Hernani ou l'Honneur castillan - Victor Hugo - E-Book

Hernani ou l'Honneur castillan E-Book

Victor Hugo

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Beschreibung

Le roi d'Espagne Don Carlos est amoureux de Doña Sol, femme promise à Don Ruy Gomez. Doña Sol, elle, aime Hernani, un homme dont le père a été tué par le père de Don Carlos. Hernani veut se venger mais les deux hommes amoureux de Doña Sol se rencontrent, et se provoquent en duel.

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Personnages

HERNANI.

DON CARLOS.

DON RUY GOMEZ DE SILVA.

DONA SOL DE SILVA.

LE ROI DE BOHÈME : Électeur du Saint-Empire romain.

LE DUC DE BAVIÈRE : Électeur du Saint-Empire romain.

LE DUC DE GOTHA : Seigneur allemand.

LE BARON DE HOHENBOURG : Seigneur allemand.

LE DUC DE LUTZELBOURG : Seigneur allemand.

IAQUEZ : Page de Silva.

D. SANCHEZ : Espagnol.

D. MATIAS : Espagnol.

D. RICARDO : Espagnol.

D. GARCIE SUAREZ : Espagnol.

D. FRANCISCO : Espagnol.

D. JUAN DE HARO : Espagnol.

D. GUSMAN DE LARA : Espagnol.

D. GIL TELLEZ GIRON : Espagnol.

Un Montagnard.

DONA JOSEFA DUARTE : duègne.

Une Dame.

Premier Conjuré.

Deuxième Conjuré.

Troisième Conjuré.

Conjurés de la Ligue Sacro-Sainte, Allemands et Espagnols.

Montagnards, Seigneurs, Soldats, Pages, Peuple, etc.

1519

La scène est à Saragosse aux premier, second et cinquième actes ; dans les environs de Saragosse au troisième ; à Aix-la-Chapelle au quatrième.

Sommaire

Acte I

Scène I

Scène II

Scène III

Scène IV

Acte II

Scène I

Scène II

Scène III

Scène IV

Acte III

Scène I

Scène II

Scène III

Scène IV

Scène V

Scène VI

Scène VII

Scène VIII

Acte IV

Scène I

Scène II

Scène III

Scène IV

Scène V

Scène VI

Scène VII

Acte V

Scène I

Scène II

Scène III

Scène IV

Scène V

Scène VI

Acte I

Une chambre à coucher. – La nuit. – Une lampe sur une table.

Scène I

Dona Josefa Duarte, vieille, en noir, avec le corps de sa jupe cousu de jais à la mode d’Isabelle la Catholique, Don Carlos.

DONA JOSEFA seule. Elle ferme les rideaux

cramoisis de la fenêtre, et met en ordre quelques

fauteuils. On frappe à une petite porte dérobée à

droite. Elle écoute. On frappe un second coup.

Un nouveau coup.

Serait-ce déjà lui ? C’est bien à l’escalier

Dérobé.

Un quatrième coup.

Vite, ouvrons.

Elle ouvre la petite porte masquée. Entre don Carlos, le manteau sur le visage et le chapeau sur les yeux.

Bonjour, beau cavalier.

Elle l’introduit. Il écarte son manteau, et laisse voir un riche costume de velours et de soie à la mode castillane de 1519. Elle le regarde sous le nez et recule.

Quoi ! seigneur Hernani, ce n’est pas vous ? – Main-forte ! Au feu !

DON CARLOS, lui saisissant le bras.

Deux mots de plus, duègne, vous êtes morte !

Il la regarde fixement. Elle se tait effrayée.

Suis-je chez Dona Sol, fiancée au vieux duc

De Pastrana, son oncle, un bon seigneur, caduc,

Vénérable et jaloux ? Dites. La belle adore

Un cavalier sans barbe et sans moustache encore,

Et reçoit tous les soirs, malgré les envieux,

Le jeune amant sans barbe, à la barbe du vieux.

Suis-je bien informé ?

Elle se tait. Il la secoue par le bras.

Vous répondrez, peut-être.

DONA JOSEFA

Vous m’avez défendu de dire deux mots, maître.

DON CARLOS

Aussi n’en veux-je qu’un.– Oui, non. – Ta dame est bien

Dona Sol de Silva ? Parle.

DONA JOSEFA

Oui. Pourquoi ?

DON CARLOS

Pour rien.

Le duc, son vieux futur, est absent à cette heure ?

DONA JOSEFA

Oui.

DON CARLOS

Sans doute elle attend son jeune ?

DONA JOSEFA

Oui.

DON CARLOS

Que je meure !

DONA JOSEFA

Oui.

DON CARLOS

Duègne, c’est ici qu’aura lieu l’entretien ?

DONA JOSEFA

Oui.

DON CARLOS

Cache-moi céans.

DONA JOSEFA

Vous ?

DON CARLOS

Moi.

DONA JOSEFA

Pourquoi ?

DON CARLOS

Pour rien.

DONA JOSEFA

Moi, vous cacher ?

DON CARLOS

Ici.

DONA JOSEFA

Jamais.

DON CARLOS, tirant de sa ceinture un poignard et une bourse.

Daignez, madame,

Choisir de cette bourse ou bien de cette lame.

DONA JOSEFA, prenant la bourse.

Vous êtes donc le diable ?

DON CARLOS

Oui, duègne.

DONA JOSEFA, ouvrant une armoire étroite dans le mur.

Entrez ici.

DON CARLOS, examinant l’armoire.

Cette boîte !

DONA JOSEFA, refermant l’armoire.

Va-t’en, si tu n’en veux pas.

DON CARLOS, rouvrant l’armoire.

Si.

L’examinant encore.

Serait-ce l’écurie où tu mets d’aventure

Le manche du balai qui te sert de monture ?

Il s’y blottit avec peine.

Ouf !

DONA JOSEFA, joignant les mains avec scandale.

Un homme ici !

DON CARLOS, dans l’armoire restée ouverte.

C’est une femme, est-ce pas,

Qu’attendait ta maîtresse ?

DONA JOSEFA

Ô ciel ! j’entends le pas

De Dona Sol. Seigneur, fermez vite la porte.

Elle pousse la porte de l’armoire qui se referme.

DON CARLOS, de l’intérieur de l’armoire.

Si vous dites un mot, duègne, vous êtes morte.

DONA JOSEFA, seule.

Qu’est cet homme ? Jésus mon Dieu ! si j’appelais ?…

Qui ? Hors madame et moi, tout dort dans le palais.

Bah ! l’autre va venir. La chose le regarde.

Il a sa bonne épée, et que le ciel nous garde

De l’enfer ! (Pesant la bourse.)

Après tout, ce n’est pas un voleur !

Entre Dona Sol, en blanc, Dona Josefa cache la bourse.

Scène II

Les mêmes, Dona Sol, puis Hernani.

DONA SOL

Josefa !

DONA JOSEFA

Madame !

DONA SOL

Ah ! je crains quelque malheur.

Bruit de pas à la petite porte.

Hernani devrait être ici. – Voici qu’il monte.

Ouvre avant qu’il ne frappe, et fais vite, et sois prompte.

Josefa ouvre la petite porte. Entre Hernani. Grand manteau, grand chapeau. Dessous, un costume de montagnard d’Aragon, gris, avec une cuirasse de cuir, une épée, un poignard, et un cor à sa ceinture.

DONA SOL, courant à lui.

Hernani !

HERNANI

Dona Sol ! Ah ! c’est vous que je vois

Enfin ! et cette voix qui parle est votre voix ?

Pourquoi le sort mit-il mes jours si loin des vôtres ?

J’ai tant besoin de vous pour oublier les autres !

DONA SOL, touchant ses vêtements.

Jésus ! votre manteau ruisselle. Il pleut donc bien ?

HERNANI

Je ne sais.

DONA SOL

Vous devez avoir froid ?

HERNANI

Ce n’est rien.

DONA SOL

Ôtez donc ce manteau.

HERNANI

Dona Sol, mon amie,

Dites-moi, quand la nuit vous êtes endormie,

Calme, innocente et pure, et qu’un sommeil joyeux

Entrouvre votre bouche et du doigt clôt vos yeux,

Un ange vous dit-il combien vous êtes douce

Au malheureux que tout abandonne et repousse ?

DONA SOL

Ami, vous avez bien tardé !

Mais dites-moi Si vous avez froid.

HERNANI

Moi ? je brûle près de toi.

Ah ! quand l’amour jaloux bouillonne dans nos têtes,

Quand notre cœur se gonfle et s’emplit de tempêtes ;

Qu’importe ce que peut un nuage des airs

Nous jeter en passant de tempête et d’éclairs ?

DONA SOL, lui défaisant son manteau.

Allons ! donnez la cape et l’épée avec elle !

HERNANI, la main sur son épée.

Non. C’est mon autre amie, innocente et fidèle !

Dona Sol, le vieux duc, votre futur époux, Votre oncle est donc absent ?

DONA SOL

Oui, cette heure est à nous.

HERNANI

Cette heure ! et voilà tout. Pour nous, plus rien qu’une heure.

Après, qu’importe ? il faut qu’on oublie ou qu’on meure.

Ange ! une heure avec vous ! une heure, en vérité,

À qui voudrait la vie, et puis l’éternité !

DONA SOL

Hernani !

HERNANI, amèrement.

Que je suis heureux que le duc sorte !

Comme un larron qui tremble et qui force une porte,

Vite, j’entre, et vous vois, et dérobe au vieillard

Une heure de vos chants et de votre regard,

Et je suis bien heureux, et sans doute on m’envie

De lui voler une heure ; et lui me prend ma vie !

DONA SOL

Calmez-vous. (Remettant le manteau à la duègne.)

Josefa, fais sécher son manteau.

Josefa sort. Elle s’assied et fait signe à Hernani de venir près d’elle.

Venez là.

HERNANI, sans l’entendre.

Donc le duc est absent du château ?

DONA SOL, souriant.

Comme vous êtes grand !

HERNANI

Il est absent.

DONA SOL

Chère âme,

Ne pensons plus au duc.

HERNANI

Ah ! pensons-y, madame !

Ce vieillard ! il vous aime, il va vous épouser !

Quoi donc ! Vous prit-il pas l’autre jour un baiser ?

N’y plus penser !

DONA SOL, riant.

C’est là ce qui vous désespère !

Un baiser d’oncle ! au front ! presque un baiser de père !

HERNANI

Non ; un baiser d’amant, de mari, de jaloux.

Ah ! Vous serez à lui ! madame. Y pensez-vous ?

Ô l’insensé vieillard qui, la tête inclinée,

Pour achever sa route et finir sa journée,

A besoin d’une femme, et va, spectre glacé,

Prendre une jeune fille ! ô vieillard insensé !

Pendant que d’une main il s’attache à la vôtre,

Ne voit-il pas la mort qui l’épouse de l’autre ?

Il vient dans nos amours se jeter sans frayeur !

Vieillard, va-t’en donner mesure au fossoyeur !

Qui fait ce mariage ? on vous force, j’espère !

DONA SOL

Le roi, dit-on, le veut.

HERNANI

Le roi ! le roi ! Mon père

Est mort sur l’échafaud, condamné par le sien.

Or, quoiqu’on ait vieilli depuis ce fait ancien,

Pour l’ombre du feu roi, pour son fils, pour sa veuve,

Pour tous les siens, ma haine est encor toute neuve !

Lui, mort, ne compte plus. Et tout enfant, je fis

Le serment de venger mon père sur son fils.

Je te cherchais partout, Carlos, roi des Castilles !

Car la haine est vivace entre nos deux familles.

Les pères ont lutté sans pitié, sans remords,

Trente ans ! or c’est en vain que les pères sont morts,

La haine vit. Pour eux la paix n’est point venue,

Car les fils sont debout, et le duel continue.

Ah ! c’est donc toi qui veux cet exécrable hymen !

Tant mieux. Je te cherchais, tu viens dans mon chemin !

DONA SOL

Vous m’effrayez.

HERNANI

Chargé d’un mandat d’anathème,

Il faut que j’en arrive à m’effrayer moi-même !

Écoutez. L’homme auquel, jeune, on vous destina,

Ruy de Silva, votre oncle, est duc de Pastrana,

Riche-homme d’Aragon, comte et grand de Castille.

À défaut de jeunesse, il peut, ô jeune fille,

Vous apporter tant d’or, de bijoux, de joyaux,

Que votre front reluise entre des fronts royaux ;

Et pour le rang, l’orgueil, la gloire et la richesse,

Mainte reine peut-être enviera sa duchesse !

Voilà donc ce qu’il est. Moi, je suis pauvre, et n’eus

Tout enfant, que les bois où je fuyais pieds nus.

Peut-être aurais-je aussi quelque blason illustre

Qu’une rouille de sang à cette heure délustre ;

Peut-être ai-je des droits, dans l’ombre ensevelis,

Qu’un drap d’échafaud noir cache encor sous ses plis,

Et qui, si mon attente un jour n’est pas trompée,

Pourront de ce fourreau sortir avec l’épée.

En attendant, je n’ai reçu du ciel jaloux

Que l’air, le jour et l’eau, la dot qu’il donne à tous.

Or du duc ou de moi souffrez qu’on vous délivre,

Il faut choisir des deux, l’épouser, ou me suivre.

DONA SOL

Je vous suivrai.

HERNANI

Parmi mes rudes compagnons ?

Proscrits dont le bourreau sait d’avance les noms,

Gens dont jamais le fer ni le cœur ne s’émousse,

Ayant tous quelque sang à venger qui les pousse ?

Vous viendrez commander ma bande, comme on dit ?

Car, vous ne savez pas, moi, je suis un bandit !

Quand tout me poursuivait dans toutes les Espagnes :

Seule, dans ses forêts, dans ses hautes montagnes,

Dans ses rocs où l’on n’est que de l’aigle aperçu,

La vieille Catalogne en mère m’a reçu.

Parmi ses montagnards, libres, pauvres et graves,

Je grandis, et demain, trois mille de ses braves,

Si ma voix dans leurs monts fait résonner ce cor,

Viendront… Vous frissonnez, réfléchissez encor.

Me suivre dans les bois, dans les monts, sur les grèves,

Chez des hommes pareils aux démons de vos rêves ;

Soupçonner tout, les yeux, les voix, les pas, le bruit,

Dormir sur l’herbe, boire au torrent, et la nuit

Entendre, en allaitant quelque enfant qui s’éveille,

Les balles des mousquets siffler à votre oreille.

Être errante avec moi, proscrite, et, s’il le faut,

Me suivre où je suivrai mon père, – à l’échafaud.

DONA SOL

Je vous suivrai.

HERNANI

Le duc est riche, grand, prospère.

Le duc n’a pas de tache au vieux nom de son père.

Le duc peut tout. Le duc vous offre avec sa main

Trésors, titres, bonheur…

DONA SOL

Nous partirons demain.

Hernani, n’allez pas sur mon audace étrange

Me blâmer. Êtes-vous mon démon ou mon ange ?

Je ne sais, mais je suis votre esclave. Écoutez,

Allez où vous voudrez, j’irai. Restez, partez,

Je suis à vous. Pourquoi fais-je ainsi ? je l’ignore.

J’ai besoin de vous voir, et de vous voir encore,

Et de vous voir toujours. Quand le bruit de vos pas

S’efface, alors je crois que mon cœur ne bat pas ;

Vous me manquez, je suis absente de moi-même ;

Mais dès qu’enfin ce pas que j’attends et que j’aime

Vient frapper mon oreille, alors il me souvient

Que je vis, et je sens mon âme qui revient !

HERNANI, la serrant dans ses bras.

Ange !

DONA SOL

À minuit. Demain. Amenez votre escorte.

Sous ma fenêtre. Allez, je serai brave et forte.

Vous frapperez trois coups.

HERNANI

Savez- vous qui je suis,

Maintenant ?

DONA SOL

Monseigneur, qu’importe ! je vous suis.

HERNANI

Non, puisque vous voulez me suivre, faible femme,

Il faut que vous sachiez quel nom, quel rang, quelle âme,

Quel destin est caché dans le pâtre Hernani.

Vous vouliez d’un brigand, voulez-vous d’un banni ?

DON CARLOS,