Dis, c'est quoi une coopérative citoyenne ? - Julien Dohet - E-Book

Dis, c'est quoi une coopérative citoyenne ? E-Book

Julien Dohet

0,0

Beschreibung

Depuis plusieurs années, on assiste à une multiplication du nombre de coopératives (du latin co-operare, travailler ensemble). Une renaissance souvent liée à une volonté de faire de l’économie différemment, d’un retour à plus de contacts et de local. Le modèle coopératif allie ainsi le désir d’une économie au service des gens au fonctionnement démocratique. Bien au-delà de l’alimentation, la forme coopérative s’invite aujourd’hui dans les médias, la banque, la production d’électricité, l’immobilier... Mais ce modèle est loin d’être récent. Né en Angleterre avec les Equitables pionniers de Rochdale , en 1844, il a été au cœur du développement du mouvement ouvrier en Belgique, formant l’ossature du Parti Ouvrier Belge à partir du dernier quart du XIXe siècle. Ce livre rappelle la puissance des coopératives en Belgique durant une centaine d’années jusqu’à leur effondrement au début des années 1980 afin de questionner les coopératives actuelles à la lumière de l’expérience passée.




À PROPOS DES AUTEURS 

Julien Dohet est historien, administrateur de l’Institut d’histoire ouvrière économique et sociale (IHOES) et secrétaire politique du SETCa Liège-Huy-Waremme. Il est l’auteur d’ouvrages et articles sur l’histoire des luttes sociales et sur l’extrême droite, thème de son précédent livre Dis, c’est quoi l'antifascisme ? Il a notamment publié Le Mouvement coopératif : histoire, questions et renouveau (CRISP).

Sybille Mertens est économiste, professeure à HEC, faculté de gestion de l’Université de Liège et directrice du Centre d’Économie sociale. Elle enseigne l’économie sociale et coopérative ainsi que le financement de la durabilité. Ses recherches actuelles portent sur la transition du système économique, l’évaluation de l’impact social des entreprises et les business models socialement innovants.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 89

Veröffentlichungsjahr: 2023

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



DIS, C’EST QUOI

une coopérative citoyenne ?

Julien Dohet

Dis, c’est quoi une coopérative citoyenne ?

Renaissance du Livre

Drève Richelle, 159 – 1410 Waterloo

www.renaissancedulivre.be

Directrice de collection : Nadia Geerts

Maquette de la couverture : Corinne Dury

Illustration de couverture : Shutterstock

Correction : André Tourneux

Édition : Anne Delandmeter

Imprimerie : Arka, Pologne

e-isbn : 9782507057855

Dépôt légal : D/2023/12.763/01

Droits de traduction et de reproduction réservés pour tous pays.

Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage est strictement interdite.

Julien Dohet

DIS, C’EST QUOI

une coopérative citoyenne ?

Préface de Sybille Mertens

Préface

Nous vivons une époque de basculement. Quels que soient notre âge et notre rôle dans la société, nous percevons (ou commençons à percevoir) qu’il va falloir fondamentalement reconfigurer nos modes de production et de consommation. En effet, malgré sa grande efficacité, l’organisation actuelle du système économique produit des risques systémiques majeurs et – hélas – avérés : croissance des inégalités sociales, exclusions, migrations subies, conflits, réchauffement climatique, effondrement de la biodiversité, pollutions, épuisement des ressources.

Pour faire face à ces risques, de nombreuses pistes sont souvent évoquées : l’importance d’une vision à long terme, la relocalisation de l’économie, le développement d’une économie circulaire, moins carbonée et régénérative, la refonte d’un système de sécurité sociale, l’instauration d’une gouvernance mondiale effective, la mobilisation de la solidarité des citoyens et leur participation dans la gouvernance des territoires et des organisations.

Pour activer ces différentes pistes, les experts qui mènent des recherches sur la transition du système économique savent qu’il faudra s’atteler simultanément à trois grands chantiers : faire évoluer les comportements individuels, redonner aux États la capacité de réguler leur territoire, et – last but not least - s’écarter du modèle de l’entreprise capitaliste, conçue principalement voire uniquement pour optimiser le rendement de ses actionnaires, au détriment des enjeux sociaux et environnementaux.

Le présent ouvrage s’inscrit dans ce troisième chantier. Il nous permet de nous familiariser avec un modèle original d’entreprise : celui de l’entreprise coopérative. Comme le montre l’auteur, ce modèle n’est pas récent mais il est d’actualité. Étudié et expérimenté partout dans le monde, dans des secteurs d’activité aussi variés que l’agro-alimentaire, l’énergie, la mobilité ou la finance, le modèle coopératif suscite en effet un intérêt renouvelé parce qu’il est particulièrement en phase avec les défis de notre temps. Combinant démocratie et solidarité, il promet aux personnes qui s’en emparent de reprendre la main sur leur avenir économique, de lutter contre les phénomènes de pouvoir de marché et d’exclusion des plus faibles, d’agir dans la sphère économique en accord avec leurs valeurs. On le considère également comme une forme idéale pour protéger l’intérêt des générations futures et gérer les « communs », ces ressources partagées et gérées par les communautés. Enfin, il semble aussi être une source importante de résilience pour les territoires qui hébergent des entreprises coopératives.

Julien Dohet nous présente ici un texte intelligent sur le modèle coopératif. Mais attention, ce n’est pas seulement un texte de plus sur un sujet d’actualité. C’est un nouveau texte. Nouveau dans le ton et dans la forme. C’est un subtil mélange entre simplicité d’expression et densité des idées. Et c’est efficace : en tant que lecteur, on en ressort plus cultivé, plus curieux et peut-être même plus motivé à agir. Pour y arriver, il m’apparaît que l’auteur a activé cinq ressorts.

Tout d’abord, Julien Dohet a choisi de s’adresser avec affection à son filleul. À travers ce destinataire personnifié, c’est chacun d’entre nous que l’auteur considère comme un compagnon de route. Un compagnon qui aurait l’avenir devant lui mais qui devrait s’atteler à le bâtir sous peine de le subir. Ce faisant, son texte touchera notamment celles et ceux qui se préoccupent de la génération qui devient adulte dans cette période de basculement.

Deuxièmement, Julien Dohet se met au service de son texte. Fin connaisseur de l’histoire du mouvement ouvrier, et personnellement engagé dans une structure syndicale, il ne cherche pas seulement à instruire le lecteur, mais il s’attache aussi à le convaincre. Il s’agit bien de transmission. En lui, l’expert et le militant se complètent pour transmettre avec enthousiasme et rigueur ce qu’il sait d’un modèle d’entreprise qu’il considère comme prometteur parce que non capitaliste, et donc susceptible d’en dépasser les limites. Son texte intéressera celles et ceux qui sont en recherche d’alternatives économiques en cohérence avec leurs valeurs.

Troisièmement, en adoptant une perspective historique, Julien Dohet nous rappelle d’abord que l’aspiration à une « autre société » était déjà présente dès la fin du XIXe siècle et qu’elle s’est notamment traduite par le développement de projets coopératifs menant à de magnifiques réalisations. Il y a une filiation évidente entre ces projets-là et ceux qui se développent aujourd’hui. Par de nombreux allers-retours entre l’histoire et notre présent, le texte rend très bien compte de cette filiation et offre des balises pour le futur. Explorer le passé permet aussi à l’auteur de situer les expériences coopératives dans leur contexte global. Et cela change tout. Car ce modèle innovant n’est pas hors-sol : on comprend mieux la pertinence de la formule coopérative quand on la relie aux problèmes concrets, vécus par des groupes entiers de la société, et auxquels la coopérative a apporté des solutions. Ce texte intéressera les pragmatiques, qui apprennent des expériences passées pour trouver les solutions aux problèmes d’aujourd’hui.

Ensuite, en nous racontant des histoires vraies, Julien Dohet nous propose un texte incarné. C’est un récit savoureux qui se lit d’une traite et auquel on revient ensuite plus posément. Par des exemples adéquatement choisis, l’auteur réussit à expliquer concrètement en quoi les coopératives contribuent à un véritable projet de société, qu’elles sont portées par des personnes en recherche de sens et qui veulent reprendre ensemble du contrôle sur le système économique parce que celui-ci répond mal ou insuffisamment à leurs besoins. Ce texte va bien au-delà des discours et séduira celles et ceux qui valident les idées par l’action.

Enfin, Julien Dohet livre un texte interpellant et nous suggère différents niveaux de lecture. En quelques dizaines de pages, on découvre de belles réalisations collectives, on en saisit les enjeux, on découvre la force de l’action collective mais aussi ses difficultés et on finit par se poser des questions. Parce qu’il nous a offert un socle de connaissance qui nous évite de longs détours, Julien Dohet se permet – en filigrane de son texte – de nous interroger : si ce modèle coopératif est si prometteur, de quoi a-t-il besoin pour tenir ses promesses ? Ce texte atteindra les personnes qui, au jour le jour, désirent s’engager à soutenir le développement d’un système économique souhaitable.

Julien Dohet fait justement partie de ces bâtisseurs d’avenir. Et il apporte sa pierre à l’édifice. Il sait que les modèles alternatifs sont souvent ignorés ou méconnus. Son texte donne de la légitimité aux initiatives coopératives. Il postule qu’il s’agit là d’une voie possible et il enrichit notre mémoire collective, en rappelant les combats, les échecs et les victoires de nos prédécesseurs. C’est là une lecture qui nous aura fait progresser, individuellement et surtout collectivement.

Bonne lecture !

Sybille Mertens

Dis, c’est quoi une coopérative citoyenne ?

Je n’avais plus vu mon filleul depuis quelques années. Qu’est-ce qu’il avait grandi ! Il m’avait contacté parce qu’il avait besoin, disait-il, d’un conseil. Et j’étais curieux : qu’allait-il me demander ? Il était à présent étudiant à l’université, mais j’ignorais tout de sa vie actuelle, je ne le voyais plus beaucoup. Je me demandais vraiment comment j’allais pouvoir l’aider. Et je ne m’attendais pas du tout à la question qu’il me posa d’emblée :

Voilà, je cherche un job étudiant, et j’ai vu dans mon quartier une petite annonce : c’est un petit magasin d’alimentation qui cherche des étudiants à l’année. Ils se présentent comme une coopérative, mais je ne sais pas du tout ce que c’est… Il me semble que tu travaillais là-dessus, à un moment donné, non ?

Oui tu as une bonne mémoire. Cela fait maintenant une vingtaine d’années que je m’intéresse aux coopératives et que je suis également coopérateur dans plusieurs projets de natures diverses.

J’avais raison de venir t’en parler alors ! J’ai remarqué que beaucoup de personnes autour de moi, que ce soit dans leur job étudiant, intérimaire ou dans leur premier emploi ont clairement l’impression de n’être que des pions, des machines. Au-delà de gagner un salaire, elles aimeraient pouvoir plus s’impliquer, donner leur avis sur la manière dont la société où elles travaillent fonctionne. Tu penses que, si je travaille dans une coopérative, je pourrais remédier à cela ?

Effectivement, ce sentiment qu’un salaire ne suffit pas est de plus en plus partagé. Ce que de plus en plus de personnes recherchent aujourd’hui dans leur travail, c’est un sens à ce qu’elles font. Et ce sentiment est totalement justifié. Car, dans une société capitaliste1 comme la nôtre, le travailleur vend sa force de travail contre une rémunération. Il signe d’ailleurs un contrat, comme quand on achète ou loue une voiture ou une maison. Ce contrat de travail définit les conditions auxquelles il vend son temps, sa liberté, à son employeur en échange d’un salaire. C’est ce qu’on appellera le salariat, même si certains indépendants sont dans une situation similaire.

Le salariat s’est développé en même temps que la révolution industrielle et le capitalisme, qui est basé sur la propriété privée des moyens de production. Dès ce moment, des personnes ont défendu une autre manière de produire les richesses et de posséder les moyens de les produire en parlant de coopération. Les coopératives sont donc une alternative au capitalisme. Nous y reviendrons, mais elles naissent au même moment que le socialisme2, le communisme, le syndicalisme, le mutuellisme… Elles sont une des manières via lesquelles les gens vont essayer de se réapproprier le contrôle de ce qu’ils font au moment du grand bouleversement que constitue la révolution industrielle de la fin du xviiie et du début du XIXe siècle.

Les coopératives dont j’entends parler autour de moi, notamment pour favoriser l’accès à une alimentation saine, sont donc non seulement un autre moyen de consommer mais aussi une autre manière de faire fonctionner une entreprise ?

Oui, mais n’oublie pas que consommer autrement peut se faire aussi via d’autres structures que les coopératives. Par exemple, des magasins bio et/ou locaux, la vente directe à la ferme, un groupe d’achat commun (GAC)… C’est donc moins le service qu’elles rendent que la manière dont elles fonctionnent qui distingue les coopératives d’autres sociétés. On ajoutera, pour ne rien simplifier dès le départ, qu’en matière de fonctionnement différent, on retrouvera aussi d’autres formes juridiques au sein de ce que l’on appelle l’économie sociale3