Dis, c’est quoi le racisme ? - Vincent Aubert - E-Book

Dis, c’est quoi le racisme ? E-Book

Vincent Aubert

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Beschreibung

Esclavage et ségrégation des Noirs aux États-Unis, colonialisme européen, génocide des Juifs... Le racisme est au cœur des plus grandes injustices que notre monde ait connues ces derniers siècles, et nous sommes loin d’en avoir fini avec lui. Qu’est-ce toutefois que le racisme ? L’islamophobie est-elle une variété de racisme ? Le racisme peut-il s’exercer à l’encontre des Blancs ? La discrimination raciale, qu’elle soit « positive » ou sous la forme de réunions non mixtes, est-elle raciste ? Sur ces questions et bien d’autres, des réponses diamétralement opposées sont présentées comme autant d’évidences. Ce livre offre des ressources pour comprendre et dénouer les controverses actuelles. L’enjeu est d’aider les personnes qui veulent lutter contre le racisme à se comprendre et se parler, quelle que soit leur approche, pour renforcer les capacités et la motivation de tous à agir pour le changement.

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Seitenzahl: 92

Veröffentlichungsjahr: 2022

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DIS, C’EST QUOI

le racisme ?

Vincent Aubert

Dis, c’est quoi le racisme ?

Renaissance du Livre

Drève Richelle, 159 – 1410 Waterloo

www.renaissancedulivre.be

Directrice de collection : Nadia Geerts

Maquette de la couverture : Corinne Dury

Illustration de couverture : Shutterstock

Correction : Astrid Legrand

Édition et mise en pages : [nor] production – www.norproduction.eu

e-isbn : 9782507057626

Dépôt légal : D/2022/12.763/13

Droits de traduction et de reproduction réservés pour tous pays.

Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage est strictement interdite.

Vincent Aubert

DIS, C’EST QUOI

le racisme ?

Préface de Ghizlane Kounda

Préface

C’était à l’aéroport de Schiphol, à Amsterdam, pendant les vacances de Noël. Juste après les derniers contrôles des billets, un agent de police me demande de le suivre. J’étais avec mes deux filles et mon mari. Nous devions embarquer pour Atlanta, aux États-Unis. « Seulement moi ? » « Oui, seulement vous. » Durant la demi-heure qui a suivi, toutes mes affaires personnelles ont été passées au crible. Aux deux agents se sont greffés des appareils détecteurs de matières explosives et même un chien renifleur. J’avais la boule au ventre. D’un seul coup, j’étais dans la peau d’un passager suspect.

L’administration américaine de la sécurité des transports (TSA) était à l’origine de ce contrôle supplémentaire. Cette agence a été créée après les attentats du 11 septembre 2001, revendiqués par le groupe terroriste Al-Qaïda, au nom de l’Islam. C’était la quatrième fois que je subissais ses excès de zèle. Les contrôles précédents avaient duré plus de douze heures, dans les sous-sols d’aéroports américains. Pour cette administration, ma double nationalité marocaine et néerlandaise avait de quoi éveiller les soupçons.

On peut comprendre que des mesures de sécurité, soigneusement encadrées par la loi, soient prises pour éviter que d’autres attentats ne soient commis. Mais les contrôles que j’avais subis n’étaient-ils pas abusifs ? Je ressentais de la colère accompagnée d’un profond sentiment d’injustice. Et dans le même temps, je me disais que les autorités américaines avaient une perception faussée, car stéréotypée des Marocains, qu’ils ne pouvaient pas comprendre ma multiculturalité, associée à un certain goût pour le nomadisme. J’aurais voulu leur expliquer ma marocanité, si satisfaisante à vivre et à partager.

Les anecdotes de ce type ne manquent pas. Et les préjugés collent à la peau des « Noirs », des « Arabes », des migrants, des musulmans… Même les « Blancs » n’y échappent pas.

Parmi les nombreux stéréotypes encore bien vivaces, ceux véhiculés à propos des Noirs viennent d’un autre temps : de l’esclavagisme et des colonisations où la pensée raciale présupposait l’existence de races supérieures et l’infériorité de certains groupes.

Aujourd’hui, ces stéréotypes persistent encore. Ils sont relayés notamment sur les réseaux sociaux au nom de la sacro-sainte liberté d’expression. Mais ces discours peuvent aussi se construire sur des faits ou des événements dramatiques. Aux États-Unis, l’hostilité envers les Asiatiques a progressé depuis la pandémie du Covid. Les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, revendiqués par le groupe terroriste Al-Qaïda, et ceux qui ont frappé ensuite Paris, Bruxelles et Berlin, revendiqués par le groupe terroriste État islamique, ont placé les arabes et les musulmans sur le banc des suspects. Les Syriens qui ont fui la guerre dans les années 2015-2017, ou plus récemment les Afghans, en ont fait les frais en Europe, en ayant été souvent stigmatisés.

Pour moi, c’est ça aujourd’hui le racisme. Une attitude d’hostilité, de méfiance ou de mépris systématique à l’égard de personnes sur la base de leur nationalité, de leur couleur de peau ou de leur origine. Cela se manifeste par des paroles, des écrits ou des actes, qui peuvent être punissables par la loi. Il est interdit, par exemple, de ne convoquer « que des Européens » à un entretien d’embauche. D’inciter à « jeter les migrants à la mer » sur les réseaux sociaux. Ou de taguer une croix gammée sur la porte d’une synagogue.

Mais la loi ne peut pas empêcher que des individus soient racistes. Et on ne peut qu’être indigné en constatant qu’au sein des sociétés européennes demeurent de fortes discriminations à l’emploi ou au logement. De nombreuses études indiquent que le taux de chômage des personnes noires et maghrébines est significativement supérieur à celui des Blancs. L’origine reste un facteur déterminant. Pour ma part, je pense que la fin des préjugés passe nécessairement par la déconstruction des mythes qui y sont associés. Notamment dans les livres scolaires. Pour « combattre les visions héritées de la période coloniale », au Parlement fédéral belge, la Commission spéciale chargée d’examiner l’État indépendant du Congo et le passé colonial de la Belgique a formulé les recommandations suivantes : « Expliquer dans les programmes scolaires l’idéologie raciste sous-jacente de la colonisation et pas seulement la mission prétendument ”civilisatrice”. Promouvoir les actions des organismes et institutions qui commémorent les victimes de la période coloniale, avec des acteurs afrodescendants et qui encouragent une vision positive du melting-pot belge. »

Je reste convaincue que c’est en allant vers l’autre, vers « ces inconnus », que l’on peut lutter contre le racisme. Rencontrer « pour de vrai » ces gens que l’on a l’habitude de voir sur un écran de télévision. Les médias jouent un rôle dans la manière dont les personnes dites « racisées » peuvent être infériorisées. Chacun doit chercher sa propre vérité, jusqu’à faire tomber les stéréotypes.

Le problème, c’est que les dérives peuvent aussi venir de ceux-là même qui disent lutter contre le racisme, les inégalités et la discrimination. Par réaction, certains sont tombés dans le piège du communautarisme qui par principe exclut l’autre, isole un groupe identitaire au sein d’un pays, après qu’il a rejeté les principes de l’universalisme.

Le communautarisme naît de la perception que l’on a de soi-même. Un jour, une étudiante en communication m’a demandé de participer à une étude sur la « carrière des femmes journalistes racisées, issues des minorités visibles en Belgique et en France ». J’ai refusé. Jamais je ne me suis demandé si j’étais « racisée » ou pas. Ce concept de « personne racisée » tend pour moi à enfermer les individus dans une certaine catégorie sociale. À force d’y croire, cette notion pourrait même inciter à l’enfermement communautaire.

Je n’ai jamais eu le sentiment d’appartenir à une communauté, et encore moins d’avoir eu besoin d’en faire partie pour me sentir rassurée. J’aime être étrangère. Et ma liberté d’esprit, à la fois multiculturelle et farouchement universaliste, m’a aidée jusqu’ici à passer les obstacles.

*

Le grand intérêt du livre de Vincent Aubert est de présenter l’état du débat académique comme du débat public sur la question du racisme. Ce débat est pluriel et peut parfois tourner à une certaine confusion. Avec pédagogie, l’auteur prend le temps de passer en revue et d’analyser les principales définitions du racisme qui ont cours aujourd’hui. À côté de définitions pour lesquelles le racisme renvoie à certaines croyances ou à certaines attitudes, on trouve par exemple des définitions retenant les différents phénomènes sociaux qui sont responsables de l’apparition et du maintien de certaines inégalités raciales au sein de nos sociétés. Ensuite, à l’aide de ces définitions, il s’efforce d’éclairer certaines questions contemporaines, parmi lesquelles je citerai l’islamophobie, la possibilité d’un racisme anti-Blancs, les discriminations raciales, le racisme des institutions… Il donne ainsi à voir et à expérimenter la méthode rigoureuse qu’il propose pour examiner les problématiques liées au racisme. Cette clarification invite chacun à poser un regard critique sur lui-même ainsi que sur les accusations et les dénégations de racisme qui abondent dans le débat public. Et je rejoins pleinement l’objectif de Vincent Aubert qui est finalement de renforcer les capacités et la motivation de tous à agir pour le changement.

Ghizlane Kounda

Dis, c’est quoi le racisme ?

Le fils de mon voisin vient d’entrer à l’université. Il s’appelle Jules. Je le connais depuis qu’il est tout petit et on aime bien discuter ensemble. En ce moment, il est très préoccupé par le racisme et il m’a demandé de l’éclairer sur le sujet. Pour commencer, je lui ai dit que le racisme faisait intervenir la notion de « race humaine », une notion polémique s’il en est, associée à quantité d’idées fausses ainsi qu’à d’effroyables injustices au cours de la modernité.

Les races humaines n’existent pas, non ?

Eh bien… tout dépend de la définition que l’on retient pour la notion de race.

Il n’y a pas de consensus ? Même chez les chercheurs ?

Non, ça peut surprendre, mais plusieurs définitions de cette notion coexistent dans le débat académique ainsi que dans le débat public. Elles partagent toutes l’idée qu’une race est un vaste groupe d’êtres humains, mais ensuite elles divergent.

Quelles sont les différentes définitions de la notion de race ?

Il y a d’abord les définitions dites « biologiques » qui caractérisent les races au moyen de propriétés biologiques. Un premier type que je qualifierai de « basique » se limite à définir les races en fonction de l’apparence physique, éventuellement héréditaire et/ou de l’ascendance géographique, autrement dit du lieu d’origine de nos ancêtres.

Mais dans ce sens « biologique basique », on doit pouvoir dire que des races humaines existent, non ?

Il existe en effet des groupes qui remplissent les conditions posées par certaines définitions biologiques basiques. Cela étant dit, ces groupes ne sont pas les mêmes d’une définition à l’autre, leurs frontières sont largement arbitraires et les définitions biologiques basiques de la race ne présentent que très peu, voire pas, d’intérêt scientifique.

Et les autres définitions ?

Il existe un autre type de définitions biologiques qu’on qualifie de « racialistes ». Elles vont plus loin que les précédentes, car elles exigent en plus que des facultés et/ou un tempérament héréditaires soient partagés par (quasiment) tous les membres de chaque race et uniquement par eux. Il y aurait par exemple une intelligence héréditaire propre à chaque race. Si tu veux une autre illustration du sens racialiste de la notion de race, on peut faire le détour par l’usage qui en est fait pour les animaux domestiques. Ainsi, la Fédération cynologique internationale parle de races pour les chiens et les caractérise du point de vue de leur constitution physique et de leur comportement ou caractère – le labrador est par exemple dit « intelligent, ardent et docile ».

Appliqué aux humains, ça fait penser au racisme…

En effet, mais, rassure-toi, nous y reviendrons. Pour le moment, il est important que tu retiennes deux choses. Premièrement, au moins à partir de la fin du XVIIIe