Droit des robots - Alain Bensoussan - E-Book

Droit des robots E-Book

Alain Bensoussan

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Beschreibung

Une première réflexion sur la définition d'un statut juridique pour les robots intelligents

La robotique constitue incontestablement un levier de croissance de nature à modifier, en profondeur, les modes de production et les modèles économiques existants, en plus de susciter, pour certaines de ses formes, de nouveaux types de rapports sociaux qui ne seraient pas purement humains.

La singularité du robot dans l’espace juridique a vocation à s’accentuer ; symétriquement, tandis que la pertinence de la qualification de bien meuble décroît, la nécessité de doter le robot intelligent d’un statut juridique inédit se fait plus pressante.

Ce mouvement en vases communicants a ceci de particulier qu’il semble à la fois unilatéral et irréversible : la puissance de l’industrie robotique, l’implication des plus grands acteurs de l’économie numérique, l’importance des enjeux financiers, l’engouement de la recherche et l’appétence sociale constituent, ensemble, une assise particulièrement solide à l’avènement de la robotique intelligente.

Une fois la rupture technologique consommée – résultant de la liberté dont disposera le robot, elle-même alimentée par ses capacités d’apprentissage –, le droit n’aura d’autre choix que de s’aligner.

Un ouvrage inédit qui aborde un sujet incontournable des 50 prochaines années.

EXTRAIT

Ah les robots… quels drôles de « trucs » ! On les voit venir depuis des années, par la fiction, puis l’industrie et la mécanisation, par nos appareils électrodomestiques et nos jouets ensuite, puis par la montée en charge de l’Intelligence Artificielle, via la puissance de calcul qu’offrent les PC, les smartphones et autres tablettes, démultipliés par l’explosion de la connectivité et des mondes du cloud et du Big Data. Même nos voitures s’y mettent. Ce sont plusieurs courants de fond qui se répondent et se renforcent, pour contribuer à ce futur inéluctable et perçu comme tel par le plus grand nombre : il y aura des robots partout. Partout.

À PROPOS DES AUTEURS

Dès 1978,  Alain Bensoussan, avocat à la Cour d’appel de Paris, spécialiste en droit des nouvelles technologies de l’informatique et de la communication, ainsi qu’en droit international et de l’Union européenne, a fondé un cabinet dédié au droit des technologies avancées.
Avocat à la Cour d’appel de Paris et ingénieur diplômé de l’ESTP Paris et du Ceipi (DU Brevet),   Jérémy Bensoussan est en outre titulaire du Master II Contentieux, arbitrage et modes alternatifs de règlement des conflits de l’Université Panthéon-Assas (Paris II) dont il est sorti major.Il dirige le département  Technologies robotiques du cabinet Lexing Alain Bensoussan Avocats. Membre de l’Association du Droit des robots (ADDR) dont il préside la commission Drone et du groupe de travail Technologies robotiques et Droit de l’Union internationale des avocats (UIA), il a coécrit avec Alain Bensoussan  Droit des robots (Éditions Larcier, 2015) et le Comparative Handbook: Robotic Technologies Law (Éditions Larcier, 2016).Il est également coauteur de l’ouvrage Informatique, Télécoms, Internet (Éditions Francis Lefebvre, 6e édition, 2017).

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Illustration de couverture : NAO, le robot humanoïde créé à Paris par Aldebaran.

Pour toute information sur nos fonds et nos nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez nos site web via www.larciergroup.com

Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée pour le Groupe Larcier. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.

© Groupe Larcier s.a., 2015 Éditions Larcier Espace Jacmotte Rue Haute, 139 – Loft 6 – 1000 Bruxelles

Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

ISBN 978-2-8044-8422-4

Avant-propos

La robotique porte en elle la promesse d’une nouvelle civilisation. Elle constitue incontestablement un levier de croissance de nature à modifier en profondeur les modes de production et les modèles économiques existants, en plus de susciter, pour certaines de ses formes, de nouveaux types de rapports sociaux qui ne seraient pas purement humains1..

Le terme « robotique » recouvre une réalité complexe ; il est utilisé pour désigner des entités très diverses2. : aux côtés du robot humanoïde qui se trouve aux portes de la sphère domestique, de nouveaux objets ont fait leur apparition, à l’image des drones civils et des voitures intelligentes.

En effet, les technologies robotiques diffèrent selon la nature du robot, son niveau d’autonomie, son domaine d’application et le type de relation qu’il est susceptible d’établir avec l’homme (et demain son rôle social) ; une relation qui pourra même s’établir à un niveau physiologique, par le biais des prothèses bioniques, d’abord pour « réparer » l’individu qui souffre d’un dysfonctionnement puis, sous réserve d’un équilibre éthiquement viable, pour « augmenter » l’homme valide.

La robotique, ainsi appréhendée dans sa diversité, est-elle une simple évolution soluble dans les règles juridiques actuelles ou constitutive de véritables bouleversements technologiques impliquant l’émergence de cadres juridiques autonomes ?

Cet ouvrage présente l’application des règles juridiques en vigueur, ainsi que leurs éventuelles limites, et préconise la création d’une personnalité juridique spécifique au robot.

Un grand remerciement à Marie-Cécile Berthod, Anne-Sophie Cantreau, Pierre-Yves Fagot, Didier Gazagne, Isabelle Pottier, Elena Roditi et Marie Soulez pour leur aide et leurs recommandations.

1 Au Japon, ces interactions d’un nouveau genre font déjà l’objet d’expérimentations : le Henn na Hotel, le musée national des sciences émergentes et de l’innovation situé à Tokyo (Miraikan) et les boutiques de l’opérateur téléphonique SoftBank Mobile intègrent des robots humanoïdes dont le rôle est d’apporter aide et assistance aux clients et aux visiteurs.

2 La rédaction d’Industrie & Technologies a identifié les cents champions de la robotique de demain et les meilleurs robots du moment, « Les 100 meilleurs robots du monde en 2014 », 31 décembre 2014, disponible sur http://www.industrie-techno.com

Préface

de Bruno Maisonnier

Fondateur d’Aldebaran Robotics

Ah les robots… quels drôles de « trucs » ! On les voit venir depuis des années, par la fiction, puis l’industrie et la mécanisation, par nos appareils électrodomestiques et nos jouets ensuite, puis par la montée en charge de l’Intelligence Artificielle, via la puissance de calcul qu’offrent les PC, les smartphones et autres tablettes, démultipliés par l’explosion de la connectivité et des mondes du cloud et du Big Data. Même nos voitures s’y mettent. Ce sont plusieurs courants de fond qui se répondent et se renforcent, pour contribuer à ce futur inéluctable et perçu comme tel par le plus grand nombre : il y aura des robots partout. Partout.

De toutes sortes, de toutes formes. Des vrais robots au sens « autonomes, mobiles, physiques et agissant dans le monde réel », ou d’autres usurpant un peu ce nom de robot, étant virtuels, c’est-à-dire purement logiciels ou non autonomes, ou… ; mais au fond peu importe, leurs descendants, leurs successeurs plus évolués seront de toutes façons croisés avec le monde des robots, dont ils contribueront à la diversité. Il est très probable qu’on ait chacun dans sa vie, d’ici peu d’années, des dizaines de robots comme on a déjà chez soi des dizaines d’ordinateurs ; depuis les microcontrôleurs et autres microprocesseurs qui équipent tout notre électrodomestique, nos voitures et beaucoup des jouets de nos enfants, et dont chacun est un véritable petit ordinateur intégré plus puissant que les PC des années 1990, jusqu’aux puissants PC, tablettes et smartphones. Des dizaines de robots chez chacun d’entre nous.

Ces robots seront au moins en partie autonomes dans leurs choix d’actions et de réactions et sauront agir dans le monde réel. Ils sauront capter ce qui se passe autour d’eux, là où ils auront « décidé » d’aller et seront capables de l’utiliser dans leurs décisions, leurs actions, voire, s’ils en décident ainsi, de le communiquer. Ce sont donc des objets d’un genre très nouveau dans l’histoire de l’humanité.

Enfin ils auront été dotés d’une capacité d’apprentissage, et sans doute d’auto-apprentissage : certes très limitées et contraintes, par les temps qui courent, l’état de la technologie actuel ne sachant pas vraiment faire mieux, mais qui va croître avec le temps ; jusqu’à devenir exponentielles : puisque chaque robot qui aura appris de ses propres expériences pourra transférer à d’autres ce qu’il en aura tiré.

Les comportements d’un robot à un moment donné résulteront donc d’un mélange entre les capacités dont le fabricant l’aura doté, les expériences qu’il aura vécues en propre, incluant les interactions avec ses différents interlocuteurs, dont principalement ses « propriétaires », et les leçons qu’il aura choisi de retenir issues d’expériences d’autres robots.

Qui pourra être identifié comme « moralement » responsable d’un comportement à un moment donné ? Sans doute personne. On pourrait comparer la situation aux agissements d’un chien, qui aura appris de ses maîtres, de ses dresseurs, mais aussi d’autres chiens, de rencontres et d’expériences vécues et qui dépendent bien sûr aussi des caractéristiques intrinsèques à sa race. Mais rien que sur le sujet de l’échange entre robots de savoir-faire/savoir-agir, on voit bien que la profondeur inouïe d’expériences vécues par délégation fait exploser cette comparaison. Cette multiplicité va en effet leur avoir fait vivre virtuellement des expériences contradictoires ; quelle sera alors la « personnalité » résultante ? Chaque robot sera de fait unique et il faudra vraiment parler d’une espèce nouvelle. Une espèce totalement artificielle, bien sûr, mais une espèce quand même.

Les valeurs réelles des entreprises créatrices des robots seront alors essentielles. Je parle bien des valeurs réelles de l’entreprise, pas de celles affichées dans les plaquettes stratégiques ou la communication d’entreprise, ni de celles prônées par sa direction, mais pas toujours appliquées au quotidien ou dans tous ses méandres.

Mais bien sûr, si ces valeurs sont essentielles et les consommateurs en seront les juges, il n’est pas question de s’en contenter. Il faut des règles et contraintes collectives communes. Il faut des lois. Et le travail prospectif et fondateur d’Alain Bensoussan est fondamental et bienvenu.

Comme l’avait été en son temps ce même travail prospectif aux premières heures d’internet, et avant déjà aux premières lueurs des PC.

La société, nous tous, moi dans quelques décennies, auront besoin de robots et seront sécurisés par les valeurs des fournisseurs sous garde-fou strict des lois résultant en particulier du travail actuel d’Alain.

MAIS…

Il y a un mais. Les lois et règlements doivent anticiper mais sans castrer. Si on avait beaucoup réfléchi en 1900 au futur développement de l’automobile ou de l’aviation, beaucoup anticipé les problèmes potentiels qui se sont finalement avérés au cours de ce siècle, et pondu à l’époque les règlements, lois et contraintes actuels, ces industries auraient été tuées dans l’œuf et on ne profiterait pas de nos jours des bienfaits de l’avion ou de la voiture ; malgré des drames de temps en temps, toujours trop fréquents, mais finalement assez rares. La balance penche largement du bon côté.

C’est un des aspects sensibles du sujet : si on veut bénéficier des apports actuels et futurs de la robotique, tout en réduisant au maximum les risques – et il y aura probablement quelques accidents – il faut être vigilent, réactif, anticiper un peu, mais sans être par top castrateur.

Vous me prenez pour un rêveur ? On serait très très loin de ces robots intelligents et apprenants, trop loin même pour ne serait-ce qu’y penser ? Bien sûr, vous n’avez pas tort. Il reste beaucoup de chemin à faire, et nous sommes dans de l’anticipation que l’on souhaite féconde. Mais pas tant que ça : n’oubliez jamais qu’il y a sur Terre, en ce moment, plus de chercheurs et d’explorateurs de nouveautés que le nombre total qu’il y en a eu depuis le début de l’humanité. L’humanité va faire plus d’inventions, grandes et petites, dans les deux décennies qui viennent que depuis le début de son histoire. Et ce sera encore le cas pour les deux décennies d’après ; et celles d’après encore… Ce qui devient accessible à l’homme vient vite.

Merci Alain pour ce travail fondateur, pour cette approche originale et prospective.

La société, nous tous, moi dans quelques décennies, auront besoin de robots et seront sécurisés par les valeurs des fournisseurs sous garde-fou strict des lois résultant en particulier du travail actuel d’Alain.

Préface

d’Olivier Guilhem

Directeur juridique d’Aldebaran Robotics

L’ouvrage que nous livrent aujourd’hui Maîtres Alain et Jérémy Bensoussan doit être salué tant par sa volonté de faire évoluer un corpus juridique parfois inadéquat, que par les nécessaires interrogations morales et éthiques soulevées par une matière sur le point de révolutionner notre monde et nos rapports sociétaux.

Cette maïeutique sur la nécessité de fixer un cadre légal et/ou éthique aux robots est par ailleurs largement engagée. Nous pouvons citer le projet européen Robolaw tendant à établir des lignes directrices pouvant servir à l’encadrement de la robotique, les lois américaines relatives aux véhicules autonomes, la préparation de la doctrine de l’armée américaine concernant l’usage des systèmes militaires inhabités et robotiques…

Si la réflexion est engagée elle reste cependant inachevée. Tout reste à construire aussi bien sur le plan juridique qu’éthique. À titre d’exemple, la définition même du terme « robot » n’est à ce jour toujours pas fixée. Cette courte préface ne peut prétendre appréhender et traiter la globalité de cette épineuse question.

Toutefois, il est permis de souligner qu’un robot est un bien singulier. À la différence de nombreux objets, un robot possède (possèdera) une composante immatérielle supplémentaire. Cette composante immatérielle résulte de son autonomie et de ses capacités d’interaction avec l’environnement (homme inclus).

L’autonomie ne fait pas référence à une capacité technique (autonomie de la batterie) ou opérationnelle (se mouvoir). L’autonomie vise ici une autonomie décisionnelle. Elle implique l’absence d’opérateur et une prise en considération de l’environnement.

L’interaction implique a minima un échange bidirectionnel. L’environnement agit sur le robot et le robot agit sur lui. Ces influences réciproques induisent une capacité d’apprentissage et font de chaque robot une machine unique.

Aux capacités techniques, que peut avoir tout objet, vient donc s’ajouter au robot une dimension immatérielle liée à l’autonomie décisionnelle et à la capacité d’interaction. Cet ensemble lui confère un caractère unique ainsi qu’une capacité cognitive et sociale.

En définitive, un robot apparaît comme un système mécatronique technico-cognitif complexe.

Dès lors, sans verser dans du « droit d’anticipation », nous pouvons nous demander si notre droit a parfaitement anticipé cette autonomie, cette complexité ou encore les conséquences liées à l’apprentissage ?

Notre système juridique a largement démontré sa capacité à appréhender de nouveaux biens et services et à faire face aux génies et aux démons des hommes. Ceci n’a cependant jamais, et ne devra jamais, empêcher le législateur de l’amender ou de le compléter au besoin.

Légiférer en la matière offrirait, sans attendre, aux acteurs du secteur un avantage compétitif et un cadre clair dans lequel ils s’épanouiraient à l’abri de toute imprévision. Ces règles permettraient à l’utilisateur de se sentir sécurisé et confiant vis-à-vis d’une science robotique ainsi maîtrisée. Un organisme de certification, par exemple, pourrait répondre à ce besoin légitime de l’utilisateur.

D’un point de vue opérationnel, une évolution semble nécessaire dans de nombreux domaines. Notamment en matière de marques et de douanes qui semblent ignorer l’existence même des robots.

Il est aussi intéressant d’analyser le régime de responsabilité du fait des produits défectueux. Organisé par les articles 1386-1 sq., ce régime met en jeu la responsabilité sans faute du producteur lorsque qu’un produit, un robot, n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre. La responsabilité du producteur est établie sans considérer la complexité, l’autonomie et l’apprentissage.

En intervenant pour encadrer les drones, les voitures autonomes, le législateur a déjà mis un pied dans le monde de la robotique. Reste maintenant à souhaiter que ces interventions législatives ne se fassent pas par à-coups mais s’inscrivent dans une vision plus large et pérenne de la robotique et de son industrie.

Principales abréviations

Ann. Propr. Ind. : Annales de la propriété industrielle.

ANSM : Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

Arcep : Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

ATILF : Analyse et traitement informatique de la langue française.

BCG : Boston Consulting Group.

CA : Cour d’appel.

Cass. com. : Cour de cassation, chambre commerciale.

Cass. crim. : Cour de cassation, chambre criminelle.

CDN : Certificat de navigabilité.

CE : Conseil d’État.

CES : Consumer Electronics Show.

CNRS : Centre national de la recherche scientifique.

CNRTL : Centre national de ressources textuelles et lexicales.

Cerna : Commission de réflexion sur l’Éthique de la Recherche en sciences et technologies du Numérique d’Allistene.

Cnil : Commission nationale de l’informatique et des libertés.

CNNum : Conseil national du numérique.

C. civ. : Code civil.

C. consom. : Code de la consommation.

C. pén. : Code pénal.

C. proc. pén. : Code de procédure pénale.

CPI : Code de la propriété intellectuelle.

C. santé publ. : Code de la santé publique.

D. : Recueil Dalloz.

Décis. : Décision.

Décr. : Décret.

Délib. : Délibération.

DGAC : Direction générale de l’aviation civile.

DGCIS : Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services.

Dir. : Directive.

EASA : European Aviation Safety Agency.

FAA : Agence fédérale américaine de l’aviation civile.

IHM : Interface home-machine.

IFR : International Federation of Robotics.

Inpi : Institut national de la propriété industrielle.

ITS : Intelligent Transport Services.

MAP : Manuel d’activité particulière.

MEMS : Micro Electro Mechanical System.

MIT : Massachusetts Institute of Technology.

MRIS : Mission pour la Recherche et l’Innovation Scientifique.

OACI (ICAO en anglais) : Organisation de l’Aviation Civile Internationale.

Pipame : Pôle interministériel de Prospective et d’Anticipation des Mutations économiques.

RPAS : Remotely Piloted Aircraft System (Système d’aéronef piloté à distance).

SLA : Service Level Agreement.

SGDSN : Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale.

STAD : Système de traitement automatisé de données.

STI : Systèmes de transport intelligents.

TGI : Tribunal de grande instance.

UAV : Unmanned Aerial Vehicle.

UAS : Unmanned Aircraft System.

Sommaire

Avant-propos

Préface

Préface

Principales abréviations

Introduction

1. L’approche générale

2. L’éthique robotique

3. La personnalité robot

4. La charte des droits des robots

5. Les problématiques juridiques classiques

6. Les nouveaux droits de la robotique

7. Les voitures intelligentes

8. Les drones aériens civils

9. Les robots dans le secteur de la santé

10. Les robots de téléprésence et de surveillance

11. La situation internationale

Conclusion

Liste des annexes

Annexe 1. : Projet de charte Éthique des robots – Corée du sud

Annexe 2. : Bibliographie

Annexe 3. : Lexique

Annexe 4. : Liste des figures et schémas

Annexe 5. : Index

Table des matières

Introduction

1. Le rapport France Robots Initiatives1. a fixé à la France un objectif ambitieux : celui de compter « parmi les cinq nations leader de la robotique dans le monde d’ici à 2020 particulièrement en matière de robotique de service à usage personnel et professionnel, de développer une offre française mondiale en matière de cobotique et de machines intelligentes et d’accroître ses parts dans un marché en forte croissance dans les années à venir »2..

2. L’ambition revendiquée se mesure à l’intensité de l’enjeu pour un pays et un continent en mal de croissance, le marché de la robotique étant estimé, au niveau mondial, à 100 milliards d’euros à l’horizon 20203..

3. Favoriser l’essor et l’implantation pérenne, en France et en Europe, d’un tel marché implique de disposer d’une réglementation adaptée de nature à accompagner les acteurs économiques avec un niveau de sécurisation adéquat et à insuffler de la confiance auprès du public ; portée par le développement de l’intelligence artificielle, la robotique doit, à cette fin, relever le défi de l’acceptabilité sociale.

4. D’un point de vue juridique, elle semble devoir être appréhendée à la fois dans sa globalité – au regard de ses éléments communs qui relèveraient d’un noyau dur des règles ayant vocation à s’appliquer de manière transverse aux robots – et dans ses ­spécificités – chaque catégorie de robots pouvant nécessiter l’adoption d’un régime propre – comme c’est le cas, aujourd’hui, en matière de drone et, demain, de voiture intelligente.

5. À cet égard, la démarche adoptée est partiellement prospective et rassemble ceux qui refusent de considérer comme indépassable le principe selon lequel le droit, comme la matière, a horreur du vide ; elle s’inscrit, en conséquence, dans les mouvements de réflexion qui tendent à singulariser la place des robots dans l’éventail juridique.

a) Problématique générale

6. S’il fallait condenser la question, ce serait, assez naturellement, celle du droit applicable et pertinent pour les robots ; l’envisager implique de se situer au carrefour de trois courants : les deux premiers sont portés par le droit positif – l’un étant architecturé pour une technologie identifiée4., l’autre étant constitué de règles dont les champs d’application sont suffisamment larges pour régir certains pans de la robotique actuelle5. –, le troisième relevant de la prospective juridique6..

7. En effet, le changement de paradigme profond résultant de l’émergence de la robotique intelligente, déjà annoncée comme une nouvelle révolution industrielle7. aux enjeux sociétaux et éthiques vifs, ne peut être envisagé sous le seul angle de la plasticité des normes, de leur capacité à embrasser une réalité au regard de laquelle elles n’ont été ni pensées ni adoptées.

8. En soumettant d’ailleurs le droit positif au test de résistance au choc (de la robotique), comparable au crash test que doit subir tout véhicule avant d’être homologué, celui-ci apparaît, à bien des égards, insatisfaisant.

9. La robotique avancée, qui a vu ses premiers ambassadeurs humanoïdes émerger8., ouvre un champ d’étude renouvelé au juriste. L’enjeu est de permettre l’adoption d’un cadre juridique autonome transversal et d’autant de corpus normatifs spécifiques pertinents par catégorie de robots, afin de faciliter l’ancrage des entreprises de robotique dans le tissu économique et de sécuriser l’insertion des robots dans le tissu social, de manière à répondre aux attentes légitimes tant des industriels que des utilisateurs.

b) L’intelligence artificielle

10. L’intelligence artificielle, qui peut être définie comme la « recherche de moyens susceptibles de doter les systèmes informatiques de capacités intellectuelles comparables à celles des êtres humains »9., fascine autant qu’elle agace ; sur ce sujet, une question fuse, qui exprime en creux l’appréhension que le sens commun peut avoir vis-à-vis d’elle : pourquoi l’homme devrait-il prendre le risque de faire émerger une forme d’intelligence comparable à la sienne et qui serait, de ce fait, potentiellement incontrôlable (si ce n’est pour se prouver qu’il en est capable, tout plongé qu’il serait dans une sorte de fascination narcissique de ses propres capacités) ?

11. La notion d’intelligence artificielle n’est d’ailleurs pas unitaire et, si l’on considère l’objectif poursuivi, elle peut être forte ou faible, selon la distinction qui semble faire autorité.

12. Elle est « forte » lorsqu’elle vise à éveiller la machine à sa propre intelligence, à faire naître une forme de conscience, lui permettant de « ressentir » et d’exprimer des sentiments authentiques (au sens de non simulés). C’est à cette forme d’intelligence artificielle que le grand public a été sensibilisé, abreuvé d’images de robots humanoïdes conscients.

13. Assez naturellement, l’intelligence artificielle forte fait l’objet de critiques : une critique ontologique, tout d’abord, reposant sur la conviction que la conscience serait le propre des êtres vivants, catégorie dont les machines sont exclues ; une critique anti-cognitive, ensuite, qui refuse d’assimiler calculabilité et compréhension. Plus précisément, cette seconde critique se concentre sur la doctrine computationnelle (qu’elle réfute) selon laquelle la pensée (du moins certaines de ses fonctions) peut être appréhendée selon un modèle algorithmique10.. En substance, cette doctrine postule que la pensée peut être assimilée à un système d’application de règles, ce qui est contesté11..

14. L’intelligence artificielle est, en revanche, « faible », lorsqu’elle vise simplement à simuler l’intelligence humaine, à l’imiter pourrait-on encore dire, ou à donner l’impression que la machine est dotée d’intelligence.

15. C’est précisément la différence de nature entre l’intelligence artificielle forte – à laquelle le sens commun songe plus aisément – et l’intelligence artificielle faible – dont les manifestations existent et se font plus nombreuses – qui explique les incompréhensions que suscitent ce champ de recherche et que les spécialistes de la matière essayent systématiquement de lever.

16. Pour autant, parce qu’elle s’appuie sur le critère peu manipulable qu’est la conscience, la distinction elle-même ne fait pas l’unanimité.

Quelques dates clés de l’intelligence artificielle (et de la robotique) :

• 1950 : établissement du test dit de Turing14.

• 1973 : création de Wabot-1, premier robot humanoïde à marche bipède, à l’Université Waseda (Japon).

• Mai 1997 : le supercalculateur Deep Blue15 de la société IBM sort victorieux de son affrontement face à Garry Kasparov, alors champion du monde en titre d’échecs16, sur l’ensemble des six parties disputées à cadence normale de competition (3,5 à 2,5).

• 2000 : création du robot Asimo17 (Advanced Step In MObility) par la société Honda Robotics.

• 2006 : création du robot Nao par la société Aldebaran Robotics.

• Février 2011 : le programme d’intelligence artificielle Watson, conçu par la société IBM, remporte le jeu télévisé Jeopardy ! de questions-réponses en langage naturel.

• 2012 : l’algorithme de Deep learning de la société Google Inc. est capable de reconnaître des chats parmi 10 millions d’images numériques associées à des vidéos postées sur la plateforme de partage de vidéos YouTube18.

• Juin 2014 : le programme d’intelligence artificielle baptisé Eugène Gootsman simule un adolescent de treize ans et réussit, selon l’Université de Reading19 (Angleterre), le test de Turing20, en parvenant à convaincre 33 % des juges qu’il est un être humain sur une conversation de cinq minutes21.

12.13.14.15.16.17.18.19.

17. Avec une certaine audace et sans que cette estimation soit exempte de critiques, futurologues et transhumanistes20., au premier rang desquels Raymond Kurzweil21., estiment que le basculement vers la « singularité », c’est-à-dire le dépassement de l’intelligence humaine par l’intelligence artificielle de nature à provoquer une accélération de l’intelligence qui ne peut être appréhendée par les modèles prédictifs actuels, aura lieu au cours de la troisième décennie du 21e siècle, à l’horizon 203522..

18. Selon le laboratoire du Massachussets Institute of Technology (MIT), les robots autonomes ou agiles, c’est-à-dire capables de s’adapter à un environnement complexe et de faire face à une situation nouvelle, non prévue dans leur programmation, font partie des dix disruptive technologies qui vont bouleverser l’avenir23..

19. Incontestablement, les robots dotés d’intelligence artificielle ont vocation à devenir plus performants que les êtres humains dans l’exécution de tâches qui demandent une capacité d’analyse de leur environnement24..

20. Plus modestement, des capteurs et instruments dépassent – et depuis longtemps déjà – certaines des facultés humaines : les sons sont ainsi plus finement perçus et des fréquences inaudibles à l’oreille25. sont susceptibles d’être captées ; outre l’ouïe, la vue et l’odorat robotisés sont déjà supérieurs à ceux de l’homme.

21. Au-delà de l’acquisition de ces informations par les capteurs, c’est leur traitement qui constitue actuellement l’avancée la plus prégnante : en croisant les données recueillies avec celles accessibles via l’Internet et en utilisant les méthodes de traitement des Big data, la capacité d’analyse dont pourront disposer les robots sera gigantesque. Selon un rapport du Boston Consulting Group (BCG), l’industrie mondiale est entrée dans l’ère de la robotique « avancée » : grâce à l’intégration du Big data et des objets connectés, les robots « nouvelle génération » pourraient, en effet, traiter 25 % des tâches automatisables d’ici à 2025, contre seulement 10 % aujourd’hui pour les robots traditionnels26..

22. Si l’intelligence artificielle progresse et si ses possibilités d’utilisation dans la robotique sont multiples, les robots intelligents cristallisent encore les appréhensions d’une large partie de la population, au moins occidentale, qui y voit souvent de la science-fiction et parfois un péril27..

c) L’acceptabilité sociale

23. Selon la manière dont le phénomène de la robotique est appréhendé, le comportement vis-à-vis des robots diffère sensiblement28.. Ainsi, en Asie et notamment au Japon, les robots sont perçus comme véhiculant des valeurs positives : Astro29., le robot du maître japonais Osamu Tezuka, fait montre de courage, d’abnégation et de gentillesse, lorsqu’il ne défend pas l’humanité contre éventuellement d’autres robots. En Europe, au contraire, les robots s’inscrivent plutôt dans un cadre anxiogène mêlant danger et chômage30. : la littérature a d’ailleurs nourri cette appréhension, comme en témoignent les légendes du Golem et le monstre de Frankenstein31. pour ne citer qu’eux.

24. La vie avec les robots pourra nécessiter une intervention légale pour parvenir à une appropriation sociale favorisant la coopération homme-robot. L’évolution des normes juridiques sera plus ou moins complexe selon le degré de faveur ou de réticence que la culture en cause porte à cette cohabitation.

d) Plan de l’ouvrage

25. Cet ouvrage analyse :

— l’approche générale ;

— l’éthique robotique ;

— la personnalité robot ;

— la charte des droits des robots ;

— les problématiques juridiques classiques ;

— les nouveaux droits de la robotique ;

— les voitures intelligentes ;

— les drones aériens civils ;

— les robots dans le secteur de la santé ;

— les robots de téléprésence et de surveillance ;

— la situation internationale.

1 Ce rapport s’inscrit dans le plan robotique de la Nouvelle France Industrielle, p. 69.

2 Plan France Robots Initiatives, Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS), mars 2013, p. 2.

3 La Nouvelle France Industrielle, Plan Robotique, p. 69.

4 À l’instar de la réglementation spécifique aux drones aériens civils, cf., chapitre 8, p. 91.

5 Notamment les différents régimes de responsabilité civile, tels ceux du fait des produits défectueux et du fait des choses.

6 Ouvrant la voie à de nouveaux régimes juridiques.

7 B. Bonnell, président du Syndicat de la robotique de service professionnel et personnel (Syrobo), annonçait, dès 2010, une « robolution » après celle de l’informatique au cours du 20e siècle : B. Bonnell, Viva la robolution !, Paris, J.-C. Lattès, 2010 ; Plan France Robots Initiatives, DGCIS, mars 2013, p. 1.

8 Au premier rang desquels figurent les robots humanoïdes NAO et Pepper, conçus et développés par la société ­Aldebaran Robotics et le robot Asimo de la société Honda Robotics.

9 Définition citée par le Dictionnaire du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL) crée par le CNRS, http://www.cnrtl.fr/lexicographie/intelligence.

10 Un algorithme correspond un procédé systématisé en vue d’atteindre un objectif déterminé ; en somme, c’est une méthode.

11 J. Searle, philosophe américain spécialiste du langage, a illustré sa critique à travers une expérience de pensée dite de la chambre chinoise (en réponse au test de Turing) : un individu, ne maîtrisant aucun des dialectes chinois, est enfermé dans une pièce où est mis à sa disposition une méthode de manipulation des caractères chinois (kanji) et parvient ainsi à répondre aux questions qui lui sont adressées depuis l’extérieur, en formulant ses réponses dans ces mêmes dialectes, mais sans les comprendre. Cette expérience vise à montrer qu’il ne suffit pas de réussir à produire des phrases sensées, par application mécanique de règles, encore faut-il y attacher une signification consciente ; or, l’individu enfermé (que l’on peut identifier, au sens du test de Turing, à la machine), bien que maîtrisant – grâce à la méthode fournie (les algorithmes informatiques) – la langue chinoise aux yeux de son interlocuteur (identifiable à l’humain), cet individu n’a aucune compréhension de ce qu’il produit (ce qui exclut l’idée d’intelligence artificielle forte).

12 Ce test conçu par le pionnier britannique de l’informatique Alan Turing (et dénommé initialement « Imitation Game »), est considéré comme un jalon (controversé) du développement de l’intelligence artificielle ; il est réussi lorsque, dans plus de 30 % des cas, l’opérateur humain chargé de poser des questions (à des interlocuteurs ne se trouvant pas dans son champ de vision) n’est pas en mesure de distinguer, au regard des réponses qui lui sont données, l’humain de la machine. A. M. Turing (1950), « Computing machinery and intelligence », Mind 49 : pp. 433-460, Article Stable URL : http://www.csee.umbc.edu/courses/471/papers/turing.pdf.

13 Surnommé, pour l’occasion du match revanche qui a vu le challenger machine l’emporter face au champion humain, Deeper Blue.

14 Le jeu de go résiste, quant à lui, aux supercalculateurs et les performances humaines demeurent, dans cet exercice, supérieures à celles des machines. Bruno Bouzy, chercheur en intelligence artificielle et spécialiste de la programmation des jeux de réflexion, rappelle que ce jeu de plateau fait appel à des « connaissances perceptives et visuelles, que l’on ne sait pas mettre dans la machine », étant précisé que le nombre de coups et de parties plausibles à envisager sont bien supérieures au jeu de go qu’au jeu d’échecs : R. Karayan, « L’intelligence artificielle pourra-t-elle un jour battre l’homme au jeu de go ? », L’Express L’Expansion, 11 juillet 2014.

15 En japonais, « ashi mo » signifie littéralement « les jambes aussi ».

16 L. Clark, « Google brain simulator identifies cats on YouTube », Wired.co.uk, June 26, 2012.

17 University of Reading, « Turing test success marks milestone in computing history », Release Date June 8, 2014.

18 À propos de la réussite annoncée à ce test, Josh Tenenbaum, professeur de science cognitive computationnelle au MIT, a pu considérer qu’il n’y avait « rien d’impressionnant là-dedans », se faisant ainsi la voix de ceux qui considèrent que le test de Turing a grandement perdu en pertinence : A. Mann, « That Computer Actually Got an F on the Turing Test », Wired.com, June 9, 2014.

19 Toutefois, le fait que ce bot conversationnel soit présenté comme un enfant de 13 ans dont l’anglais n’est pas la langue maternelle a pu rendre le jury moins exigeant augmentant, de ce fait, son taux de réussite au test.

20 Partisans du transhumanisme, courant de pensée qui prône l’utilisation de la science et la technologie moderne pour améliorer les capacités physiques et mentales des êtres humains, Dossier Transhumanisme, cobloging.fr.

21 En 2012, Raymond Kurzweil a été recruté par Google Inc. pour diriger son laboratoire sur l’apprentissage des machines et le traitement du langage, voir L. Sacco, « Google recrute Ray Kurzweil, un gourou du transhumanisme », Futura-Sciences, 19 décembre 2012.

22 A. Von Schwangau, « Le monde en 2035 – le début d’un nouveau paradigme », Horizon 2050, 18 octobre 2012.

23 J. Colombain, « Les dix technologies d’avenir selon le MIT », émission Le nouveau monde diffusée sur http://www.franceinfo.fr/ le 5 mai 2014.

24 E. Monnier, G. Siméon, F. Lassagne, « Robots : leur intelligence dépasse déjà la nôtre », Science&Vie, n° 1166, novembre 2014.

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