Dis, c'est quoi l'antifascisme ? - Author Dohet - E-Book

Dis, c'est quoi l'antifascisme ? E-Book

Author Dohet

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Beschreibung

Quand on parle d’antifascisme, viennent soit l’évocation de chansons de groupe de punk ou de rap, soit plus souvent les images de personnes cagoulées, violentes, assimilées au Black Bloc. Mais quelle réalité se cache derrière cette image d’Épinal ? L’antifascisme peut-il se résumer à cette caricature ou est-il bien plus diversifié dans ses modes d’actions comme dans ses militant·es ? N’est-il que le fait d’anarchistes résidants dans des squats ou est-il bien plus large, intégrant des organisations très institutionnalisées à l’image des syndicats ?

Après avoir défini ce qu’est le fascisme, nous nous attacherons à faire l’histoire des mouvements qui s’y sont opposés dès sa naissance en s’affirmant antifascistes. Nous aborderons ensuite plus concrètement l’antifascisme : son idéologie, ses pratiques, ses symboles (à l’exemple du double drapeau rouge et noir)... L’occasion de voir que cette notion recouvre des réalités plurielles et des engagements divers et variés : veille sur les réseaux sociaux, organisations de concerts, autodéfense populaire, actions sociales, éducation permanente, manifestations... Et que l’on ne peut parler d’antifascisme sans parler de féminisme, d’internationalisme, de solidarité. Nous terminerons par une évocation de son existence en Belgique 100 ans après sa naissance, tant en Flandre qu’en Wallonie, ainsi que des défis qui se posent à lui, et de son utilité face à la menace pour la démocratie que constitue une extrême droite violente en plein développement.

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DIS, C’EST QUOI

l’antifascisme ?

Julien Dohet

Dis, c’est quoi l’antifascisme ?

Renaissance du Livre

Drève Richelle, 159 – 1410 Waterloo

www.renaissancedulivre.be

Directrice de collection : Nadia Geerts

Maquette de la couverture : Corinne Dury

Mise en page : CW Design

e-isbn : 9782507057527

Dépôt légal : D/2022/12.763/02

Droits de traduction et de reproduction réservés pour tous pays.

Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage est strictement interdite.

Julien Dohet

DIS, C’EST QUOI

l’antifascisme ?

Préface de Jean Faniel

Préface

Voici un siècle, les fascistes prenaient le pouvoir en Italie.

Zeev Sternhell a montré que l’idéologie d’extrême droite puise en fait ses racines au XIXe siècle, de l’autre côté des Alpes. Boulangistes, maurrassiens ou pétainistes en France, fascistes en Italie, Oustachis en Croatie ou encore, bien sûr, nazis en Allemagne, ont montré non seulement la diversité qui peut caractériser cette famille politique, mais aussi les alliances possibles entre ses différentes composantes et la concurrence dans l’horreur à laquelle celles-ci peuvent se livrer.

Franquistes et salazaristes dans la péninsule ibérique, colonels en Grèce ou partisans de Pinochet au Chili ont illustré la survie et les mutations d’une idéologie et son incarnation dans des régimes violents actifs sur différents continents.

Plus récemment, partis politiques, réseaux en ligne, mouvements divers, milices ou autres types d’organisations ont prouvé leur capacité à muter, à s’adapter aux évolutions des sociétés, tout en préservant les fondements de l’extrême droite : vision inégalitaire du monde, nationalisme exacerbé, attachement à l’ordre, rejet radical voire violent des valeurs et organisations de gauche…

Dans plusieurs pays, des partis d’extrême droite ont eu la possibilité depuis 30 ans de participer au pouvoir au sein de coalitions ou de soutenir des gouvernements de l’extérieur, pesantsur leurs choix de manière bien réelle. Dans d’autres pays, sans en arriver là, les idées véhiculées par ce courant de pensée concernant l’immigration, la sécurité, la justice, les politiques sociales ou d’autres questions de société encore ont pu faire leur chemin au sein de la population et imprégner les politiques menées par des partis pourtant a priori opposés aux formations d’extrême droite.

L’extrême droite pourrait-elle donc avancer sans entraves, tel un rouleau compresseur ? Les fascistes ne rencontreraient-ils donc aucune résistance ? Non, bien au contraire. Au point que les mots antifasciste et antifascisme ont été forgés dès l’entre-deux-guerres. Au point également que le mot Résistance avec une majuscule désigne précisément la résistance aux régimes d’extrême droite qui se sont installés en Europe avant ou après avoir provoqué la Seconde Guerre mondiale. Au point enfin que l’antifascisme reste un mouvement d’actualité.

Pourtant, les ouvrages concernant l’antifascisme et, plus largement, la lutte contre l’extrême droite sont bien plus rares que les nombreuses recher­ches portant sur cette famille politique ou même que l’abondante littérature d’extrême droite elle-même.

Ce petit livre revêt par conséquent un intérêt tout particulier puisqu’il éclaire une facette peu connue du combat en faveur de la démocratie. Et il le fait de manière riche, claire, fine, engagée et sans éluder des questions parfois sensibles.

Riche. Au fil des réponses de Julien Dohet aux interrogations de Chloé Delabbé, on voyage à travers les époques et les histoires nationales.

Claire. Sans se perdre, on découvre ou se remémore la diversité et le nombre important de régimesou d’organisations d’extrême droite actifs non seulement avant-guerre, mais aussi depuis la Libé­­ration.

Fine. On prend aussi conscience au fil des pages de la diversité qui caractérise l’extrême droite et, pareillement, de la pluralité de formes, de tendances ou de sensibilités qui animent la lutte contre celle-ci.

Engagée. Le propos ne laisse aucun doute, l’importance et l’absolue nécessité du combat antifasciste transparaissent sans ambiguïté tant l’extrême droite menace des valeurs fondamentales endémocratie telles que la liberté, l’égalité entre toutes et tous, la solidarité entre êtres humains, la tolérance ou le respect des autres.

Sans faux-fuyant. Ce livre aborde tous les aspects de l’antifascisme, des plus consensuels à ceux qui divisent parfois jusqu’au sein même des opposants à l’extrême droite. Ainsi, sans en faire pour autant l’apologie, cet ouvrage montre que le recours à la violence fait partie intégrante de la réflexion antifasciste. Il ne renvoie pas pour autant dos-à-dos l’extrême droite et ses opposants, soulignant que la violence est consubstantielle de l’idéologie de la première et qu’elle imprègne très largement sa conception des rapports humains, là où une frange du mouvement antifasciste estime nécessaire d’y recourir dans un but précis et circonscrit d’action directe d’autodéfense contre la violence, y compris verbale, d’extrême droite.

L’exploration de l’antifascisme qu’on va suivre dans ces pages est éminemment politique, mais elle évoque aussi la culture ou le sport. Elle met l’accent sur la variété des composantes qui luttent contre l’extrême droite – impliquant des anarchistes, des communistes, des socialistes ou même parfois des personnes extérieures aux différentes tendances de gauche – et sur la centralité dumouvement ouvrier dans ce combat. Enfin, elle révèle la diversité des formes d’intervention antifascistes qu’on peut relever à travers l’histoire, tout en apportant des éléments d’analyse tout à fait actuels.

Au final, c’est une certaine conception de l’antifascisme qui est défendue par Julien Dohet, mais en exposant clairement la variété des positionnements en présence ou même possibles. Et en filigrane, on perçoit qu’au-delà du préfixe « anti », c’est bien à un projet de société alternative qu’invite l’examen du mouvement antifasciste.

Jean Faniel, CRISP

Dis, c’est quoi l’antifascisme ?

Comme étudiante, j’ai participé à quelques actions antifascistes pour protester contre la présence de l’extrême droite dans l’espace public, mais je t’avoue que, au-delà de cette opposition, je m’interroge sur ce que recouvre exactement le terme « antifascisme », car ce mouvement est fréquemment représenté, entre autres dans les médias, comme étant effrayant. Les représentations que l’on en a se rédui­sent souvent à des personnes vêtues de noir, encapuchonnées et masquées.

Je comprends totalement ton interrogation.Commen­çons effectivement par tenter de mieux appréhender ce qu’est l’antifascisme qui, comme tu le soulignes bien, est synonyme de lutte contre l’extrême droite. Ensuite, nous reviendrons, si tu es d’accord, sur l’image renvoyée par les antifascistes et leur apparence en manifestation lorsque nous aborderons ses méthodes d’action.

Il faut tout d’abord savoir que ce mouvement a été très peu étudié, que ce soit en termes d’histoire mais également vis-à-vis de sa réalité actuelle. Par ailleurs, il est difficile de saisir ce qu’est l’antifascisme, car il s’agit d’un mouvement constitué de manière polymorphe. Ensuite, les contours de ce mouvement sont sujets à discussion, tout comme ce à quoi il s’oppose. Si son nom semble le résumer à être« anti », il est davantage que cet aspect le plus visible et peut être porteur d’un réel projet de société dont il n’est qu’un maillon. Les militants ne sont d’ailleurs pas« que»antifascistes, car celles et ceux-ci s’investissent également dans de nombreuses luttes connexes (par exemple sur les questions de logement, d’emploi, d’inégalités, de sexisme…), ce qui est d’ailleurs ton cas comme le mien.

Gilles Vergnon, dans son étude historique de l’antifascisme en France, souligne la difficulté de définir ce mouvement en expliquant que sonouvrage« con­cerne exclusivement ceux qui se désignent comme antifascistes, parlent la langue et développent les pratiques de l’antifascisme. Ce qui importe n’est donc pas la définition exacte de leur adversaire ou la légitimité académique de leur hypothèse, mais l’assurance que cet adversaire relève du“fascisme”et s’inscrit de ce fait dans unelignée spatiotemporelle qui associeraitHitler, Franco, Mussolini, Salazar et, plus tard, Pétain, Pinochet, les colonels grecs de Z, la junte argentine du général Videla, les “tontons Macoutes” de Duvalier en Haïti et Jean-Marie Le Pen, tous puisant, quand il s’agit de la France, dans l’hé­ritage réactionnaire, monarchiste et bonapartiste. L’anti­fascisme, tel que nous l’entendons ici, est affaire de représentation. » Nous essayerons cependant ici d’être un peu plus précis que Vergnon dans notre champ d’étude en rejoignant Marc Bray, auteur de L’antifascisme. Son passé, son présent et sonavenir (2019), quand il dit : « Peut-être l’épithète “fasciste” perd-il de son pouvoir si on l’emploie à outrance, c’est vrai, mais un élément fondamental de l’antifascisme reste l’organisation contre les idées fascistes et fascisantes, en solidarité avec toutes celles et tous ceux qui souffrent et qui luttent. Les questions de définition doivent influencer nos stratégies et nos tactiques, pas infléchir notre solidarité. »

Mais avant de revenir sur cet aspect, tu dis que fascisme est équivalent à extrême droite. Pourquoi ne pas utiliser ce terme alors ?

Très bonne question. En fait, l’utilisation de fascisme comme équivalent à l’extrême droite remonte à la naissance du fascisme dans les années 1920 en Italie, puis à l’extension rapide de son modèle dans de nombreux autres pays. Pensons simplement au geste du bras droit tendu qui est d’abord propre au mouvement fasciste de Mussolini et fait référence à la manière dont on représentait ou saluait les empereurs dans la Rome antique. Le bras tendu s’est par la suite popularisé au sein d’autres mouvements d’extrême droite. Mais cette assimilation du fascisme à l’extrême droite sera toujours contestée.

Tu pourrais développer ?

Il y a des bibliothèques entières consacrées à la définition de l’extrême droite et à son histoire. Nous pouvons souligner qu’il existe de nombreuses différences comme celle entre droite extrême, droite traditionaliste, droite identitaire, extrême droite,nazisme, fascisme. À propos de ce dernier, certains auteurs parlent parfois des fascismes, au pluriel, pour affiner les définitions. Pour ma part, je retiens surtout trois définitions possibles, de la plus restrictive à la plus extensive.

Donc, le fascisme aurait trois définitions possibles ?

Exactement.

La première est celle qui limite son acception au parti créé par Mussolini. C’est le 9 novembre 1921 que Benito Mussolini crée le Parti national fasciste enItalie à partir des Faisceaux italiens de combat, mouvement éphémère créé en mars 1919. Le nom est une référence, comme le bras droit tendu, à laRome antique :les licteurs portaient devant certains magistrats romains une hache entourée d’unefascine (assemblage de branchages), le tout appelé« faisceau ». Il regroupait ainsi deux instruments de punition :les branches pour la flagellation et la hache pour la peine de mort. Un faisceau était représenté sur le drapeau du parti. Celui-ci fera vite des émules hors d’Italie devant la vitesse à laquelle il prendra le pouvoir, moins d’un an après sa création.

La deuxième définition est celle qui va élargir le fascisme aux mouvements ayant une série de caractéristiques pouvant les distinguer de partis d’extrême droite plus« classiques » :discours àconnotation« révolutionnaire », positionnement de« troisième voie, ni capitalisme, ni communisme », militarisation des militants, mobilisation des masses via l’appel « au peuple », inscription du projet de