Enquêtes périlleuses - Sarita Méndez - E-Book

Enquêtes périlleuses E-Book

Sarita Méndez

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Beschreibung

Le premier contact entre Sylvia, journaliste intrépide, et François, commissaire, est loin d'être des plus chaleureux. Lorsque Sylvia sauve Anne des griffes de ses agresseurs et se noue d'amitié avec elle, elle est loin de se douter qu'elle va être entraînée dans un tourbillon de règlements de comptes entre une organisation criminelle et le frère d'Anne, qui n'est autre que François ! Mais pourquoi ce dernier exerce-t-il sous un faux nom ? Et pourquoi son ancien fiancé reparaît-il dans sa vie ? De fusillades en enlèvements, de manipulations en découvertes de secrets familiaux, la vie de François et de Sylvia va s'avérer trépidante et tenir les lecteurs en haleine jusqu'à l'explosif dénouement final.

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Seitenzahl: 268

Veröffentlichungsjahr: 2024

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Note aux lecteurs :

Cette histoire, dont l’action se déroule dans les années 1970, est une pure fiction. Les noms des personnages ont été choisis au hasard et toute ressemblance avec des personnes ayant réellement porté ces noms serait purement fortuite.

Sommaire

CHAPITRE 1

CHAPITRE 2

CHAPITRE 3

CHAPITRE 4

CHAPITRE 5

CHAPITRE 6

CHAPITRE 7

CHAPITRE 8

CHAPITRE 9

CHAPITRE 1

— Sylvia ? Pardonnez-moi de vous appeler à cette heure-ci, mais il faut que vous partiez immédiatement pour le quartier de la Bastille ! Il s’agit d’un désespéré qui veut se supprimer avec toute sa famille en faisant sauter tout l’immeuble !... Vous êtes notre meilleur reporter, c’est pourquoi je vous fais confiance et vous demande de vous rendre là-bas… Faites du bon travail !

Sylvia raccrocha et se leva en étouffant un bâillement, puis marmonna :

— Eh bien ! À chaque reportage, il me réveille de plus en plus tôt ! Deux heures du matin ! Et dire que j’étais si bien au chaud ! Heureusement que la saison n’est pas encore trop froide, bien que nous soyons déjà au début du mois de décembre…

Elle enfila un pantalon bleu marine, un pull-over en laine de la même teinte, mit son blouson de cuir, prit son appareil photo, son carnet de notes et quitta son appartement. Après avoir rangé son matériel dans sa voiture, elle démarra et prit la direction de la Place de la Bastille. Lorsqu’elle arriva en vue de la Colonne de Juillet, elle n’eut qu’à suivre les voitures de police roulant à toute allure et toutes sirènes hurlantes pour se retrouver sur les lieux où le drame se jouait. Comme toujours, elle avait devancé ses confrères. Elle s’approcha de l’un des policiers entourant le commissaire, et commença à prendre en note les réponses à ses questions :

— Comment s’appelle l’homme ? Combien sont-ils avec lui ? Combien y a-t-il de familles dans l’immeuble ? Pensez-vous qu’il parle sérieusement ?

Comme toujours, ceux à qui elle s’adressait lui répondaient d’un ton bourru et très évasivement en arguant qu’ils avaient autre chose à faire que de répondre aux journalistes. Sylvia s’écarta un instant et relut les maigres renseignements qu’elle avait cependant pu glaner :

— Voyons… Éric B. est enfermé dans son appartement avec sa femme et ses deux petites filles, qu’il menace de son fusil de chasse afin de les empêcher de fuir… Dans sa cuisine, vingt kilos d’explosifs…

À ce moment-là, le commissaire saisit le porte-voix des mains de l’un de ses subalternes, puis s’adressa au forcené :

— Si vous ne vous rendez pas, nous allons devoir intervenir !

— Si vous faites un seul pas en direction de l’immeuble, je fais tout sauter, entendez-vous ? Tout !

Sylvia s’approcha et suggéra :

— Peut-être pourrais-je essayer de le raisonner ? Cela a déjà fonctionné, une fois…

Le commissaire échangea un regard avec ses compagnons, puis lui tendit le porte-voix. La jeune femme le prit et commença à parler :

— Éric ? Est-ce que vous m’entendez ? Je ne fais pas partie de la police, et je ne suis pas médecin. Je ne suis qu’une jeune femme qui a envie de comprendre votre problème, et peut-être même que je serai en mesure de vous aider si vous acceptez de discuter calmement avec moi…

— Seriez-vous prête à monter chez moi, seule et sans arme ?

Une voix masculine chuchota à l’oreille de Sylvia :

— N’y allez pas, c’est trop dangereux !

Sylvia fit la sourde oreille et répondit au père de famille :

— Je suis prête à vous rencontrer, oui.

Elle rendit le porte-voix à l’un des policiers et elle s’apprêtait à se diriger vers l’immeuble lorsque le commissaire lui saisit le poignet en s’écriant :

— Ne m’avez-vous donc pas entendu ?! Je vous interdis d’y aller ! Cet homme est un fou, et je ne vous laisserai pas…

— Écoutez, Commissaire, je vous l’ai déjà dit : j’ai tenté l’expérience auparavant, et cela a réussi ! Vous préférez peut-être que l’immeuble saute, c’est cela ? Ou alors, avez-vous l’intention de tuer cet homme et de faire ainsi une veuve et deux orphelines ?!

Un instant, ils s’affrontèrent du regard, puis il la relâcha et elle se dirigea vers l’immeuble à grandes enjambées.

Au deuxième étage, un homme encore jeune, armé d’un fusil de chasse, l’attendait en silence devant sa porte. Il lui fit un signe et, lorsqu’elle le précéda dans l’appartement, une jeune femme et deux adorables fillettes se précipitèrent vers elle, et, tandis que son époux refermait la porte d’entrée, Madame B. glissa à l’oreille de la journaliste :

— Essayez de le raisonner, je vous en prie, mais surtout, soyez prudente, il pourrait devenir très violent…

Toujours silencieusement, Éric B. désigna une chaise à Sylvia, s’assit face à elle et attendit, les yeux baissés. Sylvia l’examina attentivement et songea :

— Apparemment, il souffre et est en pleine déprime…

Elle se racla la gorge, puis déclara :

— Vous avez une charmante épouse et vos enfants sont magnifiques, Monsieur.

Surpris, l’homme releva la tête et ses yeux brillaient de fierté lorsqu’il répondit :

— Elles sont belles, n’est-ce pas ? Si vous saviez comme je les aime, toutes les trois !

Sans le quitter des yeux, Sylvia poursuivit :

— Parlez-moi de vous et de votre travail, Monsieur, et…

Soudain furieux, il s’exclama :

— Je n’ai plus de travail ! Ils m’ont licencié et je n’ai plus rien pour faire vivre ma famille ! Demain, le propriétaire viendra chercher trois mois de loyer, et je n’ai même pas de quoi le payer !

Il se tut et se prit la tête entre les mains. Sylvia resta un instant silencieuse et fit le tour de la pièce du regard. Sur les murs, il y avait des cadres contenant les photos de la famille de son interlocuteur. Elle remarqua :

— Ces photos sont très réussies, Monsieur.

— C’est moi qui les ai prises et développées…

— Seriez-vous photographe ?

— Non, j’étais employé dans un grand garage, mais la photographie est ma passion…

La journaliste réfléchit une fraction de seconde, puis déclara :

— Écoutez, Monsieur, je suis certaine que tout va s’arranger pour vous ! Combien devez-vous à votre propriétaire pour le loyer ?

— Mille deux cents francs.

— Bien. Mon patron vous avancera cette somme sur votre salaire. Dès maintenant, vous êtes photographe au journal Le Soir.

Éric B. se leva brusquement de sa chaise, incrédule, et il balbutia :

— Mais… Votre patron ne sera peut-être pas d’accord, ou bien il voudra que je fasse mes preuves !

— Ne vous inquiétez pas, il écoute toujours mes conseils et il sera ravi dès qu’il verra vos premiers travaux ! Je lui parlerai de vous dès que je lui donnerai mon reportage. Faites-moi confiance, vous verrez que tout se passera bien.

Éric B. se tourna vers son épouse, qui se précipita dans ses bras. Le chômeur l’étreignit avec force et murmura :

— Pardonne-moi, chérie, j’ai été fou !

Il se tourna ensuite vers Sylvia, lui tendit son fusil et prononça :

— Tenez, vous pouvez donner le fusil aux policiers, je n’en ai plus besoin. Vous pouvez aussi leur dire qu’il n’y a jamais eu d’explosifs dans ma cuisine, venez vérifier.

Il entraîna la jeune femme vers la pièce en question, où elle put constater qu’il n’y avait effectivement pas l’ombre d’une quelconque matière explosive. Les quatre occupants de l’appartement raccompagnèrent Sylvia jusqu’à la porte en la remerciant chaleureusement pour son aide, et elle les quitta sur un sourire rassurant.

Lorsqu’il la vit reparaître, sur le seuil du hall de l’immeuble, le commissaire Fantini laissa échapper un soupir de soulagement, puis il se précipita vers la journaliste en s’écriant :

— Alors ?

— Tout est arrangé, Commissaire. Tenez, voici l’arme. Il n’y a aucun explosif dans l’appartement, aussi, vous pouvez dire à vos hommes de repartir.

— Mais voyons, je dois l’arrêter pour séquestration, menaces et…

— Écoutez, Commissaire, cet homme n’a rien de commun avec ceux que vous avez coutume d’arrêter… Il était désespéré par sa situation financière suite à la perte de son emploi, c’est tout. Je lui ai promis un emploi et l’assurance que tous ses problèmes seraient résolus. Si vous l’arrêtez, vous en ferez un homme qui n’aura plus jamais confiance en qui que ce soit et qui deviendra aussi dur et impitoyable que la plupart des malfaiteurs qui moisissent en prison… Je suis prête à payer le prix qu’il faudra si jamais il s’avère que j’ai eu tort, mais je suis certaine que vous n’entendrez plus jamais parler de lui…

Fantini réfléchit un instant, admettant en son for intérieur que son interlocutrice n’avait pas tout-à-fait tort concernant le caractère des hommes emprisonnés parfois à tort, puis il se tourna vers ses hommes et ordonna d’un ton sec :

— Allez, les gars, on rentre !

Sans ajouter un mot, il s’engouffra dans sa voiture et démarra aussitôt, suivi du regard par une Sylvia pantoise et qui songea :

— Quel mufle ! On voit bien qu’il a horreur de perdre une bataille !... Enfin, n’y pensons plus… Il ne me reste plus qu’à rentrer taper mon article et tenter de dormir un peu avant la journée de demain…

La jeune femme rangea de nouveau son matériel dans sa voiture et reprit la direction de son domicile…

***

Anne Bardi chercha son frère du regard sur le quai de la gare, mais il ne se trouvait pas parmi les rares personnes qui attendaient les passagers du train Nice-Paris. Tristement, elle se dirigea vers la sortie et chercha un taxi des yeux. Dans une voiture noire garée tout près de l’arrêt de taxis, trois hommes attendaient, observant attentivement tous les voyageurs qui sortaient de la gare. Lorsque la jeune femme fit son apparition, l’un d’eux jeta un coup d’œil à la photographie qu’il tenait à la main, puis il s’écria :

— La voilà ! Allons-y !

Il sortit du véhicule et de dirigea vers la voyageuse, à laquelle il s’adressa avec un sourire avenant :

— Êtes-vous Anne Bardi ?

— En effet. Qui êtes-vous ? Que me voulez-vous ?

— Votre frère François n’a pas pu venir vous accueillir, et il m’a chargé de vous conduire chez lui.

Il prit d’autorité la valise de la jeune femme et lui fit signe de le suivre. Lorsqu’elle découvrit les deux hommes déjà installés dans la voiture, Anne recula d’un pas. L’homme, qui venait de ranger sa valise dans le coffre, s’approcha d’elle et expliqua :

— N’ayez crainte, il s’agit de deux amis que François a conviés afin que nous fêtions tous votre arrivée chez lui.

Il la saisit par le bras pour la faire entrer dans le véhicule, mais Anne se dégagea et déclara :

— Je préfère prendre un taxi.

Elle se dirigea vers le coffre afin de reprendre son bagage, mais il la rattrapa et s’écria d’un ton légèrement contrarié :

— Et pourquoi donc ?!

— Parce que je ne vous connais pas, Monsieur, et que j’ignore si ce que vous me dites est bien la vérité. Nous nous retrouverons chez François, si vos affirmations sont exactes.

L’homme jeta un coup d’œil alentour : l’endroit était désert, tous les taxis étant partis avec leurs clients, et le train suivant n’arriverait que trente minutes plus tard. Alors, il saisit brutalement la jeune femme par le bras et la contraignit à pénétrer dans la voiture. Anne se débattit en hurlant :

— Lâchez-moi ! Au secours !

Mais déjà, la portière était refermée et le véhicule s’éloignait aussitôt en trombe.

Anne était assise sur le siège arrière. Elle ouvrit la portière et tenta de sauter, mais son voisin la saisit par le cou et la plaqua contre lui, puis, avec l’aide de l’homme assis à côté du conducteur, il lui lia les poignets et referma promptement la portière. Anne ferma les yeux et songea avec inquiétude :

— Qui sont ces hommes ?! Ils en veulent à François, c’est certain, et ils espèrent le toucher à travers moi… Où ont-ils donc l’intention de m’emmener ?... Comment se fait-il que François ne soit pas venu me chercher ? Hum… Peut-être que quelqu’un a intercepté ma lettre…

Le conducteur freina brusquement et les trois hommes en descendirent avec leur prisonnière. Ils l’entraînèrent dans une ruelle, la plaquèrent contre le mur d’un immeuble et commencèrent à l’interroger :

— Où ton frère habite-t-il ?

Maîtrisant la peur qu’elle ressentait, la jeune femme s’efforça de répondre d’un ton qu’elle voulait assuré :

— Mais vous devriez le savoir, puisque vous étiez censés me conduire auprès de lui !

Celui qui semblait être le chef s’écria d’un ton menaçant :

— Ça suffit comme ça ! Cesse de faire ta maline, veux-tu ! Dis-nous où habite ton frère et nous te relâcherons !

Anne observa chacun des trois hommes et ne répondit rien. L’homme la gifla alors à deux reprises à toute volée et gronda :

— Alors, vas-tu parler, oui ou non ?!

Le défiant du regard, la sœur du dénommé François articula le plus calmement possible :

— Vous pouvez faire de moi ce que vous voulez, jamais je ne vous donnerai l’adresse de mon frère !

L’homme eut un rictus :

— C’est ce que nous allons voir, ma belle !

Il se tourna ensuite vers l’un de ses compagnons et poursuivit :

—À toi, Paul !

Le dénommé Paul s’avança vers la prisonnière et lui lança un coup de poing dans l’estomac, puis un autre au visage. Le souffle coupé, Anne laissa échapper un gémissement, mais, les dents serrées, elle persista dans son mutisme. Furieux, le chef fit un signe et les trois ravisseurs s’acharnèrent alors sur la malheureuse, la bourrant de coups de poing et de gifles. Alors, incapable d’en supporter davantage, elle hurla :

— Au secours ! Au secours !

Malgré ses mains liées, Anne se débattait comme une bête sauvage, donnant des coups de pied et de tête à ses agresseurs. Elle parvint à se frayer un chemin vers la rue principale et elle se mit à courir à perdre haleine. Paul sortit alors un couteau de sa poche et le lança avec force. Il y eut un long hurlement, suivi par un crissement de pneus. Les trois hommes échangèrent un regard, puis coururent vers leur voiture et prirent la fuite. Le chef se tourna vers Paul et lança :

— Tu n’es qu’un imbécile ! Tu as tout fait rater !...

***

Sylvia descendit de sa voiture et courut dans la direction d’où venait le cri qu’elle avait entendu. À l’entrée de la ruelle, elle découvrit le corps d’une jeune femme inanimée, dont les poignets étaient liés et qui avait un couteau fiché dans le dos. Elle se précipita, retourna la blessée et lui souleva la tête. Anne murmura :

— Aidez-moi, je vous en prie, je…

La malheureuse perdit connaissance et Sylvia chercha du regard quelqu’un qui aurait pu l’aider à transporter la victime des trois hommes. Elle aperçut alors un jeune homme qui accourait, alerté lui aussi par le cri de la blessée. Il s’agenouilla auprès de celle-ci, l’examina rapidement, puis s’adressa à Sylvia :

— Il faut la conduire à l’hôpital. Je suis l’interne de garde. Je partais pour l’hôpital lorsque j’ai entendu son cri.

La journaliste se releva et répondit :

— Ma voiture se trouve tout près d’ici, je vais vous conduire.

Le jeune homme prit Anne dans ses bras et suivit Sylvia. Aucun d’eux n’avait remarqué la voiture garée à l’autre bout de la rue. Le chef des ravisseurs se tourna vers ses hommes et déclara :

— Je suppose que vous avez vu comme moi que la Bardi a parlé à cette fille ! Nous devons à tout prix savoir qui elle est et ce que lui a dit Anne Bardi. Suivons-les, peut-être qu’ils la conduisent chez son frère…

Ses compagnons eurent une moue dubitative, mais approuvèrent et ils commencèrent leur filature.

Sylvia conduisait d’une main sûre et, de temps en temps, elle demandait des nouvelles de la blessée à l’interne. Depuis un moment déjà, elle avait repéré dans son rétroviseur la voiture noire qui les suivait, et elle demanda une fois encore :

— Comment va-t-elle ? Son état s’est-il aggravé ?

— Non, pas pour le moment.

— Croyez-vous qu’elle puisse supporter une pointe de vitesse et de nombreux détours ?

Stupéfait, le jeune homme la considéra un instant en silence, puis demanda :

— Des détours ? Pourquoi donc ?

— Nous sommes suivis. Ne vous retournez surtout pas, je ne veux pas qu’ils sachent que nous savons, sinon, je ne pourrai pas les semer facilement.

L’interne réfléchit durant quelques secondes, puis décida :

— Si vous estimez pouvoir les semer, alors faites-le, mais le plus rapidement possible, car bien que je pense que ses blessures ne soient pas mortelles, il vaut quand même mieux arriver à l’hôpital dans les plus brefs délais…

— Bien, alors accrochez-vous et faites attention à elle, cela risque de secouer un peu.

Surveillant toujours leurs suiveurs, la journaliste appuya soudain sur l’accélérateur, imitée par le conducteur de la voiture noire. Après plusieurs virages dangereux, Sylvia s’engouffra sous un porche. Lorsque ses poursuivants débouchèrent dans la rue qu’elle venait de quitter, il n’y avait plus aucune trace de la voiture de la journaliste. Paul s’écria :

— Allons jusqu’au bout de la rue !

Ils avancèrent au pas, mais ne découvrirent rien. Ils refirent le chemin en sens inverse, et, alors qu’ils repassaient, Paul s’exclama soudain :

— Là, André, regarde ce porche !

Ils s’y engouffrèrent à leur tour et se retrouvèrent dans une rue parallèle à celle qu’ils venaient de quitter. Ils parcoururent celle-ci dans les deux sens, observant attentivement les voitures garées au cas où leurs proies seraient toujours dans les parages, mais ils ne découvrirent aucune trace du véhicule de la journaliste. Furieux, André décida :

— Cette garce nous a joués ! Rentrons !

Alain Carré, le jeune interne, se retourna et émit un petit sifflement en remarquant :

— Eh bien, mais vous êtes un as du volant, Mademoiselle ! On dirait que vous avez fait cela toute votre vie !

Sylvia sourit et demanda :

— Notre protégée est-elle toujours inconsciente ?

— En effet… J’espère que je n’ai pas sous-estimé la gravité de son état !

— Nous sommes arrivés…

— Il faudra prévenir la police, Carré.

Sylvia intervint :

— Je m’en charge, Professeur. Je connais plusieurs commissaires et nous saurons certainement très rapidement qui est cette jeune femme… Voici ma carte, s’il y a du nouveau, appelez-moi immédiatement, Monsieur Carré.

Après avoir jeté un dernier regard à la blessée, qui était hors de danger, d’après le professeur qui l’avait examinée, Sylvia repartit. Dès son arrivée chez elle, elle remonta la sonnerie de son réveil et s’étendit tout habillée, s’endormant aussitôt…

CHAPITRE 2

—C’est parfait, Sylvia ! Votre reportage est tout bonnement génial ! Imaginez le titre :« L’un de nos meilleurs reporters sauve la vie de toute une famille »! Oh, à propos, j’ai reçu la visite de votre protégé il n’y a pas dix minutes, et il est déjà au travail ! Je pense que vous avez eu raison de l’engager en mon nom, il a l’air de bien connaître toutes les ficelles du métier de photographe. Bon, eh bien, à présent…

— Un instant, Monsieur Cobier, j’ai encore un article à faire publier, ma nuit a été un peu… agitée…

Le patron du journal lut l’article, puis hocha la tête et elle quitta enfin les locaux afin de retourner chez elle prendre un repos bien mérité.

***

« Une jeune femme sauvagement agressée cette nuit dans la rue X. Elle a été découverte par Mademoiselle Sylvia M., journaliste, et a été conduite à l’hôpital par celle-ci. On ignore l’identité de la victime, ainsi que son état de santé. »

— Avez-vous lu ça, les gars ?! C’est une journaliste qui a sauvé Anne Bardi ! Attendez un peu… Sylva M., Sylvia M. … Et l’article de la première page est signé S. Moreno… Sylvia M., S. Moreno, une âme de Saint-Bernard qui passe son temps à sauver les autres… C’est elle ! Nous tenons notre inconnue ! Dès demain, nous nous mettrons en chasse… Aujourd’hui, nous devons rendre visite au grand patron…

Sylvia Moreno était en train de faire des exercices d’assouplissement lorsque son téléphone sonna.

— Allô ? Ah, c’est vous, Monsieur Carré ! Vous dites qu’elle a repris conscience et souhaite me voir ? Très bien, je pars immédiatement.

Lorsqu’elle ouvrit la porte de la chambre de la blessée, Sylvia retint un sursaut en découvrant la pâleur de la jeune femme et elle s’inquiéta :

— Est-ce que vous vous sentez mal ? Voulez-vous que je prévienne une infirmière ?

— Non, non, ce n’est pas la peine… C’est bien vous qui m’avez sauvée et conduite ici, n’est-ce pas ?

— En effet, avec l’aide de Monsieur Carré, l’interne qui s’est occupé de vous.

— Écoutez, tout d’abord, je veux vous remercier pour ce que vous avez fiat pour moi. Ensuite… Je sais, je sens que je peux vous faire confiance, et je voudrais que vous m’aidiez. Alain m’a dit que vous étiez suivis hier soir et que c’est grâce à votre maîtrise du volant et à votre présence d’esprit que vous avez semé vos poursuivants. Voilà… Je m’appelle Anne Bardi et je voudrais que vous alliez prévenir mon frère François. Son adresse est inscrite là, sur ce papier que j’ai posé sur la table de nuit.

Sylvia saisit le bout de papier sur lequel Anne avait tracé d’une main malhabile trahissant la souffrance qu’elle avait dû ressentir en écrivant, l’adresse de son frère François Bardi. Visiblement épuisée par l’effort qu’elle avait fourni, Anne avait fermé les yeux et Sylvia lui pressa la main et répondant :

— Ne vous inquiétez pas, Anne, je trouverai votre frère et je vous l’amènerai, foi de Sylvia Moreno !À bientôt.

—À bientôt et merci… Et Sylvia ! Soyez prudente, surtout, ces hommes sont très dangereux !

Sylvia esquissa un sourire rassurant et quitta la pièce. Dans le couloir, elle croisa Alain Carré, qui l’interrogea :

— Eh bien ? Comment avez-vous trouvé Anne ? A-t-elle retrouvé la mémoire ? Se souvient-elle de son nom de famille ? Elle m’a dit qu’elle ne se souvenait que de son prénom…

Sylvia maîtrisa son étonnement et répondit :

— Non, elle ne m’a rien dit à ce propos. Elle a tout juste eu la force de me remercier, c’est tout.

Les deux jeunes gens se quittèrent sur une poignée de main et Sylvia regagna sa voiture. Une fois à l’intérieur, elle relut le papier qu’elle avait enfoui dans sa poche en sortant de la chambre de la blessée, puis décida :

— Je vais m’y rendre immédiatement, ainsi, je saurai à quoi m’en tenir… Je me demande pourquoi Anne a caché la vérité à tout le monde sauf à moi… Et qui peuvent bien être ces hommes dont elle m’a parlé ? Sûrement ceux qui nous suivaient, mais dans quel but le faisaient-ils ?

Elle arriva enfin devant un immeuble coquet du seizième arrondissement. Elle vérifia le numéro, puis se gara et pénétra à l’intérieur. Arrivée au deuxième étage, elle se dirigea vers la porte de gauche, comme indiqué par Anne Bardi, et elle appuya sur la sonnette. La porte s’ouvrit presque aussitôt, et François Fantini parut dans l’encadrement de la porte. Tous deux reculèrent d’un pas en s’exclamant simultanément :

— Vous !

Sylvia enchaîna :

— Excusez-moi, c’est une erreur !

Il la rattrapa par le bras et demanda :

— Qui cherchez-vous ?

— Je dois rendre visite à François Bar…

La jeune femme n’eut pas le temps d’achever de prononcer le nom. Le commissaire lui avait plaqué la main sur la bouche et il l’entraîna à l’intérieur de son appartement. Toujours en la maintenant fermement, il referma sa porte à double tour, puis la conduisit dans son salon, dont il referma aussi soigneusement la porte. Enfin, il la libéra et elle s’exclama d’un ton furieux :

— Mais enfin, qu’est-ce qu’il vous prend ?!

Il répliqua sèchement :

— Qui vous envoie ? Que voulez-vous à François Bardi ?

— Je répondrai uniquement lorsque je serai en présence de François Bardi lui-même !

Le commissaire la considéra un instant en silence, réfléchissant rapidement, puis il finit par répondre plus calmement :

— C’est moi, François Bardi.

Ce fut au tour de Sylvia d’observer le silence, avant de demander :

— Qu’est-ce qui me prouve que vous me dites la vérité ?

—Écoutez, j’ignore qui vous a parlé de moi, ni qui vous a révélé ma véritable identité, mais vous devez me croire, je suis réellement François Bardi ! Sinon, que ferais-je dans cet appartement ?!

La journaliste parut se rendre à ses arguments, mais employa une dernière ruse afin de savoir si Fantini lui mentait ou non.

— C’est votre sœur qui m’envoie.

Le jeune homme sursauta et s’exclama :

— Comment ?! Anne se trouverait donc à Paris ?!

Sylvia songea :

— C’est bien lui, sinon comment connaîtrait-il le prénom d’une jeune femme qu’il n’a jamais vue ?

Elle répondit alors :

— Elle est arrivée cette nuit et se trouve à l’hôpital.

Elle expliqua ensuite à son interlocuteur les circonstances dans lesquelles elle avait fait la connaissance de sa sœur. Il l’écoutait en silence, puis, lorsqu’elle eut terminé son récit, il se leva et déclara :

— Vous allez rester ici jusqu’à ce que je revienne. Si vous m’avez dit la vérité, vous pourrez repartir chez vous à mon retour.

Sylvia s’insurgea :

— Pardon ?! Il n’en est absolument pas question ! Si vous ne me croyez pas, faites prendre des renseignements par vos services, mais laissez-moi tranquille ! Pour qui me prenez-vous ? Croyez-vous que je vais me laisser faire ? Et d’abord, pour quel motif avez-vous l’intention de me retenir chez vous ?!

— Je vous l’ai clairement dit, non ? C’est simplement une garantie, et si tout ce que vous m’avez dit est faux, alors je vous interrogerai pour savoir qui vous a réellement envoyée auprès de moi, et pour qui vous travaillez !

François Fantini se tenait de l’autre côté de la porte du salon, qu’il n’avait pas encore refermée au moment où il avait annoncé à sa visiteuse qu’il partait pour l’hôpital. La journaliste se rua hors du salon, le bousculant sur son passage, et elle se précipita vers la porte d’entrée, qu’elle commençait à déverrouiller lorsque son compagnon bondit sur elle et, la maintenant serrée contre lui, il l’entraîna de nouveau vers le salon. Mais Sylvia se dégagea de son étreinte et elle était sur le point de lui donner un coup de poing lorsqu’il lui saisit le poignet et gronda :

— Voulez-vous donc que je vous fasse inculper pour outrage à agent de la force publique ?!

Furieuse, Sylvia le foudroya du regard et cessa toute résistance. François Bardi la conduisit alors dans une pièce qui devait sans doute servir de chambre d’ami, et il l’y enferma. Il enfila ensuite son pardessus, sortit sur le palier et referma soigneusement sa porte d’entrée…

***

— Anne, ma chérie, ma petite sœur adorée ! Que t’est-il arrivé ? Pourquoi donc es-tu montée à Paris ?!

— Oh, François, je suis si heureuse de te voir ! Sans Sylvia et Alain, je crois que tu ne m’aurais jamais revue vivante ! Pourquoi Sylvia n’estelle pas venue avec toi ?

— Hum… Eh bien, je… je l’en ai empêchée, parce que je voulais d’abord vérifier si elle m’avait dit la vérité… Qui est Alain ?

— Il s’agit de l’interne qui m’a conduite ici en compagnie de Sylvia.

— Bien, raconte-moi tout, Anne. Pourquoi donc as-tu quitté Nice ?

— Je voulais te voir pour te parler de Maman. Je suppose que tu n’as pas oublié qu’elle a des problèmes de vue depuis une dizaine d’années, n’est-ce pas ? Il s’avère qu’elle est atteinte d’une grave maladie, qui nécessite de l’envoyer en Amérique pour tenter de la soigner, mais nous n’avons pas assez d’argent pour l’envoyer là-bas…

François Bardi ferma les yeux, évoquant le doux visage bienveillant de sa mère, et il murmura :

— Maman, gravement malade ? Je ne parviens pas ày croire…

— C’est pourtant la vérité, François. J’ai enfin réussi à la convaincre de consulter un grand ponte lorsque j’ai constaté à quel point sa vue se dégradait, et le verdict a été très clair : si elle ne consulte pas rapidement le chirurgien dont il nous a parlé, il y a des risques pour qu’elle perde définitivement la vue… et il n’est même pas certain que l’on puisse faire quelque chose pour elle, mais il faut tenter, d’après lui…

Le commissaire soupira profondément, puis encouragea sa sœur à lui expliquer ce qui avait motivé son admission à l’hôpital. Anne lui raconta alors tout ce qu’il lui était arrivé depuis sa descente du train. Le côté professionnel de son interlocuteur reprit le dessus, et ce fut presqu’un interrogatoire qu’il lui fit subir :

— Combien étaient-ils ? Comment étaient-ils vêtus ? Connais-tu leurs noms ? Et la voiture ? Quelle marque, quelle couleur ?

— Je me rappelle que l’un d’eux se prénommait Paul ; brun, fortes moustaches, yeux marron, taille moyenne. Les deux autres étaient blonds, et tous trois portaient des costumes sombres. Je crois que la voiture était une Mercedes noire. Seule Sylvia connaît mon identité, François. Pour tous, ici, je ne suis qu’une inconnue amnésique.

Le jeune homme songea :

— Ainsi, Sylvia Moreno avait raison. Je crois qu’elle ne va jamais me pardonner cette garde-à-vue forcée ! Je dois aller la libérer au plus vite !

À ce moment-là, la porte de la chambre s’ouvrit et Alain Carré parut sur le seuil.

— Alors, Anne, comment vas-tu, ma… Oh, pardon ! Excusez-moi, Monsieur, je ne vous avais pas vu !

François se leva et se présenta :

— Commissaire Fantini. Vous devez être Alain Carré, l’interne qui a conduit cette jeune femme ici, n’est-ce pas ?

— En effet, c’est bien moi.

— Si vous voulez bien m’attendre dans le couloir, j’ai quelques questions à vous poser.

Dès que la porte se fut refermée, François se tourna vers sa sœur et demanda :

— Qu’est-ce que c’est que ce type qui te tutoie déjà ?!

— C’est un ami, c’est tout. Nous avons sensiblement le même âge, il peut bien me tutoyer, non ?

— Bon, passons. Je dois repartir très vite. Je reviendrai te chercher le jour de ta sortie et tu viendras vivre chez moi en attendant que tu retournes auprès de notre mère. À bientôt.

Le policier quitta la chambre et rejoignit Alain Carré qui faisait les cent pas dans le couloir. Il lui posa quelques questions sur ses origines, ses études et les circonstances dans lesquelles il avait fait la connaissance de sa sœur, puis il repartit pour son domicile.

Tout en conduisant, François songeait :

— Comment vais-je bien pouvoir me faire pardonner ? Oh, et puis après tout, ce sont les risques de métier, et si elle n’est pas contente, tant pis !

Arrivé dans son immeuble, il monta les escaliers quatre à quatre, n’ayant pas la patience d’attendre l’ascenseur. Il ouvrit sa porte en hâte, marcha rapidement jusqu’à la chambre qu’occuperait désormais Anne, en ouvrit la porte et laissa échapper un cri de surprise :

— Ça alors ! Elle a disparu !

Il s’avança jusqu’à la fenêtre grande ouverte, chercha des yeux la jeune femme au cas où sa fuite serait toute récente, mais Sylvia avait bel et bien disparu. François murmura :

— Eh bien, elle a du caractère !!... Mais j’y pense, ces hommes qui voulaient à tout prix connaître mon adresse vont désormais chercher à s’en prendre à elle !! Je dois la retrouver immédiatement !

Il quitta son immeuble en trombe et se rendit aussitôt au siège du journal Le Soir, où il s’adressa à la réceptionniste :

— Sylvia Moreno est-elle ici ?

— Non, Monsieur, je regrette, elle n’est pas revenue au bureau depuis ce matin…

— Donnez-moi son adresse !

— Mais Monsieur, je ne sais pas si je dois…

François exhiba sa carte de police et tonna :

— Et comment, que vous devez me la donner !

Confuse, la jeune secrétaire écrivit l’adresse de Sylvia Moreno au dos d’une carte de visite et la lui tendit sans mot dire. Il la remercia d’un signe de tête, repartit aussitôt et prit la direction du domicile de la journaliste. Arrivé sur place, il grimpa rapidement les deux étages et frappa à la porte. N’obtenant aucune réponse, il se mit à frapper à coups redoublés contre l’huis, mais seul le même silence lui répondit. Surpris et inquiet, le jeune homme songea :

— Mais où peut-elle bien être ? Bon, je dois rentrer au bureau, il n’y a rien que je puisse faire pour le moment…

Après s’être enfuie de l’appartement de François Bardi, Sylvia s’engouffra dans sa voiture et démarra aussitôt en maugréant :

— Non mais pour qui se prend-il ?! Il croit vraiment avoir tous les droits juste parce qu’il est policier !!... Enfin, Anne a retrouvé son frère et je ne les reverrai probablement jamais… De toute façon, même si je revois Anne, je refuserai toute invitation de sa part, je n’ai aucune envie de revoir cet homme !!