Eíliis - Guy du Cheyron - E-Book

Eíliis E-Book

Guy du Cheyron

0,0

Beschreibung

Et si Ève n'avait pas "croqué la pomme" ? Quelle aurait été la Genèse de la Terre ? Kayl, le meilleur ami de Pierre, flâne dans le centre de Grenoble lorsque, subitement, il se retrouve sur une autre planète qui instantanément le subjugue. Alors qu'il s'extasie devant la sublime vision qui le frappe de plein fouet, une créature gracieuse et cristalline l'interpelle. Mais avant d'avoir seulement pu connaître son nom il est éjecté de ce magique rêve éveillé ! Il n'a bien sûr qu'une obsession en tête, retrouver cette créature qui l'a ébloui ...et dont il est éperdument tombé amoureux ! Mais comment accéder à ce Nouveau Monde ? Que faire pour revoir cette envoûtante créature ? Plongé dans ses obsédantes réflexions, il tombe nez à nez avec la nouvelle vendeuse de son magasin de musique qui lui fait tout autant perdre la tête. Car cette seconde rencontre, loin de l'apaiser, ne fait qu'augmenter son trouble : il croit revoir son "apparition" ! Alors qu'il retourne dans la boutique avec son ami Pierre pour lui présenter sa séduisante vendeuse, le phénomène extra-terrestre se reproduit : elle se manifeste à lui ! Kayl, loin de se douter que cette mystérieuse Planète va le propulser au Berceau de l'Humanité, va découvrir une facette absolument insoupçonnable de sa véritable nature et réaliser que la puissance des liens qui unissent ceux qui s'aiment s'étend bien au-delà de ce qu'il pouvait imaginer ! Extrait du chapitre 1 : _ Vous vous habituez ? Mon intention de répondre, même si, moi, je remuais les lèvres, n'aboutit à aucun son digne d'intérêt. Le souffle ne sortait ...ni ne rentrait. Juste un léger borborygme... Elle se mit à rire mais je ne le pris pas pour une moquerie, plutôt pour un amusement attendri. Je finis par arriver à émettre : _ À quoi ? De nouveau son rire cristallin retentit et elle répondit (sans aucun doute, une créature féminine) : _ N'y a-t-il pas de quoi être surpris ? Je replongeai mon regard au loin, vers ces êtres grands et effilés qui entraient et sortaient de ces canyons sans fin, rehaussés par la couleur indéfinissable d'un ciel aux multiples astres. _ Si, repris-je, mais... que savez-vous de moi ? Me connaissez-vous ? parvins-je à articuler. Elle éluda ma question en disparaissant, sans même que je la voie partir, après m'avoir adressé ces mots énigmatiques : _ Tu vas me connaître !

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern

Seitenzahl: 250

Veröffentlichungsjahr: 2020

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Eíliis
Âmes-Soeurs  
DU MÊME AUTEUR :
(western)
Eíliis et Winona sont disponibles en
AUDIO-LIVRES
enregistrés par l’auteur
(plus de renseignements sur le site guyducheyronlesromans.com)
Contact
&
Informations :
Site Internet :
guyducheyronlesromans.com
Courriel :
Facebook :
https://www.facebook.com/GuyLesRomans
Instagram :
https://www.instagram.com/guyducheyron8
N’hésitez pas à laisser un commentaire !
GUY du CHEYRON
Eíliis
Âmes-Soeurs
Couverture : Noweria
Éditeur : Guy du Cheyron, Foissiat, France
© mars 2020, Guy du Cheyron
Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction interdits
(texte et couverture)
ISBN : 978-2-9559772-3-1
À mon ami Pierre qui reconnaîtra ses amours et ses amitiés,
1.
J’ouvris les yeux.
Une vision vertigineuse frappa alors mes rétines de plein fouet, me coupant le souffle. Je clignai plusieurs fois des yeux comme pour chasser une incongruité. Mais non. Il n’y avait pas d’erreur ! Mon imagination ne me jouait aucun tour ! Mais la stupéfaction m’inondait d’un vertige qui m’ôtait tout repère spatial. Je n’avais plus d’équilibre, la tête me tournait, j’étais happé par un panorama qui m’engloutissait. Je ne ressentais que par mes yeux, tout le reste de mon corps ayant échappé à mes sens. Puis m’envahit la crainte du rêveur qui cherche désespérément à traquer chaque détail de la beauté de son rêve pour le mémoriser au plus profond de ses fibres avant le fatal réveil !
Je n’avais plus de volonté propre. J’en avais oublié de respirer. J’étais foudroyé.
Et je compris. Aucun besoin d’explication ou de confirmation. Je sus : ce n’était pas la Terre !
Bizarrement je n’eus pas le réflexe premier de me demander où j’étais mais comment j’étais arrivé dans cet univers. Imperceptiblement, je pressentais que s’il avait été possible que je me retrouve là, à surplomber cette immensité hallucinante, c’était qu’une volonté bien supérieure à la mienne l’avait provoqué, l’avait planifié. Je n’étais pas arrivé là par hasard… Quelqu’un m’avait manœuvré ; seules une force, une intelligence prodigieuses avaient pu me transporter là ! Pourtant je ne ressentais aucun malaise, aucun effet secondaire à un quelconque voyage. Si voyage il y avait eu…
Mais comment étais-je arrivé là ?!
Tout en réfléchissant à cette énigme, je commençai peu à peu à me désengourdir et à recouvrer ma conscience. Le spectacle qui m’avait plongé dans l’hébétude me permettait à nouveau de retrouver ma volonté. Toutefois, je gardais mes yeux rivés sur toute cette agitation dont il émanait pourtant une harmonie si puissante ! Me donnant l’impression que toute matière, tout être, était à sa juste place et que rien d’inutile ou de futile ne pouvait être commis. Je sentais aussi de la bienveillance. Au fur et à mesure que j’observais ce fourmillement inextricable, une paix, peu à peu, commençait à me pénétrer même si une certaine crainte restait encore tapie au fond de moi puisque je n’avais absolument aucune idée de l’endroit où je me trouvais ni d’une quelconque possibilité de retour ! Mais ma curiosité était la plus forte. Je ressentais comme une soif intense de connaître ce monde, ces habitants et j’en perdais tout désir légitime de retourner à mes racines. Car il fallait que je connaisse cet univers ! Et la conviction absolue qui pulsait dans mes entrailles me hurlait que tout ceci n’était qu’un commencement !
Puis une voix - je dirais plutôt un instrument vocal tant elle était mélodieuse - me tira doucement de mes rêveries. Je tournai la tête et vis une créature à quelques mètres au-dessus du sol qui me regardait comme si elle me connaissait, comme si nous étions amis depuis toujours. De son corps allongé et translucide je ne pus détacher mon regard. Il émanait d’elle tant de grâce que je ne fus aucunement étonné de la voir voler, en me surplombant, sans appui ni artifice d’aucune sorte. D’ailleurs elle ne semblait pas vraiment voler, elle était là, fixée en l’air, aussi simplement que si elle avait été posée au sol. Elle réitéra ses paroles que j’avais tout naturellement comprises sans toutefois avoir remarqué ses lèvres remuer. Encore une étrangeté, mais je n’en étais pas à une près !
— Vous vous habituez ?
Mon intention de répondre, même si, moi, je remuais les lèvres, n’aboutit à aucun son digne d’intérêt. Le souffle ne sortait… ni ne rentrait. Juste un léger borborygme… Elle se mit à rire mais je ne le pris pas pour une moquerie, plutôt pour un amusement attendri. Je finis par arriver à émettre :
— À quoi ?
De nouveau son rire cristallin retentit et elle répondit (sans aucun doute, une créature féminine) :
— N’y a-t-il pas de quoi être surpris ?
Je replongeai mon regard au loin, vers ces êtres grands et effilés qui entraient et sortaient de ces canyons sans fin, rehaussés par la couleur indéfinissable d’un ciel aux multiples astres.
— Si, repris-je, mais… que savez-vous de moi ? Me connaissez-vous ? parvins-je à articuler.
Elle éluda ma question en disparaissant, sans même que je la voie partir, après m’avoir adressé ces mots énigmatiques :
— Tu vas me connaître !
J’ouvris les yeux.
Surpris de reprendre ma promenade là où je l’avais laissée, comme si ma « vision » avait été une parenthèse, je me retrouvai de nouveau dans la rue piétonne du quartier de Bonne à vagabonder comme j’aimais le faire, le soir, lorsque les bars sont pleins de vie calme mais grouillante.
Je savais que je n’avais pas rêvé. Non parce qu’on ne peut dormir en marchant mais parce que je le sentais tout au fond de moi. Je savais que cette créature lumineuse avait été réelle, qu’elle était vivante. Et je savais que j’allais la revoir.
Elle ? J’étais persuadé que c’était un être féminin. Sa voix, son regard, la grâce de ses mouvements… À moins que les « mâles » de cette planète ne soient, eux aussi, doux et raffinés !… Complètement absorbé par mes visions, je parvins tout de même à arriver chez Pierre sans encombre. L’habitude sans doute. Une douce euphorie m’avait à tel point envahi que j’étais chargé d’une énergie qui me donnait l’impression d’être invincible. Je me sentais capable de tout et j’étais dans la certitude que j’allais revoir cette planète grandiose et que j’allais la revoir, elle !
C’est empreint d’une exaltation que j’eus grand peine à tempérer que je sonnai à la porte de Pierre.
Pierre, un ami d’enfance que je connaissais depuis son arrivée à Grenoble et avec qui ça avait tout de suite collé. L’amitié, tout comme l’amour, peut nous tomber dessus quand on ne s’y attend pas et avoir aussi ses coups de foudre. Nous étions tout de suite devenus amis et comme il avait un petit appartement dans le quartier piéton du centre de Grenoble, souvent je mangeais le soir et dormais chez lui, et nous partagions tout.
Un des premiers moments forts qui nous avait rapprochés avait été sa rupture avec sa petite amie Agnès. Il était arrivé en larmes au Conservatoire, notre deuxième maison, et depuis, nous étions devenus quasi inséparables. À lui, je pouvais tout dire. Il lisait beaucoup de livres de science-fiction et si on avait pu lui dire que ces histoires étaient réelles, ça ne l’aurait pas perturbé le moins du monde. J’étais croyant, il ne l’était pas, mais je pouvais lui parler librement de mes lectures mystiques comme il me parlait des siennes : Asimov bien sûr, mais aussi Frank Herbert, Robert Heinlein, Pierre Bordage et bien d’autres. Mon dieu s’appelait tout simplement Dieu ou Jésus, le sien s’appelait Shai-Hulud, tiré du roman Dune dont il me rabattait à longueur de journée les oreilles, mais pour lui, les deux se valaient…
Il m’ouvrit et je lui déversai immédiatement ce que j’avais sur le cœur.
— Pierre, j’arrive à l’instant d’une autre planète.
— Laquelle ? me répondit-il tout naturellement.
— J’en sais rien, mais j’aimerais bien le savoir. Je l’ai vue, mais je ne sais pas du tout comment j’y suis arrivé ni comment j’en suis reparti. Et je n’aspire qu’à une chose, y retourner. La revoir !
— « La revoir » … de quoi tu parles ? d’une « planète » ou… d’une personne ? lâcha-t-il dans un sourire mi-malicieux mi- soupçonneux. Je ne répondis pas tout de suite, perdu que j’étais dans mes pensées. Ou plutôt dans mes visions. Elle était si belle…
— Elle était nue.
Il ne disait rien, il écoutait. Il voyait bien que je ne bluffais pas. D’ailleurs je ne lui avais jamais menti. Je n’étais pas comme ces personnes qui fabulent à longueur de journée pour embellir leur quotidien sûrement trop terne pour eux. Il le savait et c’est pourquoi il attendait que je continue. Il avait compris qu’il n’y avait pas de connotation sexuelle dans mes paroles même s’il nous était souvent arrivé de partir dans des blagues de cul délirantes. Il savait que j’étais autant capable d’en blaguer bêtement que d’en parler sérieusement. Et là, j’étais ému. Grave.
Il ne m’interrompait pas.
— Elle était nue mais ni l’un ni l’autre n’éprouvions de gêne. Ce que je n’ai réalisé que plus tard, d’ailleurs, longtemps après son départ… J’étais en train de marcher rue de Bonne, une lumière m’a ébloui et, alors que je rouvrais les yeux, je me suis retrouvé assis, surplombant un spectacle ahurissant !
Nouveau moment de silence. Il attendait.
— Il y avait… ce n’était pas comme notre sol, plus ou moins régulier et homogène. C’était comme s’il y avait une multitude de sols, de niveaux qui se superposaient ou se côtoyaient sans aucun soutien si ce n’est leur atmosphère qui les séparait. Ces plaques, ces blocs ne semblaient se conformer à aucune loi de la gravité. Ils semblaient suspendus, sans poids, sans nos repères visuels habituels : horizontalité, verticalité étant des références totalement inappropriées là-bas. Comme s’il n’y avait nul besoin de repère ou de loi pour régir équilibre et harmonie. Il émanait de ce tableau une puissance absolue, une majesté titanesque !
Et j’ai distingué des êtres.
Des personnes de différentes tailles, translucides et effilées, qui volaient dans toutes les directions, sans ailes mais aussi naturellement que nous marchons. Elles se posaient dans n’importe quel sens, couchées ou renversées par rapport à moi. Ni accélération ni ralentissement. Elles ne freinaient pas : elles étaient à l’arrêt, c’est tout. Elles aussi complètement étrangères à la gravité ni à aucune de nos lois de la physique !
Il intensifie son regard en écarquillant les sourcils et en retournant ses mains et, alors que je me demande s’il m’a cru, il m’interroge sans détour :
— La fille ?
C’est vrai ! je l’avais gardée pour la fin…
— Attends, je finis : quand elle est partie, je me suis frotté les yeux par réflexe et, lorsque je les ai rouverts, je marchais à nouveau rue de Bonne avec l’impression de continuer le pas que j’avais commencé auparavant !!
— La fille !? insistait-il, tu ne crois pas en rester là ? À part qu’elle était nue, rien d’autre d’intéressant ?
Il me charriait, juste pour me provoquer afin que je parle. De toute façon, même si je comptais la garder pour la fin, je n’aurais pu entreprendre quoi que ce soit sans lui en avoir parlé auparavant.
— Elle m’a parlé. Elle a montré une certaine fierté de son monde mais sans vantardise. Comme un enfant qui a fait un beau château de sable.
Elle m’a dit que j’allais la connaître…
— Comment sais-tu que c’est une… qu’elle est féminine ?
— Comment sais-tu que Sandrine est une fille ?
— Sandrine ? c’est pas pareil ! Ici sur la Terre je sais faire la distinction entre une fille et un garçon ! Mais là-bas, ils n’ont peut-être même pas de sexe ! ou ils sont peut-être hermaphrodites comme les escargots !?
— Ou il n’y a que des femmes… je ne sais pas, c’est le seul être que j’ai vu de près… Mais quoi qu’il en soit, de par l’attirance que j’ai ressentie, je peux te dire que c’était une créature féminine !
— Mais tu m’as dit que… ?
— Oui, ni la pudeur ni le désir n’entrait en ligne de compte, c’était hors sujet ! Du moins en l’état actuel des choses… C’était comme si je vivais la première étape d’une longue suite où chacune est une progression dans la connaissance de l’autre. Où chacune aboutit irrésistiblement à la suivante… jusqu’à je-ne-sais-quoi… la Connaissance ? l’Amour ? l’Aboutissement… ?
— …la Procréation ? poursuivit-il en rigolant.
— Peut-être bien, gros lourdaud, mais tu ne peux pas comprendre, tu ne l’as pas vue et tu n’as pas ressenti cette sorte d’interférence que j’ai vécue avec elle !
— Décris-la ! exprime-toi alors !
— Que je te la décrive ? tu la trouveras moche ! Tu auras l’impression que j’ai vu un poisson ou une anguille ! La seule façon de comprendre ce que j’ai vu, c’est de voir.
— C’est trop facile ! Allez, décris-la, quoi !
— Elle était belle.
— Mais encore !?
— Grande. Lumineuse. Ce n’est pas tant ses traits qui étaient beaux mais l’expression de son visage, de son sourire, l’éclat de son rire… En fait, c’est la beauté de son âme qui flamboyait. Depuis ses yeux, depuis tout son être !
Il y avait tant d’amour…
— T’es amoureux, toi ! Méfie-toi des affreux petits bâtards qui pourraient résulter de ton accouplement avec une extra-terrestre !
— C’est malin ! Je ne suis pas amoureux. Ce n’est pas ce genre d’amour ! C’est… de l’amour, c’est tout !
Une moue dubitative. Puis :
— Au fait, en parlant d’amour, je crois que j’ai une touche avec Sandrine…
Il m’aurait dit ça hier, j’aurais eu un pincement de jalousie mais là, rien ni personne ne pouvait me distraire de cette sensation qui ne me quittait pas depuis mon aventure, ni même ne s’émoussait ; l’écoulement du temps n’estompait pas ce que mes rétines avaient enregistré. Cette vision… ces sons et ces odeurs… ces sensations restaient gravées en moi ! Et je pouvais me la repasser encore et encore dans la tête avec la même netteté que lors de sa découverte !
Mais sa curiosité l’emporta et il reprit :
— Alors, comment elle était ?! décris-la simplement !!
— De la couleur de son milieu car elle était presque transparente. Grande comme je te l’ai dit. Elle ne présentait pas le front large et les grands yeux exorbités des clichés habituels… c’est comme si une autre espèce que Blanche, Noire, Asiatique, Indienne ou Métissée avait été créée. Des proportions différentes mais harmonieuses, des couleurs que l’on peut comparer aux nôtres mais qui ne sont pas vraiment les mêmes. Tu vas être content, je vais même te donner un détail qui pourrait t’intéresser : aucun poil ! une peau parfaitement lisse !
Il ne réagit pas. Je continue.
— Ses cheveux n’en sont pas vraiment, on dirait une sorte de vague, d’onde immatérielle mais que je mourais d’envie de toucher, de caresser. Il émanait d’elle une telle grâce, une telle… classe, qu’elle inspirait un respect absolu ! Quand bien même j’aurais voulu être ne serait-ce que familier, je ne l’aurais pu. Comme je te l’ai expliqué, c’est à une étape ultérieure, qui demande une connaissance plus approfondie de l’autre, que ces comportements plus - je dirais - intimes sont possibles.
— Tu vas la revoir ?
— Bien sûr, elle m’a donné son numéro ! je l’appelle dès que j’ai la connexion ! D’ailleurs…
…La sonnerie retentit et Sandrine entra…
2.
Sandrine…
Tout le monde en était amoureux.
C’était une danseuse du Conservatoire. Elle était classe avec cette démarche propre aux danseuses, très droite, très aérienne, avec ses longs cheveux qui lui tombaient jusqu’aux fesses et lui dictaient son port de tête altier. On avait l’impression que même en marchant normalement elle faisait des pointes. Sûre de plaire, elle n’hésitait pas à me fixer droit dans les yeux lorsqu’elle me demandait quelque chose, ce qui immanquablement me faisait piquer un phare. Cela devait la satisfaire puisqu’elle partait avant que j’aie fini de répondre, son but atteint. Une petite salope, en fait, qui faisait partie de ces filles inaccessibles qu’on aime et qu’on déteste tout à la fois, tout dépendant de son comportement du moment. Mais je refusais de me plier à ses caprices et je tâchais de l’ignorer le plus possible. Ce qui n’était pas toujours facile car elle savait allumer les mecs avec ses accoutrements ridicules mais qu’on ne peut s’empêcher de suivre du regard jusqu’à ce que quelque chose d’autre vous oblige à détourner votre attention. Je la trouvais vulgaire… jusqu’à ce qu’elle me parle avec son sourire enjôleur, la plupart du temps pour me demander quelque chose, et là, je faisais comme tout le monde, j’obtempérais…
Or Sandrine était bien là ! Quel tour avait bien pu me jouer Pierre pour qu’elle soit ici, devant moi, tout sourire, sans même attendre qu’on lui ouvre la porte, en plus !
Bon, il est vrai que le sourire de Sandrine était plutôt pour Pierre. Et pas uniquement le sourire : elle l’embrassait, pendue à son cou, le pied savamment relevé, comme dans les pubs, pour paraître encore plus sexy, et lui enfonçait sa langue en toute désinvolture, comme si j’étais invisible ! Ou plutôt juste pour m’emmerder, j’imagine…
Pierre, complètement envoûté, m’avait complètement oublié et je n’avais qu’une seule chose à faire - j’en avais l’habitude - partir…
Ce que je fis.
Ce n’était pas la première fois que Pierre recevait des filles à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. C’était une de ces choses qui nous différenciaient mais nous avions cette tolérance naturelle qui nous amenait à ne pas nous juger et à laisser faire. Comme un chat et un chien qui vivent en harmonie, ceux dont les médias nous envoient un petit reportage quand ils n’ont pas d’autre sujet à traiter… C’est vrai, nous avions des différences mais en fait c’était plutôt Pierre qui était normal finalement. Après tout, il était comme tout le monde : l’amour était libre ou plutôt… libre-service. Personne n’avait à y redire… sauf moi et j’avais parfois l’impression d’être un extra-terrestre. Mais l’amitié de Pierre et surtout son respect envers mes convictions me revalorisaient. J’étais une énigme pour lui mais une énigme qu’il enviait d’un certain côté. Avant qu’Agnès ne l’ait largué, il était fidèle. Il ne regardait personne d’autre. Contrairement à moi, toujours à admirer ce qui est beau. Mais je regarde, c’est tout. Comme on regarde une œuvre d’art, un paysage. Maintenant qu’il était « célibataire » il touchait à tout ce qui bouge. Certes il avait son type : les belles brunes aux yeux mystérieux. Il y avait même pour lui des brunes « rouges » et des brunes « bleues ». Entendre par là : celles qui étaient faites pour être habillées de rouge alors que d’autres étaient faites pour le bleu. Mais lui ne regardait pas vraiment, il touchait. En fait il ramenait de plus en plus de filles et, comme j’habitais pratiquement chez lui vu que je n’aimais pas rester chez moi, j’étais témoin de ce défilé quasi ininterrompu. Rarement deux fois la même. Mais toujours canons ! Il savait y faire le bougre ! Je n’étais pas jaloux car, pour moi, c’était tout simplement inconcevable. Moi, je prenais mon temps, des mois parfois, comme un chasseur traquant son gibier. C’était d’ailleurs ce qui me plaisait le plus : l’avant. Lui tourner autour, attendre le moment favorable pour lui parler, ce que je ne faisais que si les circonstances nous trouvaient un point commun. Je n’étais pas très entreprenant et pour tout dire un peu timide mais, quand j’en avais « verrouillé » une, j’arrivais toujours à mes fins : d’abord capter son regard puis chercher à lui parler et enfin trouver une activité commune. Ce qui était relativement facile puisque j’étais flûtiste et que la musique rapproche facilement les âmes sœurs. C’était d’ailleurs souvent des musiciennes avec qui je sortais. Mais chaque fois que j’obtenais le premier baiser les choses se gâtaient : je finissais toujours par leur trouver des défauts rédhibitoires. D’autant que je ne pouvais m’empêcher de penser aux perspectives sérieuses de la vie à deux… pour la vie. Alors la séparation était inéluctable…
Pierre me traitait de grand romantique et il est vrai que je me sentais décalé mais, à sa façon, il en était un aussi, je voyais bien qu’il cherchait lui aussi l’âme sœur ! C’est juste que nous différions quelque peu par la méthode d’approche…
Je flânais maintenant depuis presque une heure dans le quartier piéton et j’avais fini par entrer chez Michel Musique, le magasin d’instruments et de partitions où j’aimais traîner le plus clair de mon temps. C’était samedi et j’avais un concert en fin d’après-midi à l’Auditorium de Lyon. Je devais absolument retourner chez Pierre prendre ma flûte et mon costume pour ensuite aller à la gare attraper mon TGV. Avait-il fini ? Il faut dire que je prenais parfois un malin plaisir à le déranger en pleine besogne juste pour lui faire comprendre que l’amitié, ça compte aussi et peut-être un peu aussi pour… le faire rager !
Je décidai que j’avais assez poireauté (et lui aussi dans un autre sens) et que de toute façon il ne pourrait rien me reprocher après tout ce temps.
Je sortis alors du magasin lorsqu’une voix fleurie d’hôtesse m’interpela :
— Monsieur ! vous oubliez votre sac !
Je me retournai. Et la vis.
C’était elle ! mais… en Terrienne ! Elle semblait ne pas du tout me reconnaître et mon trouble l’amusa :
— Votre sac ! répéta-t-elle. La façon avec laquelle elle me regardait n’était pas neutre, ce qui me troubla encore un peu plus et, comme elle ne pouvait que percevoir l’insistance presque impolie avec laquelle je la dévisageais, elle me lança un sourire mi-amusé mi- interrogateur qui demandait : quoi ? qu’y a-t-il ? Sur ce, tétanisé, je lui pris lentement le sac qu’elle me tendait, toujours sans la quitter des yeux ; nos doigts se frôlèrent, elle fit mine de ne pas s’en apercevoir, et je réussis à m’arracher ces mots absurdes :
— Vous venez souvent ici ?
Sans relâcher l’emprise de son sourire elle me répondit :
— Bien sûr ! je travaille là ! Mais il est vrai que j’ai commencé seulement aujourd’hui !
Là-dessus, elle tourna les talons et disparut dans le magasin.
J’étais médusé.
Cette fille était la même que sur ma planète mystère, j’en aurais mis ma main à couper ! Différente, bien sûr, puisque non extra-terrestre mais la même… connexion, la même sensation qui me bouleversait le cœur et les entrailles. Plus que ses traits, c’était ce qui émanait d’elle qui m’en donnait l’intime conviction. Et elle, j’étais sûr de la revoir !! j’en étais fou de bonheur ! Mais une petite ombre planait quand même : je voulais revoir aussi l’autre ! Bien que ce soit la même… Devenais-je fou ? perdais-je la raison ? Il fallait que je relate cette rencontre à Pierre !
Enfin, s’il avait fini…
Lorsque je poussai la porte de l’appartement de Pierre, du 15 avenue Alsace-Lorraine pour être précis, Pierre était assis devant sa table, en slip kangourou, en train de manger un morceau de camembert bien puant, comme souvent, ce qui me laissa supposer que Sandrine était partie. En effet ce sont des situations que l’on ne partage pas nécessairement avec une copine… plutôt avec un copain !
— Un bon coup ?
— Jaloux !
— T’inquiète ! Elle ne m’intéresse pas, je te la laisse !
— Oui, comme toutes les autres… Tu préfères tes coups tordus et impossibles ?
Je ne lui répondis pas car je récupérai ma flûte et mon costume de concert dans sa chambre pour réapparaître devant l’entrée puis lui lâchai :
— J’y vais ! j’ai mon concert ce soir !
— Ah oui, c’est vrai ! Bon concert alors, moi je vais à la Soupe-aux-choux !
La Soupe-aux-choux était un bar jazz branché où il m’emmenait parfois jusque tard dans la nuit – enfin, il rentrait plus tard que moi – où nous retrouvions nos potes du Conservatoire qui voulaient bien sympathiser avec les « classicos-craignos » que nous étions. Enfin lui, comme il avait la double casquette, il ne l’était du coup pas vraiment, mais moi, qui ne jouais du jazz qu’occasionnellement, je n’étais pas toujours très à l’aise dans ces ambiances enfumées et finalement aussi « au-dessus-des-autres » que celles des classicos-craignos qu’ils méprisaient et dont certains jazzmans étaient probablement un peu jaloux.
Je m’assis dans un fauteuil côté fenêtre du TGV Grenoble-Lyon et, au lieu de bouquiner comme à mon habitude, je laissai mon esprit vagabonder : je courais après deux filles qui en fait étaient la même !… Une fois de plus j’étais décalé et à part. Encore une partie intime de moi-même que je ne partagerais avec personne. Enfin… à part Pierre. D’ailleurs je n’avais encore pas eu le temps de lui en parler mais ce n’était finalement pas si grave, c’était peut-être mieux d’attendre d’en savoir davantage, finalement…
Le concert se passa bien. Comme d’habitude.
Mes deux solos du concerto pour orchestre de Bartók et de Daphnis et Chloé de Ravel avaient été félicités dans les loges par mes collègues et, même si c’était une habitude polie, ils n’en étaient pas moins sincères. J’adorais mon métier de flûtiste et je ne m’en lasserais jamais. L’Orchestre National de Lyon était un bon orchestre : tout dépendait du chef… Mais là, avec Valery Gergiev en chef invité, on n’avait pas eu à se plaindre ! Il faut dire que cette petite vendeuse m’avait galvanisé et que j’avais soufflé tout ce que « j’avais » dans mon « tuyau ».
La flûte, c’était ma vie.
Cette sonorité que je pouvais en tirer, capable tour à tour de faiblesse et de force, de féminité et de virilité, rendait pour moi cet instrument absolument unique. À part peut-être le violon ou le chant, je trouvais que seule la flûte peut rendre une telle intensité expressive. Le souffle, tenu charnellement par les lèvres et qui vient des tripes presque aussi directement que le chant, en fait un instrument avec lequel on fusionne : il disparaît, s’assimilant au musicien à qui il ne reste que la sensation physique du jeu, qui a pris possession de tout son être, et ce que l’ouïe lui offre, les deux en inter-réaction perpétuelle. Puissante harmonie qui, lorsqu’elle atteint l’équilibre, s’exempte de toute difficulté. Le corps, qui exprime toute l’intensité de l’énergie, étant l’élément masculin ; le son, dans sa suprême pureté, l’élément féminin. Le Musicien et la Musique formant alors un couple en parfaite osmose…
J’aurais bien aimé trouver l’âme sœur comme j’avais trouvé cette plénitude avec la flûte… Après tout, ce devait bien être possible : Ève était sortie d’Adam, elle était son côté ! Ce soir, la Musique était sortie de moi, elle était mon prolongement, comme Ève celui d’Adam. La compagne de ma vie à laquelle j’aspirais n’était pas une deuxième personne étrangère qu’il me fallait amadouer ni une inconnue avec laquelle je devais être raccommodé comme une pièce sur un vêtement troué. Ce n’était pas un vis-à-vis, un corps étranger, mais un prolongement de moi-même. Je devais trouver ma côte !
Dans le train du retour, je m’abîmai dans mes pensées philosophico-religieuses, conscient d’être, sinon ridicule, du moins extrêmement exigeant, conscient que l’attente de l’Âme-Sœur me verrait peut-être devenir vieux garçon car, à maintenant vingt-cinq ans passé, j’avais toujours fini par rejeter ce qui ne répondait pas à mes difficiles critères de sélection. Insatisfait, je me retrouvais avec un goût amer, une sensation de frustration, de manque… Oui j’étais encore célibataire ! oui j’étais hyper-difficile mais non je n’étais pas irréaliste. J’allais la trouver ! Même si ces choses-là ne s’obtiennent pas à force de recherche comme on prospecte sans relâche une mine d’or en espérant trouver le précieux minerai ou comme un père qui parcourrait toute l’Arabie pour offrir un pur-sang à sa fille…
Et je me disais, non sans un certain frisson, que mon Âme-Sœur, elle,m’avait peut-être trouvé…
— Salut Pierrot !
Un flot de swing me percuta les tympans lorsque j’ouvris la porte d’entrée. En fait l’entrée était aussi le salon, la salle à manger, la cuisine, bref la pièce à vivre. Pour compléter, Pierre avait sa chambre, pratiquement de la taille de son lit, qui lui servait à dormir (et à « recevoir ») et une salle de bains dont la cuvette des WC trônait entre la douche et la baignoire. Mais il avait tout de même 40 m2 en plein centre de Grenoble, au dernier étage mansardé d’un vieil immeuble haussmannien ! Une de ces chambres de bonne qui, si elles sont bien rénovées, vous emballent dès la première visite !
Pierre pouvait jouer sans retenue car il n’avait pas de voisin de palier, de plus, la vieille du dessous était sourde comme un pot. Nous lui disions toujours bonjour en play-back ce qui se terminait immanquablement par un fou rire mais prudemment car si elle était sourde elle n’était pas aveugle…
Lui aussi était flûtiste mais comme il était passionné de jazz il en jouait sur un synthétiseur midi branché sur son ordinateur pour dégoter les sonorités les plus extravagantes. Il m’en laissait parfois jouer mais je préférais choisir le son de la clarinette ou du saxo pour du Benny Goodman ou du Charlie Parker. Lui, il jouait de tout. Du New-Orleans au Fusion en passant par le Smooth Jazz ou le Funk, Petrucciani ou même Claude Bolling…
Les 2 x 70 watts de son ampli Denon dont il était si fier et qui me crachaient pour ainsi dire à la figure l’avaient empêché dans un premier temps de m’entendre rentrer. Puis, après m’avoir calculé, il termina tout de même le titre du CD de son pote Alfio Origlio que nous écoutions souvent en boucle lorsque nous mangions ensemble et il posa enfin sa flûte électronique.