Histoire de l'oeuvre de la Rédemption - Jonathan Edwards - E-Book

Histoire de l'oeuvre de la Rédemption E-Book

Jonathan Edwards

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Beschreibung

Lorsqu'on demande à un chrétien évangélique américain s'il a entendu parler de Jonathan Edwards, on reçoit presque invariablement une réponse enthousiaste : c'était un grand génie théologique d'autrefois. Il ne faut par contre pas insister, en cherchant à savoir ce que Jonathan Edwards a découvert, ou en quoi il a révolutionné la théologie ; personne ne le sait, parce que ses écrits sont trop profonds pour être compris... Espérons que cette reproduction numérique ThéoTeX d'un de ses ouvrages, traduit en 1854 par la Société des livres religieux de Toulouse, tordra le cou à ce cliché, repris parfois sans réflexion par des évangéliques français : Jonathan Edwards (1703-1758) n'a pas été un génie, mais un très bon auteur puritain qui nous a laissé des documents intéressants, notamment sur le premier grand réveil religieux américain. Sa théologie reste tout-à-fait classique pour son temps ; ici il dresse une magnifique fresque de l'exécution du plan divin pour le rachat de l'humanité, débutant dès la chute dans le jardin d'Eden, et s'achevant dans la Jérusalem céleste, à la consommation des siècles. La partie eschatologique n'est évidemment pas discutée, puisqu'il s'agit d'un tableau, donné comme tel : le lecteur en retirera une impression saisissante de la majesté et de la bonté divines, rendues manifestes par l'admirable constance, sagesse et amour avec lesquels Dieu a poursuivi son plan de salut tout au long de l'Histoire. Nous avons traduit et rajouté en tête la petite préface que Jonathan Edwards Junior (1745-1801) avait placée dans l'édition anglaise de l'oeuvre posthume de son père.

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Table des matières

Avant-propos de Jonathan Edwards Junior

Introduction

De la chute à l’incarnation

1.1 — De la chute au déluge

1.1.1 – Christ devient médiateur dès la chute

1.1.2 – L’Évangile annoncé dès la chute

1.1.3 – Institution des sacrifices

1.1.4 – Les prémices des sauvés

1.1.5 – Envoi de l’Esprit aux jours d’Enos

1.1.6 – Hénoc, fruit de la venue de l’Esprit

1.1.7 – La prophétie d’Hénoc

1.1.8 – L’enlèvement d’Hénoc

1.1.9 – Dieu maintient la famille d’où sortira le Rédempteur

1.2 — Du déluge à la vocation d’Abraham

1.2.1 – Le déluge, envoyé par Dieu

1.2.2 – Préservation de la famille de Noé

1.2.3 – Don de la terre à Noé et à sa descendance

1.2.4 – Alliance de grâce avec Noé

1.2.5 Construction de la tour de Babel

1.2.6 – Le Diable dispersant au loin plusieurs peuples

1.2.7 – Permanence de la vraie religion chez les ancêtres d’Abraham

1.3 — De la vocation d’Abraham à Moïse

1.3.1 Mise à part d’Abraham

1.3.2 – Confirmation de l’alliance et révélation spéciale donnée à Abraham

1.3.3 – Préservation des patriarches

1.3.4 – Sodome et Gomorrhe

1.3.5 – Alliance renouvelée à Isaac et Jacob

1.3.6 – Joseph sauve sa famille de la famine

1.3.7 – Prophétie de Jacob sur le Messie sortant de la tribu de Juda

1.3.8 – Préservation des Israélites en Égypte

1.3.9 – La vraie religion secrètement conservée par les parents de Moïse

1.4 — De Moïse à David

1.4.1 – Délivrance de la servitude d’Égypte

1.4.2 – Les autres nations abandonnées à leur paganisme

1.4.3 – Proclamation de la Loi au Sinaï

1.4.4 – Lois cérémonielles

1.4.5 – La Loi écrite

1.4.6 – Le voyage dans le désert, image de la vie

1.4.7 – Raccourcissement de la durée de la vie humaine

1.4.8 – La manne

1.4.9 – Trois prophéties sur le Rédempteur

1.4.10 – Don de l’Esprit à la génération qui va entrer en Canaan

1.4.11 – Josué, type de Jésus-Christ

1.4.12 – Le culte divin institué au désert

1.4.13 – Les Cananéens retenus providentiellement d’attaquer les Israélites durant leurs fêtes

1.4.14 – Le tabernacle maintenu durant le temps des Juges

1.4.15 – Israël gardé d’une destruction totale, au sein de nations ennemies

1.4.16 – Manifestations de Christ à Moïse, Josué, Manoah

1.4.17 – Écoles de prophètes

1.5 — De David à la captivité de Babylone

1.5.1 – Choix d’un homme, ancêtre de Christ

1.5.2 – Protection extraordinaire de la vie de David

1.5.3 – Samuel augmente le Canon

1.5.4 – David compose les Psaumes

1.5.5 – David accède au trône

1.5.6 – Dieu choisit Jérusalem

1.5.7 – L’alliance renouvelée

1.5.8 – La totalité du territoire conquise

1.5.9 – Développement du Culte par David

1.5.10 – Nathan et Gad

1.5.11 – Maintien providentiel de la lignée royale

1.5.12 – Construction du temple

1.5.13 – Apogée de l’Église juive

1.5.14 – Déclin de sa gloire

1.5.15 – Augmentation du Canon sous Salomon

1.5.16 – Effusion de l’Esprit sous Ézéchias et Josias

1.5.17 – Le livre de la Loi retrouvé

1.5.18 – La tribu de Juda conservée

1.5.19 – Livres des prophètes

1.6 — De la captivité de Babylone à la venue de Christ

1.6.0 – Caractères généraux de cette période

1.6.1 – Captivité des Juifs à Babylone

1.6.2 – Ézéchiel et Daniel

1.6.3 – Vengeance de Dieu sur Babylone

1.6.4 – Retour de la captivité

1.6.5 – Aggée et Zacharie

1.6.6 – Effusion de l’Esprit sous Esdras

1.6.7 – Le livre d’Esdras

1.6.8 – Esdras compilateur

1.6.9 – Copies systématiques de la Loi

1.6.10 – L’épisode d’Esther

1.6.11 – Néhémie

1.6.12 – Clôture du Canon

1.6.13 – Disparition de l’esprit de prophétie

1.6.14 – Effondrement de l’empire perse

1.6.15 – Traduction des Septante

1.6.16 – Épisode des Machabées

1.6.17 – Suprématie des Romains

1.6.18 – Apogée de la philosophie en Grèce et à Rome

1.6.19 – Pax Romana

1.7 — Supplément à la première période

1.7.1 – Jésus est véritablement le Sauveur

1.7.2 – Autorité divine de l’Ancien Testament

1.7.3 – Réfutation des objections contre la divinité de l’A. T.

1.7.4 – Sagesse de Dieu dans la composition de l’A. T.

1.7.5 – La Rédemption, thème unique de la Bible

1.7.6 – Utilité et excellence de l’A. T.

1.7.7 – Inconséquence de négliger la lecture de l’A. T.

1.7.8 – Grandeur de Jésus-Christ et de sa mission

De l’incarnation de Christ à sa résurrection

2.1 — De l’incarnation de Christ

2.1.1 – Conception et naissance de Jésus

2.1.2 – La plénitude des temps

2.1.3 – L’Incarnation, œuvre plus grande que la Création

2.1.4 – Circonstances remarquables de l’incarnation

2.1.5 – Évènements liés à l’incarnation

2.2 — Acquisition de la rédemption

2.2.1 – Le rachat

2.2.2 – Accomplissement du rachat

2.2.3 – L’obéissance et la justice de Christ

2.2.3.1 – Son obéissance aux lois

2.2.3.2 – Les phases de sa vie

2.2.3.3 – Ses vertus

2.2.4 – Souffrances et humiliations de Christ

2.2.4.1 – Dans son enfance

2.2.4.2 – Dans sa vie privée

2.2.4.3 – Dans sa vie publique

2.2.4.4 – Dans sa passion

2.3 — Enseignements que nous donne la seconde période

2.3.1 – Une répréhension

2.3.1.1 – La gravité de rejeter Jésus-Christ

2.3.1.2 – La folie de vouloir se sauver par ses propres efforts

2.3.1.3 – Adresse aux insouciants

2.3.2 – Encouragement

De la résurrection de Christ à la fin du monde

3.0 — Introduction

3.0.1 – Comment l’Écriture représente cette période

3.0.1.1 – Les derniers jours

3.0.1.2 – La consommation des siècles

3.0.1.3 – La nouvelle création

3.0.1.4 – Le royaume des cieux

3.0.2 – Comment Christ fut mis en état d’assurer les résultats du rachat opéré par Lui

3.0.3 – Moyens de succès

3.0.3.1 – Abolition de la dispensation juive

3.0.3.2 – Le sabbat chrétien

3.0.3.3 – Le ministère évangélique

3.0.3.4 – Le don de l’Esprit

3.0.3.5 – Les grandes doctrines

3.0.3.6 – Le diaconat

3.0.3.7 – La vocation, la préparation et l’envoi de l’apôtre Paul

3.0.3.8 – Les conciles

3.0.3.9 – La mise en écrit du Nouveau Testament

3.0.4 – Comment le succès a été obtenu

3.1 — De la résurrection de Christ à la destruction de Jérusalem

3.1.1 – Le succès lui-même

3.1.2 – L’opposition

3.1.3 – Les jugements contre ces ennemis de Christ, les Juifs persécuteurs

3.2 — De la destruction de Jérusalem au règne de Constantin

3.2.1 – L’opposition faite contre l’Évangile et le royaume de Christ par l’empire romain.

3.2.2 – Succès de l’Évangile avant Constantin

3.2.3 – Les circonstances particulièrement embarrassantes, immédiatement avant le règne de Constantin-le-Grand.

3.2.4 – La grande révolution opérée par Constantin.

3.3 — De Constantin à l’apparition de l’Antéchrist

3.3.1 – L’opposition

3.3.2 – Succès malgré l’opposition

3.4 — De l’apparition de l’Antéchrist à la Réformation

3.4.1 – Les grandes machinations et entreprises de Satan contre le royaume de Christ pendant ce temps

3.4.2 – Préservation de l’Église de Christ

3.5 — De la Réformation à nos jours

3.5.1 – La Réformation

3.5.2 – Opposition à la Réforme

3.5.3 – Succès de l’Évangile

3.5.4 – État actuel de l’Église

3.5.4.1 – Dégradations de l’Église réformée

3.5.4.2 – Améliorations

3.5.4.3 – Grand développement intellectuel

3.6 — Enseignements pratiques que nous donnent les faits précédents

3.6.1 – La religion chrétienne est la vérité

3.6.2 – Un esprit de souffrance

3.6.3 – Attente de l’accomplissement

3.7 — Du temps présent à la chute de l’Antéchrist

3.7.1 – Remarques générales

3.7.2 – Conversion future des peuples

3.7.3 – Destruction du royaume de Satan sur terre

3.8 — Succès de la rédemption durant ce temps dans lequel l’Église chrétienne sera généralement en paix et en prospérité

3.8.1 – L’état prospère de l’Église

3.8.2 – La grande apostasie

3.9 — Le jugement universel

3.9.1 – Parousie du Seigneur

3.9.2 – Résurrection des morts

3.9.3 – Enlèvement des saints

3.9.4 – Dévoilement des œuvres

3.9.5 – Sentence de Christ

3.9.6 – Ascension de Christ et de son Épouse

3.9.7 – Combustion de ce monde

3.9.8 – L’Église dans la gloire céleste

3.10 — Enseignements que nous donne toute cette histoire

3.10.1 – La rédemption est une grande œuvre

3.10.2 – Christ est l’alpha et l’oméga

3.10.3 – Christ prééminent en toutes choses

3.10.4 – Splendeur de la Providence de Dieu

3.10.5 – Les Écritures sont la Parole de Dieu

3.10.6 – Majesté et puissance de Dieu dans la Rédemption

3.10.7 – Sagesse de Dieu dans la Rédemption

3.10.8 – Fidélité de Dieu envers son peuple

3.10.9 – Bonheur des élus

3.10.10 – Malheur infini des méchants

Avant-propos J. Edwards Junior

Les amis de M. Edwards souhaitaient depuis longtemps voir un certain nombre de ses manuscrits publiés, mais les limitations inhérentes à toute publication posthume, ainsi que la difficulté de faire imprimer un ouvrage tant soit peu étendu dans notre jeune nation, ont longtemps eu raison de ce projet. Quant au premier obstacle, je me suis souvent demandé, et longtemps après que les manuscrits eussent été remis entre mes mains, si, gardien de l’honneur de mon glorieux ancêtre, je pourrais jamais tolérer qu’un seul d’entre eux paraisse tel quel devant la critique du monde. Me défiant toutefois de mes sentiments personnels, et incertain que mon zèle filial ne soit par trop excessif, j’ai voulu demander leur opinion à des amis, à la fois du caractère de M. Edwards et de la vérité : leur réponse a été en faveur d’une publication. Quant au second obstacle, il a été ôté par un membre de l’Église d’Écosse, ancien correspondant de M. Edwards. Il a chargé un éditeur-libraire de cette entreprise, et lui a en particulier demandé de publier les pages qui suivent.

M. Edwards avait imaginé un ouvrage théologique d’un nouveau genre, sous la forme d’une histoire en deux parties ; dans la première il montrerait comment les événements les plus remarquables, survenus entre la chute et le temps actuel, rapportés dans les Écritures et la littérature profane, on tous concouru à préparer la Rédemption ; dans la seconde il utiliserait la prophétie pour poursuivre l’histoire de la Rédemption jusqu’à la fin du monde. M. Edwards était si enthousiasmé par ce plan, qu’il avait hésité beaucoup à accepter la présidence du Collège de Princeton, de peur que ses nouvelles obligations l’empêchent de l’exécuter.

Les linéaments de cet ouvrage sont ici proposés au public, tel qu’ils se trouvent dans une série de sermons, prêchés à Norhampton en 1739, sans intention de les voir livrés à la presse. Le lecteur voudra donc bien ne pas en attendre toute la finition que leur aurait donné l’auteur, s’il les avait écrits dans ce but.

Pour ce qui est de la qualité littéraire, considérée aujourd’hui comme si essentielle à toute publication, il est bien connu que M. Edwards ne s’en est jamais trop soucié. Toutefois, ses autres livres, bien que dépourvus des raffinements du langage, semblent posséder un solide mérite, qui leur a valu une réputation considérable. Nous espérons donc que chacun retrouvera dans celui-ci, à la fois bon sens, logique serrée, érudition scripturaire, et sincère piété. Que de plus, le plan étant inédit et les vues originales, le lecteur curieux et pieux prenne plaisir à le méditer, se fortifiant dans la foi générale en la sainte religion chrétienne, et en ses doctrines propres, et que stimulé dans son étude des livres historiques et prophétiques de la Bible, sa conversation en devienne débordante de l’Évangile.

Puisse ce volume procurer de tels heureux bénéfices à tous ceux qui le liront attentivement, c’est le désir profond et la prière de votre très humble serviteur,

New Haven, 25 février 1773

JONATHAN EDWARDS JUNIOR

Introduction

L’œuvre de la rédemption se poursuit depuis la chute de l’homme jusqu’à la fin du monde.

Les générations humaines qui ont commencé après la chute, selon l’ordre naturel, participent de la corruption originelle qui en a été la suite, et ces générations, destinées à propager la race humaine, doivent se succéder jusqu’à la fin du monde. Ce sont ici les deux points extrêmes entre lesquels sont comprises ces générations sur la terre : d’un côté la chute de l’homme, de l’autre la fin du monde ou le jugement dernier. La rédemption est aussi comprise entre ces deux époques, pour ce qui est des œuvres successives par lesquelles Dieu l’accomplit, mais non quant à ses fruits, car ils doivent être éternels.

L’œuvre de la rédemption et celle du salut sont une seule et même chose. L’idée qui est exprimée quelquefois dans l’Écriture par ces mots : Dieu sauve son peuple, est ailleurs rendue par cette autre expression : il le rachète. Aussi Christ est-il appelé à la fois le Sauveur et le Rédempteur de son peuple.

Avant d’en venir à l’histoire de l’œuvre de la rédemption, je montrerai dans quel sens le terme rédemption est employé, comment cette œuvre est accomplie et quel est son but.

Cette expression est prise quelquefois dans un sens plus restreint pour désigner le rachat ; car la signification rigoureuse du mot est rachat d’un captif. Si nous prenons le mot dans ce sens restreint, l’œuvre de la rédemption n’a pas été si longtemps à s’accomplir : elle a eu son commencement et sa fin avec l’humiliation de Christ ; elle a commencé avec l’incarnation de Christ, pour se poursuivre durant sa vie et se terminer par son séjour dans le sépulcre, qui aboutit à sa résurrection. Ainsi, nous disons que le jour de sa résurrection Christ acheva l’œuvre de la rédemption ; le rachat fut accompli, l’œuvre en elle-même et tout ce qui s’y rattache fut accompli et terminé virtuellement, mais non actuellement.

Mais quelquefois on prend cette expression dans un sens plus étendu ; l’œuvre de la rédemption comprend tout ce que Dieu fait en vue d’elle, non seulement le rachat en lui-même, mais aussi ce qui sert à le préparer et à assurer son succès. De sorte que la dispensation entière, comprenant la préparation et le rachat, l’application et les fruits de la rédemption faite par Christ, est appelée l’œuvre de la rédemption. Cette expression désigne tout ce que Christ a fait en qualité de Médiateur, soit comme Prophète, Sacrificateur ou Roi, soit pendant son incarnation, antérieurement et depuis ; et cette œuvre comprend, non pas uniquement ce que Christ le Médiateur a fait, mais aussi tout ce que le Père et le Saint-Esprit ont accompli en tant qu’unis ou confédérés dans le but de racheter les hommes pécheurs ; en un mot tout ce qui a été fait pour mettre à exécution l’alliance éternelle de rédemption. C’est dans ce sens large que je parle de l’œuvre de la rédemption.

Quand je dis que cette œuvre se poursuit depuis la chute de l’homme jusqu’à la fin du monde, je n’entends pas faire entendre par là que rien n’ait été accompli en vue d’elle antérieurement à la chute. Certaines choses ont été faites avant la création du monde, même de toute éternité. Les personnes de la Trinité étaient en quelque sorte confédérées et formaient une alliance rédemptrice dans un but déterminé. Dans cette alliance, le Père avait choisi le Fils, et le Fils avait entrepris l’œuvre ; et tout ce qu’il y avait à accomplir avait été stipulé et convenu. Lors de la création du monde il y a eu des choses faites concernant cette œuvre, car le monde lui-même semble avoir été créé en vue d’elle. La création a lieu en vue de la Providence de Dieu. De sorte que si on demande quelles sont les plus grandes œuvres, celles de la création ou celles de la Providence, je réponds de celles de la Providence, parce que celles-ci sont le but et celles-là le moyen. C’est ainsi qu’on construit une maison en vue de l’usage qu’on en fait. Mais la plus grande œuvre de la Providence de Dieu est celle de la rédemption, comme nous le verrons plus clairement ailleurs. La création des cieux eut lieu en vue de cette œuvre, afin qu’ils fussent une habitation pour les rachetés (Matth.25.34). Les anges eux-mêmes ont été créés pour concourir à l’accomplissement de cette œuvre (Héb.1.14). Pour ce qui regarde ce monde inférieur, il est hors de doute qu’il a été créé pour être le théâtre sur lequel cette œuvre grande et admirable de la rédemption s’accomplirait. On pourrait montrer que ce monde est, à divers égards, admirablement bien adapté à la condition de l’homme depuis la chute, laquelle condition suppose la possibilité de la rédemption.

Cela ne veut pas dire non plus que cette œuvre ne porte pas ses fruits après la fin du monde. La gloire et le bonheur, résumé de tous ses fruits, seront le partage de tous les saints pendant toute l’éternité. La rédemption n’est pas une œuvre sans cesse en voie d’exécution qui ne se termine jamais ; les résultats sont éternels, mais l’œuvre a son terme. Quand l’œuvre devra se terminer, ses résultats seront obtenus et ils dureront pour toujours. De même que les choses qui ont existé, en vue de cette œuvre, l’amour de Dieu pour ses élus et l’alliance de rédemption n’ont jamais eu de commencement, ainsi ses résultats seront permanents à toujours.

C’est pourquoi, quand je dis que c’est là une œuvre qui se poursuit depuis la chute de l’homme jusqu’à la fin du monde, j’entends que tout ce qui constitue cette œuvre et fait partie de son plan est, pendant cette période, en voie d’exécution. Il y a eu des choses préparatoires faites antérieurement à son commencement d’exécution ; ses résultats seront permanents, alors qu’elle aura été achevée. Mais l’œuvre elle-même a commencé immédiatement après la chute et se poursuit jusqu’à la fin du monde. Les diverses dispensations de Dieu pendant cette période font partie de cette œuvre, du même dessein, n’ont toutes qu’un seul et même but. C’est pourquoi elles ne doivent toutes être considérées que comme les évolutions successives d’un même mécanisme, pour aboutir finalement à un grand événement.

Et ici nous devons encore distinguer entre ce qui constitue cette rédemption et les moyens par lesquels cette œuvre est accomplie. Il y a une distinction à établir entre ses avantages ou ses fruits d’une part, et de l’autre l’œuvre de Dieu, au moyen de laquelle ces avantages sont obtenus et accordés. Par exemple, la rédemption des Israélites du pays d’Egypte, considérée comme bienfait dont ils jouirent, consiste en ceci, qu’ils furent délivrés de l’esclavage et du malheur, afin d’être placés dans une condition plus heureuse, comme serviteurs de Dieu et héritiers de Canaan. Mais il est beaucoup d’autres choses faisant partie de cette œuvre, comme, par exemple la vocation de Moïse, son envoi vers Pharaon, les signes et les miracles accomplis par lui en Egypte, les jugements terribles qu’il fait venir sur les Egyptiens, et beaucoup d’autres faits.

Il en est ainsi de l’œuvre par laquelle Dieu accomplit la rédemption ; elle se poursuit depuis la chute de l’homme jusqu’à la fin du monde, à deux égards.

1o Pour ce qui est des effets produits sur l’âme des rachetés, ce qui est commun à tous les âges, ses effets sont l’application de la rédemption aux individus, en les convertissant, les sanctifiant et les glorifiant. Par là ils sont actuellement rachetés, ils reçoivent les bienfaits de l’œuvre et en éprouvent les effets. Sous ce rapport, l’œuvre de la rédemption se poursuit dans tous les âges, de la chute de l’homme à la fin du monde. D’abord, après la chute, Dieu a commencé à convertir des âmes ; il a ouvert les yeux des aveugles, rendu l’ouïe aux sourds, ressuscité ceux qui étaient spirituellement morts ; il n’a cessé d’arracher de misérables captifs des mains de Satan ; il l’a fait toujours depuis lors, et il continuera de le faire jusqu’à la fin du monde. Dieu a toujours eu une Église dans le monde. Bien que souvent, elle ait été réduite à fort peu de chose et placée dans des circonstances bien difficiles, toutefois elle n’a jamais entièrement manqué.

De même que Dieu convertit les âmes des hommes à travers tous les âges, il ne cesse de les justifier, d’effacer leurs péchés, de les tenir pour justes en sa présence, par suite de la justice de Christ. Il en est de même de tous les autres faits qui constituent l’appropriation de l’œuvre du salut au cœur de chaque individu. Les paroles de Rom.8.30, trouvent leur application à travers tous les âges.

2o Mais l’œuvre de la rédemption, pour ce qui est de son grand dessein et de son but, se poursuit, non pas seulement en répétant et renouvelant ces mêmes effets dans ceux qui en sont les divers sujets, mais au moyen de diverses dispensations successives de Dieu, qui toutes concourent à un grand effet, s’unissent comme les diverses parties d’un même plan, et forment ensemble un grand tout. Il en est comme d’un temple en construction : on envoie d’abord chercher l’ouvrier, puis on rassemble les matériaux ; le terrain est préparé, les fondements sont posés ; alors on élève l’édifice ; une partie est superposée à l’autre, jusqu’à ce que, enfin, la dernière pierre soit posée et tout l’édifice achevé. L’œuvre de la rédemption, prise dans ce sens large, peut être comparée à un édifice de ce genre. Dieu le commence immédiatement après la chute de l’homme, et en poursuit la construction jusqu’à la fin du monde. Alors la dernière pierre sera posée, et l’édifice apparaîtra complet et magnifique.

Cette œuvre, considérée sous le premier aspect, se poursuit en produisant des effets communs à toutes les générations ; considérée sous le dernier, au contraire, pour ce qui est du grand dessein général, elle est accomplie, non seulement par des faits qui sont les mêmes dans chaque génération, mais par des événements successifs qui se passent à diverses époques, bien qu’ils fassent tous partie d’un grand plan. C’est ce dernier côté qui sera surtout mis en saillie, toutefois d’une manière qui ne laisse pas le précédent complètement dans l’ombre ; car l’un suppose nécessairement l’autre.

Je montrerai à présent quel est le but de cette grande œuvre, ou le résultat auquel elle doit aboutir. Afin d’être en état de voir comment un plan s’exécute, nous devons, tout d’abord, connaître en quoi il consiste. Pour comprendre les procédés d’un ouvrier et les mesures qu’il prend en faisant son ouvrage, nous avons besoin de savoir ce qu’il se propose de faire ; sans cela, nous pourrions le voir travailler et rester dans un grand embarras, faute de voir quel est son plan. Afin donc que les diverses dispensations de Dieu, qui constituent cette grande œuvre de la rédemption, ne nous apparaissent pas dans un état de confusion et de désordre, je ferai remarquer, en peu de mots, quelles sont les principales fins que Dieu s’est proposé d’atteindre.

1o De mettre tous ces ennemis sous ses pieds, afin que sa bonté finisse par triompher de tout mal. Bientôt après la création, le mal entre dans le monde par la chute des anges et de l’homme. Aussitôt après que Dieu eut fait les créatures intelligentes, il s’éleva d’au milieu d’elles des ennemis contre sa personne ; par la chute de l’homme, le mal fut introduit dans le monde. Les ennemis de Dieu s’élevèrent alors contre lui. Satan s’efforça de faire manquer le but que Dieu s’était proposé en créant le monde, de détruire son ouvrage, de lui arracher des mains le gouvernement de l’univers, d’usurper le trône et de s’établir roi de ce monde en lieu et place de Celui qui l’avait créé. Afin de parvenir à ses fins il introduisit le péché dans le monde, et, en faisant de l’homme l’ennemi de Dieu, il y fit entrer aussi le crime, la mort et les plus terribles misères. Une des grandes fins que Dieu s’est proposé, dans l’œuvre de la rédemption, c’est de réduire ces ennemis (1Cor.15.25). Les choses ont été primitivement arrangées pour désappointer, confondre Satan et triompher de lui, de sorte qu’il fût écrasé sous les pieds de Christ (Gen.3.15). Il fut promis que la semence de la femme écraserait la tête du serpent. Une des premières choses que Dieu se proposa dans cette œuvre, fut de détruire les œuvres du diable et de confondre tous ses plans (1Jean.3.8). Il se proposa également de triompher du péché et de la corruption humaine, et de les déraciner du cœur de son peuple, en rendant les hommes conformes à lui-même. Il voulut de même que sa grâce triomphât des crimes des hommes et des conséquences infinies du péché. Le triomphe sur la mort rentrait aussi dans son plan ; et, bien que cet ennemi doive être le dernier vaincu, il sera pourtant finalement vaincu et détruit. Ainsi, dans l’œuvre de la rédemption, Dieu se montre souverainement élevé au-dessus de tout mal et triomphant de ses ennemis.

2o Dieu se propose aussi de réparer complètement les résultats de la chute pour ce qui concerne la partie de ce monde qu’il a élue par son fils. C’est pourquoi il est parlé de la restitution de toutes choses (Actes.3.21) et des temps de rafraîchissement (Actes.3.19-20).

L’âme de l’homme a été entraînée dans la ruine par la chute ; l’image de Dieu a été effacée ; la nature humaine a été corrompue; depuis lors il est mort dans ses péchés. Dieu s’est proposé de ramener l’âme humaine à la vie, de rétablir l’image divine par la conversion, de poursuivre le changement dans la sanctification et de l’achever dans la gloire. Par suite de la chute, le corps de l’homme est devenu sujet à la destruction et à la mort. Dieu a entrepris de le relever de son abaissement ; non pas seulement de le délivrer de la mort par la résurrection, mais de le mettre au-dessus de la possibilité de mourir, en le rendant semblable au corps glorifié de Christ. En ce qui concerne l’homme, le monde a été entraîné dans la ruine, exactement comme s’il était retombé dans le chaos. Les cieux et la terre ont été bouleversés ; mais Dieu s’est proposé de tout rétablir, en quelque sorte de créer de nouveaux cieux et une nouvelle terre (2Pierre.3.13 ; Esaïe.65.17). L’œuvre par laquelle cela devait être accompli commença immédiatement après la chute, et elle se poursuit jusqu’à ce que tout soit terminé ; alors que le monde entier, les cieux et la terre seront restaurés. Il y aura à la fin du monde, en quelque sorte, de nouveaux cieux et une nouvelle terre dans un sens spirituel (Apoc.20.1).

3o Un autre grand but que Dieu se proposa dans l’œuvre de la rédemption, ce fut de réunir toutes choses en Christ dans les cieux et sur la terre, et d’unir tout à Dieu le Père en un seul corps. Cela a également eu un commencement d’exécution bientôt après la chute, et se poursuit à travers les âges pour être accompli à la fin du monde.

4o Dieu eut aussi en vue la gloire parfaite et complète de tous les élus par Christ : une gloire telle que l’œil n’en a point vue, l’oreille pas entendue, et qui n’est pas montée au cœur de l’homme. Il se propose de les élever au plus haut degré de la perfection et de beauté selon sa sainte image, ce qui est la beauté qui convient aux êtres spirituels ; de les élever aux premières places d’honneur et de gloire, et de les rendre participants d’un bonheur et d’une joie ineffables. Ainsi, il entreprit de glorifier l’Église entière dans l’âme et dans le corps, et en même temps d’élever avec eux les anges élus au plus haut degré d’honneur, sous un même Chef.

5o En tout cela, Dieu eut particulièrement en vue la gloire de la très sainte Trinité. De toute éternité, Dieu avait le dessein de se glorifier lui-même, ainsi que chacune des personnes de la Trinité. Naturellement, le but se présente le premier, puis viennent les moyens ; c’est pourquoi nous devons nous représenter qu’après avoir arrêté un certain but Dieu dut, en quelque sorte, faire le choix des moyens pour l’atteindre, et la grande œuvre de la rédemption fut le principal moyen qu’il adopta. Il se proposa, par cette œuvre, de glorifier son Fils unique Jésus-Christ, et par le Fils, le Père (Jean.13.31-32). Il voulut que le Fils fût glorifié et glorifiât le Père par ce qui serait accompli par l’Esprit, à la gloire de l’Esprit même, de façon qu’il en revînt une très grande gloire et à la Trinité entière et à chacune de ses personnes. L’œuvre par laquelle il se propose d’atteindre ce but commence immédiatement après la chute ; elle se poursuit jusqu’à la fin du monde. Alors elle sera terminée, et la gloire que Dieu a en vue sera réalisée en toutes choses.

Ces explications données, j’en viens à l’histoire, afin de montrer comment ce que Dieu s’est proposé dans l’œuvre de la rédemption s’accomplit et se développe progressivement, depuis la chute de l’homme jusqu’à la fin du monde. A cet effet, je diviserai ce temps en trois périodes.

1re période : De la chute de l’homme à l’incarnation de Christ.

2e période : De l’incarnation à la résurrection de Christ, ou tout le temps de son humiliation.

3e période : De la résurrection à la fin du monde.

Quelques personnes pourront être disposées à trouver cette division très inégale ; mais la seconde période, bien que plus courte qu’aucune des autres, se trouve embrasser plus qu’elles.

L’œuvre de la rédemption se poursuit durant chacune de ces trois périodes, ainsi que les trois propositions suivantes l’indiquent :

I. De la chute de l’homme à l’incarnation de Christ, Dieu fait les choses destinées à préparer sa venue, à en être les avantcoureurs et les gages.

II. Le temps compris entre l’incarnation de Christ et sa résurrection est employé à procurer et à accomplir le rachat.

III. Le temps compris entre la résurrection de Christ et la fin du monde, est entièrement consacré à produire les grands effets et les fruits de l’œuvre qu’il a accomplie.

1. De la chute à l’incarnation

Les grandes choses que Dieu fait pendant cette période entière ont toutes un caractère préparatoire. De grands et nombreux changements ont lieu, des révolutions s’accomplissent, mais toutes ces choses ne sont que les diverses dispensations de la providence de Dieu pour préparer la venue de Christ. C’est cela surtout que Dieu se propose dans tout ce qu’il fait à l’égard de son Église. Elle se trouve sous diverses dispensations, elle passe par une grande variété de circonstances avant la venue de Christ ; mais toutes ces choses ont lieu pour préparer cet événement. Dieu sauve des hommes durant toute cette période, bien que le nombre des sauvés soit fort peu considérable en comparaison de ce qu’il sera plus tard ; tout cela a lieu par anticipation. Tous ceux qui sont sauvés avant la venue de Christ ne sont que les prémices de la moisson future. Dieu délivre souvent son Église et son peuple avant la venue de Christ, mais ce ne sont là que des symboles, des signes avant-coureurs de la grande délivrance qu’il se propose d’accomplir. L’Église, durant cette période, jouit de la lumière de la révélation ; elle possède dans une certaine mesure la lumière de l’Évangile. Mais ces révélations partielles ne sont que des gages de la grande lumière que doit apporter Celui qui viendra pour être la lumière du monde. Toute cette période est comme le temps de ténèbres pendant lesquelles l’Église, il est vrai, n’est pas complètement privée de toute lumière, mais ce n’est en quelque sorte que la lumière de la lune et des étoiles, fort peu éclatante en comparaison de celle du soleil et obscurcie par beaucoup de ténèbres. Le premier ministère, qui a été glorieux, ne l’a pas été autant que le second, qui l’emporte de beaucoup en gloire (2 Cor.3.10). A la vérité, l’Église était en possession de la lumière du soleil, mais elle lui arrivait en quelque sorte comme réfléchie par la lune et les étoiles. Pendant tout ce temps, l’Église est dans un état de minorité. « Or, je dis que, pendant tout le temps que l’héritier est un enfant, il n’est en rien différent du serviteur, quoiqu’il soit maître de tout. Mais il est sous des tuteurs et des curateurs jusqu’au temps déterminé par le père. Nous aussi, lorsque nous étions des enfants, nous étions asservis sous les rudiments du monde (Gal.4.1-3). »

Pour plus d’ordre et de clarté, je subdiviserai cette période en six époques :

1. — De la chute au déluge.

2. — Du déluge à la vocation d’Abraham.

3. — De la vocation d’Abraham à Moïse.

4. — De Moïse à David.

5. — De David à la captivité de Babylone.

6. — De la captivité de Babylone à l’Incarnation.

1.1 — De la chute au déluge

Bien que cette époque soit la plus éloignée de l’incarnation de Christ, cette grande œuvre commence déjà.

1.1.1 – Christ devient médiateur dès la chute

Dès que l’homme tombe, Christ commence ses fonctions de Médiateur. Il entreprend ce dont il s’est chargé dès avant la fondation du monde. De toute éternité il s’était engagé, avec le Père, à agir comme Médiateur entre Lui et l’homme, aussitôt que l’occasion le demanderait. Le temps est maintenant venu. Christ, le Fils éternel de Dieu, révèle son caractère de Médiateur, et se présente immédiatement devant le Père, comme Médiateur entre sa sainte et infinie majesté offensée et l’humanité pécheresse. Son interposition est acceptée, et ainsi la colère de Dieu ne fait pas venir sur l’homme toutes les conséquences de la surprenante malédiction qu’il a attirée sur lui.

Il est manifeste que Christ commença à remplir les fonctions de Médiateur, entre Dieu et l’homme, immédiatement après la chute, puisque aussitôt après il y eut un déploiement de miséricorde envers l’homme. Dieu usa de miséricorde en patientant et en ne détruisant pas l’homme comme il détruisit les anges après leur chute. Or, il n’y a pas de miséricorde exercée envers les hommes déchus, si ce n’est par le moyen d’un Médiateur. Si Dieu, dans sa miséricorde, n’avait pas retenu Satan, celui-ci se serait immédiatement emparé de sa proie. Christ commence son rôle d’intercesseur en faveur de l’homme aussitôt après qu’il est tombé ; car il n’y a d’autre miséricorde pour l’homme déchu que celle qui est obtenue par l’intercession de Christ. Dès ce moment, Christ entre dans l’exercice de toutes ses fonctions et se charge de prendre soin de l’Église. Il entreprend d’instruire l’humanité en sa qualité de prophète ; d’intercéder pour l’homme déchu en sa qualité de sacrificateur ; de gouverner l’Église et le monde en sa qualité de roi. A partir de ce jour, il se charge de défendre son peuple contre tous ses ennemis. Dès le moment où Satan, le grand ennemi de Dieu, a vaincu et perdu l’homme, le soin de lui résister et de le vaincre est confié à Christ. Il entreprend de se rendre désormais maître de son adversaire subtil et puissant. Il est alors choisi capitaine des armées de l’Éternel, capitaine de leur salut. A l’avenir, le gouvernement du monde, avec tout ce qui s’y rattache, est dévolu au Fils de Dieu ; l’homme ayant péché, Dieu n’a plus de rapport immédiat avec l’humanité qui a apostasié et s’est révoltée contre Lui. Désormais il n’agira plus que par l’intermédiaire d’un Médiateur, soit qu’il s’agisse d’instruire les hommes, de les gouverner ou de leur accorder quelques faveurs.

C’est pourquoi quand nous lisons, dans l’histoire sacrée, ce que Dieu fit de temps en temps pour son Église et pour son peuple, comment il se révéla, nous devons entendre ces choses comme s’appliquant spécialement à la seconde personne de la Trinité. Quand il est question d’apparitions de Dieu après la chute, sous quelque forme visible ou sous quelque symbole de sa présence, nous devons ordinairement, sinon dans tous les cas, comprendre tout cela du Fils de Dieu. « Personne ne vit jamais Dieu ; le Fils unique, qui est au sein du Père, est Celui qui nous l’a révélé (Jean.1.18). » C’est pourquoi il est appelé « l’image du Dieu invisible (Coloss.1.15) ; » ce qui veut dire que bien que Dieu le Père soit invisible, pourtant Christ est son image ou sa représentation, au moyen de laquelle on le voit.

Ce monde ne fut pas seulement dévolu à Christ pour en prendre soin et le gouverner en vue de la rédemption, mais aussi, à certains égards, l’univers entier. Dès ce moment les anges lui sont soumis dans ses fonctions de Médiateur, ainsi qu’on le voit par l’histoire biblique, qui nous parle d’eux comme d’esprits administrateurs dans les affaires de l’Église.

C’est pourquoi il est permis de supposer qu’immédiatement après la chute d’Adam il fut proclamé dans les cieux, au milieu des anges, que Dieu avait le dessein de racheter l’homme déchu, que Christ s’était chargé du rôle de Médiateur entre Dieu et l’homme, et qu’ils eussent à lui obéir dans l’exercice de ses fonctions. De même qu’en entrant dans cette charge, il fut solennellement installé roi du ciel, pour être désormais en qualité de Dieu-Homme, comme la lumière, le soleil des cieux (Apoc.21.23). Ainsi, cette première révélation aux anges fut en quelque sorte comme l’aurore de celle qui devait avoir lieu ici-bas. Quand Christ monta aux cieux, après sa passion, et s’assit solennellement sur son trône, alors le soleil se leva dans les cieux et même l’Agneau qui est la lumière de la nouvelle Jérusalem.

1.1.2 – L’Évangile annoncé dès la chute

D’abord après cela, l’Évangile fut pour la première fois révélé sur la terre, en ces mots : « Je mettrai inimitié entre toi et la femme, et entre ta semence et la semence de la femme; cette semence te brisera la tête, et tu lui briseras le talon (Gen.3.15). » Nous devons supposer que Dieu proclama son intention de racheter l’homme déchu, premièrement dans les cieux et ensuite sur la terre. Le fait que les anges sont des esprits administrateurs aux ordres du Médiateur exigerait qu’il en fût ainsi ; car il fallut qu’aussitôt que Christ commença son œuvre de Médiateur les anges fussent prêts pour lui obéir. En sorte, que la lumière apparut d’abord dans les cieux pour se faire jour sur la terre bientôt après. Par ces paroles, Dieu déclara qu’il y avait une autre garantie pour l’homme après la perte de la première. Ce fut là la première révélation de l’alliance de grâce, la première aurore de la lumière de l’Évangile sur la terre.

Avant la chute, ce monde était en jouissance d’une lumière éclatante provenant de la connaissance de Dieu, de sa gloire et de sa faveur. Mais quand l’homme tomba cette lumière s’éteignit tout-à-coup, et le monde retomba dans une obscurité complète, une obscurité plus profonde que celle qui existait au commencement du monde (Gen.1.2), une obscurité mille fois plus irrémédiable que la précédente. Les hommes et les anges étaient impuissants pour trouver un moyen de dissiper ces ténèbres. Elles se montrèrent dans toute leur obscurité lorsque Adam et sa femme s’aperçurent qu’ils étaient nus, et cousirent des feuilles de figuier pour se couvrir ; lorsque, entendant la voix de Dieu, qui marchait dans le jardin, ils se cachèrent parmi les arbres quand Dieu les appela pour la première fois à rendre compte, et dit à Adam : Qu’as-tu fait ? N’as-tu pas mangé du fruit de l’arbre dont je t’avais défendu de manger ? Nous pouvons supposer qu’alors leur cœur fut saisi de honte et de terreur. Toutefois, ces paroles de Dieu (Gen.3.15) furent les premières lueurs de la lumière de l’Évangile après cette affreuse obscurité. Avant cela il n’y avait pas le moindre rayon de lumière pour les consoler, pas la moindre espérance. Ce fut une révélation obscure, il est vrai, mais intelligible de l’Évangile ; à la vérité Dieu ne la donna pas directement à Adam et à Ève, mais elle était contenue dans ce qu’il dit au serpent. Il y avait dans ces paroles « la semence de la femme » la déclaration non équivoque d’intentions miséricordieuses, quelque chose comme la faible lueur de lumière apparaissant à l’orient quand le jour commence à poindre. Cette promesse miséricordieuse fut faite avant même que la sentence n’eût été prononcée contre Adam et Ève, par égard pour eux, de peur qu’ils fussent écrasés par une sentence de condamnation, n’ayant rien qui leur permît d’espérer.

Un grand objet que Dieu se propose dans l’œuvre de la rédemption est encore plus clairement mis en lumière, savoir que tous les ennemis de Dieu doivent être foulés aux pieds par son Fils. Le dessein de Dieu est ici révélé pour la première fois. Satan, sans doute, triompha beaucoup de la chute de l’homme, supposant qu’il avait renversé les desseins que Dieu s’était proposés par la création ; mais, par ces paroles, Dieu lui déclara ouvertement qu’après tout il ne triomphera pas, mais que la semence de la femme remportera sur lui une victoire complète.

Cette révélation de l’Évangile fut le premier acte de Christ comme prophète. Depuis la chute de l’homme à l’incarnation de Christ, Dieu s’occupe de ces choses qui doivent préparer la venue de Christ le rédempteur, qui en sont les signes précurseurs et les arrhes. Une de ces choses préparatoires était d’annoncer, de promettre cette rédemption, comme il le fait d’âge en âge jusqu’à la venue de Christ. Telle fut la première promesse et sa première prédiction.

1.1.3 – Institution des sacrifices

Bientôt après, les sacrifices furent institués pour être un type permanent du sacrifice de Christ, jusqu’au moment où il viendra lui-même s’offrir à Dieu. Les sacrifices ne furent pas institués par la loi lévitique ; ils faisaient déjà partie du culte que Dieu avait institué dès le commencement. Il est dit que les patriarches Abraham, Isaac et Jacob offrirent des sacrifices, et avant eux Noé et Abel ; et ils étaient d’institution divine, car ils faisaient partie du culte de Dieu que son Église offrait par la foi et qu’il acceptait. Cela prouve qu’ils étaient d’institution divine, car les sacrifices ne font pas partie du culte naturel. La lumière naturelle n’enseigne pas aux hommes à offrir des animaux en sacrifice à Dieu ; et, puisqu’ils n’étaient pas enjoints par la loi naturelle, ils doivent, puisqu’ils étaient acceptables aux yeux de Dieu, avoir été offerts en vertu de quelque institution ou commandement positif ; car Dieu a déclaré son horreur pour un culte qui se célèbre sans sa volonté et qui ne repose que sur des préceptes humains (Esaïe.29.13). De plus, un culte qui n’a pas pour garantie une institution divine, ne saurait être offert par la foi là où il n’y a pas de commandement. Les hommes ne sont pas autorisés à compter sur l’acceptation de Dieu pour les choses qu’il n’a pas déterminées et qu’il n’a pas promis d’accepter. De là nous concluons que l’usage d’offrir des sacrifices à Dieu fut institué bientôt après la chute ; car la Bible nous enseigne qu’Abel offrit les premiers-nés de son troupeau (Gen.4.4), et que Dieu accepta son offrande (Héb.11.14). Rien, dans le récit, n’indique que l’institution fût établie seulement au moment où Abel offrit ce sacrifice à Dieu; il paraît, au contraire, qu’il ne fit que se conformer à un usage déjà existant.

Il est très probable que les sacrifices furent institués, d’abord après que Dieu eut révélé l’alliance de grâce (Gen.3.15), comme la fondation sur laquelle devait reposer la pratique des sacrifices. Cette promesse de grâce fut la première pierre apportée à la construction de ce magnifique édifice, l’œuvre de la rédemption ; l’institution des sacrifices, pour être un type du grand sacrifice, fut la seconde.

La première chose rapportée après que Dieu eut prononcé sa sentence de malédiction contre le serpent, l’homme et la femme, c’est qu’il leur fit des habits de peaux et les revêtit. On croit généralement qu’il s’agit de peaux d’animaux offerts en sacrifice ; car il n’est question, jusqu’après le déluge, d’aucune autre coutume pouvant occasionner la mort des animaux, si ce n’est pour les offrir en sacrifice. Avant le déluge, les hommes n’avaient pas l’habitude de faire de la chair des animaux leur nourriture ordinaire. Avant la chute, les fruits des arbres du paradis servirent à la nourriture de l’homme; après cela, ce furent les produits des champs (Gen.3.18). La permission de faire de la chair des animaux leur nourriture ordinaire ne leur fut donnée qu’après le déluge. « Tout ce qui se meut et qui a vie vous sera pour viande ; je vous ai donné toutes ces choses comme l’herbe verte (Gen.9.3). » De sorte qu’il est probable que les peaux desquelles Adam et Ève furent revêtus étaient celles des animaux sacrifiés. En les revêtant ainsi, Dieu donna une vive image de ce qui devait arriver plus tard quand ils seraient revêtus de la justice de Christ. Ils ne s’étaient pas procuré eux-mêmes ces vêtements, Dieu les leur donna. Il est écrit que Dieu leur fit des robes de peau et les en revêtit, comme pour dire que la justice dont nous sommes revêtus vient de Dieu. Lui seul peut recouvrir la nudité de l’âme.

Nos premiers parents, qui étaient nus, furent revêtus aux dépens des animaux qu’il fallut mettre à mort pour leur procurer des vêtements. Christ aussi fut mis à mort pour recouvrir nos âmes du manteau de sa justice. Le tabernacle, dans le désert, qui représente l’Église, était couvert de peaux de béliers teintes en rouge ; elles semblaient avoir été plongées dans le sang, pour signifier que la justice de Christ s’obtiendrait par les souffrances mortelles au milieu desquelles il a versé son sang précieux.

Nous avons déjà remarqué que la lumière dont l’Église jouit depuis la chute de l’homme jusqu’à la venue de Christ, fut un peu, comme celle qui nous éclaire pendant la nuit, une lumière qui ne vient pas directement du soleil, mais qui est réfléchie par la lune et les étoiles ; elle était une image de Christ, le soleil de justice qui devait se lever plus tard. Ils obtinrent cette lumière de deux sources principales : les prédictions de la venue de Christ ; les types et les ombres qui préfiguraient sa venue et la rédemption qu’il devait accomplir. La promesse dont nous avons parlé leur était venue par cette première voie ; l’institution des sacrifices par la seconde. De même que la promesse de Gen.3.15, fut le premier rayon de lumière, après la chute, obtenu prophétiquement, ainsi l’institution des sacrifices fut la première allusion typique. Christ donna la première en qualité de prophète, la seconde en qualité de sacrificateur.

L’institution des sacrifices fut un grand pas fait pour préparer la venue de Christ et l’œuvre rédemptrice ; car les sacrifices de l’Ancien Testament furent le principal de tous les types de Christ et de sa rédemption. Ils servirent à développer, dans l’esprit des membres de l’Église visible, l’idée de la nécessité d’un sacrifice propitiatoire qu’il fallait offrir à Dieu en satisfaction du péché, et ainsi ils préparèrent la voie pour l’Évangile qui révèle ce grand sacrifice, non seulement à l’Église visible, mais au monde entier. En effet, c’est à cette institution des sacrifices que remonte l’usage de toutes les nations d’offrir à leurs dieux des victimes expiatoires pour leurs péchés. Cette coutume se trouve chez les nations même les plus barbares. C’est là une grande preuve de la vérité de la religion révélée ; car aucun peuple, si ce n’est celui des Juifs, ne peut dire comment il en est venu à cet usage, ni indiquer le but qu’on se proposait en faisant des sacrifices aux dieux. La lumière de la nature ne leur a enseigné rien de semblable. Elle ne leur enseigna pas que les dieux étaient affamés et se nourrissaient de viandes qu’on leur offrait en sacrifice ; pourtant, tous les peuples avaient cette coutume. Le fait ne peut être expliqué qu’en admettant qu’ils la tirèrent de Noé, qui l’avait reçue de ses ancêtres, à qui Dieu l’avait donnée comme un grand type du sacrifice de Jésus-Christ. Quoi qu’il en soit, par ce moyen, toutes les nations crurent à la nécessité d’une expiation ou sacrifice expiatoire, et ainsi elles furent préparées à recevoir la grande doctrine évangélique d’une expiation et d’un sacrifice de Jésus-Christ.

1.1.4 – Les prémices des sauvés

Bientôt après la chute, Dieu commença à sauver des hommes en vertu de la rédemption de Christ. Et Jésus, qui venait d’entrer dans ses fonctions de Médiateur entre Dieu et les hommes, agit en les sauvant en qualité de roi, comme, en instituant les sacrifices, il avait agi en qualité de sacrificateur, et en qualité de prophète en annonçant pour la première fois la rédemption. La rédemption commença à apparaître dans cette prédiction comme une prophétie, dans les sacrifices comme un type ; et quand des hommes sont sauvés, nous avons déjà ses premiers fruits.

Il est probable par conséquent qu’Adam et Ève furent les prémices de la rédemption par Christ : on le voit à la manière dont Dieu les traite, lorsqu’il les console après leur réveil et leurs terreurs. Ils sont réveillés, rougissent de leur crime ; puis leurs yeux sont ouverts, ils s’aperçoivent qu’ils sont nus et cousent des feuilles de figuier pour couvrir leur nudité. Il en est de même du pécheur alors qu’il commence à s’apercevoir de ses péchés : il cherche à recouvrir la nudité de son âme du manteau d’une prétendue propre justice. Alors ils sont de nouveau terrifiés et réveillés, en entendant la voix de Dieu qui s’avance pour les condamner. Les feuilles de figuier n’ayant pas répondu au but, ils courent se cacher parmi les arbres du jardin, parce qu’ils sont nus; ils n’osent pas se fier à leurs feuilles de figuier, qui sont insuffisantes pour cacher leur nudité aux yeux de Dieu. Alors ils sont encore troublés par la voix de Dieu qui les appelle pour rendre compte. Mais pendant qu’ils sont saisis de crainte, ainsi qu’il est permis de le supposer, tremblants et étonnés en présence de leur juge, ne sachant d’où leur viendra la moindre lueur d’espérance, Dieu lui-même se charge de les encourager pour les préserver contre les terribles conséquences du désespoir, en leur laissant entrevoir son dessein de miséricorde, avant même de prononcer contre eux de sentence. Et lorsqu’ensuite il a prononcé contre eux un jugement qui, nous pouvons bien le supposer, augmente encore leur crainte, il a soin de les encourager de nouveau ; il leur montre qu’il ne les a pas complètement abandonnés, en se chargeant de leur faire des habits pour couvrir leur nudité. Dieu montre aussi qu’il accepte les sacrifices qu’ils lui offrent, comme type de ce qu’il leur avait promis, quand il a dit : La semence de la femme écrasera la tête du serpent. Et il y a tout lieu de croire que nos premiers parents crurent à cette promesse et la reçurent avec joie. Ève montre clairement son espérance et sa confiance en cette promesse, quand elle dit, à l’occasion de la naissance de Caïn : « J’ai acquis un homme par l’Éternel (Gen.4.1) ; » c’est-à-dire, Dieu, qui m’a promis que ma semence écraserait la tête du serpent, me donne maintenant une preuve, une garantie de sa promesse, en m’accordant un fils. Elle confesse ouvertement qu’elle a acquis un enfant par l’Éternel, et elle espère que la semence promise descendra de lui, son fils aîné. Cependant elle fut trompée en ceci, comme Abraham le fut à l’occasion d’Ismaël, Isaac à l’occasion d’Esaü, et Samuel au sujet du fils premier-né de Jessé. Ce qu’elle dit à l’occasion de la naissance de Seth exprime surtout son espérance et la confiance qu’elle a en l’accomplissement de la promesse de Dieu : « Car Dieu m’a donné un autre fils au lieu d’Abel que Caïn a tué (Gen.4.25). »

Ainsi, il est très probable, sinon évident, que de même que Jésus-Christ commença ses fonctions aussitôt après la chute de l’homme, il commença aussi immédiatement à faire produire à l’œuvre de rédemption ses heureux effets ; il s’opposa à son grand ennemi, le diable, qu’il avait entrepris de détruire en rachetant ces deux premiers prisonniers ; il renversa ses plans immédiatement après son triomphe, en lui enlevant les prisonniers qu’il venait de faire. Il a beau croire les posséder, eux et leur postérité, Christ, le rédempteur, lui montre bientôt qu’il s’est trompé. Il le lui montre en délivrant ces premiers captifs et en lui donnant de bonne heure un exemple de l’accomplissement de cette menace : « La semence de la femme écrasera la tête du serpent, » et, par là, un présage de son triomphe sur tous ses ennemis.

Nous avons ensuite un autre exemple dans la rédemption de l’un de leurs enfants, « d’Abel le juste, » comme l’Écriture l’appelle. Il fut peut-être le premier admis dans le ciel, par suite de la rédemption faite par Jésus-Christ ; du moins, il est le premier racheté dont la mort est mentionnée. Il fut en réalité le premier recueilli dans les cieux ; jusque-là les effets de la rédemption de Christ avaient consisté à convertir et à justifier les hommes; à sa mort, on vit, pour la première fois, que leur glorification serait aussi un de ses fruits ; à sa mort, les anges commencèrent leur mission d’esprits administrateurs chargés d’introduire les âmes des rachetés dans la gloire. En lui, ils eurent la première occasion de contempler, spectacle magnifique s’il en fût, un membre de la race déchue, qui par la chute avait été plongé dans un abîme de péché et de misère, introduit dans le ciel, rendu participant de la gloire céleste, ce qui était un événement infiniment plus important que s’ils l’avaient vu rentrer dans le paradis terrestre. Ainsi, ils contemplèrent les effets de la rédemption chrétienne dans les honneurs et la félicité qui furent accordés à de pauvres pécheurs.

1.1.5 – Envoi de l’Esprit aux jours d’Enos

Une autre dispensation remarquable de Dieu, en faveur de la grande œuvre de la rédemption ce fut l’envoi extraordinaire du Saint-Esprit, par l’intermédiaire de Jésus-Christ, aux jours d’Enos. Nous lisons : « Il naquit aussi un fils à Seth, et il l’appela Enos. Alors on commença d’appeler du nom de l’Éternel (Gen.4.26). » Le sens de ces paroles est très controversé. Nous ne saurions supposer que le sens soit : Les hommes prièrent alors pour la première fois. La prière est un des devoirs de la religion naturelle : la piété y conduit tout naturellement les hommes. Elle est l’essence même de la piété, et nous ne pouvons admettre que, pendant plus de deux cents ans, les hommes pieux aient vécu sans prière. C’est pourquoi quelques théologiens pensent que cela veut dire que le culte public fut alors célébré pour la première fois, ou qu’on commença d’appeler du nom de l’Éternel dans des assemblées publiques. Quoi qu’il en soit, il faut nécessairement admettre qu’il se passa quelque chose de nouveau dans l’Église concernant l’invocation du nom de Dieu ; que ce devoir, d’une manière ou d’une autre, fut accompli plus soigneusement que par le passé, ce qui doit avoir eu lieu par suite d’une effusion remarquable de l’Esprit de Dieu.

Si les hommes furent alors, pour la première fois, poussés à se réunir dans des assemblées publiques afin de s’aider mutuellement à rechercher Dieu, comme ils ne l’avaient jamais fait auparavant, cela nous conduit à rechercher une cause extraordinaire ; et elle ne peut avoir été autre que les influences extraordinaires du Saint-Esprit de Dieu, qui sont toujours accompagnées d’une grande augmentation de l’esprit de prière. Quand l’Esprit de Dieu commence à opérer dans le cœur des hommes, il les pousse immédiatement à invoquer le nom du Seigneur. Il en fut ainsi de Paul dont il est dit, après que l’Esprit de Dieu l’eut arrêté : voilà, il prie. Il en a été ainsi à l’occasion de tous les remarquables effets du Saint-Esprit mentionnés dans l’Écriture, et il en sera de même aux derniers jours.

Il est prédit que le Saint-Esprit sera répandu comme un esprit de grâce et de supplication (Zach.12.10). « Même alors je changerai aux peuples leurs lèvres en des lèvres pures, afin qu’ils invoquent tous le nom de l’Éternel, pour le servir d’un même esprit (Soph.3.9). »

Et quand il est dit : Alors on commença d’appeler du nom de l’Éternel, cela ne peut signifier autre chose que : Ce fut la première occasion remarquable où la chose se fit, ce fut le commencement de l’œuvre de Dieu. C’est là le sens dans lequel cette expression est ordinairement employée dans l’Écriture. Ainsi, « et Saül bâtit un autel à l’Éternel ; ce fut le premier autel qu’il bâtit à l’Éternel (1Sam.14.35). » En hébreu il y a, comme on peut le voir à la marge : Il commença à bâtir cet autel à l’Éternel. Ainsi, « comment échapperons-nous, si nous négligeons un si grand salut qui, ayant premièrement commencé d’être annoncé par le Seigneur, nous a été confirmé par ceux qui l’avaient ouï (Hébr.2.3) ? »

Il est bon d’observer ici que, depuis la chute de l’homme jusqu’à aujourd’hui, l’œuvre de la rédemption a surtout porté ses fruits par suite des remarquables envois de l’Esprit de Dieu. Bien qu’il y ait une constante influence du Saint-Esprit de Dieu accompagnant toujours la célébration du culte, cependant les plus grandes choses qui ont été faites, pour l’accomplissement de cette grande œuvre, ont toujours été le résultat d’une grande effusion du Saint-Esprit, à certaines époques particulièrement favorisées, comme nous le verrons plus clairement dans la suite de cette histoire. Cet envoi du Saint-Esprit aux jours d’Enos est le premier dont il soit fait mention. Quelques personnes avaient jusque-là été sous l’influence de Dieu, mais à cette époque il jugea bon de recueillir une moisson entière. De sorte que nous voyons ce grand édifice, dont Dieu posa les fondements immédiatement après la chute, continué et s’élevant plus haut qu’auparavant.

1.1.6 – Hénoc, fruit de la venue de l’Esprit

Nous ne devons pas passer sous silence la vie sainte d’Hénoc. Nous avons lieu de croire qu’il fut un plus grand saint qu’aucun de ceux qui l’avaient précédé. De sorte, qu’à cet égard aussi l’œuvre de la rédemption se développa et progressa. Pour ce qui est des effets dans l’Église visible en général, nous avons déjà vu qu’ils furent plus remarquables du temps d’Enos que précédemment. Il est probable qu’Hénoc fut un des saints appartenant à cette moisson, car il vécut dans les jours d’Enos. Pour ce qui est du degré de développement auquel cette œuvre parvint dans le cœur des individus, elle est plus avancée chez Hénoc que chez aucun autre avant lui. Il fut un monument surprenant de la rédemption par Jésus-Christ et de l’efficacité de sa grâce.

1.1.7 – La prophétie d’Hénoc

Du temps d’Hénoc Dieu révéla la venue de Christ plus clairement qu’il ne l’avait fait jusque-là : « Desquels aussi Hénoc, septième homme après Adam, a prophétisé, en disant : Voici, le Seigneur est venu avec ses saints, qui sont par millions, pour juger tous les hommes et pour convaincre tous les méchants d’entre eux de toutes leurs méchantes actions qu’ils ont commises méchamment, et de toutes les paroles injurieuses que les pécheurs impies ont proféré contre Lui (Jude.1.14-15). »

Cette prophétie ne semble pas concerner un avènement de Jésus-Christ plutôt qu’un autre, mais elle s’applique en général à la venue de Christ dans son royaume, et elle trouve son accomplissement dans le premier aussi bien que dans le second avènement, et, au fait, dans chaque révélation remarquable que Christ a donnée de lui-même, dans le monde, pour le salut de son peuple et la destruction de ses ennemis. Elle ressemble sous ce rapport à plusieurs autres prophéties de l’Ancien Testament, et en particulier à cette grande prophétie de la venue de Christ dans son royaume, dont les Juifs ont principalement tiré les idées du royaume des cieux : « Un fleuve de feu sortait et se répandait de devant Lui ; mille milliers le servaient, et dix mille millions assistaient devant Lui ; le jugement se tint, et les livres furent ouverts (Dan.7.10). »

Et, bien qu’il ne soit pas improbable qu’Hénoc, en faisant cette prophétie, ait eu particulièrement en vue la destruction prochaine de l’ancien monde par le déluge, qui était un symbole remarquable de la destruction de tous ses ennemis à son second avènement, il est hors de doute qu’il porte sa vue plus loin, du type à l’antitype.

Ensuite comme cette prophétie de la venue de Christ est plus expressive qu’aucune de celles qui l’ont précédée, nous avons dans ce fait la preuve que la lumière évangélique, qui commença à poindre immédiatement après la chute, va en augmentant.

Remarquons ici, en passant, que la lumière de l’Évangile augmente, que l’œuvre de la rédemption progresse, pour ce qui concerne l’Église en général, depuis sa formation jusqu’à la fin du monde, d’après une méthode qui ressemble beaucoup au développement de la même œuvre, et à l’augmentation de la même lumière dans chaque chrétien, depuis sa conversion jusqu’à son entrée dans la gloire. Quelquefois cette lumière brille d’un très vif éclat, d’autres fois elle s’obscurcit, pendant un temps la grâce prévaut, d’autres fois elle semble rester longtemps languissante ; aujourd’hui la corruption prévaut, plus tard la grâce prévaudra de nouveau. Mais en général la grâce va en augmentant, le règne de Dieu se forme dans le cœur, depuis le commencement jusqu’à son complet achèvement dans la gloire. Il en est de même de la grande œuvre de la rédemption en général ; elle va se poursuivant depuis le commencement, pour être parfaitement achevée à la fin du monde.

1.1.8 – L’enlèvement d’Hénoc

Un autre fait remarquable dans le développement de cette œuvre est l’enlèvement d’Hénoc au ciel