Évelina ou l'entrée d'une jeune personne dans le Monde - Fanny Burney - E-Book

Évelina ou l'entrée d'une jeune personne dans le Monde E-Book

Fanny Burney

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Beschreibung

À la fois roman sentimental et critique sociale, cette histoire dont le personnage principal, la jeune et jolie Évelina, découvre la société aristocratique du XVIIIe siècle est aussi pleine d'humour. Précurseur dans son approche et dans son style, elle suscita en son temps de vives polémiques et fut un véritable best-seller qui influença ultérieurement l'oeuvre de Jane Austen.Afin de faciliter la lecture du texte, l’orthographe et la grammaire ont été modernisées.

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Table des Matières

Copyright

ÉVELINA,

AVANT-PROPOS.

ÉVELINA.

LETTRE II.

LETTRE III.

LETTRE IV.

LETTRE V.

LETTRE VI.

LETTRE VII.

LETTRE VIII.

LETTRE IX.

LETTRE X.

LETTRE XI.

LETTRE XII.

LETTRE XIII.

LETTRE XIV.

LETTRE XV.

LETTRE XVI.

LETTRE XVII.

LETTRE XVIII.

LETTRE XIX.

LETTRE XX.

LETTRE XXI.

LETTRE XXII.

LETTRE XXIII.

LETTRE XXIV.

LETTRE XXV.

LETTRE XXVI.

LETTRE XXVII.

LETTRE XXVIII.

LETTRE XXIX.

LETTRE XXX.

LETTRE XXXI.

LETTRE XXXII.

LETTRE XXXIII.

LETTRE XXXIV.

LETTRE XXXV.

LETTRE XXXVI.

LETTRE XXXVII.

LETTRE XXXVIII.

LETTRE XXXIX.

LETTRE XL.

LETTRE XLI.

LETTRE XLII.

LETTRE XLIII.

LETTRE XLIV.

LETTRE XLV.

LETTRE XLVI.

LETTRE XLVII.

LETTRE XLVIII.

TOME SECOND.

LETTRE XLIX.

LETTRE L.

LETTRE LI.

LETTRE LII.

LETTRE LIII.

LETTRE LIV.

LETTRE LV.

LETTRE LVI.

LETTRE LVII.

LETTRE LVIII.

LETTRE LIX.

LETTRE LX.

LETTRE LXI.

LETTRE LXII.

LETTRE LXIII.

LETTRE LXIV.

LETTRE LXV.

LETTRE LXVI.

LETTRE LXVII.

LETTRE LXVIII.

LETTRE LXIX.

LETTRE LXX.

LETTRE LXXI.

LETTRE LXXII.

LETTRE LXXIII.

LETTRE LXXIV.

LETTRE LXXV.

LETTRE LXXVI.

LETTRE LXXVII.

LETTRE LXXVIII.

LETTRE LXXIX.

LETTRE LXXX.

LETTRE LXXXI.

LETTRE LXXXII.

LETTRE LXXXIII.

LETTRE LXXXIV.

Notes de bas de page

Copyright

Copyright © 2015 / FV Éditions

Couverture : John Hoppner

ISBN 979-10-299-0140-9

Tous Droits Réservés

ÉVELINA,OU L’ENTRÉE D’UNE JEUNE PERSONNE DANS LE MONDE.

FANNY BURNEY

(1776-1828)

Note de l’éditeur:

Afin de faciliter la lecture du texte, nous avons modernisé la grammaire employée par le traducteur. Les terminaisons qui ne sont plus d’usage ont ainsi été remplacées par celles que nous employons aujourd’hui. Il se peut néanmoins, étant donné leur nombre conséquent, que certaines corrections nécessaires aient échappé à notre vigilance.

AVANT-PROPOS.

Une jeune demoiselle élevée dans la retraite, paraît à l’âge de dix-sept ans sur le grand théâtre du monde. Avec une âme vertueuse, un esprit cultivé et un cœur sensible, elle a le malheur de tomber dans plusieurs erreurs, que lui font commettre son inexpérience, et le défaut de ce qu’on appelle usagedu monde. Les événements qui en résultent, forment le fond de ces Lettres qu’on offre aujourd’hui au public. Elles peuvent fournir le sujet d’une lecture amusante, et même utile à bien des égards. Les caractères y sont tracés avec vérité, la vertu y est présentée sous un point de vue aimable, et le vice y est peint avec les couleurs odieuses qui lui sont propres.

ÉVELINA.LETTRE PREMIÈRE.

Lady Howard à M. Villars.

Howard-Grove.

Concevez-vous, mon cher ami ; une tâche plus pénible pour un caractère bienfaisant, que la nécessité de donner de mauvaises nouvelles ? Certes, il est difficile quelquefois de décider s’il faut plaindre davantage celui qui les donne, ou celui qui les reçoit.

Madame Duval vient de m’écrire : cette femme est dans le plus grand embarras sur la conduite qu’elle doit tenir ; elle semble désirer de réparer les maux qu’elle a faits, et elle voudrait en même temps passer pour innocente aux yeux du monde. Elle cherche à rejeter sur quelqu’autre, l’odieux de toutes les calamités dont elle est seule responsable. Sa lettre est violente, quelquefois outrageante. C’est vous, monsieur, qu’elle accuse, vous à qui elle a des obligations qui l’emportent même sur ses torts. C’est à vos conseils qu’elle impute méchamment toutes les souffrances de son infortunée fille, feu lady Belmont. Je vais vous communiquer l’essentiel de ce qu’elle m’écrit ; la lettre même n’est pas digne de votre attention.

Elle me dit que, depuis bien des années, elle s’était flattée de l’idée d’un voyage en Angleterre ; que c’est ce qui l’a empêchée de nous demander des éclaircissements sur un sujet fâcheux dont elle espérait se procurer des nouvelles par ses propres recherches ; des affaires de famille l’ont retenue jusqu’ici en France, et probablement ne lui permettront plus de quitter ce royaume. Elle a donc fait les derniers efforts pour recueillir des lumières sur tout ce qui concerne son imprudente fille. Les nouvelles qu’elle a reçues lui donnent lieu de craindre que lady Belmont n’ait laissé en mourant un orphelin : elle ajoute gracieusement qu’elle est informée que cet enfant est retiré chez vous et, pourvu que vous en prouviez authentiquement la parenté, elle consent que vous l’envoyiez à Paris, où elle en prendra tout le soin convenable.

Cette femme, n’en doutons pas, commence enfin à ouvrir les yeux sur sa conduite dénaturée. Au reste, sa lettre prouve qu’elle est toujours aussi ignorante, aussi peu instruite de l’usage du monde, qu’elle l’était lorsque son premier mari, M. Evelyn, eut la faiblesse de l’épouser. Elle ne me fait pas la moindre excuse de ce qu’elle s’adresse à moi, quoique je ne l’aie jamais vue qu’une fois.

Cette lettre excite toute la curiosité de ma fille Mirvan. Elle m’a demandé par quels motifs madame Duval avait pu être poussée à abandonner l’infortunée lady Belmont, dans un moment où la protection d’une mère lui était si nécessaire pour son repos et pour sa réputation. Quoique je connaisse toutes les personnes intéressées dans cette affaire, le sujet m’a toujours paru trop délicat pour leur en parler ; je ne puis donc satisfaire madame Mirvan autrement qu’en m’adressant à vous.

Il est aisé de démêler le motif de l’offre de madame Duval ; elle vise à obliger ceux même à qui elle est redevable. Je ne prétends pas vous conseiller. Vous, monsieur, à la protection généreuse duquel cette orpheline abandonnée doit tout, vous êtes le meilleur et le seul juge de ce qu’il lui reste à faire. Ce qui me tourmente le plus, c’est l’embarras que cette indigne madame Duval va peut-être vous donner.

Ma fille et ma petite-fille se joignent à moi pour vous prier de nous rappeler à cette aimable enfant ; elles me chargent de vous faire souvenir que la visite annuelle que vous promîtes ci-devant à Howard-Grove, a été interrompue depuis plus de quatre années. Je suis, mon cher monsieur, avec la plus haute considération, &c.

M. Howard.

LETTRE II.

M. Villars à Lady Howard.

Berry-Hill, Dorsetshire.

Vous n’avez que trop bien prévu, madame, l’embarras que m’a causé la lettre de madame Duval. Cependant, en considérant le repos dont j’ai joui depuis tant d’années, j’ai lieu de m’applaudir, plutôt que de murmurer, de ma situation présente ; je commence du moins à croire que cette méchante femme ouvre son cœur aux remords.

Quant à la réponse qu’elle attend de ma part, je vous supplie, madame, de lui marquer que je serais fâché de la désobliger en quelque manière que ce soit ; mais j’ai des raisons pressantes, et même incontestables, pour retenir sa petite-fille en Angleterre. Le premier de ces motifs, est la volonté d’une personne à qui elle doit une entière obéissance. Madame Duval peut être persuadée d’ailleurs que mon élève est traitée avec toute l’attention et toute la tendresse imaginables : son éducation, quoiqu’au-dessous de mes désirs, excède presque mes moyens, et j’ose me flatter que, lorsque le temps viendra où elle ira rendre ses devoirs à sa grand’mère, madame Duval n’aura pas sujet d’être mécontente de mes soins.

Je suis sûr, madame, que cette réponse ne vous surprendra point. Madame Duval est, pour une jeune personne, une mauvaise société, et une tout aussi mauvaise surveillante. Sans éducation et sans principes, elle est d’une humeur intraitable, et ses mœurs sont grossières. Je sais que, depuis long-temps, elle m’a pris en aversion. Malheureuse créature ! je ne puis l’envisager que comme un objet de pitié !

Je n’ai rien à refuser à madame Mirvan ; mais en lui accordant sa demande, j’abrégerai le récit des tristes événements qui ont précédé la naissance de ma pupille ; ils n’ont rien qui puisse intéresser agréablement un cœur aussi sensible que le sien.

Vous n’ignorez pas, sans doute, madame, que je fus choisi pour gouverneur de M. Evelyn, grand-père de ma jeune pupille ; j’eus l’honneur de l’accompagner dans le cours de ses voyages. À peine de retour en Angleterre, il épousa madame Duval, alors servante de cabaret. Ce mariage fatal fut conclu en dépit des conseils et des instances de tous les amis de M. Evelyn ; moi-même je fus un de ceux qui insistaient le plus pour l’en détourner ; il demeura ferme dans son projet, et peu après il quitta sa patrie pour se fixer en France. La honte, et le repentir l’y suivirent : son cœur était peu fait à de tels sentiments. Avec un caractère excellent et une conduite jusqu’alors sans tache, ce jeune homme n’avait à se reprocher que la faiblesse qui l’empêchait de résister aux attraits de la beauté que la nature avait répandue à pleines mains sur sa femme, quoiqu’à tout autre égard elle l’eût traitée en marâtre. Il ne survécut à cette malheureuse union que deux ans. Avant que d’expirer, il m’écrivit d’une main tremblante le billet suivant :

« Mon ami, que votre humanité vous fasse oublier un juste ressentiment ! Un père qui craint tout pour sa fille, la lègue à vos soins. — Ô Villars ! écoutez-moi ! prenez pitié de moi ! secourez-moi » !

Si les circonstances me l’avaient permis, j’aurais répondu à ces lignes, en me mettant incessamment en route pour Paris ; mais il me fallut agir par l’entremise d’un ami qui était sur les lieux, et qui assista à l’ouverture du testament.

M. Evelyn me laissait mille livres sterlings et la tutelle de sa fille, jusqu’à ce qu’elle eût atteint l’âge de dix-huit ans. Il me conjurait, dans les termes les plus pathétiques, de me charger de son éducation, jusqu’à ce qu’elle pût se pourvoir elle-même. À l’égard des biens qu’il lui laissait , il la rendait entièrement dépendante de sa mère, à la tendresse de laquelle il la recommandent instamment.

Ainsi, sans vouloir confier l’éducation morale de sa fille à une femme aussi mal élevée que madame Evelyn, il jugea pourtant à propos de lui assurer le respect et les égards qu’elle pouvait exiger de la part d’un enfant. Malheureusement il ne soupçonna point que la mère fût capable de manquer d’affection et d’équité.

Depuis l’âge de deux ans jusqu’à dix-huit, miss Evelyn fut élevée sous ma direction. Je me dispense, madame, de vous parler des vertus de cette jeune personne. Elle m’aimait comme son père ; elle fut également attachée à madame Villars : en un mot, elle me devint si chère, que je la quittais avec autant de regret que madame Villars elle-même, qui bientôt après me fut enlevée par la mort.

C’est à cette époque de sa vie que nous nous séparâmes. Sa mère, qui avait épousé M. Duval, la fit venir à Paris. Que ne l’ai-je accompagnée ! peut-être mon appui lui aurait-il épargné les disgrâce s qui l’attendaient ! Enfin madame Duval pressée par son mari, s’employa avec vivacité, ou plutôt avec tyrannie, à faire réussir le mariage de miss Evelyn avec l’un des neveux de M. Duval. Lorsqu’elle vit échouer ses efforts, le refus de sa fille l’irrita au point, qu’elle eut recours aux voies de rigueur, jusqu’à la menacer de l’indigence.

Miss Evelyn, pour qui la colère et la violence étaient des sentiments inconnus, se lassa bientôt des procédés de sa mère. Elle eut l’imprudence de donner sa main en cachette à sir John Belmont, jeune débauché qui n’avait que trop bien réussi à s’insinuer dans ses bonnes grâce s. Il promit de la conduire en Angleterre : — il tint parole. — Vous savez le reste, madame. — Dès qu’il vit que la fortune qu’il avait attendue, venait à manquer par l’impitoyable animosité des Duval, il eut la bassesse de brûler le certificat du mariage, et il nia d’avoir jamais été uni avec miss Evelyn.

Elle vola vers moi pour chercher du secours : avec quels transports, mêlés de joie et de tristesse, ne la revis-je pas ! Elle tâcha, par mes conseils, de rassembler des preuves, de son mariage : mais tout fut inutile ; sa crédulité l’avait empêchée de prendre des précautions : elle n’eut rien à opposer aux ruses du barbare Belmont.

Sa jeunesse irréprochable, le libertinage connu de son séducteur, plaidaient assez en sa faveur. Tout le monde la jugea innocente. Mais ses souffrances étaient trop violentes pour une constitution aussi délicate que la sienne, et le même instant qui donna le jour à son enfant, termina ses chagrins et sa vie.

La fuite de miss Evelyn avait rallumé la fureur de madame Duval ; son ressentiment ne se calma point, tant que respira cette victime de sa cruauté. Il est à croire que son intention était de lui pardonner dans la suite ; mais elle n’en eut pas le loisir. Informée de la mort de sa fille, elle s’abandonna à tous les excès de la douleur, et tomba dangereusement malade. Mais depuis son rétablissement jusqu’à la date de la lettre qu’elle vous a adressée, madame, elle n’a témoigné, que je sache, nul désir d’être instruite des circonstances de la mort de lady Belmont et de la naissance de son enfant.

Tant qu’il me restera un souffle de vie, cette enfant ne connaîtra point la perte qu’elle a faite. Je l’ai chérie, soutenue, depuis sa plus tendre enfance jusqu’à l’âge de seize ans ; elle a tellement récompensé mes soins et ma tendresse, que je n’ai plus d’autre vœu à faire que de la voir mariée à un honnête homme qui reconnaisse son mérite ; et après avoir eu cette consolation, je ne demande plus qu’à mourir entre ses bras.

Ainsi, par un concours fortuit de circonstances, j’ai été chargé de l’éducation du père, de la fille et de la petite-fille. Combien de chagrins les deux premiers ne m’ont-ils pas causés ! Ah ! si le cher rejeton qui me reste était réservé à de pareilles disgrâce s, quelle triste issue n’auraient pas eue toutes mes peines ! que la fin de mes jours serait remplie d’amertume !

Quand même madame Duval serait digne de remplir la tâche qu’elle veut entreprendre, je doute que j’eusse assez de force pour lui céder mon élève ; mais telle que je la connais, non-seulement ma tendresse, mais même les sentiments de l’humanité se révoltent à la seule idée de lui abandonner le dépôt sacré qui m’a été confié. La quitter ! moi, qui consentais à peine quelle rendît une visite par an au château de Howard-Grove ! Pardonnez, madame ; je ne suis pas insensible, à l’honneur que vous nous faites : mais telle est l’impression qu’ont laissée dans mon cœur les calamités de la mère, que je ne perds pas un instant mon élève de vue, sans être agité par des craintes et des frayeurs qui sont plus fortes que moi. Ma tendresse et ma faiblesse vont jusqu’à ce point. Hélas ! madame, elle est le seul lien qui m’attache encore à ce monde ; j’espère de vos bontés que vous ne jugerez pas mes sentiments avec trop de rigueur.

Permettez que je présente mes très-humbles respects à madame et à miss Mirvan. J’ai l’honneur d’être, &c.

Arthur Villars.

LETTRE III.

(écrite plusieurs mois après la dernière.)

Lady Howard à M. Villars.

Howard-Grove, 8 mars.

Monsieur,

Votre dernière lettre m’a fait un plaisir infini : quelle satisfaction pour vous et pour vos amis, de vous voir relevé d’une aussi longue maladie ! Tous les habitants de ce château font mille vœux pour votre prompt et parfait rétablissement.

Ne penserez-vous pas que je vais tirer parti de cet heureux événement, si je vous parle encore de votre pupille et de Howard-Grove dans une même phrase ? Souvenez-vous cependant de la résignation avec laquelle nous avons consenti à vous la laisser pendant toute votre maladie ; ce n’est qu’avec beaucoup de peine que nous nous sommes défendus de vous demander sa société. Ma petite-fille, sur-tout, désire vivement de rejoindre l’amie de son enfance, et moi-même je brûle d’impatience de prouver l’estime que j’avais pour l’infortunée lady Belmont, en rendant service à son enfant ; c’est, je pense, la meilleure façon d’honorer sa mémoire. Permettez donc, monsieur, que je vous communique un plan que j’ai formé de concert avec madame Mirvan, dès que nous avons appris la nouvelle de votre convalescence.

Mon dessein n’est pas de vous effrayer. — Mais croyez-vous pouvoir vous séparer de votre élève pendant deux ou trois mois ? Madame Mirvan se propose de passer le printemps prochain à Londres : ma petite-fille l’y accompagnera pour la première fois. Elles souhaitent, mon cher ami, l’une et l’autre, que votre aimable pupille soit de la partie ; le voyage en sera d’autant plus agréable. Madame Mirvan partagera ses soins et ses attentions entre elle et sa propre fille. Ne soyez point surpris de ce projet ; il est temps que votre élève commence à connaît re le monde. Les jeunes gens qui en sont trop sévèrement séquestrés, s’en font une trop haute idée : leur imagination vive et romanesque le peint comme un paradis qu’on leur a caché injustement ; mais lorsqu’ils l’ont vu de près et à temps, ils apprennent à l’envisager tel qu’il est, partagé entre les peines et les plaisirs, l’espérance et les revers.

Ne craignez rien de sir John Belmont. Ce misérable est actuellement en voyage, et n’est point attendu de retour cette année.

Eh bien ! mon cher monsieur, que dites-vous de notre plan ? J’espère qu’il aura votre approbation : sinon, je me soumettrai également à votre décision, comme à celle d’un homme que je respecte et que j’estime. C’est avec ces sentiments que je suis, &c.

M. Howard.

LETTRE IV.

M. Villars à Lady Howard.

Berry-Hill, 12 mars.

Je suis fâché de paraître obstiné, et je rougis de passer pour un homme intéressé. Ce n’est point pour satisfaire ma seule inclination que j’ai retenu ma jeune pupille à la campagne. Destinée, selon toutes les apparences, à ne posséder qu’une fortune très-médiocre, j’ai souhaité d’y proportionner ses vues. L’esprit n’est que trop enclin au plaisir, ne se livre que trop aisément à la dissipation : je me suis appliqué à la mettre en garde contre ces sortes d’illusions ; j’ai tâché de l’accoutumer à s’en passer et à les mépriser. Mais le temps approche où mes instructions doivent cesser ; elle doit juger désormais par sa propre expérience, et par les observations qu’elle aura occasion de faire elle-même. Si je l’ai mise en état de le faire avec discernement et à son avantage, je croirai avoir contribué beaucoup à son bien-être. Elle est actuellement dans l’âge du bonheur : — qu’elle en jouisse donc ! Je la remets à votre protection, madame, et je souhaite que vous la trouviez digne d’une partie des bontés qui l’attendent chez vous.

Jusqu’ici, je souscris volontiers à ce que vous me demandez. Tant que je saurai ma pupille entre les mains de lady Howard, son absence ne me donnera aucune inquiétude ; et si je suis privé de sa société, je serai du moins convaincu qu’elle est en pleine sûreté, autant que si elle était restée avec moi. Mais pouvez-vous, après cela, me proposer sérieusement, madame, de l’introduire dans les assemblées tumultueuses de Londres ? Permettez-moi de vous demander à quel propos et dans quel dessein ? Un jeune cœur est rarement sans ambition ; il faut la réprimer de bonne heure, et c’est le premier pas vers le contentement ; car, diminuer notre attente, c’est augmenter nos jouissances. Je ne crains rien plus que d’exalter trop les espérances et les vues de mon élève, ce qui serait très-aisé avec la vivacité naturelle de son caractère. Les connaissances de madame Mirvan dans la capitale, appartiennent toutes au cercle du grand monde. Cette enfant ingénue, avec trop de beauté pour ne pas être remarquée, a trop de sensibilité pour y être indifférente ; mais sa fortune n’est pas assez considérable pour tenter un homme de façon.

Rappelez-vous, madame, tout ce que sa situation a de cruel : enfant unique d’un riche baronnet, qu’elle n’a jamais vu, dont elle a droit d’avoir le caractère en horreur, elle n’ose pas même prétendre à son nom. Héritière légitime de ses biens, y a-t-il la moindre apparence qu’il la reconnaîtra jamais pour sa fille ? Et, aussi long-temps qu’il persistera à désavouer son mariage avec miss Evelyn, je ne souffrirai point, madame, qu’il lui accorde, par faveur, une partie de ses droits, ce serait les acheter aux dépens de l’honneur de sa mère.

Quant aux biens de M. Evelyn, madame Duval et sa famille auront grand soin de se les approprier ; je n’en attends rien du tout.

Ainsi, malgré les titres les plus réels, cette enfant délaissée se voit frustrée à la fois de deux riches successions, et ses espérances se trouvent bornées aux faveurs qu’elle attend de l’adoption et de l’amitié. Cependant ses revenus pourront suffire à son bonheur, si elle demeure dans le cercle d’une vie retirée ; mais ils ne lui permettent point de se jeter dans le luxe d’une femme de la capitale.

Souffrez donc, madame, que pendant que miss Mirvan brillera dans le grand monde, ma fille continue à goûter les plaisirs d’une humble retraite, les seuls qui peuvent convenir à son état.

J’espère, madame, que ce raisonnement obtiendra votre approbation ; j’ai d’ailleurs un autre motif de grand poids. Je ne voudrais choquer personne, et si madame Duval venait à savoir qu’après le refus que je lui ai fait, je permets à sa petite-fille d’aller à Londres pour une partie de plaisir, elle serait autorisée à m’accuser d’injustice.

En la gardant chez vous, à Howard-Grove, tous ces scrupules disparaissent. Madame Clinton l’y accompagnera la semaine prochaine : c’est une femme de mérite, qui a été ci-devant la nourrice de mon élève, et qui me sert actuellement comme ménagère.

Jusqu’ici, la pupille a porté le nom d’Anville, et j’ai répandu dans notre voisinage que son père, un de mes amis intimes, l’a confiée à ma tutelle. Avant que de vous l’envoyer, j’ai cru qu’il était nécessaire de la mettre au fait des circonstances fâcheuses de sa naissance. En lui cachant son nom et sa famille, j’ai cherché à la préserver d’une curiosité indiscrète ; mais je veux épargner à sa délicatesse le chagrin d’apprendre ses malheurs par quelque hasard imprévu.

N’attendez pas trop, madame, de ma pupille : c’est une petite campagnarde qui n’a aucune connaissance du monde ; et, quoique j’aie fait l’impossible pour lui donner une bonne éducation, je n’ai pu cependant suffire à tout dans un endroit isolé, éloigné de sept milles de Dorchester, la ville la plus proche. Vous vous apercevrez d’une quantité de petits défauts qui devaient naturellement m’échapper. Elle doit être bien changée depuis la dernière visite qu’elle a faite à Howard-Grove ; mais je ne veux point vous prévenir ; je l’abandonne à votre jugement, et je vous supplie de me dire sincèrement ce que vous pensez d’elle, Je suis, &c.

Arthur Villars.

LETTRE V.

M. Villars à Lady Howard.

18 mars.

Madame,

Cette lettre vous sera remise par mon enfant, — l’enfant de mon adoption, — de mon affection. Privée des plus doux liens de la nature, elle mérite de trouver des ressources dans le sein de l’amitié. Je vous l’envoie innocente comme les anges, pure comme le jour ; et avec elle je vous envoie le cœur de votre ami, son unique espoir sur la terre, l’objet de ses plus tendres soins. Pour elle seule, madame, j’ai souhaité de vivre encore ; pour elle seule je suis prêt à mourir avec joie. Rendez-la-moi avec toute l’innocence qu’elle vous apporte, et vous aurez rempli mes plus chères espérances.

Arthur Villars.

LETTRE VI.

Lady Howard à M. Villars.

Howard-Grove.

Monsieur,

Le ton solemnel que vous employez en m’envoyant votre fille, a diminué en quelque sorte le plaisir que me faisait cette marque de votre confiance. Je crains que vous ne souffriez trop de votre complaisance ; et, dans ce cas, je me reprocherais la vivacité avec laquelle je vous ai demandé cette faveur : mais souvenez-vous, monsieur, qu’elle n’est qu’à une très-petite distance de chez vous, et soyez assuré que je ne la retiendrai pas un instant au-delà du terme que vous fixerez à son absence.

Vous voulez savoir ce que je pense d’elle ? C’est un petit ange ! et je ne m’étonne plus que vous vous attribuiez sur elle des droits exclusifs : mais vous devez sentir combien il vous sera difficile de conserver ces droits à la longue.

Sa physionomie et toute sa figure s’accordent pleinement avec l’idée que je me formais d’une beauté parfaite ; et la chose est si frappante, qu’il n’y a pas moyen de la passer sous silence, quoique nous attachions, vous et moi, peu de prix à un aussi frêle avantage. Si j’avais ignoré de qui elle tient son éducation, j’aurais été en peine, au premier coup-d’œil, de son esprit : on a remarqué depuis long-temps, et avec raison, que la sottise va presque toujours de pair avec la beauté.

Elle a la même douceur dans les manières, les mêmes grâces naturelles dans sa démarche, qui distinguaient si favorablement sa mère. Son caractère est l’ingénuité, la naïveté même ; et, quoique douée d’un jugement exquis et d’une grande pénétration d’esprit, elle y joint un certain air d’inexpérience et d’innocence qui la rend on ne peut pas plus intéressante.

Vous auriez tort de regretter la retraite dans laquelle elle a vécu ; un penchant naturel à obliger, et des façons infiniment prévenantes, lui tiennent lieu de cette politesse qu’on acquiert dans le grand monde.

Je remarquai, à ma satisfaction, que cette aimable enfant s’attache de plus en plus à ma petite-fille : celle-ci est aussi éloignée de tout ce qui s’appelle amour-propre ou fantaisie, que votre jeune élève l’est de la ruse. Leurs liaisons leur seront réciproquement utiles : l’émulation qui en résultera, leur fera beaucoup de bien ; car l’envie n’y sera pas mêlée. Je veux qu’elles se tiennent lieu de sœurs l’une à l’autre.

Soyez convaincu, mon cher monsieur, que nous aurons soin de votre fille comme de notre propre enfant. Nous réunissons nos vœux sincères pour votre santé et pour votre prospérité, et nous vous remercions de la faveur que vous nous avez accordée, &c.

M. Howard.

LETTRE VII.

Lady Howard à M. Villars.

Howard-Grove, 26 mars.

Ne vous alarmez pas, mon digne ami, de me voir déjà revenir à la charge. Je n’admets point de cérémonies dans mes correspondances ; et, sans attendre régulièrement des réponses à mes lettres, sans me piquer moi-même de ponctualité, il suffit que je sois dans le cas de réclamer votre indulgence, pour que je mette la main à la plume. Madame Mirvan vient de recevoir une lettre de son époux : après une très-longue absence, il lui marque l’agréable nouvelle, qu’il compte d’être rendu à Londres dans les premiers jours de la semaine prochaine. Ma fille et le capitaine ont été séparés depuis environ sept ans : ainsi je me dispense de vous dire quelle joie, quelle surprise, quelle confusion, le retour de M. Mirvan répand dans Howard-Grove. Ma fille, comme vous pensez bien, ira incessamment en ville à sa rencontre : ma petite-fille est obligée de la suivre ; je suis fâchée de ne pas pouvoir en faire autant.

Maintenant, mon cher monsieur, je n’ai plus le courage de continuer. De grâce  ! oserai-je demander — permettrez-vous que votre fille les accompagne ? N’allez pas dire que nous sommes indiscrètes. Considérez tous les motifs qui concourent dans ce moment-ci à lui rendre le séjour de Londres infiniment agréable : l’événement heureux qui donne lieu à ce voyage, l'allégresse de tous ceux qui seront de la partie. Opposez à cela la vie ennuyeuse à laquelle elle sera réduite, si elle reste ici avec une vieille femme solitaire pour toute société, tandis qu’elle saura que toute la famille nage dans la joie : voilà des circonstances qui semblent mériter votre attention.

Madame Mirvan me prie de vous assurer qu’une semaine est tout ce qu’elle demande ; car elle est sûre que le capitaine, qui hait Londres, pressera son retour à Howard-Grove. D’ailleurs, Marie désire avec tant d’ardeur d’avoir son amie avec elle, qu’un refus de votre part la priverait de la moitié du plaisir qu’elle se promet de cette course.

En attendant, monsieur, je ne veux rien vous cacher ; je ne vous garantis point qu’ils mèneront à Londres une vie retirée, et même cela n’est nullement apparent. Mais ne craignez rien de madame Duval : elle n’a aucune correspondance en Angleterre ; ce qu’elle apprend de nous, n’est que par des bruits publics. Le nom que porte votre fille, ne saurait lui être connu ; et, supposé même qu’elle vînt à savoir que notre jeune amie ait passé une huitaine de jours en ville dans une occasion aussi extraordinaire, il n’est pas possible qu’elle s’en tienne offensée.

Madame Mirvan vous assure que si vous déférez à sa demande, ses deux enfants partageront également son temps et ses attentions. Elle a donné commission à un ami d’arrêter une maison pour elle ; la réponse ne tardera à venir, et j’attendrai dans cet intervalle votre décision. Votre fille vous écrit elle-même ; sa lettre fera plus que toutes nos sollicitations.

Madame Mirvan vous fait ses compliments, dans le cas seulement, à ce qu’elle dit, où vous accorderez votre consentement ; pas autrement.

Adieu, mon cher monsieur, nous espérons tout de votre bonté.

M. Howard.

LETTRE VIII.

Évelina à M. Villars.

Cette maison est le séjour de la joie ; chaque physionomie annonce la gaîté, tout le monde vous aborde avec un souris sur les lèvres. Je ne fais que roder pour m’amuser de la confusion qui y règne. On prépare une chambre sur le jardin pour servir de cabinet d’étude au capitaine. Lady Howard n’est pas un instant à la même place ; miss Mirvan fait des bonnets ; on s’occupe de tout côté ; on court de chambre en chambre ; on donne des ordres ; on les révoque ; on en donne de nouveaux ; tout est en désordre et en agitation.

J’ai une prière à vous faire, mon cher monsieur, et j’espère que vous ne m’accuserez point d’abuser de vos bontés. Lady Howard veut absolument que je vous écrive ; comment m’y prendre ? une prière suppose des besoins ; et m’en avez-vous jamais laissé ?

Je suis confuse d’avoir commencé cette lettre, mais ces chères dames sont si pressantes ! — Je ne puis m’empêcher de l’avouer ; les plaisirs auxquels elles m’invitent de prendre part me tentent beaucoup, pourvu seulement que vous ne les désapprouviez pas.

Elles vont faire un court séjour à Londres. Le capitaine les y joindra dans peu de jours. Madame Mirvan sera accompagnée de sa fille. — Quelle délicieuse partie ! et cependant je ne me sens pas une envie excessive de les suivre ; du moins je crois que je demeurerai avec plaisir si vous le désirez.

Assurée, mon très-cher monsieur, de votre bonté, de votre amitié, de votre indulgence, me serait-il permis de souhaiter quelque chose sans votre agrément ? Décidez, je vous prie, sans craindre de me gêner ou de m’affliger. Tant que je serai dans l’incertitude, j’espérerai peut-être ; mais dès que vous aurez prononcé, je n’aurai rien à répliquer.

Elles me disent que Londres est actuellement dans tout son brillant. Deux spectacles, — l’Opéra, — le Ranelagh, — le Panthéon ; — vous voyez que je sais déjà tous ces noms par cœur. Néanmoins je n’ai encore rien disposé pour mon départ ; et s’il faut que je reste, je les verrai monter en chaise, sans qu’il m’en coûte un soupir, quoique je sois sûre de ne plus retrouver une occasion comme celle-là. Leur joie sera si complète, qu’il est naturel de désirer de la partager.

Suis-je donc ensorcelée ? Je me proposais en commençant de ne pas insister ; mais ma plume, — ou plutôt mes idées l’emportent. Je l’avoue malgré moi, votre consentement me tient à cœur.

Je me repens déjà d’avoir laissé échapper cet aveu : oubliez, je vous supplie, ce que je viens d’écrire, si ce voyage vous déplaît. Je finis ; car plus je pense à cette affaire, moins elle me devient indifférente.

Adieu, mon très-honoré, mon très-respecté, mon très-aimé père ; car comment puis-je vous appeler autrement ? Je ne connais de bonheur ou de chagrin, d’espérance ou de crainte, que ceux que votre satisfaction ou votre déplaisir peuvent me donner. Si vous me refusez, je suis sûre que ce ne sera pas sans de fortes raisons, et je ne doute pas que je n’y souscrive volontiers. — J’espère encore cependant, — peut-être pourrez-vous me laisser aller. Je suis avec une entière affection,

Évelina.

Je n’ose pas signer Anville une lettre adressée à vous ; et quel autre nom m’est-il permis de prendre ?

LETTRE IX.

M. Villars à Évelina.

Berry-Hill, 28 mars.

Je n’ai pas la force de résister à une sollicitation pressante. Loin d’usurper sur vous, mon enfant, une autorité qui porte atteinte à votre liberté, je ne consulte que la prudence pour m’épargner les angoisses du repentir. Votre impatience de voir Londres, ne me surprend point, puisque la vivacité de votre imagination vous peint cette ville avec des couleurs si avantageuses ; je souhaite seulement que votre attente ne soit pas trompée. Vous refuser, ce serait exalter vos idées. Je ne demande pas mieux que de contribuer au bonheur de mon Évelina : ainsi je vous accorde mon consentement. Partez, mon enfant ; que le ciel soit votre guide ! qu’il vous conserve et vous fortifie ! Je le prierai nuit et jour pour votre félicité. Qu’il vous prenne sous sa garde, qu’il veille sur vous, qu’il vous préserve de tout danger, de toute adversité ! Qu’il écarte de votre personne le vice, autant qu’il est éloigné de votre cœur ! Qu’il me donne enfin la dernière consolation que je lui demande, celle de fermer les yeux dans les bras d’une fille qui m’est si chère, et qui mérite tant de l’être.

Arthur Villars.

LETTRE X.

Évelina à M. Villars.

Londres, Queen-Street, samedi 2 avril.

J’arrive dans ce moment, et déjà je me prépare d’aller à Drury-Lane. Le célèbre Garrick remplira le rôle de Ranger. Je suis toute en extase. Miss Mirvan ne l’est pas moins. Quel heureux hasard, en effet, de voir Garrick, lui qui joue si rarement ! Nous avons eu bien de la peine à arracher le consentement de madame Mirvan : elle prétend que nous ne sommes pas assez habillées pour paraître en public ; car nous n’avons pas encore eu le temps de nous monter au ton de Londres. À force de la tourmenter, nous avons obtenu cependant une loge écartée, où nous ne serons vues de personne. Quant à moi, toute place m’est égale ; je serai inconnue à la première comme à la dernière.

J’interromps ici ma lettre. À peine ai-je le temps de respirer. — Je remarquerai seulement que la magnificence des maisons et des rues de Londres ne répond pas à l’idée que j’en avais.

Je vous dis adieu, monsieur, pour le présent : je ne pouvais m’empêcher de vous écrire un mot à mon arrivée ; car je suppose que ma lettre de remerciement est encore en chemin.

Samedi au soir.

Me voici de retour du spectacle, ivre de plaisir ! C’est à bien juste titre que M. Garrick mérite sa réputation et une admiration universelle. — Je n’avais point d’idée d’un aussi grand acteur.

Quelle aisance, quelle vivacité dans son jeu ! quelles grâce s dans tous ses mouvements ! quel feu et quelle expression dans ses yeux ! Je ne pouvais pas me persuader qu’il débitait de mémoire ; chaque mot semble partir de l’impulsion du moment.

Son action est à la fois agréable et sans gêne : sa voix distincte et mélodieuse, et en même temps merveilleusement variée dans tous ses tons, pleine de vie ; chaque regard est une parole.

J’aurais donné tout au monde pour voir recommencer la pièce. — Et lorsque je le vis danser, — oh ! que j’enviais Clarinde ! J’étais tentée de sauter sur le théâtre pour me mettre de la partie.

Vous me prendrez pour une folle : ainsi je ferai bien de quitter ici la plume. Mais je vous proteste que vous seriez enchanté vous-même de Garrick, si vous le voyiez. Je vais prier madame Mirvan de nous envoyer au spectacle tous les jours que nous passerons ici. Elle me comble de bontés, et Marie, sa charmante fille, est la plus aimable enfant du monde.

Chaque soir, monsieur, je vous rendrai compte de ma journée, avec autant de vérité que si j’étais sous vos yeux.

Dimanche.

Nous avons été ce matin à la chapelle de Portland, et, après le service, nous nous sommes promenées dans le mail du parc Saint-James, qui n’a nullement rempli mon attente. C’est une longue allée couverte d’un gravier sale, très-incommode pour les piétons : les deux extrémités, au lieu de présenter des vues découvertes, sont bornées par des maisons de briques. Lorsque madame Mirvan me fit remarquer le Palais, je pensai tomber de mon haut.

Quoi qu’il en soit, la promenade nous fit plaisir : tout le monde avait l’air gai, et semblait content. Les femmes étaient extrêmement parées : miss Mirvan et moi, nous ne pouvions pas assez les regarder. Madame Mirvan rencontra plusieurs de ses amies : cela n’était pas surprenant, car jamais je ne vis une pareille foule. Je cherchais aussi si je ne trouverais personne de ma connaissance ; je n’en vis point, et cela me parut singulier : je croyais que le monde entier était réuni ici.

Madame Mirvan dit que nous ne retournerons point au parc dimanche prochain, supposé même que nous soyons encore en ville : on nous conduira aux jardins de Kensington, où l’on dit qu’il y a meilleure société. C’est ce qu’on a de la peine à croire, lorsque l’on sort d’un cercle si brillant.

Lundi.

Nous sommes invitées ce soir à un bal privé qui se donne chez madame Stanley, femme du bon ton, et l’une des connaissances de madame Mirvan.

Nous avons passé notre matinée à courir les boutiques, pour acheter des étoffes, des bonnets, des gazes et autres bagatelles.

Ces boutiques sont assez amusantes, sur-tout celles des merciers : vous voyez dans chacune une demi-douzaine d’hommes, qui, à force de révérences et de souris, cherchent à être remarqués. On nous conduisit de l’un à l’autre, et nous passâmes de salle en salle avec tant de cérémonies, que j’eus d’abord peur de suivre.

Je crus que je ne viendrais jamais à bout de choisir une étoffe ; ils en montrèrent une si prodigieuse quantité, que je ne savais auxquelles m’en tenir : d’ailleurs, ils les vantaient avec tant de complaisance, qu’on eût dit que, pour m’engager à acheter toutes leurs marchandises, il ne s’agissait que de m’en donner bonne opinion ; et, en vérité, j’aurais voulu pouvoir acheter davantage, à cause des peines qu’ils se donnaient.

Chez les marchands de modes, nous vîmes des dames habillées avec tant d’éclat, qu’on eût dit qu’elles étaient sorties pour rendre des visites, plutôt que pour faire des emplettes. Mais ce qui m’amusa le plus, c’est que, dans ces boutiques, nous étions presque toujours servies par des hommes, et, ce qui est bien pis, par des hommes affectés et précieux. Ils étaient mieux instruits que nous des moindres détails de nos ajustements, et ils recommandaient leurs bonnets et leurs rubans avec un air d’importance, qui me donna envie de leur demander depuis quand ils avaient cessé d’en porter ?

La vitesse avec laquelle on travaille dans ces grandes boutiques, est surprenante ; ils m’ont promis pour ce soir un assortiment complet.

Je suis actuellement entre les mains du perruquier, et je ne me retrouve plus la même tête. On l’a chargée de poudre, d’épingles noires et d’un grand coussin. Je doute que vous me reconnussiez, car ma physionomie est toute différente de ce qu’elle était sans coiffure. Accoutumée à m’arranger moi-même, je crains que je n’y réussisse pas de si-tôt, tant ma chevelure se trouve entortillée, ou tapée, comme on dit en termes de l’art.

Le bal de ce soir me met mal à mon aise ; car vous savez que je n’ai jamais dansé qu’à l’école. Madame Mirvan me dit cependant qu’il n’y a pas là de quoi être embarrassée ; je n’en souhaite pas moins que cette fête soit passée.

Adieu, mon cher monsieur ; excusez, de grâce , le fatras dont cette lettre est remplie : peut-être le séjour de la capitale polira-t-il mon style, et que dans la suite je pourrai vous offrir une correspondance plus digne de votre attention. En attendant, je suis, en dépit de monpeu de savoir, &c.

Évelina.

La pauvre miss Mirvan est obligée de refaire tous ses bonnets, qui ne sont pas montés à la hauteur des coiffures de Londres.

LETTRE XI.

Suite de la Lettre d’Évelina.

Mardi matin, 5 avril.

J’ai bien des choses à vous dire, et je passerai la matinée à vous écrire. Je m’étais proposé, à la vérité, d’employer mes soirées à vous rendre compte des aventures du jour ; mais cet arrangement devient impossible : les divertissements de cette capitale sont poussés si avant dans la nuit, que si je voulais m’occuper encore après le souper, il me faudrait renoncer entièrement au sommeil.

Nous avons passé hier une soirée des plus extraordinaires. Comme nous étions invitées à ce qu’on appelle ici un balprivé, je comptais n’y trouver qu’une douzaine de personnes : au lieu de cela, je suis tombée au milieu d’un demi-monde. Imaginez-vous deux grandes salles, remplies autant qu’elles pouvaient l’être ; dans l’une, on avait dressé des tables à jeu pour les femmes mariées ; l’autre était pour la danse. Ma mère (car madame Mirvan me nomme toujours sa fille) nous dit qu’elle resterait avec Marie et moi, jusqu’à ce que nous fussions pourvues de danseurs, et qu’ensuite elle irait faire sa partie.

Les hommes passaient et repassaient devant nous, semblaient se dire qu’ils étaient sûrs de nous, comme si nous n’étions-là que pour attendre l’honneur, de leurs ordres. Ces messieurs se promenaient d’un air distrait et nonchalant, vraisemblablement pour nous tenir en suspens. Miss Mirvan et moi, nous ne fûmes pas les seules qui eûmes à nous plaindre ; aucune des femmes ne fut mieux traitée. J’étais piquée au point que je résolus de me passer de la danse, plutôt que de supporter de telles manières, et d’accepter le bras du premier venu qui daignerait me l’offrir.

Lesen Sie weiter in der vollständigen Ausgabe!

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