Famille de coeur - Lysiane Gast - E-Book

Famille de coeur E-Book

Lysiane Gast

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Beschreibung

La rencontre émouvante de trois générations de femmes battantes, courageuses et entrepreneuses. Chacune va bousculer sa zone de confort pour avancer autrement. Tout d'abord, Juliette, jeune et belle femme, au coeur d'or, à la sensibilité exacerbée. Elle refuse de participer à ce monde hyper connecté et veut construire sa vie en respectant ses valeurs. Au risque, parfois, de saboter ses relations et se heurter à une incompréhension. Sur la route, elle croise Sophie, quadragénaire enthousiaste, créative et bienveillante. Elle aime se challenger. Sa reconversion professionnelle constitue son nouveau défi. Après un divorce houleux, elle accorde une grande place à son rôle de maman, tout en savourant maintenant ses belles années de célibataires. L'Amour sera-t-il à nouveau au rendez-vous? Angèle les rejoint sur la piste du bal des amitiés. La soixantaine épanouie, elle fait partie de ces femmes inspirantes. Sereine, combative, rassurante avec ce grain de folie qui lui fait croquer l'existence malgré les épreuves. Un lien se crée, se renforce au fil de leurs échanges. Un souffle joyeux sur la famille que l'on choisit : la famille de coeur "L'auteure aurait pu aller dans la provocation, voire le militantisme (son prologue nous y amène.. mais non!!) justement elle raconte le quotidien de nos vies et mine de rien, elle nous fait réfléchir sur la société, le mouvement du monde, nos a-priori. Ce que j'ai aimé justement c'est la légèreté , elle a envie de parler d'amour, au sens large, tout en parlant de nos existences de femmes battantes.." "j'aime bien la puissance du féminin dans ce roman. On sent les femmes combatives, entrepreneuses et superbement courageuses. En fait on ne peut pas dire qu'il y a conflit de générations quand on lit leurs histoires, elles ont autant de fantaisie l'une que l'autre. Je me suis dit que j'aimerais bien moi vieillir avec autant de sérénité et de joie de vivre." " Ce qui m'a plu dans ce livre, c'est la façon fluide de raconter des histoires qui pourraient nous arriver à toutes. Une rencontre amoureuse qui dévie, une famille dysfonctionnelle, une mère paumée, un père idéalisé, un boulot qui ne convient plus.. . bref, j'ai adoré le chemin de Juliette car du haut de sa jeunesse, on sent la maturité et paradoxalement ANGELE qui semble ne plus avoir 25 ans batifole et s'amuse malgré les épreuves qu'elle a traversé. Ca donne envie d'appeler sa meilleure copine et papoter..

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Seitenzahl: 282

Veröffentlichungsjahr: 2023

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DU MÊME AUTEUR :

- Cupidon s’en(m)mêle, retrouver votre complicité amoureuse

- Le papillon s’envole, itinéraire de résilience

Retrouvez toute l’actualité de l’auteure sur :

Facebook : J’écris la vie.Lilly

Mail : [email protected]

Les rencontres sont comme les vagues de l’océan : certaines vous effleurent la peau, d’autres vous renversent.

TABLE DES MATIÈRES

Prologue

Angèle

Sophie

Juliette

Sophie

Juliette & Sophie

Angèle

Sophie & Adrien

Juliette

Sophie & Angèle

Juliette

Sophie

Angèle & Sophie

Juliette

Sophie

Juliette

Juliette et Sophie

Angèle

Juliette

Sophie

Angèle & Arthur

Juliette

Angèle

Sophie, Angèle & Arthur

Sophie & Arthur

Juliette

Angèle, Juliette, Sophie, Arthur, Mathis & les autres…

Remerciements

PROLOGUE

Quand j’ai décidé de reprendre l’écriture, j’avais quelques idées en tête. Celle qui dominait était le décalage entre mes pensées, mes valeurs, mon mode de vie et le monde auquel j’étais confrontée. De plus en plus souvent, je me disais : « la terre tourne en carré ou c’est moi qui déconne ? » J’observais cette frénésie perpétuelle au quotidien. Je n’arrivais plus à suivre ou, plus exactement, je ne voulais plus suivre. Mon QR Code était usé ! Tout à coup, je me suis dit que c’était sûrement une histoire d’âge et de temporalité. Je décidai alors de créer trois personnages de trois générations différentes. Ils m’aideraient pour traverser le temps et peut-être allais-je y trouver aussi une autre ligne de vie ? Une famille ?

Au fur et à mesure que je remplissais mes chapitres, je m’aperçus que mes trois compères étaient des femmes. Où sont les hommes ? Qu’est ce que j’avais contre le genre masculin ? En réalité, pas grand-chose !

Parfois, je n’arrivais pas à comprendre leurs attitudes et leurs façons de voir les choses, mais somme toute, elles construisaient notre capital différence. Je m’interrogeais et ne pouvais nier que c’était souvent eux qui provoquaient les guerres et partaient la faire comme un devoir de virilité absolue : « bats-toi, mon fils, tu seras un homme ! »

Ils trimballaient des siècles de valeurs patriarcales, cela ne devait pas être facile tous les jours. Nous les femmes restions à l’arrière-front, mais quel courage devions-nous avoir pour tout affronter seules ?

En fidèle observatrice de mes contemporains, je poursuivis mes investigations : les cours d’école ou les parcs publics étaient remplis de petits garçons qui se bataillaient, très tôt. À coups de pieds ou de poings, ils montraient qui était le plus fort. Devenus adolescents, je les retrouvais à se cracher dessus, à se calfeutrer sous des sweats informes, à être prêts à dégainer une arme, à faire des rodéos avec leurs motos pétaradantes. Un peu plus tard, ils étaient fiers d’avoir bu le plus grand nombre de verres d’alcool et de s’être défoncés.

Les filles copiaient sur eux, car elles se disaient « si je veux leur plaire et faire mon intéressante, j’ai intérêt à savoir tenir le verre et leur montrer que moi aussi je suis un vrai mec ». Cependant, elles continuaient à utiliser toute leur panoplie pour séduire puisque la plupart de leurs ascendances leur avaient enseigné « sois belle et tais-toi ». La notion d’image, en particulier avec l’arrivée du virtuel, n’avait fait que les conforter dans l’exhibition de leurs corps, de leur intimité, juste pour montrer qu’elles existaient, alors même qu’elles réfutaient l’idée de se savoir désirables. Je veux, mais je ne veux pas !

À partir de cela, je me suis encore un peu plus interrogée sur cette différence qui, mine de rien, nous avait tous éloignés les uns des autres. L’amour, il était où ? Où se planquait-il ? Pourquoi partait-il en voyage et ne revenait-il pas ? J’étais face à un constat : de plus en plus de célibataires. Que dire de l’individualisme que l’on voyait s’installer partout ? Chacun pour soi ou moi d’abord !

En poursuivant mes observations, je ne comprenais toujours pas pourquoi ces messieurs tapaient dans un ballon en criant, voir se cassaient les cordes vocales quand ledit ballon entrait dans une cage en maille torsadée !

Je les regardais aussi dans la course au pouvoir : c’était une année électorale, on devait élire le big boss qui allait nous diriger pour cinq ans. Là j’ai tout vu : le petit roquet qui refaisait l’histoire, et envisageait l’avenir avec une démographie basée sur le volontariat des gens de la campagne :

- Si tu fécondes une femelle, tu auras une prime agricole !

Il rugissait, il montrait son doigt d’honneur, il était ravi de remettre la femme à la cuisine et les étrangers à leur place d’Étranger. Jusque là, je me suis dit « chante beau merle, personne ne te suivra » sauf que force est de constater qu’il y avait quelques millions de personnes qui approuvaient.

Je me suis donc penchée sur le ronchon, fort sympathique d’ailleurs. Un jour, comme beaucoup, j’avais constaté sa vraie personnalité. Il se croyait au-dessus des lois et il voulait refaire toutes les règles et le peuple travailleur buvait ses paroles. L’exemplarité était où ? Peut-être partie en voyage elle aussi !?

Il y en avait un autre que j’aimais bien parce que sa jeunesse était à mes yeux une force pour l’avenir de nos petits-enfants. Suffisamment avancée dans l’âge, j’aime l’idée de laisser la place aux jeunes. Il avait voulu sauver notre brave pays travailleur de tous les méandres d’une économie bousculée par une saloperie de virus invalidant. Il avait alors choisi d’ouvrir le porte-monnaie de Mme France et avait donné beaucoup d’argent pour la sauver du déclin tant décrié par ses collègues attisés par le pouvoir. On le lui reprochait. De toute façon, on lui reprochait à peu près tout, même d’aimer une femme plus âgée que lui. Même l’amour c’était du faux ! En gros, quoi qu’on fasse, me dis-je, il y a toujours une grande foule de pleurnicheurs. Quand est-ce qu’ils seront heureux ?

Dans ma liste, il me restait à découvrir deux hommes de belle prestance. On ne me refera pas, j’aime l’élégance. Ces deux Messieurs l’étaient. Plutôt « beaux hommes » en plus. Ça vous gêne que je le dise ? On ne se gêne pas du tout à le répéter aux femmes, si tu es belle, ce sera plus facile pour toi… Le premier me touchait puisqu’il était censé se batailler pour un monde plus écologique, plus en respect avec Dame Planète. J’adhérais vraiment aux idées, mais pas convaincue de l’efficacité de sa campagne. Il a fait un flop retentissant hélas !

Le second avait un regard à faire échouer les mouettes à ses pieds. Pour une nana, on aurait pu dire que sa poitrine nous obligeait à lâcher le volant ! J’aimais bien ce qu’il disait, il parlait « vrai » comme on dit ! Sauf que Monsieur et Madame Sondage n’étaient pas très généreux à son encontre. C’est pas grave, me dis-je, au moins il a suscité quelques réflexions de bon sens ! Parce que le bon sens, voilà bien mon sujet, lui aussi, il était parti en voyage et loin, loin, très loin ! Je n’ai pas oublié les femmes courageuses qui osaient affronter le vote d’une nation, mais ce n’est pas mon avant-propos ! J’aurais donc pu continuer une liste longue comme le bras, mais mon coude se serait fatigué.

Comme je ne savais pas grand-chose de la vie des puissants, des décideurs de haut vol, je suis revenue dans ma terre nourricière. Je n’arriverais pas à écrire un livre sur ce monde qui tourne en carré, car j’allais m’épuiser. Et cela risquait d’être barbant ! D’autres s’en chargeraient.

C’est sûrement à ce moment-là que sont apparus mes trois compères féminins. Messieurs, je ne vous oublierai pas, vous serez les adorables partenaires de mes trois sublimes héroïnes. Comme dans la Vraie vie! Elles vont nous raconter leur quotidien, leurs doutes, leurs joies, leurs émotions en toute sincérité.

Si j’avais été une femme politique engagée, j’aurais remis l’Amour au premier plan. Quand je vous dis que je ne suis pas faite pour ce poste, vous me suivez mieux maintenant ?! L’Amour ne sera jamais au programme ! Alors, inventons-le ensemble ! Avec Juliette, Sophie, Angèle...

M’étant un peu égarée, je vous replante le décor ! Tout d’abord, place au respect de l’âge. Angèle arrive la première dans mon scénario :

Angèle est une femme époustouflante. Fascinante, presque magique, en tout cas, tellement apaisante et sereine. Elle a dépassé la soixantaine, mais sa personnalité virevoltante et enthousiaste n’a rien à envier à une jeunesse désabusée. Elle a roulé sa bosse, appris de ses expériences et grandit avec les épreuves. Elle a plaqué sa vie d’avant, pour revenir à ce qui lui est essentiel : la nature, les animaux, la terre, respirer, vibrer. Dans cette nouvelle vie, elle a pu conjuguer une très belle, mais trop courte histoire d’amour. Après s’être effondrée, elle a entrepris de poursuivre un chemin qui la passionne : construire un univers d’art et de cuisine. Ainsi était née Can’Arts, là-bas, dans les Landes, la région de la bonne chère.

Pour l’aider à avancer, j’ai imaginé Sophie, une quarantenaire pétillante, entreprenante et surtout très affectueuse. Une nature humaine riche en valeurs et en ouverture d’esprit. Peut-être une fille de substitution pour Angèle ? Sophie arriva sur ma page blanche telle une comtesse de Ségur passionnée par l’écriture. Le Sud-Ouest l’avait accueillie pour ses nouveaux projets. Sophie est joyeuse, radieuse, courageuse, pleureuse aussi. On est loin des Malheurs de Sophie,1 mais il y a un peu de mélancolie, de nostalgie chez cette femme par ailleurs si radieuse. Elle n’a pas de filtres, ce qui la rend « attachiante ». Elle a été enseignante et arrivée à la quarantaine, dégagée de ses obligations familiales et professionnelles, elle a ouvert une immense porte, celle de se réaliser dans ce qu’on aime. Sophie a travaillé comme une acharnée et, en chemin a fait de magnifiques rencontres.

Juliette, belle jeune fille, environ vingt-cinq ans. Elle a été confrontée à une épreuve terrible. Elle est arrivée sur ma page un jour d’hiver, avec son joli prénom de chanteuse des années soixante. Ma Juliette allait avoir du Roméo à nous raconter. Elle possédait l’insouciance de la jeunesse, mais aussi la maturité de ses blessures intérieures. Dans sa vie sentimentale, elle a fait quelques erreurs de casting, elle a affronté ses tristesses, béni ses joies et elle dévore la vie avec gourmandise, comme quelqu’un qui sait que tout peut s’arrêter. Elle a l’ambition d’une vie basée sur le partage, la solidarité. Un monde plus juste, plus équitable. Il lui manque des appuis, du soutien et de la reconnaissance.

Sophie et Angèle vont-elles ramener le soleil sur ce bel arc-en-ciel ?

1Les Malheurs de Sophie, Comtesse de Ségur

ANGÈLE

Le temps n’a pas d’emprise sur notre imaginaire...

Laissons-le aller aux rythmes de nos folies !

Profitons du merveilleux qui s’offre à nous, sachons l’apprécier.

Pierre ADONIS

Ça y était, Angèle mettait le chiffre six devant son âge ! Le temps s’était écoulé à la vitesse de l’éclair. Avec des orages, des arcs-en-ciel et aussi, souvent une canicule à faire palir le désert ! Maintenant, Angèle s’était posée dans un lieu de vie qui la rendait heureuse, épanouie, en total accord avec ses désirs. Elle avait besoin de peu, car elle pensait souvent qu’avec peu, on peut faire beaucoup !

Lorsqu’elle avait décidé de s’installer ailleurs, il y avait eu un grand entrain. Certainement l’avantage de la liberté d’action. Elle avait arpenté plusieurs villes, plusieurs régions. Elle avait adoré l’Alsace pour ses jolis villages fleuris, sa cuisine, sa bonhommie. Puis vite, elle s’était rendue compte que ne pas parler l’alsacien ne faciliterait pas les échanges. Elle avait alors entrepris de partir en Normandie. La ville d’Honfleur l’attirait beaucoup. Elle avait cru y trouver un lieu où associer gourmandise du ventre et créativité. Malheureusement, elle se heurta à des coûts prohibitifs qui l’empêchèrent de réaliser son projet. Le tourisme avait créé un marché secondaire et les loyers devenaient exorbitants pour les locaux.

C’était ailleurs qu’elle devrait trouver son nid. Elle faisait confiance à son intuition.

La mouette en elle s’envolerait vers d’autres cieux. Elle choisit de parcourir un peu la France. Pourquoi ne pas s’arrêter à Nantes ? Une grande ville, une campagne proche, l’océan pas très loin, un lieu touristique. Son arrivée à Nantes se fit par le TGV, pratique et rapide. Elle séjourna une semaine sans parvenir à trouver ses repères.

Quand cela ne doit pas se faire, inutile de perdre son énergie. Savoir écouter un « non » et en tirer les conclusions qui s’imposent. C’est là que lui vint une idée : dans ce cher Sud-Ouest qu’elle adorait pour l’avoir arpenté pendant de nombreuses vacances, il y avait encore plein de petits villages qui ne demanderaient pas mieux que d’accueillir de nouveaux habitants. Surtout s’ils étaient plein de vie et de projets…

Elle arriva à Bordeaux en décembre. Le soleil était bas et la pluie était courante. Des torrents d’eau, presque un déluge. Ça n’allait pas faire du bien à ses articulations, mais qu’importe !

Elle se dirigea vers Biarritz parce que cette ville l’avait toujours attirée. Elle se logea chez un couple de personnes âgées qui avaient aménagé une maisonnette au fond de leur jardin. Elle trouva le lieu charmant. Tellement calme dans la frénésie locale.

Elle loua mois par mois pour se garder une marge de manœuvre. Très vite, elle trouva un emploi d’assistante chez un artisan.

Doucement, une relation de voisinage fort harmonieuse se créa avec ce couple âgé et presque dépendant. Pendant plus d’un an, elle les aida beaucoup. Au quotidien pour les courses, les rendez-vous médicaux, le jardinage, les soirées de nostalgie.

- On s’est pris d’amour, se disaient-ils le soir dans la cuisine, en train de siroter la tisane ou, les grands soirs, trinquant avec un petit verre de Patxaran maison.

Ce couple n’avait pas d’enfant, aucune famille encore en vie. Angèle aurait pu être leur fille. Elle était chaleureuse, gentille, fondamentalement généreuse, une femme de tête et de cœur comme on en rencontre peu. Elle savait rendre service sans le faire sentir, qualité rare. On sentait que tout était bonté chez Angèle. Et ces deux personnes âgées lui étaient fort reconnaissantes de tout son dévouement auprès d’elles.

Un jour, Marcel ne se réveilla pas. Il était parti pendant son sommeil. Angèle aida beaucoup sa veuve dans cette épreuve. Très présente, très affectueuse, pas envahissante, mais une vraie épaule bienveillante et compatissante. Pendant presque deux mois, elle passa toutes ses soirées avec sa voisine tant affaiblie. Berthe, la vieille dame, avait bien du mal, après cinquante-quatre ans de mariage, à se retrouver seule du jour au lendemain. Elle était encore alerte, mais usée. Souvent, elle racontait à Angèle combien son désir de maternité non assouvi avait abimé sa vie. Combien elle était peinée de n’avoir pas pu transmettre, et c’était le grand drame de sa vie.

Un soir, lors d’une longue conversation sur le devenir de la maison, Berthe proposa à Angèle de racheter à un prix amical la maisonnette au fond du jardin.

- Je vois que vous en prenez soin, je n’en ferai rien et n’ayant pas d’héritier direct, je préférerais que ce soit vous qui puissiez en jouir pleinement.

- Je suis extrêmement touchée par votre proposition et maintenant que je vous connais bien, je sais que refuser serait vous blesser.

- Vous me connaissez bien en effet ! Mon mari l’aurait voulu ainsi également. N’ayez pas de scrupules mal placés. Vous ne pouvez pas savoir combien je vous suis reconnaissante de tout ce que vous faites pour moi. Nous allons tous partir un jour, mais votre présence m’aide à supporter la douleur de ma solitude actuelle.

- Je saurai honorer votre bonté et votre générosité, je vous le promets solennellement.

L’acte de propriété avait été signé chez le notaire, avec quelques larmes d’émotions de part et d’autre. Ces deux femmes s’aimaient profondément, elles ne savaient pas vraiment pourquoi, mais parfois il est inutile de trouver une explication à l’amour. Leur générosité de cœur réciproque avait dû largement y contribuer.

Angèle avait maintenant plus qu’un pied dans le Sud-Ouest ! Son projet de s’y installer était devenu plus que réalité, elle était propriétaire. Une nouvelle page blanche s’ouvrait. Angèle avait rarement ressenti un tel équilibre. Les choses s’enchaînaient comme jamais. Entre-temps, elle avait trouvé un nouvel emploi avec un employeur compréhensif, des horaires souples et aménageables, une merveilleuse voisine... quoi de mieux pour écrire la suite de l’histoire ?

Au bout de quelques mois à Biarritz, Angèle s’était fait de nouveaux amis. Elle allait toutes les semaines au marché sur la grand-place. À force de fréquenter les commerçants locaux, ils lui avaient proposé des soirées, des moments de partage. Les contrebandiers ou le Café du commerce étaient devenus leur QG d’après marché. Un homme en particulier lui avait fait tourner un peu la tête et beaucoup le cœur. Il avait une petite ferme dans l’arrière-pays et élevait du canard, de l’oie. Il les transformait en produits merveilleux. Chaque semaine, il venait les vendre au marché. Angèle se régalait avec son cou farci, ses confits, ses magrets, ses terrines. Ils discutaient beaucoup ensemble, puis un jour, Raphaël proposa un dîner dans un restaurant qui venait d’ouvrir :

- J’ai envie de le découvrir, veux-tu m’accompagner ?

- Avec plaisir, moi quand tu me parles « manger bon » je suis toujours là !

Après cette soirée pleine de confidences, d’effleurements de mains, de fous-rires, la magie culinaire entraîna la magie du cœur. Et du corps ! Le temps leur était compté, inutile de le gaspiller...

Leurs sentiments naissants évoluaient doucement. Elle se sentait en totale sécurité avec cet homme tranquille, rassurant, fiable, tellement drôle aussi. Au bout de quelques mois, ils décidèrent de partager un voyage en amoureux pour savoir ce que le quotidien allait impliquer entre eux. Ils partirent en Grèce, découvrir les îles des Cyclades. Un bateau les accueillit au port du Pirée, départ pour l’île de Ios. Ils avaient loué une maisonnette chez une vieille dame grecque, très couleur locale. Elle les reçut dans un « charivari » verbal impressionnant. Elle parlait vite, faisait des signes, rigolait puis s’exprimait par gestes dans tous les sens. En fait ils n’avaient rien compris à ce qu’elle leur racontait. Dès qu’elle s’éloigna, ils piquèrent un fou-rire jusqu’à s’étouffer. Leur séjour commençait bien et après avoir arpenté les petites ruelles de cette ile dédiée à la fête nocturne, ils apprécièrent la cuisine locale. Là encore, ils étaient totalement en accord :

- C’est bien vrai que la cuisine grecque est délicieuse et ils ont à peu près tout compris, pas d’artifices, de bons produits et cuisinés simplement.

- J’ai toujours pensé que lorsque le produit est bon, pas besoin de « chichi » cela le tuerait, lui rétorqua Raphaël.

Deux jours plus tard, ils se rendirent à Santorin. Les ânes avaient pris leurs bagages et les voici à grimper les 588 marches. De retour à leur maison d’hôtes, sous un soleil de plomb, une douche et une sieste câline étaient ce qu’ils avaient de mieux à vivre… Ces deux-là ne se rassasiaient de rien, de vrais gourmands de la vie. Pendant deux jours, ils arpentèrent les petites rues de cette île à la vue somptueuse. Un merveilleux endroit pour roucouler tendrement. Ils entrèrent dans les tavernas déguster les vins locaux. L’église du Dôme bleu, Firostefani puis une escale à Oia, au nord-ouest de Santorin les enchanta. Les maisons chaulées sur les falaises, de quoi faire tourner la tête. Angèle et Raphaël avaient les leurs qui faisaient des cabrioles ! C’est si beau de s’aimer, comme cela, en dégustant l’instant présent.

Après cette parenthèse enchantée, ils pouvaient avancer ensemble. Les doutes s’étaient évanouis. Il ne restait plus que l’envie d’être réunis le plus souvent possible. Dès leur retour, tous leurs week-ends s’apprécièrent, chez l’un ou chez l’autre. Un peu plus souvent chez Raphaël qui avait des contraintes avec ses volailles.

Bien des mois plus tard, Angèle décida de rejoindre Raphaël dans sa ferme. Le temps passait vite et arrivé à un certain âge, on n’attend plus pour vivre, on décide et on agit.

Tous les deux, dès le matin à l’aube, ils préparaient leurs recettes culinaires. Raphaël avait expliqué à Angèle toutes les étapes de la fabrication. Elle adorait cette complicité dans leur façon de travailler ensemble. Petit à petit, elle amena son grain de sel, c’était le cas de le dire :

- Rajoute un peu de sel, pense à mettre du piment d’Espelette, si tu rajoutais un peu de genièvre ou de l’estragon, ça va parfumer.

Toutes les tentatives étaient permises :

- En cuisine comme dans la vie, si tu n’oses pas, tu ne risques pas de te tromper lui disait Raphaël.

C’était un peu ça d’ailleurs qui avait guidé leur relation : oser aller vers l’inconnu, prendre le temps de la découverte puis progresser au gré des désirs exprimés de chacun.

Ils vécurent sur un petit nuage pendant trois belles années. Une rare complicité et un amour sincère, authentique, rassurant. Angèle avait rarement connu d’aussi intenses moments de bonheur.

Puis un jour, Raphaël, passionné de quad, parti en forêt. Il avait décidé de ramener un plein panier de champignons pour une nouvelle recette qu’ils avaient élaborée tous les deux.

Angèle avait tué trois canards, les avaient plumés puis soigneusement nettoyés. Elle décida de s’offrir une tisane au coin de la cheminée. Elle rêvassait lorsqu’elle aperçut au loin le camion des pompiers. Comment se faisait-il qu’il se dirigeait vers le bois voisin ? Peut-être un promeneur imprudent ? Souvent les gens s’enfonçaient dans les pins ou les feuillus et se perdaient ou se blessaient, trop épuisés.

Elle continua sa fin d’après-midi en nettoyant tout le laboratoire de préparation des bestioles. Le carrelage était rutilant, blanc, brillant sous les mains expertes de la fée du logis Angèle ! Pas peu fière d’elle, elle retourna préparer le dîner pour son chéri.

Tout à coup, la sonnerie du portillon la fit sursauter. Une camionnette de la gendarmerie. Que se passe-t-il ? Les gendarmes connaissaient bien Raphaël, enfant du pays. Angèle ne leur était pas étrangère puisqu’elle était tout le temps avec lui aux marchés locaux.

- Madame Angèle, pouvons-nous entrer ?

- Oui bien évidemment, que me vaut votre visite ? Raphaël n’est pas rentré, il est parti avec son quad, je l’attends justement.

- Asseyez-vous Madame Angèle, nous avons une mauvaise nouvelle à vous annoncer.

Angèle devint tout à coup pâle comme un linge lessivé.

- Une mauvaise nouvelle, qu’est-ce que c’est ?

Elle pensa de suite à ses enfants. Elle ne les avait pas eus au téléphone de la semaine. Elle s’en voulait déjà de ne pas les avoir appelés.

- Notre brigade a été contactée en début d’après-midi par un témoin d’un accident dans le bois, pas très loin du chemin de Bellevue.

Angèle entendit le début de la phrase puis plus rien, un immense blanc. Le brigadier s’approcha d’elle et essaya de capter son attention avec beaucoup de douceur.

- Madame Angèle, ça va ? Voulez-vous un verre d’eau ?

Angèle était prostrée, muette. Le gendarme était affreusement mal à l’aise, même s’il était formé à annoncer des bonnes comme des mauvaises nouvelles. On ne s’habitue jamais à cela.

- Nous avons appelé de suite les pompiers et votre conjoint a été transporté à l’hôpital de Dax.

Angèle avait compris. Elle avait deviné à l’instant même où ce gendarme lui avait demandé de s’asseoir. Le ressenti immédiat d’un drame.

- Comment va-t-il ?

- Nous sommes au regret de vous annoncer que Monsieur Durvet est décédé lors de son transfert à l’hôpital.

Angèle était là, blême. Elle regardait le gendarme et souriait.

Une réaction étrange se dira-t-elle bien plus tard quand toute la scène lui reviendra dans ses nombreux cauchemars.

Elle alla chercher un verre d’eau, et en revenant avec la cruche posée sur un plateau, elle le laissa tomber au sol. Une immense éclaboussure, tout s’écroulait autour d’elle.

Puis le cri de Angèle. Strident, déchirant, sauvage, une plainte qui s’étouffa avec les pleurs.

Le brigadier ramassa les éclats de verre, essuya l’eau. Sans un mot, juste des gestes précis et posés pour arriver à retrouver ses esprits.

- Madame Angèle, pouvez-vous prévenir un proche pour qu’il vienne vous accompagner ?

Angèle obéit, prit le téléphone et appela le meilleur ami de Raphaël. Il n’habitait pas loin. Pablo comprit en deux minutes que cet appel était un SOS de détresse, la voix de Angèle était à peine audible. Elle si forte, si pétillante, il sentit qu’il y avait urgence.

- J’arrive.

Un quart d’heure d’attente. Interminable.

Angèle s’affairait, tournait en rond. Une bonne dizaine de fois, elle alla jusqu’à l’évier puis retourna s’asseoir.

- Madame, nous allons faire nos investigations et nous vous tiendrons informée des circonstances de son accident. Nous avons fait des relevés au sol et de prime abord il n’allait pas trop vite.

- Je m’en fous de sa vitesse, je m’en fous, je m’en contrefous !

Angèle recommença à hurler, puis à pleurer. Une cascade de larmes. C’est à ce moment-là que Pablo arriva. Pas besoin de lui dire quoi que ce soit, la scène qu’il avait devant lui était suffisamment éclairante. Il prit Angèle dans ses bras et fit signe aux gendarmes qu’ils pouvaient partir. Ceux-ci remirent leurs képis et fermèrent la porte délicatement. C’est à ce moment-là que Angèle crut entendre le retour de SON si cher Raphaël, mais non ce n’était que le départ des agents de la paix.

Un voile noir drapa les jours suivants pour Angèle. Elle s’affaira, géra ce qui devait être fait, prévint tout le monde, organisa les obsèques avec Jérôme, le fils de Raphaël.

Pourquoi lui demandait-on comment il était mort ? Il était parti, voilà tout. Elle devint une loque humaine en à peine quelques jours. Impossible de manger et de dormir.

Après l’enterrement, elle se rappela que ses canards si bien nettoyés étaient restés dans la chambre froide. Elle ouvrit la porte avec force et prit les canards et les déchira avec un acharnement inconnu jusqu’alors. Elle hurlait de rage.

Où allait-elle chercher cette force ? La colère s’exprimait. Elle tapait les cuisses déchiquetées puis les ailes, les gésiers. Elle hurlait en même temps, une vraie furie.

Elle alla jeter tout cela au fond du jardin. Elle décida de faire un feu. Elle prit le petit bois haché consciencieusement par Raphaël l’hiver dernier. Tout lui faisait penser à ce merveilleux amoureux.

Quoi faire ? Que dire ? Quoi penser ?

Un nuage d’ombre s’affala sur elle pendant des mois. Elle ne cessa de faire des allés-retours entre sa maisonnette biarrote et le campement chez Raphaël. Elle ne pouvait abandonner toutes ses volailles. Dès qu’elle arrivait, toute la maisonnée chantonnait. Raphaël n’était plus là, mais elle le sentait tellement présent dans son cœur, dans ses gestes quotidiens, dans sa maison. Elle lui parlait, lui demandait son avis.

Elle avait l’impression qu’il devenait une étoile guidante au-dessus d’elle. Il lui répondait avec son sourire et elle trouva ainsi la force pendant quelques mois de continuer à ouvrir l’atelier le CanArts.

Par un beau jour de mai, elle s’effondra. C’était le printemps, sa saison préférée. Les crocus avaient ouvert le bal et elle s’était ensuite émerveillée devant les tulipes multicolores puis les giroflées et les campanules qui ornaient tout le mur entourant l’atelier.

C’était beau, gai, enivrant même parfois. Toutes ces délicieuses couleurs et senteurs.

Ce jour-là, elle s’écroula sur le transat que Raphaël lui avait acheté l’an passé. Elle voulait faire une courte sieste, mais elle ne put se relever. C’était au-dessus de ses forces. Que se passait-il ? Pourquoi son corps ne lui répondait-il plus ?

Un riverain l’avait trouvée là, quelques heures plus tard. Elle était comme hébétée, ailleurs, totalement avachie, recroquevillée sur sa douleur. Son corps disait stop.

David, son voisin attentionné, l’aida à aller se coucher et lui dit avec beaucoup de compassion :

- Reposez-vous, ne vous occupez pas des bêtes, je m’en charge. Demain matin, faites une grasse matinée et venez donc nous voir pour le déjeuner, on verra ce qu’on peut faire pour vous.

Le lendemain, après plus de quinze heures de sommeil elle arriva chez son voisin. Il l’accueillit avec un sourire et les yeux encore pleins d’émotions.

- Alors Madame Angèle, bonne nuit ? Avez-vous bien récupéré ?

- Oh oui j’ai fait ma marmotte et je crois que j’en avais besoin.

- Oui, je pense que vous êtes épuisée par la tâche et toutes vos allées et venues entre Biarritz et ici. Cela fait beaucoup, je vous admire et je me demande comment vous tenez.

- Je ne le sais pas moi-même, je suis en mode pilotage automatique.

- Pourquoi ne pas vendre ? Ou votre appartement de Biarritz ou ici ?

- Mais, ici, vous savez bien que je ne suis pas propriétaire, d’ailleurs je ne me suis jamais occupée de cela, je ne sais même pas pourquoi le fils de Raphaël ne m’a pas virée ?

- Moi je sais que c’est l’étoile de Raphaël qui brille au-dessus de vous.

- Avais-je le choix de tout laisser tomber comme ça, toute une vie de travail ?

- Je ne sais pas, mais ce que je voulais vous dire c’est que Jérôme m’a contacté deux mois environ après le décès de son père et il voulait savoir ce qui était le mieux pour vous, pour Can’Arts.

- Ah bon je ne savais pas, il ne m’en a jamais parlé.

- Non il voulait vous préserver, je crois. Comme il a vu que vous vous débattiez avec votre rage et votre douleur dans l’atelier, il n’a pas voulu précipiter les choses.

- C’est gentil à lui, il est à l’égal de Raphaël, c’est un homme bien, je l’apprécie beaucoup.

- Oui, il est très arrangeant en général et là je crois qu’il a envie que vous repreniez l’affaire de son père. Il ne voudrait pas voir l’atelier partir aux mains d’une personne totalement éloignée de ce lieu. C’est un peu de sa vie d’adolescent ici.

- Je vais lui en parler, si il veut que je parte, je le ferai.

- Je ne crois pas que ce soit ce qu’il veuille, mais parlez-lui, vous avez bien raison, cela vous soulagera aussi.

Angèle avala son déjeuner, retrouva son entrain et s’en retourna à l’atelier, regonflée. Elle pensa à Jérôme qui avait voulu la préserver. Le soir même, elle l’appela et lui proposa de venir dîner à la fin de semaine. Il était ravi, car il avait senti à sa voix que Angèle reprenait de l’assurance, de celle qui faisait toute son admiration.

Le dîner fut préparé avec soin : un beau confit avec les pommes de terre salardaises. Elle avait concocté une entrée avec son dernier cou farci aux champignons et au foie gras. Un délice !

Ils parlèrent un peu de tout et abordèrent le sujet de la succession au dessert.

- Dis-moi Jérôme, qu’en est-il de la succession de ton père ?

- Je ne t’en en ai jamais parlé, car j’avais la tête dans le guidon et nous avions tous les deux notre propre chagrin à gouverner, mais maintenant je voudrais bien savoir ce que tu veux faire avec l’atelier ?

- Oui, il est temps que tu récupères ton bien, c’est ça ?

- Pas du tout, Angèle, je te suis fort reconnaissant de t’en être occupée ainsi. Cela m’a enlevé une épine du pied au moment où j’étais écroulé par le décès brutal de papa.

- Oui, je suis souvent venue ici, car je ne pouvais pas laisser tomber Can’Arts. C’était faire mourir Raphaël une seconde fois.

- Justement Angèle, je n’ai rien dit, car j’ai vu que c’était devenu aussi ta vie, ta raison de vivre du moins l’ai-je interprété ainsi ?

- Oui un peu, cela m’a aidée à surmonter le choc.

- Alors avec le notaire, nous avons décidé que je pouvais te laisser l’usufruit de l’atelier.

- L’usufruit, c’est-à-dire ?

- J’en reste propriétaire de droit, mais tu l’occupes et tu le fais prospérer à ta guise. On va créer un contrat un peu spécial pour te protéger dans ce que tu entreprendras, mais de ma part, tu as carte blanche. Et plus tard, je te vendrai à un prix modique l’ensemble. Tu es ainsi libre d’agir. Je pense que c’est ce qu’aurait voulu papa, il t’aimait beaucoup et votre complicité a créé bien des envieux.

Une larme glissa le long de la joue de Angèle :

- Ce qui veut dire que je peux continuer l’exploitation de l’atelier ?

- Oui, tu peux. Il te faudra me verser un loyer faible, par exemple deux cents euros par mois, histoire de ne pas être trop dans l’illégalité par rapport à ton activité professionnelle. Est-ce que cela te conviendrait ?

- J’ai besoin d’y réfléchir, car j’ai ma maisonnette à Biarritz que je ne peux pas laisser vacante et je ne sais pas quoi faire.

- Réfléchis le temps qu’il te faudra, je retarde la succession encore un peu, je vais trouver des arguments. Et le notaire est très conciliant.

Ils dégustèrent le dessert, le café et échangèrent beaucoup de souvenirs qui réchauffèrent leurs cœurs endoloris. Le lendemain Angèle rentra chez elle, retrouver Biarritz et gérer un peu d’inten-dance.

Tout à coup, cette maisonnette, qu’elle avait adorée, lui sembla moins correspondre à ses besoins. Il lui manquait le bruit des volailles, l’odeur des champs, des bois, le souffle du vent dans le gros hêtre. Un dilemme se présentait à elle : à quoi bon continuer à garder et l’atelier et cette maison biarrote ? Elle ne pourrait pas éternellement gérer les deux et les déplacements entre l’une et l’autre commençaient à la gêner. Lorsque Raphaël l’attendait, la route était un élan de joie pour rejoindre son amoureux. Lorsqu’elle arrivait maintenant, seuls les gloussements des volailles l’accueillaient. Elle aimait cela, mais somme toute, est-ce que cela avait du sens, maintenant, sans Raphaël ?

Elle passa presque tout le week-end à appeler ses proches amis pour leur exposer ses ressentis. Angèle agissait toujours ainsi. Lorsqu’elle n’arrivait pas à prendre une décision, elle faisait appel à son entourage. Elle les savait proches, sincères, objectifs et certains ne lui épargnaient rien, car ils la connaissaient bien. Le dimanche, elle avait trouvé quelques pistes. Pourquoi se séparer de la maisonnée de Biarritz ? Elle lui était arrivée grâce à un élan d’amour et ça, elle ne pourrait jamais l’oublier. Il lui fallait donc respecter cette marque affective. Cela faisait peu de temps en plus que Berthe avait fermé ses yeux et elle ne pouvait la trahir ainsi.

Can’Arts