine, le champagne, le foie gras et les homards. Que dire de celle de l’équipage au complet, qui se réunissait devant le nez particulier de l’appareil !
Elle savait que Jade regrettait d’ailleurs cette époque avec nostalgie. Elle fréquentait à bord de cet appareil, des femmes et des hommes d’affaires des plus respectueux.
Elle naviguait maintenant sur des lignes intérieures qui lui laissaient beaucoup de temps libre à écouler avec sa bien-aimée.