Evangelium - Tome 4 - Gilbert Laporte - E-Book

Evangelium - Tome 4 E-Book

Gilbert Laporte

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Beschreibung

Une série d'assassinats ayant pour mobile le vol de manuscrits anciens...

La bataille pour les évangiles apocryphes n’est pas terminée. Une secte de pénitents extrémistes se joint à la mêlée pour leur possession, mais c’est sans compter des hommes de main du Vatican qui agissent en coulisses.
Quant au lieutenant Martin Delpech, il réussit à obtenir une piste qui le mènera à l’assassin. Mais, quand il lui fera face, il sera confronté à plus fort que lui…
Retrouvez le lieutenant Delpech dans le quatrième tome de sa nouvelle enquête haletante, qui le confrontera à la violence d'un psychopathe intégriste, d'hommes de main du Vatican, d’extrémistes religieux et d'une secte messianique. Parviendra-t-il à se sortir de cette lutte cauchemardesque ?

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Une plongée dans le monde de l'intégrisme catholique. Pour les personnes avides de théologie. - HannibaLectrice, Babelio

À PROPOS DE L'AUTEUR Gilbert Laporte est né à Paris et vit dans le sud de la France. Il a effectué ses études supérieures à Nice et a été cadre dans de grandes entreprises. Il partage ses loisirs entre la lecture d'ouvrages historiques, le cinéma, la musique, les voyages et l’écriture.

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Couverture

1 MAMILLA

Contassot empoigna le combiné de son téléphone d’une main énergique et composa le numéro de Salvat.

– Damien, j’ai besoin que tu me fasses un éclaircissement sur certains éléments de l’enquête. J’ai l’impression qu’on est en train de pédaler dans la choucroute… Non, pas dans mon bureau… On va se faire un p’tit cawa en bas. Ma cafetière est en panne.

Selon son habitude, Contassot emmena Spock à la brasserie la plus proche du 36. Il y entra d’un air conquérant, comme s’il était le propriétaire des lieux.

– Tiens, il y a une nouvelle serveuse, remarqua-t-il avec un regard égrillard… Une black… Pas mal… Belles guiboles, mais elle manque un peu de lolos…

Les deux hommes repérèrent une table libre où ils s’installèrent. Au bout de cinq minutes, Contassot fit à la serveuse de vastes signes désespérés, à la limite de l’appel au secours. La jeune femme vint vers lui avec un large sourire d’employée pas encore usée par de laborieuses journées de travail.

– Je voudrais un café, mais dans un grand bol.

Il fit un geste des deux mains, comme si elles tenaient un récipient gros comme une marmite.

– Un café noir ou au lait ?

– Oh, oui ! Au lait, avec de la chantilly. C’est bon ça, la chantilly, dit-il avec un regard d’enfant émerveillé.

– Vous prendrez des tartines, avec ça ? questionna la serveuse avec un sourire en coin.

Il fit un signe négatif de la main droite.

– Non, j’en ai déjà mangé chez moi ce matin, avec du beurre allégé. Mettez-moi plutôt… Deux, non trois croissants au vrai beurre.

– Il n’y en a plus. Par contre, je peux vous en apporter des normaux. Ils sont très frais.

– Ah, bon. C’est dommage… Des « normaux » alors… accepta-t-il avec un brin de déception dans les yeux.

– Et pour monsieur ? questionna la serveuse.

Contassot répondit à la place du capitaine.

– Oh, lui, il prend juste un cappuccino bien serré…

Alors que l’employée s’en allait à la cuisine, le commandant se retourna pour la détailler de haut en bas.

– Beau petit cul, tu ne trouves pas ?

– J’aime pas les blacks… dit Spock sur un ton glacial.

– Ah, oui, c’est vrai… T’aimes rien de toute manière… Bon, alors, on est où de cette enquête ?

– On avance un peu, même s’il faut tirer les mots de la bouche à Martin pour le débriefer.

– Ouais, je sais. Il est pas bavard, c’est dans sa nature. Faut faire avec. Mais bon, qu’est-ce qu’on a de nouveau ?

– Quand on a fouillé de fond en comble la maison d’Hugues Baillard, l’industriel de Croissy-sur-Seine, on a trouvé une vraie porcherie dans toutes les pièces. Même le matelas de sa chambre était moisi et les draps jaunes de crasse et de sueur. Totalement dégueu… Je pige pas comment on peut vivre dans une merde pareille. Le plus curieux, c’est que sa salle de torture au sous-sol était nickel. Il la nettoyait à l’eau de javel.

– C’est un barge, c’est tout. Faut pas chercher à comprendre…

– Pas complètement dingue, en tout cas. On n’a retrouvé aucun indice chez lui ou sur d’éventuels complices. Rien. Que dalle.

– Des empreintes ?

– Que les siennes. Faut dire que s’il invitait des amis, ils devaient repartir en courant… Mais bon, la scientifique analyse les cheveux et autres fragments biologiques découverts sur place, au cas où. On a également fait sonder son égout privé, mais on n’a rien trouvé.

– Sa famille ?

– C’est un loup solitaire, en rupture de famille depuis bien longtemps.

– Au boulot ?

– Patron à la fois respecté et craint. Un peu paternaliste aussi. C’est souvent le cas pour tous les mecs qui ont fait fortune à la force du poignet…

– Une maîtresse ? Il fréquente régulièrement des putes ? Il est homo ?…

– Non. Rien de tout ça.

– Il fait partie d’un club, d’une association ?

– Non, on n’a pas trouvé, pour l’instant.

Shrek s’énerva.

– Qu’est-ce qu’on a alors bordel !

Il se retourna sur son siège pour observer la porte battante des cuisines.

– Et elle fout quoi, en plus, cette faignasse de serveuse ?

Salvat ignora la poussée coléreuse de son boss.

– Il y avait, chez Baillard, toute une collection de livres fachos. Des revues médicales également, de chirurgie principalement. Beaucoup d’ouvrages spécialisés sur la douleur et le système nerveux. Manifestement ce type voulait être un expert pour faire souffrir les gens. Il devait se prendre pour un médecin de camp de concentration nazi…

– Pour son plaisir ou pour punir ses victimes ?

– Probablement les deux. Tiens ! Y’a nos cafés qui arrivent…

Fidèle à sa réputation, Shrek se jeta sur la nourriture. Il enfourna une énorme cuillerée de chantilly, plus grosse que sa bouche, qui lui déposa une large traînée circulaire blanche sur le pourtour des lèvres et la moustache. Le capitaine poursuivit quant à lui son exposé comme si de rien n’était. Contassot semblait totalement concentré sur son activité de petit-déjeuner, mais Salvat savait bien qu’il ne perdait pas une bribe des informations qu’il lui distillait.

– Je me suis tuyauté auprès des renseignements généraux. Baillard faisait partie, selon eux, d’un groupe de fachos, proche des milieux cathos intégristes. Ça confirme la piste donnée par le curé.

– Ah, quand même ! on a quelques billes…

– C’est d’évidence une confrérie fasciste. Peut-être même une secte d’adorateurs de Satan.

– Il faut faire des recherches dans le domaine. Tu sais, des trucs bien tordus, genre satanisme hitlérien…

Salvat acquiesça d’un mouvement de la tête et observa Contassot engloutir sa nourriture avec inquiétude pour le nouveau costume de marque italienne qu’il venait de s’acheter. Le commandant trempait ses viennoiseries sans ménagement dans son bol, provoquant ainsi des vaguelettes qui débordaient et finissaient immanquablement dans sa sous-tasse. Il avala un demi-croissant d’un seul coup.

– Sont trop petits ces machins… Y’a rien à bouffer. C’est comme les nichons de la black.

2 CHIRURGIA

Afin d’observer méticuleusement les lieux, Delpech roula au pas devant la clinique d’Antony, puis il gara le véhicule de la brigade deux rues plus loin, près de la gare du RER.

– Le bâtiment est petit, mais plutôt classieux, remarqua Djamila.

L’établissement chirurgical était en effet luxueux. Il avait été installé dans un ancien hôtel particulier en pierres de taille et au toit mansardé. Malgré la saison hivernale, son jardin composé de buis et d’arbustes décoratifs au feuillage persistant conservait une apparence agréable.

– Tu penses, répondit Martin en serrant le frein à main. Un chirurgien esthétique doit se faire un max de blé. C’est un boulot en plein essor, même les ados veulent se faire retoucher maintenant…

– On va dire quoi en entrant ? Que tu as besoin d’un petit lifting ? plaisanta la brigadière.

– Non, j’y vais seul, indiqua le lieutenant sur un ton ferme. On n’a rien trouvé de louche sur le proprio des lieux et je ne souhaite pas lui donner l’impression qu’on débarque en force. Par contre, on ne sait jamais, tu te postes discrètement en couverture sur le trottoir d’en face et tu notes tous les éventuels va-et-vient.

– Je vais me peler, se plaignit-elle.

– T’es pas dans un feuilleton télé américaine, ici. Et être à la PJ c’est pas que se cailler les miches, mais aussi être éveillé toute la nuit en buvant du mauvais café, se faire chier à surveiller quelqu’un qui fait ses courses toute une après-midi ou planquer dans des endroits immondes. Une fois, je suis même resté caché plusieurs heures dans un conteneur à ordures en plein été…

Les deux policiers sortirent du véhicule et Martin se dirigea d’un pas décidé vers l’entrée. À l’intérieur, l’accueil ne ressemblait en rien à un établissement de soin. Le sol était composé de dalles en marbre, les murs étaient recouverts de panneaux en acajou et agrémentés d’éclairages indirects qui donnaient à l’ensemble un aspect très chic. Il n’y avait pas de comptoir d’accueil, mais un bureau constitué d’un simple plateau en verre soutenu par des pieds en métal doré imitant des pattes de lion. Derrière, une jeune femme en blouse bleue et aux formes plus que généreuses semblait s’ennuyer ferme. En voyant arriver le beau Martin, elle se redressa sur sa chaise et s’efforça de se montrer la plus avenante possible.

– Que puis-je pour vous ? lui demanda-t-elle avec des yeux manifestement intéressés par le physique du policier.

– Lieutenant Martin Delpech, police judiciaire.

– Vous venez pour m’arrêter ? questionna-t-elle avec un air espiègle.

Elle se pencha en avant pour que le sillon de son opulente poitrine se détache mieux entre son col ouvert sur trois boutons.

– Heu, non… répondit Martin en rougissant.

– Dommage, je me serai bien laissé mettre les menottes…

Elle soupira.

– Enfin, tant pis…

Martin était manifestement mal à l’aise devant l’attitude provocante de la réceptionniste

– Je souhaiterais rencontrer le responsable de cet établissement, poursuivit le policier avec un soupçon de gêne dans la voix.

– Je crains fort que cela ne soit pas possible. Monsieur Schaeffer ne reçoit que sur rendez-vous. De plus, il part en vacances et nous fermons dans un quart d’heure…

– Un quart d’heure me suffira amplement. Merci de bien vouloir m’annoncer.

– Je le connais, il ne vous recevra pas, répondit-elle avec un air pincé, vexée de l’indifférence de Martin à son égard.

Elle décrocha son téléphone et se raidit ensuite en entendant son patron accepter le rendez-vous. Une porte s’ouvrit quelques instants après et Franck Schaeffer fit un pas dans le couloir pour inviter Delpech à le rejoindre.

– Vous pouvez rentrer à votre domicile, Armelle, je n’ai plus besoin de vous. Merci et bonne soirée.

L’assistante, qui était déjà fin prête à partir, ne se fit pas prier deux fois. Elle enleva sa blouse, enfila un épais manteau à capuche fourrée et disparut dans le froid de la fin de journée après avoir fermé la porte d’entrée à clé derrière elle.

– Venez dans mon bureau, je vous en prie. Asseyez-vous.

Martin s’exécuta. Il se sentit immédiatement mal à l’aise. Son interlocuteur était trop policé et prévenant envers lui. Assez grand, il avait des cheveux grisonnants savamment coiffés et des mains soignées. Sa blouse bleu ciel laissait entrevoir une chemise et une belle cravate de marque en soie. Martin estima que cet homme cherchait à se donner une apparence agréable pour mieux dissimuler sa véritable personnalité.

– Que puis-je pour vous, cher monsieur ? demanda-t-il avec un regard vert devenu soudainement perçant.

– Nous enquêtons sur des décès dus à certains médicaments, mentit le policier.

– Des décès ? (Il eut l’air surpris). Vous en connaissez la cause ?

– Pas encore, mais il semble que les produits incriminés proviennent d’un laboratoire qui est votre fournisseur.

– Je n’ai jamais eu de problèmes avec mes produits… De quel labo s’agit-il et de quel article ?

Martin sortit le flacon de sa poche et le posa sur le bureau, étiquette bien en face de Schaeffer. Il observa sa réaction, mais celui-ci ne laissa rien apparaître.

– Je connais ce fournisseur, mais nous n’utilisons pas ce produit.

– Pourtant plusieurs récipients ont été livrés ici et plusieurs fois.

Son interlocuteur afficha une moue dubitative.

– Écoutez, je suis désolé, mais cela ne me dit vraiment rien. J’ai des infirmiers qui m’assistent, ainsi qu’un médecin anesthésiste. C’est peut-être l’un d’entre eux qui a fait cette commande.

Il se leva de son fauteuil.

– Si vous voulez bien me suivre, je vais aller vérifier. Nous avons une réserve au sous-sol et les doubles de bordereaux de commande.

Martin n’aimait pas la tournure que prenait l’entretien. Il commença à regretter de ne pas être venu avec Djamila. Le policier était armé, mais il se méfiait considérablement de cet individu qui semblait posséder une parfaite maîtrise de lui-même. Il le suivit néanmoins au sous-sol, et profita qu’il ait le dos tourné pour dégrafer l’attache de sécurité en cuir de son holster.

Le local servant de réserve à produits pharmaceutiques et instruments chirurgicaux était situé en face d’un bloc opératoire flambant neuf. Le chirurgien y pénétra et se dirigea vers une armoire réfrigérée. Delpech le suivait de près, guettant le moindre de ses mouvements. Il ne vit cependant pas, qu’en même temps qu’il prenait un flacon il avait saisi un objet avec son autre main dans la poche droite de sa blouse.

– Ah, voilà ce que je cherchais, s’exclama-t-il.

Schaeffer se retourna avec un sourire aux lèvres. Il mit le flacon sous les yeux du lieutenant pour détourner son attention et il lui appliqua une matraque électrique contre la poitrine. La décharge de 500 000 volts contracta les muscles de Delpech et l’étourdit immédiatement. Sous le choc, Martin se sentit tomber comme une poupée de chiffon. Pendant les longues secondes qui suivirent, et bien que totalement conscient, il resta tétanisé, incapable de faire le moindre mouvement.

Le policier commençait à peine à récupérer l’usage de ses membres, lorsqu’il ressentit une piqûre dans son cou.

– Je vais vous faire goûter un de mes produits préférés, lui souffla le chirurgien dans l’oreille. Vous allez voir, cela vous paralyse et, en même temps, tous vos sens sont exacerbés. C’est idéal pour faire souffrir quelqu’un. La douleur est multipliée par dix et vous ne pouvez même pas hurler pour vous soulager. Et croyez-moi, en matière de souffrance, je suis expert. Vous allez ainsi me dire tout ce que j’ai besoin de savoir.

Il regarda le policier droit dans les yeux.

– Absolument tout.

3 MYTHUS

Huit mois plus tôt.

L’émission de télévision à laquelle Pierre Demange avait participé, l’été précédent, s’intitulait : « JÉSUS : MYTHE OU RÉALITÉ ?  » Bernard Deschamps, l’animateur cherchait manifestement, ce soir-là, la moindre occasion pour provoquer un esclandre bénéfique à l’audimat. Cette situation agaçait profondément l’historien qui n’aimait pas les idées toutes faites et encore moins les journalistes avides de scandales pour se faire de la publicité.

– Alors, monsieur Demange, que pouvez-vous nous dire sur la famille de Jésus ?

– Tout d’abord, que la virginité de Marie est un dogme qui est démenti par une lecture attentive des Évangiles.

– Votre affirmation est étonnante, mais pouvez-vous la prouver ?

– Par le simple fait que dans les Evangiles, ni Jésus ni Marie ne font allusion à une naissance miraculeuse. Par ailleurs, les écrits selon Marc et Mathieu citent quatre frères de Jésus : Jacques, Joseph, Jude et Simon. Il est également question de deux sœurs. De plus, dans Luc, il est indiqué que Jésus est « premier-né », ce qui veut donc dire qu’il y a eu au moins un « second-né »…

– Mais avec quels arguments l’Église ne reconnaît-elle pas ce fait ?

– Elle considère que le mot « frère » ou « sœur » doit être entendu au sens de « cousin » ou « cousine ». En revanche, elle prend au pied de la lettre l’expression « Fils de Dieu ». Or, on sait qu’à cette époque, fils de Dieu et fils de Satan étaient des expressions courantes qui désignaient celui qui se conduit selon la parole de Dieu et celui qui fait le mal.

– Et quelles étaient, selon vous, les relations de Jésus avec sa famille dans les évangiles ?

– Difficiles. Dans Jean, il est souligné que ses frères ne croyaient pas en lui. Dans Marc, il est indiqué que les parents de Jésus, voulurent se saisir de lui, car il était « hors de sens », c’est-à-dire fou.

– Que peut-on dire, en particulier, des rapports de Jésus avec sa mère ?

– Pas très aimables… Quand il l’interpelle, il lui dit sèchement : « femme » et non mère. Il y a aussi dans Luc, une personne qui adresse un louange à Jésus en lui disant : « Heureuses les entrailles qui t’ont porté et les seins qui t’ont allaité » et celui-ci répond : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu et l’observent ».

– Ce n’est effectivement pas très gentil pour Marie.

– Oui, et cette tension se retrouve dans la célèbre réplique de l’évangile selon Marc, où il est fait allusion aux parents, frères et sœurs de Jésus et où il répond : « Un prophète n’est méprisé que dans sa parenté et sa maison ». Il y a également cette exigence envers ses disciples pour qu’ils haïssent père, mère, femme, enfants, frères et sœurs ». Jésus fait passer la religion avant sa propre famille et il demande à ses apôtres de faire de même.

– Voilà un éclairage bien étonnant sur un Jésus en conflit avec ses proches… Si vous le voulez bien, je souhaiterais vous interroger sur un autre sujet.

– Je vous en prie.

– J’ai lu un article que vous avez publié dans un journal où vous estimiez que l’image du Jésus qui est Amour, avec un grand « A », est à nuancer. Vous citiez en particulier la phrase concernant l’épée et la division qu’il disait amener sur terre et non la paix.

– Exact, avant de se rendre au mont des Oliviers, il demande que celui qui a une bourse s’en serve pour acheter un glaive.

– Oui, je connais votre théorie selon laquelle Jésus aurait voulu prendre le pouvoir.

– C’est une hypothèse. Dans l’évangile selon Jean, il répond à Pilate : « Tu le dis. Je suis roi. » et certains de ses disciples l’appellent « Seigneur » et il ne les contredit pas.

– Certes, mais il affirme également que son royaume n’est pas de ce monde.

– Oui, mais dans Jean, il précise : « Si mon royaume était de ce monde, mes gens auraient combattu ». C’est, selon moi, un constat d’échec de son action de rébellion.

– C’est une interprétation.

– Oui, bien sûr, mais elle en vaut une autre. Si Jésus et les apôtres avaient été totalement pacifiques, il n’y aurait pas eu besoin de faire appel à la force romaine.

– Un Jésus qui veut être roi par les armes, c’est étonnant, quand même…

– Mais il y a beaucoup plus violent encore dans l’évangile selon Luc, lorsque le Christ demande qu’on tue ses opposants qui ne veulent pas qu’il règne sur eux. Vous savez, on associe souvent Coran et intégrisme, mais l’Inquisition s’est basée sur ce genre de sentence pour justifier les pires pratiques au nom du Christ.

– Oui, mais l’Inquisition c’est un lointain passé…

– Mais rien ne dit que demain un extrémiste chrétien ne commettra pas un jour un attentat sur ces bases…

4 PRAEDATOR

Le corps de Martin Delpech était entièrement paralysé par le produit chimique que Franck Schaeffer lui avait inoculé. Il sentit que ce dernier le soulevait par les épaules pour le traîner pendant plusieurs mètres. Le policier comprit ensuite que le chirurgien le hissait pour l’allonger sur une table.

Les sens de Martin étaient perturbés. Il avait l’impression de flotter dans les airs et un goût amer avait envahi sa bouche. Les murs autour de lui semblaient s’incliner, en même temps que le plafond se mettait à vibrer. Les moindres sons ambiants étaient fortement amplifiés et lui agressaient les tympans. À côté de lui, Schaeffer manipulait des objets métalliques et leur tintement se transforma en fracas dans la tête du lieutenant, qui venait de comprendre qu’il s’agissait d’instruments chirurgicaux déposés dans un haricot en inox.

Le chirurgien servit ensuite un surprenant discours.

– Laissez-moi vous dire que vous faites fausse route, monsieur le policier. Vous pensez que je suis un fou sanguinaire, un psychopathe qui agit par plaisir sadique ? Vous avez tort. Certes, les apparences sont contre moi. Vous croyez peut-être aussi avoir à faire à un prédateur ? J’en suis un en quelque sorte. Que serait en effet l’équilibre de la nature sans les requins, les lions ou les crocodiles ? En ce qui me concerne, j’œuvre également pour le bien de la communauté.

Tout en parlant, Schaeffer avait pris plusieurs scalpels et en examinait le tranchant. Il choisit celui qui avait la lame la plus longue.

– Vous croyez être le seul à agir pour la sécurité de la société ? Là aussi, laissez-moi dire que vous êtes dans l’erreur la plus totale. Votre carte tricolore et votre misérable flingue ne sont rien à côté des forces du bien et du mal qui vont bientôt s’affronter. Jésus va revenir et il vaincra la Bête, mais les forces démoniaques sont puissantes et le combat sera rude. Je suis là pour contrer les personnes tentées par les maléfices de Satan et vous cherchez à m’empêcher de réaliser la tâche pour laquelle Dieu m’a choisi. Je ne vous laisserai donc pas faire votre petit boulot insignifiant consistant à m’arrêter, monsieur le flic…

L’homme parlait à voix modérée, mais c’était un véritable hurlement qui provenait aux oreilles de Delpech. Il sentait également son corps se réchauffer jusqu’à devenir brûlant. Il eut ensuite de la difficulté à respirer. Ses poumons paraissaient être caoutchouteux. Les battements de son cœur s’accéléraient rapidement. Les veines de son cou étaient prêtes à éclater. Ses pupilles se dilataient dans ses globes oculaires exorbités.

Delpech se mit à transpirer abondamment. Il voulut parler. De sa gorge nouée et de sa bouche devenue pâteuse ne sortit qu’un gargouillis incompréhensible. Une violente lumière l’agressa en plein visage. Le plafonnier de la salle d’opération venait de s’allumer. Le chirurgien s’approcha de lui, le scalpel à la main. Martin chercha à se relever. Il n’arriva pas à faire le moindre geste. Son corps semblait peser des tonnes.

Je refais un cauchemar ! Ce n’est pas réel !

Delpech revivait, hélas, le mauvais rêve qu’il avait fait quelques jours auparavant. Un rêve prémonitoire, malheureusement pour lui. Son ventre se crispa de peur en pensant que les cauchemars de Claire Demange aient eu une réalité et que son agresseur, revenu d’outre-tombe, se retrouve désormais en face de lui.