Droit des systèmes autonomes - Alain Bensoussan - E-Book

Droit des systèmes autonomes E-Book

Alain Bensoussan

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Beschreibung

L'écosystème des systèmes autonomes se développe et s’impose aujourd'hui dans de nombreux domaines. Ils se déploient sur route, dans les champs, dans les airs et sur ou sous la mer. Même si les systèmes actuels ont une autonomie qui reste limitée par leurs capacités fonctionnelles et l’état de l’art, ils accèdent déjà à des représentations artificielles de l’environnement dans lequel ils évoluent et des choses qu’ils perçoivent.

Grâce à ses représentations artificielles, utilisant des algorithmes sophistiqués d’intelligence artificielle, ces systèmes communicants bénéficieront d’une autonomie comportementale toujours plus importante leur permettant de gérer dans la continuité leur environnement à l’image de l’autonomie des organismes vivants. La capacité croissante des systèmes autonomes à élaborer une forme de pensée artificielle amènent des réflexions éthiques sur la vie sociale et la perspective du mouvement transhumaniste.

Le présent ouvrage répondra notamment aux questions concrètes :

Qu’est-ce qu’un système autonome ? Quelles sont les briques technologiques communes et propres à chaque vecteur ? Quels sont les défis technologiques propres à chaque vecteur ? Quels sont les cas d’usages ? Le droit positif est-il adapté pour appréhender les systèmes autonomes ? Quelles sont les conditions de mise sur le marché d’un système autonome ? Quelle est la réglementation applicable aux systèmes autonomes terrestres, aériens, maritimes ? Quels sont les usages des robots militaires à l’épreuve du droit international et dans le cadre et hors des conflits armés ?

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Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée pour Larcier.

Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique.

Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.

Pour toute information sur nos fonds et nos nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez nos sites web via www.larcier.com.

© Lefebvre Sarrut Belgium s.a., 2019

Éditions Bruylant

Rue Haute, 139/6 – 1000 Bruxelles

Tous droits réservés pour tous pays.

Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

ISBN : 9782802765219

Collection des Minilex

Sous la direction d’Alain Bensoussan et de Jean-François Henrotte

La collection rassemble des ouvrages traitant l’essentiel des questions juridiques d’une technologie d’actualité.

La collection s’adresse aussi bien aux étudiants qu’aux professionnels, soit pour un apprentissage exprès, soit pour une mise à jour des connaissances, dans le droit d’une technologie qui fait l’actualité.

Chaque sujet est traité de façon pratique et concise dans un format court.

Déjà parus dans la collection

– Règlement européen sur la protection des données. Textes, commentaires et orientations pratiques, 2e éd., Alain Bensoussan, 2018

• dans la série Codes Métiers :

– Code Informatique, fichiers et libertés, Alain Bensoussan, 2014

– Code de la sécurité informatique et télécom, Eric Barbry, Alain Bensoussan, Virginie Bensoussan-Brulé, 2016

• dans la série Handbook :

– Comparative handbook : robotic technologies law, Alain Bensoussan et Jérémy Bensoussan, 2016

• dans la série Abécédaire :

– La protection des données personnelles de A à Z, sous la direction d’Alain Bensoussan, 2017

• dans la série Minilex :

– Le droit des robots, Alain Bensoussan et Jérémy Bensoussan, 2015

– Failles de sécurité et violation de données personnelles, Virginie Bensoussan-Brulé et Chloé Torres, 2016

– Droit des drones. Belgique, France, Luxembourg, Alexandre Cassart, 2017

– Droit des objets connectés et télécoms, Frédéric Forster et Alain Bensoussan, 2017

– Le Data potection officer. Une nouvelle fonction dans l’entreprise, 2e éd., collectif, 2018

– Le contract manager. Outils et bonnes pratiques de la fonction, Eric Le Quellenec et Alain Bensoussan, 2019

• dans la série Théorie et pratique :

– IA, robots et droit, Alain Bensoussan et Jérémy Bensoussan, 2019

Avant-propos

Lorsque les fantasmes d’écrivains visionnaires, de réalisateurs cinématographiques ou de scientifiques deviennent réalité, on appelle cela le Futur. De l’aéromobile de Jules Verne ou la cité Métropolis, du 5e Élément en passant par Silent Runner1 ou Minority Report, les passionnés se laissent emporter par ces œuvres d’anticipation qui recèlent des technologies.

La ville du futur n’a jamais été aussi proche des portes de nos sociétés modernes ; pourraient en témoigner les pronostics des études de marché. La fulgurante transition de la troisième à la quatrième révolution industrielle – Industrie 4.0 – laisse présager un avenir hyperconnecté. Les voitures se déplaceront de façon autonome, des voies aériennes seront affectées aux voitures volantes, le labeur humain sera remplacé par la machine (voire l’humanoïde) dans ses tâches les plus indésirables, qui semblent parfois inclure celle de compagnon. Les fonctionnalités seront sans borne.

L’arrivée des systèmes autonomes bouleversera des structures de métiers actuels où déjà l’empreinte digitale a entrepris son chemin. La transition numérique constatée depuis les foyers jusque dans les chaînes de production massive sera le précurseur à la cessation de certains métiers, appelés à disparaître, pour faire place à de nouvelles professions. Ce phénomène aura pour conséquence la transformation profonde des acteurs clés d’un marché, des méthodes de production, des enjeux de création ou encore de la captation de valeur.

Les métiers traditionnels devront se conformer à la transition numérique pour rester en première ligne face aux demandes des consommateurs toujours attirés par le nouveau, le performant, le curieux dont ils essaient déjà de parsemer leur quotidien. L’attention sera portée sur la facilité en même temps que la fiabilité (maîtrise des nouveaux composants technologiques) ; les intérêts se focaliseront sur les nouvelles fonctionnalités et les nouveaux attributs, et alors de nouvelles marques émergeront. C’est en réponse au besoin d’efficacité et au goût de la vitesse – phénomène reconnu et constaté depuis plus d’un siècle – que sont apparus les systèmes autonomes.

La délégation de tâche a toujours été recherchée pour alléger le travail humain ou – fantasme du pouvoir – le rendre incroyablement puissant grâce à une batterie de fonctionnalités. Aujourd’hui, elle relève des technologies de souveraineté.

Les États comme les entreprises font peser sur l’innovation le secret de leur puissance, et cette innovation s’appelle autonomie : l’autonomisation totale et multifonctionnelle est un des objectifs de notre siècle. Les besoins et apports des systèmes autonomes se répandent à tous les secteurs et à tous les vecteurs. De nombreux programmes de recherche ne cessent d’aspirer au perfectionnement d’une technologie déjà acquise et sophistiquée pour répondre i) aux besoins croissants des consommateurs estimés à dix milliards en 2050, ii) aux besoins nationaux pour peser sur la géopolitique mondiale et iii) aux besoins de la science tant pour assister l’humanité que pour en tester ses limites.

Pourtant, l’intégration de cette technologie se heurte aux instruments juridiques et à la perception dubitative que jette la société sur ce nouveau phénomène. L’autonomie technologique devrait-elle bénéficier d’une autonomie juridique où la responsabilité, les droits et interdits lui seraient propres ? Quel statut donner à l’intelligence artificielle ? Tout sera connecté, accessible, calculé, analysé dans l’espace public comme privé. Inéluctablement, le big data du quotidien, déjà désigné sous le terme d’« or noir du XXIe siècle », achèvera de transformer l’homme en produit. Quelle place alors reste-t-il à l’humain et à sa vie privée dans cette smartcity qui fera de la cybersécurité son tendon d’Achille.

Pour accueillir la ville du futur, des institutions, instituts et groupes de travail œuvrent ensemble à repenser le droit à la lumière d’une éthique rétive. Désormais, les drones aériens ont un cadre juridique leur permettant de voler en France, en Europe et aux États-Unis. Les voitures intelligentes, que de timides règlements ont permis de faire circuler sur nos voies, sont en passe d’être commercialisées. Les navires autonomes sont en phase de conception comme les textes juridiques qui auront vocation à les encadrer. Le Comité européen de la protection des données, contribue à l’élaboration de ces normes en rendant des avis sur la protection des données et des libertés des personnes. Les analystes ne semblent jamais avoir été aussi confiants dans l’avenir d’un marché qui n’attend qu’à être libéré de ses gaines juridiques. L’usage présentement sporadique des systèmes autonomes va donc tendre à envahir notre quotidien.

Accompagnant cette révolution sociétale, cet ouvrage présente les potentiels technologiques et économiques des systèmes autonomes à travers une analyse de leur marché et de leurs briques technologiques (Titre I). Il expose les cas d’usage actuels et futurs et les problématiques associées qui sont respectivement plus vastes, ambitieux et complexes que ce qu’une personne non avertie pourrait imaginer (Titre II). La popularisation des systèmes autonomes dépendra, d’une part, du vide juridique qu’il convient de combler et, d’autre part, des atténuations apportées par l’éthique dont l’opiniâtreté se voit particulièrement exacerbée devant leur cas d’usage extrême : une létalité qui façonnera inévitablement la géopolitique future (Titres III et IV).

Un grand remerciement à Alix Desies, Audrey Jouhanet, Isabelle Pottier et Marie Soulez pour leur aide et leurs recommandations dans la réalisation de cet ouvrage.

1. Premier film présentant un robot non humanoïde.

Préface de Stéphane Morelli

Ancien Président de la Fédération Professionnelle du Drone Civil – Directeur Général d’Azur Drones

Imaginée au XXe siècle, la « Robotisation pour Tous » est effectivement née au XXe siècle, et nous sommes loin de voir où elle va nous mener.

Il est encore difficile de déceler la logique de la multiplicité d’actions très diverses qui constituent cette évolution, mais la plupart d’entre elles relèvent d’une volonté d’accélérer les processus et de faciliter la tâche de l’Humain dans ces processus.

Cette robotisation s’appuie sur la transformation numérique, qui est en train de toucher tous les secteurs économiques, que ceux-ci l’acceptent ou non, et qui va donc profondément impacter notre quotidien professionnel et personnel. Cette transformation numérique génère des quantités colossales de données, qui sont nécessaires au fonctionnement des systèmes autonomes, et dont la collecte par ces mêmes systèmes augmente leur fiabilité et améliore leur autonomie.

Les véhicules autonomes, les drones (aériens) et les robots terrestres ou maritimes sont donc des outils de la transformation numérique qui entrent actuellement dans nos vies par la « porte technologique ». Ces outils, qui sont la conséquence des progrès fulgurants et combinés de l’électronique, des télécommunications et de l’informatique, fournissent des capacités qui permettent de compléter, voire de remplacer, celles des humains.

Les drones font partie de ces objets qui ont « muté » du fait de cette évolution technologique. Ils étaient initialement accessibles aux seuls militaires, lesquels y investissaient des budgets significatifs pour développer des technologies fermées et répondre à des besoins ciblés. Les drones sont, à l’instar des smartphones, aujourd’hui en vente dans les grandes surfaces et peuvent, pour des budgets parfois très modestes, être utilisés aisément par des opérateurs peu formés.

Cette « aviation 2.0 » a de quoi déconcerter, car elle mélange le « fait aérien » et ses fondamentaux (règles de l’air, retour d’expérience, facteurs humains, etc.) aux nouvelles technologies en faisant évoluer dans l’espace aérien des objets dont le nombre dépassera largement, entre 2020 et 2030, les plateformes dites habitées.

Parallèlement, les drones mutent dans leurs capacités : du stade de drone « capteur », nous passons désormais au drone « effecteur », déjà « transporteur », et qui ne manquera pas, à moyen terme, de nous transporter nous-mêmes. Le marché des drones professionnels, très actif en France depuis 2012 grâce à une réglementation pertinente et ambitieuse, se transforme en secteur où les enjeux économiques sont majeurs car il concernera probablement, à l’échéance 2030, plusieurs pourcents du PIB des pays qui auront fait les efforts et paris nécessaires à son développement.

Tout comme les technologies et les usages qui leur sont dédiés, le droit lié à ces nouveaux objets relève principalement d’une démarche incrémentale et empirique.

D’une part, ces règles, qu’elles soient écrites et assorties de modalités d’implémentations ou qu’elles s’inscrivent dans le registre des bonnes pratiques (« soft law »), sont indispensables pour préserver nos sociétés des effets indésirables en matière de sécurité, de sûreté et de respect de la vie privée de ces technologies et usages. En effet, de nombreux cas, heureusement sans gravité à ce jour, d’utilisation inappropriée ont été observés depuis les premières ventes de drones civils et l’augmentation du nombre de drones en vol va immanquablement conduire à aggraver ces situations.

D’autre part, force est de constater que la réflexion juridique sur ces nouveaux sujets constitue un véritable pari sur l’avenir, tant il est difficile de prévoir ce qui sera acceptable pour le bien commun, et ce qui ne le sera pas. Certes, nous ne sommes pas ici totalement dans un « no man’s land » juridique, car plusieurs textes existants peuvent servir de base à la réflexion, mais il est aussi nécessaire de faire appel à notre capacité d’abstraction, voire à notre imagination, pour réglementer sur les drones et les robots.

Il faut donc aux régulateurs et aux chercheurs dans ce domaine réglementaire combler les vides et préciser les contours des « flous juridiques », en faisant preuve non seulement d’une grande capacité de compréhension des sujets et des enjeux, mais aussi d’une volonté marquée d’explorer des secteurs inconnus, pour faire de leur démarche un pari gagnant.

La difficulté et la gravité de l’exercice s’accroissent dès lors que le système concerné peut délivrer de l’armement, et engendrer la mort. Sur l’emploi de drones et de robots armés, les débats sont vifs car ils mêlent des aspects juridiques, techniques et éthiques, exprimés selon des points de vue très différents (industriels, opérationnels, politiques, associations, etc.). La quantité de travail à réaliser pour aboutir à un droit international dans ce domaine est donc considérable.

C’est l’ambition de cet ouvrage, qui présente, à l’échelle mondiale, une analyse exhaustive et très documentée de l’état de l’art et des perspectives des technologies, usages et réglementations liés à ces nouveaux objets que sont les drones et les robots.

Ce tour du monde technologique et juridique, qui pourra servir de référence à tous les curieux, nous ouvre les yeux sur la complexité de notre environnement et sur l’obligation qu’ont nos sociétés de maîtriser cette complexité pour faire de cette « Robotisation pour Tous » une démarche porteuse d’un véritable progrès commun.

Principales abréviations

ACLU

American civil liberties union

AED

Agence européenne de défense

AESA

Agence européenne de la sécurité aérienne

ANR

Agence nationale de la recherche

ANSSI

Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information

AUVSI

Association for unmanned vehicle systems International

CAC

Code de l’aviation civile

CICR

Comité international de la Croix-Rouge (équivalent anglais : ICRC)

CGEDD

Conseil général de l’environnement et du développement durable

CNIL

Commission nationale informatique et libertés

DARPA

Defensed advanced research projects agency

DGAC

Direction générale de l’aviation civile

DIRCAM

Direction de la circulation aérienne militaire

DNSA

Deputy national security advisor

DoD

Department of Defense (USA)

DoJ

Department of Justice (USA)

DSAC

Direction de la sécurité de l’aviation civile

DSAC IR

Direction de la sécurité de l’aviation civile interrégionale

DSAE

Direction de la sécurité aéronautique d’État

EASA

European aviation safety agency

EDA

European defense agency (AED)

ENAC

École nationale de l’aviation civile

ETSO

European technical standard order

FAA

Federal aviation administration (USA)

FOIA

Freedom of information act

JAA

Joint aviation authorities

MUNIN

Maritime unmanned navigation through intelligence in networks

NAS

National airspace system (espace aérien national des États-Unis)

NCTC

National counter terrorism center

NPA

Notice of proposed amendment

NSA

National security advisor

NSC

National security council

OACI

Organisation de l’aviation civile internationale

ONERA

Office national d’études et de recherches aérospatiales

OTAN

Organisation du traité de l’atlantic nord

PE

Parlement européen

PPG

Presidential policy guidance

RPA / RPAS

Remotely piloted aircraft / Remotely piloted aircraft system

SARUMS

Safety and regulations for unmanned maritime systems

SGDSN

Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale

STANAG

Standardization agreement

UAS / UAV

Unmanned Aircraft System / Unmanned Aerial Vehicle

UE

Union européenne

UIT

Union internationale des télécommunications

UNCLOS

United Nations Convention on the Law of the Sea (Convention des Nations unies sur le droit de la mer CNUDM)

USC

United-States Code

Sommaire

Avant-propos

Préface de Stéphane Morelli

Principales abréviations

Sommaire

TITRE I – Marché, technologies, mise sur le marché

1. Le marché des systèmes autonomes

2. Les briques technologiques et les défis des systèmes autonomes

3. Les exigences relatives à la mise sur le marché des systèmes autonomes et à leur exportation

TITRE II – Typologie des systèmes autonomes

1. Les systèmes autonomes maritimes (UUV/USV/seabot)

2. Les systèmes autonomes terrestres et le véhicule autonome terrestre (UGV)

3. La voiture volante

4. La réglementation française sur les systèmes de drones aériens civils professionnels

5. La réglementation européenne sur les systèmes de drones aériens

6. Les bases légales et réglementaires de la FAA sur les drones aériens

TITRE III – Les Systèmes autonomes à usage militaire

1. Le robot de combat (armé, d’observation, de surveillance)

2. Le robot militaire à l’épreuve du droit international

TITRE IV – L’intelligence artificielle et les systèmes autonomes

1. La question de l’explicabilité

2. Les initiatives d’encadrement de l’IA

Liste des annexes

Annexe 1 : Lexique

Annexe 2 : Table des illustrations et schémas

Annexe 3 : Index

Table des matières

TITRE I – Marché, technologies, mise sur le marché

1. Un aperçu des différentes études et statistiques de marchés des différents systèmes autonomes pour les années à venir permet d’appréhender le poids économique (et de fait, social) qu’incarnent certains vecteurs des systèmes autonomes (chapitre 1).

2. L’émergence des systèmes autonomes de toute nature n’est pas exempte de défis techniques mais aussi de défis tant juridiques, qu’éthiques. Toute tentative de réponses ne peut néanmoins être pérenne sans que soient au préalable comprises et assimilées les briques technologiques qui composent ces systèmes (chapitre 2) en ce compris les enjeux technologies de l’autonomie.

3. Compte tenu de leur nature, voire de la crainte qu’ils inspirent, la circulation sur le marché des systèmes autonomes est encadrée. D’une part, la mise sur le marché de ces systèmes doit répondre à des exigences essentielles de sécurité et des règles techniques associées. Dans l’attente d’une réglementation qui leur soit propre, la mise sur le marché des systèmes autonomes reste encadrée par les règlements et directives communs. D’autre part, ces technologies sont un terreau propice à l’émergence des hostilités entre les États. Le double emploi (civil et militaire) possible de ces technologies nécessite pour chaque État, dans l’intérêt de la sécurité nationale, d’encadrer strictement les exportations de ces outils stratégiques (chapitre 3).

1. Le marché des systèmes autonomes

4. Le marché des systèmes autonomes concerne pour le :

– vecteur aérien : les drones civils professionnels, les drones appartenant à l’État et les drones militaires ;

– vecteur terrestre : les véhicules autonomes et les robots terrestres ;

– vecteur maritime : les seabots ou drones maritimes de surfaces ou sous-marins.

1.1. Le vecteur aérien : l’émergence durable du marché français des drones aériens

5. Si certains États ou secteurs industriels pouvaient encore s’interroger il y a quelques années sur l’intérêt des drones aériens, plus aucun ne se pose la question aujourd’hui.

6. Début de consolidation. Après le boom du marché du drone aérien destiné aux loisirs, le marché des drones aériens civils et militaires connaît une importante consolidation combinée avec l’essor de l’exploitation des données numériques issues des capteurs (effecteurs embarqués à bord des drones). De nombreux métiers et professions sont en pleine transition numérique à la suite de la collecte de données numériques par systèmes de drones civils et de leur exploitation dans le cadre du big data et du cloud.

1.1.1. Le marché des drones civils professionnels

7. Marché du drone civil en chiffres. Le marché des drones civils en France pourrait selon les estimations des agences passer de 155 millions d’euros en 2015 à 652 millions d’euros en 2025.

Figure 1. Évolution du marché des drones civils en France (en millions d’euros).

Source : Selon l’Étude Wyman citée par L’Usine nouvelle.com, mars 2016.

8. Le marché des drones civils professionnels peut être analysé selon deux axes : constructeurs ou opérateurs déclarés.

9. Constructeurs français. La Direction générale de l’aviation civile (DGAC) tient à jour la liste des constructeurs de drones français ayant reçu une « attestation de conception de type »1.

10. Exploitants déclarés en France. La DGAC publie régulièrement la liste des exploitants actifs et déclarés (ayant accepté de figurer sur la liste)2.

Figure 2. Tableau de bord « France » – Constructeurs, exploitants déclarés (DGAC), marché des drones.

1.1.2. Le marché des drones militaires

11. Pays et drones militaires. Le nombre de pays disposant de drones militaires n’a cessé d’augmenter depuis les années 2005-2006. Selon les estimations, qui varient suivant les agences et les analystes, le nombre de pays dans le monde disposant de drones militaires est compris dans une fourchette de 80 à 95 pays.

12. Souveraineté des États. Le fait pour un pays de disposer de drones militaires et, parmi eux, de drones de surveillance, de reconnaissance et de combat est aujourd’hui une question de souveraineté pour les États.

13. Principaux constructeurs et exportateurs de drones. Malgré le nombre croissant de pays qui disposent de drones, les principaux constructeurs et exportateurs se concentrent sur quelques rares pays : les leaders mondiaux qui, par une vision stratégique, ont été en mesure d’anticiper le développement de ce vecteur. Les principaux leaders sont aujourd’hui américains et israéliens.

14. Positionnement européen. Au niveau européen, quelques groupes puissants disposent de nombreuses briques technologiques nécessaires à la construction de systèmes de drones. Ces groupes sont notamment Airbus Group, Dassault Aviation, Sagem, Safran, Thales mais aussi Finmeccanica en Italie ou encore BAE Systems. Il doit être néanmoins regretté l’arrêt de nombreux projets européens, parmi lesquels EuroMale, Talarion ou encore Telemos, du fait d’une absence de vision stratégique de certains groupes français et des autorités militaires jusqu’au plus haut niveau de l’État. La France et l’Europe ont accusé un très grand retard malgré l’existence d’une base industrielle et technologique (BITD) française très forte.

15. Face à cette situation, aggravée par la nécessité de combler une lacune capacitaire de nos armées et sans autre solution, la France a été contrainte d’acquérir des drones militaires auprès des États-Unis. Le ministre de la Défense, Jean-Yves le Drian, a déclaré en juin 2013 que la France souhaitait acquérir pas moins de « douze drones d’observation Reaper aux États-Unis ; acquisition évaluée à la somme de 670 millions d’euros »3. Parmi les douze drones, la France a acquis deux drones de moyenne altitude et de longue endurance (MALE) de type Reaper auprès de la société américaine General Atomics, avec l’accord du Congrès américain. La France avait « également besoin de dix autres drones Reaper qui puissent opérer dans l’espace aérien français et européen »4 ce qui supposait que leurs moyens de transmission soient adaptés par des industriels européens.

16. D’autres pays sont dans la même situation. La Defense Security Cooperation Agency (DSC) au Royaume-Uni a donné en décembre 2016 son feu vert pour l’acquisition de systèmes de drones Certifiable Predator B5 produits par la société General Atomics. La demande de Londres concernait jusqu’à vingt-six vecteurs aériens, soit seize vecteurs aériens auxquels s’ajoutait une option de dix ainsi que huit stations sol avec une option pour quatre supplémentaires.

17. À la fin de l’année 2014, compte tenu des besoins importants de systèmes de drone MALE (moyenne altitude et de longue endurance) et de systèmes de drone de combat, les gouvernements français et britannique ont conclu en 2014 un accord en vue de la réalisation d’une étude de faisabilité d’un système de combat aérien futur (Projet « SCAF ») ; étude réalisée par Dassault Aviation et BAE Systems. L’Allemagne, l’Italie et la France ont également conclu en mai 2015 une déclaration d’intention pour l’étude de finition d’un système de drone MALE européen, désigné initialement sous le nom de projet MALE 2020 puis renommé projet MALE RPAS6.

18. Selon le communiqué commun d’Airbus Defence and Space, Dassault Aviation et Leonardo-Finmeccanica, le MALE RPAS sera un « système aérien sans pilote de nouvelle génération dédié aux missions armées de renseignement, surveillance, ciblage et reconnaissance (ISTAR) »7. « Son intégration au trafic aérien et sa certification en vue d’opérer dans l’espace aérien extrêmement dense de l’Europe » sont les principaux objectifs distinctifs de ce programme.

19. La conclusion de l’étude de finition marquera le coup d’envoi de la phase de développement prévue en 2018, en vue du vol inaugural d’un prototype début 2023 et de la livraison du premier système de drone à l’horizon 2025.

20. La Direction Générale de l’Armement (« DGA ») a commandé le 7 décembre 2017 un troisième système de drone MALE de la catégorie Reaper. La livraison doit intervenir en 2019 conformément à la Loi de programmation militaire (LPM) 2014-20198. La LPM prévoit que l’armée de l’air devrait disposer en 2019 de quatre systèmes complets, comprenant chacun trois drones.

21. Airbus Defence & Space, Dassault Aviation et Leonardo annoncent que le programme Euromale (MALE 2025 ou Eurodrone) a franchi l’étape de la revue de conception préliminaire le 22 novembre 2018, trois semaines après le lancement d’un appel d’offres par l’OCCAR (Organisation conjointe de coopération en matière d’armement) pour le développement, la production et la phase initiale de MCO de l’Euromale9.

22. Le système de drone MALE Reaper étant, en raison des contraintes capacitaires, le seul actuellement disponible sur les théâtres d’opérations, ce système assure l’ensemble des missions : mission de surveillance, de désignation d’objectifs et d’appui tactique.

1.1.3. La transformation vers un marché d’application et des services : le Graal des données numériques

23. Marché des services des drones commerciaux. Selon l’étude Statista issue de la consolidation de plus de 18 000 sources, les prévisions de revenus des services réalisés par les drones commerciaux à l’horizon 2025 devraient atteindre 12 647,20 milliards de dollars au niveau mondial10.

24. Le marché européen des drones commerciaux est estimé par l’agence Statista à 3 035,33 milliards de dollars en 2025. Quant au marché américain, il devrait représenter à lui seul 4 236,81 milliards de dollars.

Figure 3. Prévision des revenus mondiaux générés par des drones commerciaux pour 2025.

Source : Étude STATISTA 2016 (disponible sur https://fr.statista.com).

25. Applications originelles de la filière du drone civil professionnel. Les premiers domaines d’applications des drones civils professionnels sont les secteurs de l’audiovisuel, de l’industrie et de l’agriculture. En effet, à travers le rapport du CCEDD d’octobre 2015 intitulé « Les drones civils, enjeux et perspectives »11, le ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer relevait qu’en France plus de 80 % de l’activité était en relation avec l’audiovisuel (médias, événementiel, loisirs, etc.), tandis qu’un peu moins de 20 % relevait des applications dites « industrielles » (surveillance de réseaux, de carrières, agriculture, relevés géodésiques, etc.), ces dernières présentant sans doute le plus fort potentiel de croissance.

26. Ainsi, le premier secteur de développement des applications du drone civil professionnel est le secteur de l’audiovisuel et des médias, le drone offrant la possibilité de réaliser des prises de vues quasiment partout et à un coût très raisonnable, sous réserve du droit à l’image des personnes et des biens et du respect de la réglementation aérienne.

27. Transformation résultant de l’utilisation de données numériques. Depuis 2016, confirmé en 2017, les domaines d’application, tous secteurs d’activité confondus se multiplient du fait de l’apport et de l’intérêt que représentent les données numériques collectées par système de drone lesdites données opérant une transformation en profondeur des métiers et professions de très nombreux secteurs d’activités professionnels.

Domaines d’application :

Figure 4. Schéma des domaines d’application et cas d’usage.

Domaines d’application

Cas d’usages

Agriculture

Sylviculture

Besoins en eau, azote, engrais

Mesure stress hydrique

Croissance végétale, degré maturité

Détection maladie

Sécurité

Sécurité civile

Défense

Appui aux opérations

Surveillance

Inspection

Cartographie

Ouvrages d’art

Infrastructures

Levés topographiques

Transports

Personnes

Logistique

Inventaire d’entrepôts

Livraisons

Médicaments

Dispositifs médicaux, sang

Agriculture

Sylviculture

Besoins en eau, azote, engrais

Mesure stress hydrique

Croissance végétale, degré maturité

Détection maladie

1.1.4. Les domaines d’application et missions

28. Agriculture de précision et sylviculture. Les cas d’usage de systèmes de drones dans le monde de l’agriculture et de la sylviculture sont parmi ceux qui connaissent le plus grand développement. Ceci s’explique par les besoins de mieux connaître l’environnement de production, l’état et la situation des productions, de les rationaliser et, par la faculté offerte par les capteurs embarqués sur les systèmes de drones, de produire des données d’aide à la décision. Les données collectées peuvent ainsi permettre d’estimer ou de connaître le stress hydrique, les besoins en eau ou en engrais, en azote et en minéraux, détecter les maladies ou encore estimer le degré de maturité des productions. En 2017, les images satellitaires sont produites à des coûts inférieurs aux images produites par drones. En revanche, les données collectées par drone présentent l’avantage de disposer d’une meilleure résolution que les données satellitaires, soit quelques centimètres par pixel, et d’être moins tributaires de la météorologie.

29. Dans certaines régions du monde, et notamment au Japon, la filière du drone professionnel a connu un développement majeur à partir de l’entrée en vigueur de réglementations spécifiques au secteur agricole.

Figure 5. Pour l’agriculture, 50 % au moins de la valeur réside dans les analyses de données.

Source : SESAR, European Drones Outlook Study Unlocking the value for Europe, novembre 2016.

30. Sécurité et défense. Les cas d’usages de systèmes de drone dans le monde de la sécurité et de la défense sont également très nombreux : en matière de sécurité civile (catastrophes naturelles, inondations, inspections (voir paragraphe suivant), détection de feux de forêt, diagnostic d’évolution des flammes, établissement de cartographie de stress hydrique en prévision de départ de feux), en matière de défense, les systèmes de drones étant aujourd’hui largement utilisés par la Police ou la Gendarmerie ainsi que par les forces pour collecter des informations tactiques contribuant à la réalisation de leurs différentes missions (préparation et appui des interventions des forces de l’ordre, observation et surveillance de concerts, de manifestations sportives, etc.).

31. Cartographie – Inspection d’ouvrages d’art et d’infrastructures. L’un des domaines d’applications qui connaît un développement spectaculaire est celui de la réalisation de levés topographiques et de l’inspection d’ouvrages d’art (éoliennes, fermes photovoltaïques) et d’infrastructures. Ce développement s’explique par la maturité des capteurs embarqués (qui permettent de détecter par exemple des fissures de moins d’1 mm), ainsi que par la capacité d’exploiter des gisements historiques de données provenant de différentes itérations de collectes sur des infrastructures linéaires diverses (voies ferrées, lignes électriques à haute ou moyenne tension, pipelines ou gazoducs, routes). Des évolutions réglementaires pourraient être envisagées pour permettre un plus grand développement des inspections linéaires d’infrastructures en créant par exemple la possibilité d’opérer sur des couloirs d’espace aérien temporaires ou définitifs.

32. Surveillance. Le développement d’applications liées à la surveillance vise de nouveaux usages : surveillance de zones maritimes (pêches, trafics, etc.), surveillance des personnes se baignant en mer, surveillance de bandes de protection contre les attaques de requin comme en Australie.

33. E-commerce et livraison. Malgré les freins ou obstacles de la réglementation en Europe ou en France, on assiste dans de nombreux pays à un développement très important de la livraison de produits et de dispositifs médicaux ou de santé (sang, médicaments) dans des zones difficiles d’accès par système de drones.

Figure 6. Perspectives de synthèse sur la demande dans le commerce électronique & livraison.

Source : SESAR, European Drones Outlook Study Unlocking the value for Europe, novembre 2016.

34. Transports. Dans le prolongement du domaine d’application de la livraison de biens, de nombreux pays précurseurs s’intéressent également aux nouveaux domaines d’application liés aux transports de personnes par drones afin de désengorger le trafic urbain ou d’offrir de nouvelles perspectives de déplacement autres que les moyens de déplacement du transport routier ou urbain.

1.2. Le vecteur aérien : le marché européen du drone

35. Programme SESAR. Le (programme) SESAR (Single European Sky ATM Research) est le grand programme de recherche européen lancé en 2004 afin de préparer le futur du trafic aérien dans le ciel unique européen. Selon le SESAR, en 2050, la flotte de drones en Europe se composera d’environ 415 000 drones commerciaux et de 7 millions de drones de loisir.

36. Le SESAR en 2016 évoque également à l’horizon 2050, 100 000 drones de livraison qui seront employés dans le cadre de services de E-commerce ou pour des livraisons (médicaments de manière urgente, autres produits ou services de consommation courante).

37. Le déploiement de systèmes de drones civils en Europe va nécessiter la mise en place de nouveaux moyens de gestion du trafic aérien au-dessous des 150 mètres d’altitude, l’actuel plafond pour les drones civils. Les pays membres du SESAR évoquent la mise en place d’un tel système très automatisé de contrôle aérien européen pour les drones : le système « Espace U » (U-Space). La mise en place d’un tel système nécessite un effort en recherche et développement estimé de 100 millions d’euros sur 5 à 10 ans, somme qui correspond à l’effort engagé outre-Atlantique par les États-Unis dans ce domaine (projet UTM, Unmanned Trafic Management). Le rapport SESAR évoque encore 100 millions de plus à investir dans l’adaptation des technologies, dont l’intelligence artificielle, en cours de développement par le SESAR, pour l’insertion des drones dans le trafic aérien traditionnel.

38. Drone civil. La Commission européenne a identifié plus de 400 projets de drones civils dans vingt pays européens – depuis des systèmes de quelques grammes jusqu’à ceux de la taille d’un Airbus A320.

39. Toutefois, en raison de son retard, l’Europe doit prendre très rapidement le virage sur le marché du drone civil afin de ne pas se faire distancer, voire écarter, par les acteurs des marchés américain et chinois. Si l’Europe réussit à prendre ce virage, les experts économiques s’attendent à la création de 110 000 emplois dans cette filière pour un impact économique direct et indirect encore plus important. Selon les études, celui-ci devrait être compris entre 27 et 43 milliards d’euros, soit entre 250 000 et 400 000 de nouveaux emplois.

40. Même si, pour des raisons de sécurité évidente, l’Europe et le SESAR ne souhaitent pas ou ne conçoivent pas d’ouvrir à grande échelle des expérimentations pour les drones commerciaux, et notamment de livraison, avant de disposer d’un système de contrôle aérien, il existe un risque majeur que l’Europe passe à côté du développement commercial du drone en attendant 2028 – date prévue dans la feuille de route de la Commission européenne pour l’intégration totale des drones dans l’espace aérien – pour envisager des règles d’usage des drones dans l’espace aérien urbain. L’Europe semble avoir perçu le danger et semble vouloir se positionner avec beaucoup plus de pugnacité sur ce marché au risque de le laisser aux acteurs américains et chinois qui auront su développer tout son potentiel (américains et israéliens, pilotés par les logiques de business, sont déjà leaders à eux seuls sur le marché du drone militaire qu’ils détiennent à 80 %)12.

41. Drone militaire. L’Europe est loin d’être leader sur son marché et elle est très en retard par rapport aux opportunités du marché. Seulement trois pays européens se détachent grâce à leurs groupes industriels historiques : l’Allemagne, la France et l’Italie.

42. Si le projet MALE RPAS ne connaît aucun retard, la France, l’Allemagne et l’Italie devraient être dotés en 2025 d’un système de drone MALE RPAS, conçu et coconstruit par Airbus Defence and Space, Dassault Aviation et Leonardo-Finmeccanica.

43. Le Royaume-Uni, qui a eu une réelle vision stratégique et qui a souhaité faire cavalier seul, disposera également de son propre drone de combat (ou UCAV, Unmanned Combat Aerial Vehicle), le Taranis. Selon la documentation disponible sur le projet de drone de combat Taranis, ce drone devrait être capable d’identifier une cible et de la neutraliser de façon autonome.

44. Les considérations éthiques et juridiques ainsi que les règles d’engagement d’un drone de combat autonome au regard du droit international humanitaire sont abordées au chapitre 11 ci-après.

1.3. Le vecteur aérien : le marché mondial du drone

1.3.1. Le marché des drones civils professionnels

45. Marché mondial par région. Selon l’agence Statista, le marché mondial des drones professionnels par région est en faveur des Amériques et en particulier des États-Unis13. En effet, en 2015, le marché des États-Unis représentait à lui seul 62 % du marché mondial des drones avec une augmentation prévue à 66,9 % en 2020. L’Europe n’arrivait qu’en seconde position avec 16 % du marché mondial qui est prévue de diminuer à 12,3 % en 2020.

46. L’Asie-Pacifique représentait 12,5 % du marché mondial des drones civils professionnels en 2015, tandis que le reste du monde représentait à la même date 5,8 %.

Figure 7. Répartition du marché mondial des drones professionnels d’ici 2020.

Source : Étude STATISTA 2018 (disponible sur https://fr.statista.com/).

1.3.2. Le marché des drones militaires

47. Classement mondial des pays. Au niveau mondial, les pays qui occupent les pôles positions sont : les États-Unis et Israël. Les systèmes de drones provenant des États-Unis et d’Israël représentaient en effet 71 % des importations des pays acheteurs en 2014, selon l’étude de IHS-Jane’s14.

48. Outre ces leaders, d’autres pays tels que la Chine, la Russie, l’Inde, la Corée du Sud ou le Japon envisagent d’ici 2024 d’augmenter leurs investissements et leurs exportations de systèmes de drones qui devraient atteindre les 3,4 milliards de dollars d’ici à 2024.

49. Focus sur la Chine. Avec un budget de défense qui devrait avoisiner 150 milliards de dollars par an, la Chine envisage de prendre toute sa place sur le marché des drones militaires. La Chine s’adresse en effet aux pays dont les budgets militaires sont contraints et qui ne recherchent pas nécessairement les mêmes qualités intrinsèques aux drones américains. Plus récemment, outre le fait que la Chine se soit positionnée sur le marché des drones aériens pour occuper le vide stratégique créé par les États-Unis par leur réglementation très restrictive sur l’exportation de drones militaires, la Chine est devenue un fournisseur mondial de drones grâce à des technologies comparables à celles détenues par les États-Unis telles que les systèmes d’essaim de drones coordonnés. En outre, les fabricants chinois de drones ont pris le parti de proposer dès aujourd’hui des drones armés pour répondre à la demande du marché, pour l’exportation desquels ils sont moins juridiquement contraints que les fabricants occidentaux.

50. Selon l’étude réalisée par IHS-Jane’s en 201515, le marché des drones militaires et de sécurité devrait dépasser les 10 milliards de dollars en 2024, soit presque le double par rapport au marché de 2015.

1.4. Les autres vecteurs

51. Bien que d’importance moindre par rapport au vecteur aérien, l’étude de marché des vecteurs maritime et terrestre n’en est pas moins remarquable. Les besoins croissants futurs de ces systèmes autonomes, en plein essor, expliquent les pronostics favorables qui ressortent des études de marché sur les cinq ou dix années à venir.

1.4.1. Le marché des seabots ou drones maritimes16

52. Les études de marché autour des seabots ou drones maritimes distinguent les drones maritimes de surface (Unmanned Surface Vehicle « USV ») et les drones sous-­marins (Unmanned Underwater Vehicle « UUV »).

1.4.1.1. Le marché des USV

53. L’analyse du marché des USV porte sur la période de 2017 à 2022. Tous secteurs confondus, il est prévu de passer de 470,1 millions de dollars à 938,5 millions, soit une croissance de 14,83 %.

54. Les facteurs de la croissance sont essentiellement les enjeux environnementaux comme la sécurité maritime, la protection des ports et eaux territoriales, ainsi que les besoins de la science marine qui rencontre aujourd’hui des limites techniques dans l’étude des profondeurs marines dont une grande partie demeure inaccessible.

55. Surtout, cette croissance certaine repose sur le potentiel opérationnel qu’offrent ces systèmes autonomes face aux techniques classiques, notamment grâce à la multitude de charges utiles qui peuvent être transportées (radars, système de navigation, caméras, etc.). Les capteurs, dans la mesure où ils accroissent les fonctionnalités des systèmes, sont très recherchés et représenteront la principale part de marché en matière de charges utiles.

56. Selon Markets & Markets17, les petits systèmes autonomes demeureront le principal segment de ce marché. Moins complexe et coûteux que les systèmes de navires autonomes, ce segment est stimulé essentiellement par la croissante demande du secteur commercial en quête de rentabilité. Le graphique ci-dessous traduit la répartition entre les régions du monde des parts de marché des drones maritimes de surface et leur vitesse de croissance.

Figure 8. Répartition des parts de marché par région des véhicules de surface non habités.

Source : Étude Markets & Markets – Unmanned Surface Vehicle (USV) Market by Region – November 2018.

57. L’Amérique du Nord dominera toujours le marché dans les cinq prochaines années en matière de drones maritimes de surface mais l’Europe, grâce à des acteurs comme ECA Group, ASV ou Elektronic, enregistrera la plus forte croissance.

58. Les acteurs du marché misent sur des contrats à long terme et sur l’innovation pour maintenir leur position sur l’ensemble du secteur.

1.4.1.2. Le marché des AUV/UUV18

59. Depuis les besoins stratégiques et capacitaires militaires et la consommation quotidienne d’énergie, l’AutonomousUnderwater Vehicle (« AUV ») s’est révélé être un atout indispensable à l’avenir des secteurs de la défense nationale, de l’énergie et des sciences.

60. Le marché des UUV est un marché prometteur ; ces systèmes apportent une solution aux difficultés et limites opérationnelles éprouvées dans les missions de recherches, d’analyses ou encore dans des missions de sécurité-défense. Ces difficultés opérationnelles sont corollairement expliquées par les limites humaines et financières. Les drones maritimes apparaissent donc comme une solution rentable, de plus en plus performante et fiable et, de fait, renforcent les capacités opérationnelles.

61. Les secteurs concernés sont les mêmes qu’en matière de USV à savoir la défense, la science et les activités commerciales.

62. Les études de marché estiment à environ 15 % la croissance des systèmes autonomes sous-marins d’ici 2021-202219. Dans son analyse 2016-2020, Douglas Westwood envisage une hausse de la demande en UUV de 10 % en 202020.

63. 63. Les parts de marché des drones sous-marins à l’échelle mondiale et leur vitesse de croissance sont réparties par ordre d’importance entre les régions Asie Pacifique, l’Amérique du Nord et l’Europe.

64. Avec une production importante à bas coût et d’importants besoins liés aux disputes territoriales, l’Inde et la Chine sont les principaux moteurs de croissance du marché d’Asie Pacifique.

65. Évolution dans le secteur de l’énergie. Parmi les usages commerciaux, le secteur de l’énergie occupe la plus grande part du marché des AUV.

66. Les entreprises du secteur de l’énergie cherchent à répondre à la conjoncture économique qui a pâti des stratégies de surproduction des pays du Golfe en 2014. Leurs activités sont par ailleurs affectées par des politiques environnementales qui les dénigrent en faveur d’énergies renouvelables. Les ressources accessibles ont été majoritairement exploitées conduisant les entreprises en quête de rentabilité à prospecter les réserves probables et possibles de gisements connus, voire de prospecter plus loin en off-shore ou dans des zones jusqu’à présent trop difficiles d’accès.

67. Toutes ces difficultés expliquent l’orientation du secteur de l’énergie vers une politique de réduction des coûts, d’expansion des zones de prospection ou des capacités d’exploitation et à laquelle permettent de répondre les systèmes autonomes. Il reste en effet de nombreuses réserves sous-marines inexploitées, et jusqu’alors inexploitables, qui constituent désormais des axes de R&D pour les fabricants de systèmes autonomes.

68. Les entreprises cherchent par ailleurs à répondre à l’évolution de la consommation de gaz et pétrole qui – malgré la concurrence des énergies renouvelables en Europe ou au Japon – demeure en hausse grâce aux pays émergents caractérisés par une forte croissance démographique. Ainsi, l’Asie (Chine et Inde) et le Moyen-Orient (Qatar, EAU, Israël) ne cessent d’augmenter leur consommation en pétrole avec une moyenne annuelle de 7 %. Les études de marché prévoient une croissance de la demande de systèmes autonomes, notamment dans les régions d’Amérique latine et d’Afrique, comme en mer du Nord et en Norvège s’agissant de l’Europe21.

69. Évolution dans le secteur de défense. Le secteur de la défense représentait en 2015, 49 % des parts de marché. Selon Douglas Westwoods22, 73 % des demandes à venir seront militaires, notamment dues aux besoins des missions de déminage et anti-sous-marins. Les AUV sont une réponse aux missions de longue durée nécessaires à la récolte d’informations, de surveillance, etc.

70. Évolution dans le secteur scientifique. Encouragé par les besoins en océanographie ou en protection de l’environnement, le secteur scientifique représentera 22 % du marché d’ici 2020.

71. Progressive disparition des Remotely Operated Vehicle (RoV) en faveur des AUV. Le fonctionnement en mode autonome est de plus en plus convoité puisqu’il ne requiert pas l’intervention humaine permanente et se déplace de façon autonome sur la base d’instructions pré-programmées. Les avantages de l’autonomie et l’attrait du « sans-fil » laissent à penser un remplacement prochain des RoV par les AUV.

1.4.2. Le marché des véhicules autonomes terrestres (UGV)

72. Selon l’étude Markets and Markets23, dans les cinq prochaines années, le marché des robots autonomes terrestres (UGV)24 devrait enregistrer une hausse de 12,14 %. Cette hausse s’explique par la quête des industriels du secteur, qui concentrent leurs efforts en R&D à répondre aux exigences croissantes d’efficacité opérationnelle, de réduction d’intervention humaine et de méthodes toujours plus pointues dans le cadre des conflits mondiaux, en particulier dans la lutte contre le terrorisme.

73. Les UGV à chenilles, par leur mobilité sur tous terrains, notamment accidentés, sont un atout essentiel aux opérations militaires ou agricoles et occuperont une part dominante dans le marché à venir. Les sUGV (small UGV) seront privilégiés. En effet, ils sont aisément maniables, rapides et donc propices aux missions techniques de la défense ainsi que pour les usages domestiques.

74. Le marché des véhicules autonomes terrestres se décompose en deux principaux segments que sont le secteur commercial et la défense.

75. Le segment commercial. L’usage commercial dominera le marché des drones terrestres ces cinq prochaines années notamment en raison de l’engouement de la demande prévu en matière de transport, d’agriculture, domestique ou de manufacture. Le confort et la productivité semblent en être les principales motivations.

76. Le segment de la défense. Le marché des drones terrestres militaires devrait croître de 4,6 % de 2016 à 2026. Il est essentiellement stimulé par des questions de sécurité intérieure, de sécurité extérieure, douanières (notamment dans des combats frontaliers) et par la course à la modernisation des armements. Comme précédemment évoqué, ce sont les systèmes autonomes de petites tailles qui domineront le marché, essentiellement utilisés dans les missions Explosive Ordonance Disposal (« EOD ») dont les drones représenteront 53,1 % du marché, suivis des drones ISR (Intelligence, surveillance, reconnaissance) avec 40,9 % des parts de marché.

77. Les principales régions acquéreuses seront :

– l’Amérique du Nord, qui détiendra 52,1 % du marché ;

– l’Europe, avec 24,3 % ;

– l’Asie Pacifique, avec 15,8 %.

78. Aucune définition homogène n’a été dégagée pour caractériser le « drone » essentiellement utilisé pour désigner un aéronef sans pilote à bord. De façon moins spontanée, le terme a par la suite été employé pour désigner d’autres engins sans pilotes évoluant dans les milieux marin et terrestre. Dans le cadre de cet ouvrage « drone » sera employé de façon générique au même titre que « système autonome ». Le drone est un système qui possède une part fonctionnelle d’autonomie et préfigure l’émergence d‘un nouveau genre de robot.

79. Les systèmes autonomes sont composés de différentes briques technologiques qui leur confèrent des capacités de communication et de perception pour évoluer dans des environnements de complexité variable en fonction de leur degré d’autonomie.

1. Liste des constructeurs de drones français (DGAC), disponible sur http://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/.

2. Liste des exploitants actifs et déclarés (DGAC), disponible sur http://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/.

3. Le Monde avec AFP, « La France veut acheter douze drones américains pour 670 millions d’euros », Le Monde.fr, 11 juin 2013.

4. Ibid.

5. Le Certifiable Predator B est une variante du MQ-9 Reaper, adapté pour évoluer dans les espaces aériens civils, notamment l’espace aérien européen.

6. Medium Altitude Long Endurance Remotely Piloted Aircraft System.

7. Dassault Aviation, « Le programme de drone européen MALE RPAS (Medium Altitude Long Endurance Remotely Piloted Aircraft System) décolle », Communiqué de presse du 28 septembre 2016.

8. Loi 2013-1168 du 18 décembre 2013, disponible sur Légifrance.

9. H. Chachaty, « L’Eurodrone franchit l’étape de la revue de conception préliminaire », Le Journal de l’Aviation.com, 13 décembre 2018.

10. Étude STATISTA 2016, disponible sur https://fr.statista.com.

11. D. David et J. Panhaleux, « Les drones civils, enjeux et perspectives », rapport CGEDD n° 008816-01, octobre 2015.

12. Étude Pipame, « Perspectives de développement de la filière des drones civils à l’export », juin 2017.

13. Étude STATISTA 2018, disponible sur https://fr.statista.com/.

14. IHS Markit, « Consistent Growth for UAV Market to Push Industry Above $ 10 Billion Mark by 2024, IHS Says », IHS Online Newsroom, Release, October 5, 2015.

15. Ibid.

16. Fisk Marine Insurance International, « World AUV Market Forecast shows demand for AUVs in the future », fiskusa.com, release August 23, 2016 ; « Global Automatic Underwater Vehicle (AUV) Market : Trends, Opportunities and Forecasts (2016-2021) », ReportsnReports.com, July 2016.

17. « Unmanned Surface Vehicle (USV) Market by Application (ISR, MCM, Oceanography, Hydrography), System (Propulsion, Communication, Payload, Chassis), Type (Surface, Sub-surface), Mode of Operation, Size, Hull, Endurance and Region – Global Forecast to 2023 », marketsandmarkets.com, November 2018.

18. « Autonomous Underwater Vehicles Market by Type (Shallow, Medium, and Large AUVs) », marketsandmarkets.com, August 2017 ; « Global Automatic Underwater Vehicle (AUV) Market : Trends, Opportunities and Forecasts (2016-2021) », op. cit.

19. Markets and Markets estime la croissance à 15.31 % entre 2016-2022, passant de 211.8 millions de dollars à 497.9 millions ; ReportsnRreports estime la croissance à 15.5 % entre 2016-2021.

20. D. Westwood, « World AUV Market Forecast 2016-2020 », douglas-westwood.com/, 4 August 2016.

21. Ibid.

22. Ibid.

23. « Autonomous Underwater Vehicles Market by Type (Shallow, Medium, and Large AUVs) », op. cit.

24. Unmanned Ground Vehicle.

2. Les briques technologiques et les défis des systèmes autonomes

2.1. Les briques technologiques communes

80. L’ensemble des systèmes autonomes est composé de briques communes représentées dans le schéma ci-après. Le degré d’autonomie atteint par chacune de ces briques caractérise le degré d’autonomie global du système.

Figure 9. Briques technologiques communes à l’ensemble des systèmes autonomes.

Source : © Domino’s Pizza Enterprise, © Oceana, © Don McCullough, Flickr, CC by 2.0.

81. La notion d’autonomie est un terme qui revêt plusieurs sens et qui peut se matérialiser tant dans le système de navigation que dans la conduite de la mission ou encore dans son déclenchement.

2.1.1. Le système de navigation et de propulsion

82. Le système de navigation est la capacité du robot de se déplacer d’un point A vers un point B. À la fin des années 1990, O. Trullier et J.-A. Meyer du Laboratoire Informatique de Paris ont distingué quatre stratégies de navigation : le guidage, la réaction associée à la reconnaissance d’un lieu, la navigation topologique et la navigation métrique1.

Figure 10. Tableau des stratégies de navigation des systèmes autonomes.

Stratégies de navigation

Description

Guidage

« Cette stratégie consiste alors à se diriger dans la direction qui permet de reproduire une configuration ».

Réaction associée à la reconnaissance d’un lieu

« Cette stratégie permet de rejoindre un but distant dans l’environnement mais repose sur des chemins figés ».

Navigation topologique

« Cette stratégie permet de mémoriser un ensemble de lieux et les possibilités de passer de l’un à l’autre, indépendamment de tout but ».

Navigation métrique

« Cette stratégie permet de calculer le chemin le plus court entre deux lieux mémorisés, permettant même de planifier des raccourcis au sein de zones inexplorées de l’environnement »2.

83. La navigation d’un drone dépend de son évolution dans un environnement ouvert, c’est-à-dire dans une zone de mouvements sans limites. Le système de localisation se fait par satellite, historiquement grâce au Global Positioning System (GPS) et, plus récemment, grâce à d’autres systèmes de géolocalisation. Le système autonome est alors localisé par rapport à son environnement exprimé sur une cartographie. Ces données seront traitées par une interface de planification de mouvement qui déterminera l’action à adopter en fonction de l’ordre programmé (l’évitement d’obstacles, le chemin le plus court, le parking, le suivi de trajectoire, etc.).

84. En l’absence de communication satellitaire, le système de navigation inertielle (INS) est une assistance à la navigation qui, grâce à des capteurs de mouvements et de rotations, détermine la position, l’orientation et la vitesse du système autonome en mesurant sa vitesse angulaire et son accélération linéaire3. Des systèmes de navigation intérieure (Indoor Positioning Systems ou IPS) ont également été développés comme l’Indoor Atlas qui consiste en une cartographie du champ magnétique terrestre ou comme le positionnement par système visuel (VisionPositioningSystem ou VPS). Le type de perception utilisé dans la détermination de la navigation différera selon la stratégie de navigation.

2.1.2. Le système de perception

85. Les capteurs (ou sensor en anglais) sont des dispositifs sensibles à un phénomène déterminé et transforment cette grandeur physique en signal4. Ils représentent des sources d’information qui permettent la navigation, ainsi que la réalisation de la mission du système autonome. La perception peut être proprioceptive (interne au drone) ou extéroceptive (le drone dans son environnement). Une variété de capteurs peut être embarquée sur un système autonome selon la mission définie (positionnement, proximité, mesure chimique, physique, etc.) :

Figure 11. Tableau des principaux capteurs utilisés dans les systèmes autonomes.

Fonction

Typologie

Capteurs optiques/ optroniques

• Imagerie (photographie, vidéo) : une caméra combinée à l’analyse d’images permet aux drones de reconnaître des formes, visages, objets, etc.

• Capteur multi spectraux et caméra infrarouge qui détectent l’intensité lumineuse et peuvent être utilisés pour repérer un obstacle et en mesurer la distance

• Caméra thermique pour enregistrer les ondes de chaleur

• Caméra stéréovision qui permet de détecter les obstacles et estimer leur position par rapport au véhicule, d’analyser les scènes routières et d’extraire les informations

• Capteur Lidar (LIght Detection And Ranging) pour détecter par laser les distances en utilisant tant les ondes que la lumière (spectre, visible, ultraviolet, infrarouge), notamment utilisé dans la détection et l’évitement d’obstacles (Lidar Obstacle Warning and Avoidance System – LOWAS)

Capteurs d’ondes

• Radar : onde électromagnétique pour détecter la présence, la position et la vitesse d’objets, il peut être à visée latérale ou à synthèse d’ouverture

• Capteurs de sons : mesure des décibels, reconnaissance des cibles et des tonalités

• Capteurs ultrasons : détection de distance, d’objets, de mouvement

Capteurs de positions

• Global Positioning System

• GPS Real Time Kinetic : faire communiquer un capteur GPS avec une balise de référence pour déterminer à tout moment et de manière précise la position du véhicule

• Capteur de contact, de collision ou capteur « Tout Ou Rien » pour détecter un objet extérieur par contact

• Gyroscope/gyromètre détermine la position angulaire du système autonome par rapport au référentiel inertiel

• Compas électronique

Capteurs de mesures

• Odomètre : qui mesure le déplacement et la vitesse des roues pour estimer la vitesse du véhicule et confirmer sa position

• Capteurs biométriques

• Capteurs physiques permettant de mesurer voltage, champ magnétique, pression, force, humidité et la température, altitude ou encore vitesse (accéléromètre)

• Capteurs chimiques

86. Le rôle des capteurs est essentiel au bon fonctionnement des drones ; des capteurs dépendent la navigation, la communication et la réaction du système. Leur combinaison est fondamentale pour atteindre un haut niveau de précision grâce à la redondance des informations émises par le groupe de capteurs, à la complémentarité de ces informations et à leur obtention en temps réel5.

87. Développement d’un système de détection et d’évitement d’obstacle :sense & avoid. La détection d’obstacle est une technologie déjà maîtrisée mais qui doit être perfectionnée pour être adaptée aux drones de petite taille. Quant à l’évitement d’obstacle associé, il dépend d’un ensemble d’algorithmes qui doit être approfondi. En l’état actuel de la technologie, la société DJI a développé deux drones aériens (Phantom 4 et Mavic Pro) dotés d‘un détecteur d’obstacles qui permet de voir en 3D. Il offre différents modes de navigation en fonction des obstacles détectés (Normal, Tapfly, Active Track ou Smart Return Home) qui soit évitera automatiquement les obstacles, soit activera la navigation sur place pour éviter la collision6. Les deux drones de DJI – Mavic Pro et Phatnom 4 – intègrent le Visual Processing Unit de Movidius pour remplir cette fonction de détection et d’évitement d’obstacles. La Mavic Pro est munie de capacités visuelles qui lui permettent de comprendre les commandes gestuelles7.

2.1.3. Le système de communication (fréquences radioélectriques)

88. Le système de communication assure la transmission des données et des ordres d’action. L’autonomie n’étant pas perfectionnée, les systèmes de communication depuis la plateforme à l’opérateur restent nécessaires et passent par des fonctions de Command and Control (C2). La transmission des données se fait via des fréquences radioélectriques (pour les plateformes les plus mobiles), des systèmes de communication optique ou acoustique.

2.1.4. Les logiciels interfaces et multifonctions homme-machine (IHM)

89. L’IHM est le moyen permettant à l’opérateur d’interagir avec le drone, de donner des ordres, d’analyser les informations reçues ou traitées. L’interaction peut être visuelle, parlée, écrite ou gestuelle jusqu’à intégrer une interface adaptative8 ou une intelligence artificielle. De plus en plus, les écrans tactiles – centres de contrôle – deviennent des interfaces courantes.

90. Le traitement de l’information est nécessaire à l’évolution des systèmes autonomes dans leur environnement. Ceci suppose donc l’installation de logiciels dans l’appareil ayant pour fonction la collecte d’informations, la transmission d’information et/ou la génération d’information nouvelle en fonction des données traitées et des missions programmées9. La Darpa distingue trois catégories que sont, de la plus programmée à la moins programmée :

– le calcul souple (soft-computing) ;

– le façonnage robotique (robot shaping) ;

– l’auto-apprentissage (initiative learning).

91. Les logiciels. Des logiciels de traitement de données récoltées par les capteurs permettent par ailleurs de gérer l’autonomie, concilier les charges utiles avec le système de conduite, rechercher la trajectoire la plus courte, éviter les obstacles (Kinodynamic Planning), classer les objets ou encore cartographier. Dans ce domaine de l’autonomie de navigation, les travaux ont débuté depuis plusieurs années, mais ils restent encore à un stade expérimental, aucune solution de drone autonome n’ayant à ce jour été commercialisée. Selon leur sophistication, ces logiciels influeront sur la capacité du drone à évoluer en autonomie ou sur la capacité du drone à transmettre des informations de précision.

92. Programmation modulaire des drones. Différents modules autonomes peuvent être programmés comme la télé-opération, la planification, la recherche de chemin et le suivi de mission. La reconfiguration qui résulte d’une programmation modulaire permet d’adapter le système de drone aux différentes tâches qui peuvent être demandées.

2.2. Les briques technologiques propres à chaque vecteur

93. Chaque vecteur dispose de composants propres à sa nature et sa fonction.

2.2.1. Les particularités du vecteur terrestre

94. Articulations et locomotion. Les systèmes de drone terrestre sont montés sur des roues, chenilles ou pattes, propulsés par une batterie au plomb ou lithium, voire par un moteur. Ils sont conçus pour sauter des obstacles, descendre des escaliers ou même traverser des zones boueuses. La plateforme mobile est dotée d’articulations pour la manipulation d’objets (transport de produits, récolte, arrosage, etc.).

95. Système de navigation et de communication. Le véhicule autonome cartographie son environnement via un algorithme SLAM (Simultaneous Localisation And Mapping) et s’y positionne. Dans le secteur de l’agriculture, les machines de Case IH utilisent le GPS et le signal différentiel pour un guidage de précision jusqu’à deux cm près. À l’instar des drones en essaim, le déplacement des drones terrestres et véhicules autonomes peut être groupé dans un système de convoi. Ce procédé s’appuie sur l’échange de données entre les véhicules, équipés de radars qui maintiennent la distance de sécurité. Ensemble, ils pourront déterminer les voies sans bouchon ou s’arrêter de façon concomitante.

96. Les capteurs des systèmes de drones agricoles. Des entreprises développent des capteurs pour des mesures morphologiques ou phénotypiques afin de gérer judicieusement leurs cultures permanentes et la surveillance de rendement. Ces capteurs peuvent être montés sur des drones terrestres ou aériens. Les capteurs sont notamment utilisés par les maraîchers pour calculer le nombre de pousses, mesurer les tailles, le taux d’hygrométrie ou les zones à mauvaise herbe.

2.2.2. Les particularités du vecteur maritime

97. Composition d’un système UMS. Le drone maritime s’insère dans un système autonome qui en l’état de l’art nécessite encore l’intervention humaine.

Figure 12. Composition d’un système UMS (unmanned maritime systems).

Source : N. Nithish, « Autonomous underwater vehicle », Mechmecca.blogspot.fr/, March 19, 2012.

98. Système de navigation. Il est une des principales difficultés pour la technologie sous-marine car l’environnement marin empêche la bonne réception de signaux GPS. La majorité des systèmes de navigation utilise le positionnement acoustique mais cela suppose de déployer des transpondeurs dans des positions prédéterminées et connues par le drone. Une autre technique consiste à remonter à la surface pour obtenir les signaux GPS. La navigation entre deux remontées de surface s’effectue grâce au système de navigation inertielle (e.g. AHRS) et à un capteur de vitesse (DVL). Si cela évite le déploiement de transpondeurs, cette technique implique néanmoins une interruption récurrente de la mission du drone. Ces différentes méthodes de navigation sont souvent combinées pour une navigation plus précise10.

99. Système de communication. De la même façon qu’elle s’applique à la navigation, la communication des données est rendue difficile par l’environnement marin. Les drones emploient des systèmes « radios », qui émettent les données une fois remontés à la surface, ou des systèmes acoustiques mais dont les capacités sont plus limitées. Avec la difficile communication sous-marine, la transmission des données ne dépend donc pas de l’opérateur mais de la programmation du drone.

100. La majorité des systèmes radio utilise des fréquences porteuses de 1GHz. Dans le cas de drones opérant près de la côte, les systèmes incluent des modems sans fils à 900 MHz. À l’inverse, pour des drones opérant à longue distance, les systèmes de téléphonie par satellite (iridium) sont préférés11.

101. Capteurs. Le système de guidage est composé de capteurs inertiels ou magnétiques, voire électromagnétiques12 (modules de compas électroniques, sensibles aux perturbations magnétiques de l’environnement et du navire). La majorité des instruments océanographiques peut être emportée sur un drone maritime (gyromètre, courantomètre – Doppler Velocity Log –, magnétomètre, capteurs chimiques et biologiques, etc.). Toute charge utile est compatible avec les drones dans la limite de leur taille et leur puissance. Ils sont également dotés de capteurs optroniques (caméras acoustiques – DIDSON), de sonars à balayage latéral ou encore de sonars à ouverture synthétique.

102. Moteur