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Extrait : "Les Gaulois, les peuples des Îles Britanniques, ceux de l'Illyrie et de l'Espagne, portèrent jadis indistinctement le nom de Celtes. La conformité des mœurs et des coutumes de ces peuples, l'affinité de leur langage qui ne différait que par la diversité des dialectes, la terminaison semblable de plusieurs noms propres et appellatifs, prouvent clairement que ces divers peuples descendent d'une même famille."
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Seitenzahl: 555
Veröffentlichungsjahr: 2015
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EAN : 9782335050004
©Ligaran 2015
Plusieurs écrivains se sont occupés de l’histoire du Limousin sous les rapports de la Religion, de la Politique et des Antiquités ; mais il manquait à notre littérature un ouvrage que les gens du monde pussent lire avec fruit, et qui leur donnât des connaissances sur tout ce qui est du domaine de cette Histoire. C’est donc ce que j’ai entrepris de faire en livrant mon travail à l’impression. Présenter avec concision et clarté tout ce que les Annales du Limousin offrent de vraiment intéressant, élaguer de ma narration ce qui porte le type du merveilleux pour m’en tenir aux faits les plus incontestables, fronder enfin quelques vices et quelques ridicules, voilà le but que je me suis proposé. Dire que cette nouvelle Histoire a été entièrement puisée dans les auteurs les plus famés, dans les chroniques manuscrites les plus estimées et dans les registres de l’Hôtel-de-Ville de Limoges, c’est offrir, je pense, une garantie bien capable de désarmer la critique sur le fond du travail. Le lecteur judicieux n’aura donc plus qu’à prononcer sur le mérite de sa forme. Mais, quant à ce dernier objet, les soins particuliers que j’ai apportés dans la classification des nombreux matériaux qui ont concouru à la formation de cet ouvrage, ces soins, dis-je, me permettent d’espérer qu’il obtiendra un accueil favorable. Mon ambition n’aspire point aux palmes littéraires. Je n’écris point pour les savants. J’ai voulu seulement faire une histoire instructive et amusante. Néanmoins je me suis particulièrement attaché à être vrai et impartial dans tout le cours de ma narration, pénétré, que je suis, des devoirs que ma tâche m’impose.
Selon Lucien, « le premier devoir de l’homme qui se voue à écrire l’histoire, c’est de n’avoir aucun préjugé, de n’embrasser aucun parti, de n’être dominé par aucune passion. » Le jésuite Strada, auteur de l’histoire des guerres de Flandre, pensait comme Lucien, et enchérissait encore sur lui, en disant : « Qu’il serait à désirer qu’un historien ne fût d’aucun ordre, d’aucune faction, d’aucun pays et d’aucune religion. »
On ne doit pas cependant trop exiger de l’historien, il est homme, il ne doit pas en dépouiller les sentiments ; il doit les éprouver. Il doit être passionné, mais pour la vérité seule, et il ne doit être partial qu’en faveur de l’humanité. Un esprit juste, un discernement sûr, lui sont plus nécessaires encore qu’au Magistrat esclave de la loi, à laquelle son devoir soumet toujours sa conscience. La conscience de l’Historien n’est soumise qu’à son jugement. L’Historien doit peindre le grand tableau de l’humanité ; il doit le peindre non tel qu’un poète qui l’exagère pour le rendre plus frappant ; non tel qu’un peintre qui n’offre que des surfaces, qui trompe par son coloris, qui ne présente que le côté qui plaît, et qui charme par des illusions ; il est le sculpteur chargé de faire la statue entière, d’offrir le modèle sous tous ses aspects. Il doit plaire et ne rien omettre ; il doit plaire et doit être en tout de la plus rigoureuse vérité. Son but est manqué si on le soupçonne d’avoir amplifié ou altéré quelque chose pour être éloquent ou moraliste par esprit de parti, ou par esprit de système.
Voilà les préceptes que je me suis attaché à suivre scrupuleusement.
La table des matières, que j’ai eu soin de placer immédiatement après cet avant-propos, fera connaître d’un coup d’œil le plan de cette Histoire. On y verra, que pour lui donner un nouveau degré d’intérêt, je l’ai mise constamment en harmonie avec les points les plus curieux de l’histoire générale de France.
Les citations, les renvois, les notes marginales offrent sans doute un grand avantage pour faciliter les vérifications ; mais elles ont l’inconvénient de couper le récit d’une manière désagréable et de fatiguer l’attention des lecteurs. C’est pourquoi je me suis abstenu d’en surcharger le texte de mon ouvrage. Je vais cependant indiquer les principales sources où j’ai puisé mes matériaux : j’ai consulté, avec le plus grand soin, l’histoire romaine de Tite-Live ; les commentaires de César ; Valère Maxime ; les histoires de France par Grégoire de Tours, Dupleix, Daniel, Mézerai, Velly, Villaret, Garnier, Anquetil et Hénaut ; l’ouvrage du père Anselme ; le dictionnaire de Moreri ; les annales du père Bonaventure et celles de Bouchet ; les ouvrages de Baluze ; celui de Bergier sur les voies Romaines ; l’Art de vérifier les dates ; l’histoire ecclésiastique par Fleury ; l’ouvrage de l’abbé Banier ; les mémoires de Brantôme ; l’indicateur du diocèse de Limoges ; la statistique de la H. te. Vienne ; l’essai historique de M. Duroux sur la ci-devant Sénatorerie de Limoges ; l’intéressant opuscule de M. Juge-de-Saint-Martin ; enfin, les observations physico-médicales du docteur Jean Cruveilhier.
Des Celtes et des Gaulois. – De la Gaule et de sa division sous l’Empire Romain. – Province Romaine à laquelle appartenait le Limousin ; sa situation et ses limites ; sa constitution météorologique.
Les Gaulois, les peuples des Isles Britanniques, ceux de l’Illyrie et de l’Espagne, portèrent jadis indistinctement le nom de Celtes. La conformité des mœurs et des coutumes de ces peuples, l’affinité de leur langage qui ne différait que par la diversité des dialectes, la terminaison semblable de plusieurs noms propres et appellatifs, prouvent clairement que ces divers peuples descendent d’une même famille. Cependant il faut remarquer, qu’avec le temps, le nom de Celtes fut restreint aux habitants de la Gaule et de la Germanie.
Les Gaulois n’ayant point eu d’histoire écrite nous n’avons aucuns documents certains sur les premiers temps de ces peuples, que par les relations des Grecs et des Romains, qui, encore, en ont dit fort peu de chose. C’est pourquoi il est inutile de s’entretenir des rêveries que quelques auteurs ont publié à ce sujet. Je n’entrerai point dans le détail des actions militaires des Gaulois dans les différents pays où ils s’établirent par la force des armes ; je me contenterai de dire, avec tous les historiens, que leur vaillance impétueuse, après avoir fait trembler les peuples voisins, fut enfin obligée de céder à la discipline et à la valeur Romaines ; mais ce ne fut qu’après les guerres les plus longues et les plus meurtrières. L’empire des Gaulois, en Italie, se maintint pendant près de quatre siècles. En Asie, ils se rendirent pendant longtemps redoutables aux princes de l’Orient ; mais les Romains ayant défait Antiochus, parvinrent à anéantir leur domination dans cette dernière contrée.
Les Romains ayant subjugué toutes les colonies Gauloises, vinrent attaquer cette même Gaule qui avait produit tant d’essaims de héros. Les Marseillais leur facilitèrent cette conquête : ces étrangers ayant imploré le secours des Romains contre leurs voisins, les Romains profitèrent de cette circonstance pour introduire en Gaule des armées nombreuses, et parvinrent successivement à en assujettir tous les peuples. Tant de succès furent un moment arrêtés par le débordement terrible des Cimbres et des Teutons ; mais ces barbares ayant été complètement défaits par Marius à leur retour d’Espagne, les Romains réduisirent entièrement, sous leur joug, les peuples qu’ils avaient vaincus.
Jules-César, après avoir affermi sa puissance dans la Gaule Transalpine, s’appliqua à la division territoriale de cette contrée. Il la distingua d’abord en Gallia Braccata et en Gallia Comata ; de cette dernière partie il forma ensuite trois provinces sous le nom de Belgique, de Celtique et d’Aquitanique. Les Lemovices furent du nombre des quatorze peuples qui entrèrent dans la composition de l’Aquitaine, dont Bourges était la métropole.
Dioclétien sépara la Novempopulanie de l’Aquitaine. Enfin, Honorius forma de cette dernière province deux nouvelles subdivisions, et les Lemovices furent classés dans la première, qui prit le nom d’Aquitania prima.
Je terminerai ce chapitre par dire un mot sur l’origine des noms de Gaule et de Gaulois : les uns prétendent que le nom de Gaule dérive d’un mot grec qui signifie lait, à cause de l’extrême blancheur qui distinguait les Gaulois ; d’autres veulent que ce soit d’un mot hébreu qui veut dire jaune, parce que ces mêmes Gaulois avaient, pour la plupart, les cheveux roux. Quelques auteurs conjecturent que les Gaulois ont été ainsi nommés, du mot Celtique Wallen, qui, en allemand, signifie voyager, et qu’on leur imposa ce nom lorsqu’ils commencèrent à émigrer de leur terre natale pour aller former des colonies. Ce qui semble donner quelque vraisemblance à cette dernière opinion, c’est que l’Italie s’appelle encore, en allemand, Walleschen, et en danois, Walland, comme qui dirait terre des Gaulois.
L’ancienne province du Limousin qui forme, avec la basse Marche, les départements actuels de la Haute-Vienne et de la Corrèze, s’étend sur la majeure partie du territoire des Lémoviques. Elle est située entre le sud-ouest quart du sud et le sud point central de la France, sous le 18e degré, 54 min. 10 secondes de longitude, et sous le 45e degré, 45 min. 50 secondes de latitude. Sa superficie est d’environ 626 lieues carrées. Ses limites sont au sud le Quercy ; au nord la basse Marche et le Poitou ; à l’est l’Auvergne ; à l’ouest le Périgord et l’Angoumois.
Le climat du haut Limousin est plus froid que chaud, et moins tempéré que celui de Paris, quoiqu’il approche davantage de la ligne. La nature du sol, l’élévation et la direction de ses montagnes, la multiplicité de ses sources, et le grand nombre des ruisseaux qui arrosent ce pays, font que sa constitution météorologique éprouve des variations continuelles.
Le bas Limousin est plus tempéré et même assez chaud en quelques endroits, principalement dans le vallon de Brive et dans les coteaux d’alentour.
La Vienne, la Vézère, la Corrèze et la Dordogne sont les principales rivières qui arrosent le Limousin. Sa population est d’environ huit cents individus par lieue carrée.
Du Limousin, depuis l’établissement de la Monarchie Française. – De la Marche Limousine.
Cette province fit partie de l’Empire Romain jusqu’à l’époque des incursions des Barbares dans la Gaule. En 472 elle passa sous la domination des Visigoths, qui la possédèrent jusqu’au règne de Clovis : ce prince les en expulsa vers l’an 507, après avoir gagné sur eux la célèbre bataille de Vouillé. L’an 511, la Monarchie Française ayant été divisée entre les quatre fils de Clovis, Thierri, l’un d’eux, quoique roi d’Austrasie, devint possesseur du Limousin. Le règne de Théodebert, fils de Thierri, fut troublé par des guerres intestines dont l’Aquitaine fut plusieurs fois le théâtre ; mais elle jouit d’une paix profonde sous les successeurs de ce prince, qui la gouvernèrent jusqu’au septième siècle. Dans la suite, cette province changea plusieurs fois de maître, jusqu’à ce que le duc Eudes s’y fut rendu souverain absolu. En 768, le roi Pépin le Bref confisqua l’Aquitaine sur les descendants de ce Duc, et alors elle rentra sous la domination des Rois de France. Charlemagne rétablit le royaume d’Aquitaine ; son fils Louis le Débonnaire le posséda jusques en 817. Dans le partage que ce dernier fit de ses états, il donna d’abord ce Royaume à Pépin son fils ; mais ensuite il en disposa en faveur de Charles le Chauve. Les Normands, qui dès l’an 836 avaient pénétré en France, se jetèrent, dix ans après, sur l’Aquitaine ; et après y avoir exercé pendant plus de deux années les plus affreux ravages, ils l’abandonnèrent enfin, en 848, emportant avec eux un butin immense. Louis le Bègue étant parvenu au trône de France, l’Aquitaine cessa de former un royaume particulier. Elle fut alors érigée en duché. Les ducs d’Aquitaine ne furent d’abord qu’amovibles ; mais dans la suite ils trouvèrent le moyen de rendre leur gouvernement héréditaire et d’en usurper la souveraineté. Ranulphe, l’un d’eux, porta même l’audace jusqu’à prendre le titre de Roi, en 888 ; mais il mourut empoisonné, l’an 893. Les héritiers de Ranulphe possédèrent le Limousin jusqu’à Aliénor, duchesse propriétaire d’Aquitaine, qui, après avoir été répudiée par Louis VII, dit le Jeune, apporta en dot tous ses grands biens à son second époux, Henri Plantagenet, duc de Normandie, lequel devint ensuite roi d’Angleterre, sous le nom de Henri II. La mort de ce dernier fit passer sa succession, d’abord à Richard Cœur-de-Lion, puis à Jean Sans-Terre, ses deux enfants. Jean Sans-Terre ayant encouru la confiscation de tous les états qu’il possédait en France, pour n’avoir pas comparu à la citation des pairs de France sur le meurtre d’Arthus son neveu, le Limousin passa de la domination anglaise sous celle de Philippe-Auguste. Mais Saint Louis ayant fait, en 1259, une paix perpétuelle avec Henri III, roi d’Angleterre, il rendit et céda à ce Monarque les villes de Saintes, Périgueux, Limoges, Cahors et Agen, avec leurs territoires et dépendances, à la charge, seulement, que le roi d’Angleterre lui en ferait hommage comme de tout le reste de l’Aquitaine. Ensuite, par le funeste traité de Bretigny, la France fut obligée de céder aux Anglais, non seulement la propriété, mais encore la haute souveraineté de tous les pays situés entre la Loire et les Pyrénées. Charles V, successeur du roi Jean, répara les malheurs du règne de son père, et les Anglais furent expulsés de la presque totalité des pays qu’on leur avait abandonné.
Passons actuellement aux variations qu’a éprouvé le gouvernement particulier du Limousin, depuis Jules-César. Il eut d’abord, sous l’Empire Romain, des gouverneurs appelés Proconsuls, qui étaient des magistrats supérieurs tant pour le civil que pour le militaire. Sous les rois Visigoths, il eut sans doute aussi des gouverneurs ; mais le règne de ces princes barbares fut si orageux et si court, qu’il n’est pas surprenant que l’histoire n’ait presque rien conservé de ce qui se passa de leur temps ; il en est à peu près de même sous les rois de la première race. Le premier comte de Limoges qui soit bien connu, se nommait Nonnichius, et vivait en 582 ; après lui on remarque Térendiol qui fut tué d’un coup de pierre au siège de Carcassonne. Vers l’an 700, Lantarius, issu de nobles sénateurs, comte de Limoges, très puissant en richesses, fit bâtir un monastère à Guéret ; il épousa Colmania qui était veuve d’Oda, et qui est généralement regardée comme la bienfaitrice du couvent de Solignac. En 778, Charlemagne, alors roi d’Aquitaine, établit un comte à Limoges, et donna ce titre à Roger, son parent. En 847, le comté de Limoges était possédé par Geraud qui épousa Adeltrude, mère de St. Gérald, comte d’Aurillac. Depuis cette époque, le comté de Limoges fut possédé par les comtes d’Auvergne, et ensuite par ceux de Poitiers, ducs d’Aquitaine. Il paraît que ce comté comprenait tout le haut et bas Limousin, et toute la haute et basse Marche ; car on trouve que les comtes de Limoges ont fait des actes de possession et de juridiction dans l’étendue de ces divers pays ; mais dans la suite il fut divisé, puisqu’on voit en même temps des comtes de Limoges et des comtes de la Marche. En remontant le plus haut qu’on peut dans l’histoire, on trouve qu’un Fulcherius était vicomte de Limoges vers l’an 888. Son fils Gérald et ses descendants prirent de même la qualification de vicomte. Mais, en 1275, cette vicomté passa par mariage dans la maison des ducs de Bretagne, où elle demeura plus de 200 ans ; elle appartint ensuite à celle d’Albret par le mariage de Françoise de Bretagne avec Alain d’Albret, prince de Béarn ; enfin par le mariage de Jeanne d’Albret reine de Navarre avec Antoine de Bourbon, père de Henri IV ; et par l’avènement de celui-ci à la couronne de France, elle fut réunie au domaine royal vers le commencement du 17e siècle, et depuis fut gouvernée comme le reste du Royaume.
La Marche fit jadis partie de la province du Limousin. Elle fut ainsi nommée, parce qu’elle était située sur les confins ou marches du Poitou et du Berry ; d’où elle fut appelée aussi la Marche-Limousine. Elle fut détachée du Limousin vers la fin du 10e siècle. Audebert, issu des comtes propriétaires de la Marche, vendit son comté à Henri II, roi d’Angleterre, qui en gratifia ensuite Hugues de Lusignan, dont les frères furent aussi très puissants : savoir, Geoffroi vicomte de Châtelleraut, par Clémence sa femme ; Guy qui fut roi de Jérusalem et ensuite de Chypre ; Émery son successeur dont descendirent les autres rois de Chypre de la maison de Lusignan ; et enfin Raoul qui épousa Alix comtesse d’Eu. Le roi Philippe le Bel se saisit de la Marche et en fit don à son fils puîné Charles, qui, étant parvenu à la couronne, changea cette province contre le comté de Clermont. Mais Philippe de Valois ayant succédé à Charles, rendit le comté de Clermont à la maison de Bourbon qui en avait fait l’échange. Jacques de Némours hérita ensuite du comté de la Marche par son mariage avec Éléonore de Bourbon. Mais le duc de Némours fut condamné pour crime de lèze-majesté, et ses biens furent confisqués. Alors Louis XI disposa de la Marche en faveur de Pierre de Bourbon, son gendre. Leur fille Suzanne épousa le connétable de Bourbon. Elle mourut avant son mari, dont tous les biens ayant été confisqués, le comté de la Marche fut réuni à la couronne par François Ier, l’an 1531.
Ancienne position de la ville de Limoges. – Noms divers sous lesquels elle est connue dans l’Histoire.
On voit, dans le dictionnaire géographique de l’abbé d’Expilly, que la ville de Limoges s’étendait, dans les premiers temps, le long de la Vienne et aux environs du pont Saint-Martial, jusqu’auprès du château de Beauséjour. Elle fut ensuite partagée par cette rivière, comme nous l’apprend Puncteïus dans ses vers.
Nos anciennes chroniques, manuscrites et imprimées, attestent que la ville de Limoges fut jadis très considérable. Il paraît qu’elle s’étendait depuis le Naveix jusqu’à la Roche-au-Got. La partie méridionale n’était ni aussi peuplée ni aussi étendue que la partie septentrionale ; cependant on sait, par le résultat des recherches des savants, que le territoire du Masrome était dans son enclave. Elle se prolongeait vers les Portes-Ferrées et la Fount-Péchiado. La partie septentrionale comprenait la Cité, les faubourgs Boucherie et Manigne, le quartier du pont Saint-Martial, le quartier de la Maison Commune et les jardins d’alentour, la rue des Argentiers, les quartiers de Beauséjour et de Saint-Cessateur, en remontant vers la place d’Orsay, ancien emplacement de l’amphithéâtre des Arênes.
L’époque de la fondation de cette Cité, l’une des plus célèbres parmi les anciennes villes de la Gaule, se perd dans la nuit des temps. Nous n’entreprendrons pas de concilier les opinions variées des historiographes à cet égard. Nous dirons seulement qu’elle resta pendant plus de cinq siècles sous la domination des Romains, qui l’embellirent de monuments somptueux, et qui la rendirent si florissante qu’on la nommait Altera Roma, une seconde Rome. Elle fut ensuite assiégée par les Vandales, prise par les Goths, saccagée par Théodebert, détruite par Pepin. Rétablie bientôt après, elle fut pillée par les Normands, désolée par les Anglais, et livrée enfin à toutes les horreurs de la guerre civile : Nous donnerons, dans le cours de cet ouvrage, les détails relatifs à tous ces évènements.
Limoges était connue des Grecs sous le nom de Lémos, des Latins sous celui de Lemovicum.
Lors de la dédicace de l’Autel que la ville de Lyon érigea à Auguste, Limoges fut du nombre des 60 Cités Gauloises qui y firent placer leur statue, en reconnaissance de l’amour qu’elles portaient à cet Empereur, à cause de la douceur de son gouvernement. Ce fut à cette époque que les Lémoviques nommèrent leur capitale Augustoritum. Mais elle ne conserva ce nom que jusqu’au 4e siècle, où elle reprit celui de Lemovicum.
St. Augustin (acta ss.) désigne Limoges sous le nom de Lemovica ; Grégoire de Tours sous ceux de Lemovicina urbs et de Lemovicinium ; Magnon le grammairien, sous celui de Lemofex Augustoretum.
En 401, Limoges est désignée sous le nom de Civitas Lemovicum ; au 6e siècle, sous celui de Lemodia ; au 7e siècle, sous celui de Limodicas. Sur les monnaies de nos Rois de la première race, on trouve écrit : Lemovecas ; au 8e siècle, Limodia, Limodica, Limovica, Lemodia ; en 804, Lemodicas ; enfin, en 879, Limosina.
Les habitants du château de Limoges, (c’est-à-dire de la première enceinte de la ville actuelle) se trouvant hors d’état de subvenir à la réparation des désastres causés par les guerres de Waiffre, duc d’Aquitaine, et encore par les fureurs des Normands, eurent recours, pour cet objet, à un abbé de Saint Martial, nommé Étienne. Ce ne fut pas en vain. Cet abbé fit relever à ses dépens une partie des murs de la ville et construire deux tours, l’une appelée Horlogette, et l’autre Fustinie, ainsi que les portes Argolet et Poulaillière. Ce qui fut cause que le château de Limoges porta le nom de Stephanopolis. Mais, après la mort d’Étienne, Limoges reprit son ancien nom.
Des productions du Limousin.
Presque toute la surface du Limousin est couverte de bois châtaigniers ; on n’y distingue aucune forêt royale et fort peu de bois propre à la construction. Les terres qui ne sont pas couvertes de châtaigniers, sont peu propres à la culture du froment ; mais il y croît d’assez beau seigle. On y sème aussi beaucoup de blé noir, et on y cultive beaucoup de pommes de terre et de grosses raves. Ce blé noir, ces pommes de terre et ces grosses raves, forment, avec les châtaignes, la base de la nourriture des gens de la campagne. De sorte que, lorsque la moisson du froment et du seigle se trouve abondante, les paysans ne laissent pas de souffrir de très grandes disettes, si ces trois dernières espèces de fruit viennent à leur manquer. Le terroir est assez propre pour les autres espèces de fruits, comme cerises, prunes, poires, pommes, etc. ; mais les habitants ne sont guères curieux d’en planter des meilleures espèces.
L’exposition favorable de quelques coteaux sur les bords de la Vienne, de la Gardempe et du Vincou, a permis d’y former quelques vignobles ; mais leur produit est peu considérable, et de mauvaise qualité. Les gens aisés tirent leurs vins du Périgord et de l’Angoumois. Le bas Limousin produit cependant d’assez bons vins, principalement du côté d’Allassac, et de quelques cantons aux environs de Brive.
Le Limousin renferme quelques mines de plomb assez riches, ainsi que des mines de fer et plusieurs forges ; mais ces forges sont moins considérables que celles de l’Angoumois. Les productions qui méritent le plus particulièrement de fixer l’attention, sont les belles carrières de kaolin et de pétuntsé, qui servent à la fabrication de la porcelaine, lesquelles sont situées dans l’arrondissement de Saint-Yrieix.
Le principal revenu du haut et du bas Limousin consiste dans le trafic des bestiaux. Les moutons n’y sont pas en général d’une très belle espèce ; mais, en revanche, il y a des bœufs très estimés, dont il se fait un grand débit pour l’approvisionnement de la Capitale.
On connaît la beauté et la bonté des chevaux de race Limousine ; on sait que, lorsqu’ils ne sont montés qu’à l’âge de 7 à 8 ans, ils durent plus qu’aucuns autres de France. Je ne m’appesantirai pas sur cet article ; je me contenterai de dire un mot sur nos haras.
Avant le ministère de Colbert, les haras du Limousin étaient presqu’anéantis ; ce grand homme s’occupa le premier du soin de les régénérer. Mais les successeurs de cet habile Ministre, peu jaloux de marcher sur ses traces, supprimèrent les gratifications accordées aux propriétaires, et négligèrent de renouveler les étalons. Le maréchal de Turenne gouverneur du Limousin, où il avait des possessions considérables, tenta de rétablir cette branche précieuse d’économie publique. Il fit venir à cet effet, en Limousin, des étalons, Andaloux Barbes et Arabes. Dans la suite, la direction des haras ayant été confiée aux Intendants, ceux-ci y mirent beaucoup de négligence, et notre belle race fut sur le point de s’anéantir. Ce ne fut que vers la fin du règne de Louis XV qu’on la vit refleurir. Le prince de Lambesc créa le haras de Pompadour, et y plaça des chevaux Arabes et d’autres de race étrangère. Cet établissement prospérait lorsque la révolution arriva. L’assemblée nationale décréta la suppression des haras, et fit vendre les étalons. Les réquisitions occasionnées par les guerres de l’Ouest achevèrent de mettre le comble aux mesures déplorables de l’assemblée. Un petit nombre de rejetons survêquirent à ce désastre. Mais, depuis plusieurs années, le gouvernement s’applique à rendre à nos haras leur splendeur première. Les primes accordées aux propriétaires ont produit les plus salutaires effets ; ces encouragements pécuniaires, joints aux institutions des courses annuelles, ont ranimé parmi eux l’émulation. Tout porte donc à croire qu’avec des soins et de la persévérance, on parviendra à rétablir, en Limousin, la race primitive de ses chevaux.
De la population du Limousin.
Plusieurs recensements ont été faits depuis la révolution ; mais presque tous ont été exagérés par divers intérêts de localité. Le désir immodéré que manifestaient presque toutes les communes, d’acquérir de l’importance ; la rivalité qui s’était établie entre quelques villes, pour obtenir des établissements ; l’ambition de quelques hommes qui couraient aux places, tout contribuait à grossir les dénombrements. En 1790 surtout, le dénombrement offrit plusieurs motifs de suspicion, parmi lesquels il en est un, dont l’action fut très puissante à cette époque ; c’est l’intérêt qu’avaient alors les curés dotés par l’assemblée constituante d’après le nombre de leurs paroissiens, d’en grossir les états, pour jouir de traitements plus considérables. La suppression des ordres monastiques fit décroître momentanément la population des villes ; mais elle augmenta, dans la suite, la population de la province, en diminuant le nombre des célibataires des deux sexes. La joie qu’éprouva le peuple, lorsqu’il se trouva rédimé des redevances seigneuriales et ecclésiastiques, fit faire, dans les premières années de la révolution, de rapides progrès à la population ; mais elle ne tarda pas à éprouver des pertes incalculables, par l’effet des dissensions civiles, des expatriations volontaires ou forcées, et principalement par celui des levées militaires. Ces désastres ont été en-partie réparés, dans nos villes les plus populeuses, par l’affluence des étrangers qu’y ont amené le goût des arts et du commerce, les nouveaux établissements d’administration, d’ordre judiciaire, et d’instruction publique ; enfin par les bienfaits de la pacification générale. L’influence salutaire de la paix a accru considérablement, depuis quelques années, la population de nos campagnes, qui furent si longtemps et plus cruellement que les villes, désolées par les lois sanguinaires de la conscription.
Les habitants de nos campagnes ne sont pas d’une constitution robuste ni d’une haute stature ; ceux des villes ont ordinairement une taille plus élevée. L’accroissement des uns et des autres est lent et tardif. Chez les deux sexes, le teint est en général frais et coloré pendant la jeunesse ; mais le cultivateur ne conserve pas longtemps ces avantages. Il ne tarde pas à devenir pâle et livide. La température froide et humide, détermine cette prédominance de la lymphe qui constitue le tempérament le plus ordinaire des habitants du Limousin. La grossièreté des aliments, l’abus ou la privation des liqueurs spiritueuses, la mal-propreté, l’insalubrité des habitations, l’entassement des immondices autour d’elles, enfin les conséquences de la maladie vénérienne, telles sont les causes qui tendent à aggraver une constitution déjà viciée par les variations fréquentes de l’atmosphère. Aussi voit-on la plupart des enfants avec une face bouffie. Leurs yeux sont bleus ou gris, très rarement noirs leurs cheveux blonds ou châtain-clairs ; la lèvre supérieure volumineuse ainsi que les ailes du nez, la mâchoire inférieure large ; les dents rarement saines ; les articulations d’une grosseur surnaturelle ; les mucosités nasales abondantes ; les croûtes au nez, les suintements d’oreille, les flux puriformes des paupières, les croûtes à la tête, les engorgements glanduleux extrêmement communs. Ces caractères sont un peu mitigés par l’âge et souvent par l’éducation et les remèdes. Mais le fond reste le même. Après le tempérament lymphatique, le sanguin est celui qu’on rencontre le plus ordinairement ; très souvent aussi on les trouve combinés. Le tempérament lymphatico-sanguin, qui est celui de la majeure partie des femmes Limousines, leur donne cet air de fraîcheur et de santé, qui a fait dire que le sang des femmes est très beau à Limoges.
Les montagnards Limousins ne sont pas plus robustes que ceux qui habitent les vallées et le voisinage des eaux. Leur teint est au contraire plus flétri et leur organisation physique plus dégénérée. Il existe de grandes nuances entre les paysans Limousins qui habitent les parties orientale et méridionale de la province, d’avec ceux qui habitent le centre, le couchant et le nord. La constitution des premiers est aussi misérable que le pays est ingrat. Mais si l’on descend des montagnes pour parcourir les parties moyenne et basse, l’œil se repose avec plus de satisfaction sur l’état de la population. On y trouve des constitutions plus robustes, et plus d’apparences d’une bonne santé.
En général les paysans Limousins portent dans tout leur extérieur, l’empreinte du terrain qu’ils cultivent ; ils offrent l’aspect de la tristesse et de la souffrance ; leur regard est timide et embarrassé, leur physionomie est sans expression ; les longs cheveux qui flottent sur leurs épaules, leur cachent une partie de la figure et lui donnent quelque chose de sombre et de farouche. Le châtain est la couleur dominante de leur chevelure ; cependant cette couleur se modifie suivant la disposition des lieux et suivant les températures. Elle est plus claire dans les cantons du nord et de l’est ; elle se rembrunit à mesure qu’on s’avance vers le sud et le couchant. L’âge de la puberté, dans les deux sexes, varie suivant le genre de vie et les constitutions. Les habitants des villes sont plutôt nubiles que ceux des campagnes. Dans les villes, les garçons sont nubiles vers 16 à 17 ans, et les filles vers 14 ou 15 ans : dans les campagnes les garçons ne le sont que vers 17 ou 18 ans, et les filles vers 15 à 16 ans. Mais quoique plus tard nubiles, les gens de la campagne se sont toujours mariés plus jeunes. La fortune du laboureur consiste dans ses enfants : le citadin a une opinion contraire. L’excessive précocité des alliances qui se contractent à la campagne influe déplorablement sur la constitution physique des êtres qui en proviennent ; et c’est à cette circonstance qu’on doit attribuer la grande mortalité qu’on a toujours remarquée parmi les enfants des paysans, ainsi que la débilité d’un très grand nombre d’entre eux qui arrivent à un âge plus avancé sans devenir des hommes forts et robustes.
Malgré les vices de constitution qui règnent en général parmi les habitants du Limousin, il s’en trouve cependant un assez grand nombre qui joignent à une forte complexion une taille avantageuse ; il en est qui ne connaissent point les maladies et qui poussent fort loin leur carrière. C’est principalement dans la classe des cultivateurs que se rencontrent communément les plus belles vieillesses.
Les variations subites et excessives de la température, rendent communes, en Limousin, toutes les maladies aiguës et chroniques, qui sont l’effet de la suppression de la transpiration insensible ; elles disposent aux rhumes, aux engorgements du poumon, aux fièvres catharales bilieuses et malignes, à des toux épidémiques, à des coqueluches, à des péripneumonies, à des fausses pleurésies, à des esquinancies, à des rhumatismes, aux fluxions, aux apoplexies, aux paralysies et aux affections comateuses séreuses. La grossièreté des aliments du peuple, le dispose aux obstructions des viscères abdominaux, d’où naissent une multitude de fièvres dangereuses. Les enfants sont en général sujets aux affections vermineuses et convulsives. La plupart des nombreux accidents, occasionnés par les maladies dont nous venons de faire l’énumération, sont souvent moins l’effet des maladies elles-mêmes, que des moyens bizarres employés pour les combattre.
Les Gaulois passaient pour francs et généreux. Ils s’adonnaient à la danse et à la chasse. Ils avaient un goût passionné pour la parure et aimaient singulièrement à imiter leurs voisins. Ils cultivaient l’éloquence et en sentaient tout le prix. Les Aquitains surtout excellaient dans l’art oratoire ; ils prêtaient une telle attention aux harangues publiques, qu’ils avaient institué des officiers de paix, chargés uniquement de la police dans ces circonstances. Ces officiers étaient toujours armés de pied en cap. Ils punissaient les babillards en leur coupant un morceau de leur vêtement. La gloire militaire était pour ce peuple le comble de la félicité. Ils venaient toujours en armes dans leurs conseils de guerre, et le dernier arrivé était incontinent mis à mort.
Le caractère moral des habitants du haut Limousin diffère essentiellement de celui des habitants de la partie basse de cette Province. Les premiers sont en général grossiers et pesants, mais laborieux et entendus pour leurs affaires ; vigilants, économes, la plupart jusqu’à l’avarice ; jaloux, méfiants et craignant le mépris ; durs envers eux-mêmes et cependant honnêtes envers les étrangers, et surtout envers ceux dont les dehors en imposent.
Les habitants du bas Limousin et principalement ceux de Tulle sont d’un esprit plus subtil que les précédents ; fort insinuants, cachant sous des dehors nobles des inclinations intéressées ; on les accuse même d’être un peu vindicatifs.
Les habitants de Brive sont plus doux, mais moins spirituels.
En général, les facultés intellectuelles des Limousins sont peu précoces. Rarement voit-on briller parmi eux cette vivacité d’esprit qui caractérise les habitants du Midi. Leurs passions sont modérées et peu susceptibles de cette exaltation qui enfante à la fois les grands crimes et les grandes vertus. C’est sans doute ce qui a garanti jusqu’à ce jour le Limousin des excès, qui ont souillé tant d’autres pays. Aussi a-t’on vu pendant la durée de la tourmente révolutionnaire, une infinité de citoyens se jeter alternativement dans divers partis et professer tour à tour diverses doctrines. Aussi a-t’on vu les mêmes mains s’empresser de relever les autels qu’elles avaient renversés. Tout porte à croire que les agitations politiques, qui ont troublé le repos de tant de cités, n’auraient presque pas été sensibles dans nos pays, si elles n’y avaient été fomentées par quelques énergumènes et accréditées par l’exemple de quelques départements voisins.
Les Limousins cultivent les Arts avec beaucoup de succès ; mais les Belles-Lettres sont, pour ainsi dire, pour eux, une sorte de luxe. La plupart des négociants de la Vieille-Roche, entièrement livrés à leurs affaires, ne connaissent que leurs livres et leurs calculs. Ils se communiquent peu. On les voit rarement dans les cafés, les spectacles et autres réunions publiques. Ils évitent soigneusement les plaisirs dispendieux.
Urbs antiquœ parcimoniœ : telle fut la qualification que M. de Thou donna jadis à la capitale du Limousin. Naguères ceux qui recherchaient les charmes de la société, se plaignaient de ne pas les trouver dans une ville considérable et opulente, comme Limoges, au même degré qu’ailleurs. Cependant, depuis plusieurs années, les progrès du luxe ont multiplié les jouissances, et tout porte à croire que bientôt Limoges rivalisera, sur ce point, avec les villes du meilleur ton. Quantùm mutata ab illo !….
Les paysans du plat-pays sont accoutumés à des émigrations périodiques, qui en conduisent annuellement 8 à 9 000 dans différentes contrées de la France, où ils s’occupent des travaux de la maçonnerie. Leur patience, leur sobriété et leur assiduité au travail sont connues partout. Presque tous les ans ils reviennent chez eux, et y rapportent l’argent qu’ils ont gagné, ce qui leur sert à acquitter leurs contributions et à alimenter leurs familles. Comme tous les montagnards, les Limousins tiennent beaucoup au pays qui les a vu naître. Ils ont de la peine à s’enrôler ; mais lorsqu’ils ont perdu de vue leurs foyers, ils deviennent de braves et intrépides soldats ; ils supportent avec courage les fatigues et les privations de la guerre. Ils n’ont point dégénéré de la valeur de leurs ancêtres, qui, du temps de César, étaient l’un des peuples les plus vaillants d’entre les Gaulois.
La plupart des habitants des campagnes du Limousin sont tranquilles dans les souffrances, et quittent la vie presque sans regret ; ils plaignent peu ceux de leurs parents ou de leurs amis qu’une mort prématurée ou violente, enlève à une vie laborieuse et dénuée de ce qui attache à l’existence. Un paysan riche ne ferait aucune dépense pour faire administrer des secours à sa femme, à son enfant, dangereusement malades, et il prodiguerait l’or pour appeler un artiste vétérinaire, ou pour se procurer des remèdes si son bœuf ou sa vache étaient en danger. Ce n’est pas qu’il n’y ait, dans la classe de nos laboureurs, de bons pères, de bon fils et de bons époux ; mais les préjugés superstitieux dont ils sont imbus dès leur enfance, déterminent le peu de confiance qu’ils ont en l’art de guérir, pratiqué par les hommes. Les remèdes surhumains leur semblent plus propres à la cure des nombreuses maladies auxquelles les exposent l’insalubrité de l’atmosphère, ou celle de leurs habitations. S’il arrive qu’ils aient recours à quelque médecin, ils n’entreprennent ordinairement cette démarche que lorsque la maladie a acquis un tel degré de gravité, que tous les secours de l’art deviennent infructueux ; aussi n’oublient-ils pas d’amener en même temps le confesseur.
Les vieillards semblent désirer la prompte fin de leur vie, qu’ils regardent comme un fardeau dès qu’ils ne peuvent plus se rendre utiles ; leurs enfants ne paraissent que trop avoir la même idée. Cette faible appréhension de la mort, fait que les cérémonies funéraires ne présentent parmi eux rien de lugubre.
Du langage Limousin.
La longue suite des siècles qui se sont écoulés depuis que les Celtes se furent établis en Europe, a dénaturé leur langue primitive. Mais malgré l’altération que lui ont fait éprouver la diversité des climats et le génie des peuples, elle a laissé dans notre langage des preuves certaines de son origine. La conquête des Gaules par Jules-César opéra des changements notables dans l’idiome Celtique. La domination des Romains s’étant étendue plus longtemps dans les provinces méridionales de la Gaule que sur le reste de cette contrée, la langue de ces conquérants dût nécessairement y laisser des traces profondes et d’autant plus difficiles à effacer qu’elle était exclusivement employée dans la rédaction des lois Impériales, dans celle des sentences des tribunaux et dans celle des ordonnances des Proconsuls ; néanmoins la langue Celtique continua d’être celle de la société et du commerce. Une des causes qui contribuèrent à la décadence de cette langue mère, fut la prédication de l’Évangile par les Apôtres ou leurs disciples, lesquels venaient de Rome, et faisaient leurs prières et leurs exhortations en latin. Les défenseurs du Christianisme n’écrivaient aussi qu’en cette langue ; mais ce qui servit surtout à accélérer l’altération de l’idiome Celtique, ce fut, sans doute, l’habitude où étaient les Gaulois de ne jamais rien écrire. Cependant, malgré l’altération qu’a produit la succession des temps dans la langue originaire des anciens peuples de cette contrée, on peut encore facilement démêler ce qui lui reste de son propre fond d’avec les changements que les circonstances ont apporté à son état primitif. Un court exemple suffira pour prouver que tous les mots du patois Limousin, qui ne dérivent pas du Grec ou du Latin, appartiennent à la langue Celtique.
Sous la première race de nos Rois, la partie la plus considérable de la Nation parlait Latin ; tous les actes publics étaient écrits en cette langue. (Cet usage continua jusqu’au règne de François Ier) ; mais on ne commença généralement à s’exprimer en Latin que vers le règne de Charlemagne, époque à laquelle il se forma un idiome mêlé de Latin et de Gaulois. Telle fut l’origine de la langue Romance. Le patois Limousin n’est autre chose que cette langue très corrompue. On y remarque un bon nombre de mots Latins et même des phrases entières de basse latinité. Les verbes auxiliaires et les articles y sont employés, mais avec les terminaisons propres aux langues Italienne et Espagnole. L’absence des e muets, le grand concours des voyelles, qui forment presque toutes les terminaisons, rendent ce patois très propre au chant.
Dans toutes les villes du Limousin ; le peuple parle Français, mais avec une prononciation vicieuse et un accent détestable. Cet accent se perd difficilement, même chez les personnes qui font de longues absences.
Les habitants des campagnes entendent assez bien la langue Française ; mais ils ne peuvent la parler qu’avec difficulté. Ils se servent habituellement de leur langage particulier, qui a plus ou moins de rudesse, et qui varie à l’infini quant au dialecte et à l’expression. Pour en faire connaître le mécanisme, je joins ici la traduction de l’Oraison dominicale en Patois, avec l’explication littérale, en Français, de cette traduction patoise. J’ai choisi pour exemple l’idiome le plus généralement usité aux environs de Limoges, parce qu’il paraît être la base des autres dialectes en usage dans la province.
Le patois Limousin ne s’écrivant pas, et n’étant sujet, pour son orthographe, à d’autres règles que celles que le jugement de l’oreille peut déterminer, j’ai pensé qu’il était nécessaire de multiplier les accents, afin d’en faciliter la lecture et l’intelligence.
En Latin, en Patois Limousin et en Français.
Pater noster qui es in cœlis, sanctificetur nomen tuum ;
Nôtré Paï ké seï au ceü, ké vôtré noum chio santifia ;
Notre Père qui êtes aux cieux, que votre nom soit sanctifié ;
Adveniat regnum tuum ; fiat volontas tua, sicut in cœlo et in terra.
Ké vôtré règné ribe ; ké vôtro voulountà chio fâcho sur lo terro coumo din lou ceü.
Que votre règne arrive ; que votre volonté soit faite sur la terre comme dans les cieux.
Panem nostrum quotidianum da nobis hodie ; et dimitte nobis debita nostra,
Boillià-nous oné nôtré po kοutidien ; et pardounà-nous nôtràs offensas,
Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien ; et pardonnez-nous nos offenses,
Sicut et nos dimittimus debitoribus nostris ; et ne nos inducas in tentationem ;
Coumo nous las pardounen à kii ké nou an offensa ; ne nous induisé pas din lo tentotii ;
Comme nous les pardonnons à ceux qui nous ont offensé ; ne nous induisez pas en tentation ;
Sed libera nos à malo. Amen.
Mâ delibrâ-nous doàu màou. En sin soit-ii.
Mais délivrez-nous du mal. Ainsi soit-il.
De la Religion.
Les habitants de l’ancienne Gaule adoraient plusieurs Divinités, entre autres Mercure, Mars, Jupiter, Minerve, Vénus et Apollon. Ils redoutaient Saturne et croyaient l’apaiser en lui immolant des victimes humaines. Ils avaient encore des autels consacrés au Dieu inconnu ; ce qui a fait penser à plusieurs philosophes, qu’ils croyaient à l’immortalité de l’âme. Les Druïdes, qui étaient les ministres de la religion des Gaulois, entretenaient ces peuples dans l’ignorance la plus crasse et la superstition la plus aveugle. Ces Druïdes étaient répandus non seulement dans toute l’étendue de la Gaule, mais encore sur presque toute la surface de l’Univers connu. Ils avaient une grande quantité de séminaires pour l’éducation des enfants qui se destinaient au culte des autels. Le Druïdisme était la profession la plus noble et l’état le plus puissant. Il fallait 20 années d’épreuves non-interrompues pour être admis dans cette corporation. Ces vingt années étaient employées à l’étude de l’Astrologie, de la Jurisprudence, de la Politique, de la Médecine, et en outre à celle des Mystères du culte. Ce culte, dont l’origine se perd dans la nuit des temps, fut d’abord extrêmement simple ; mais, dans la suite, il fut surchargé d’un grand nombre de cérémonies qui en rendaient la connaissance aussi longue que pénible. Les Druïdes menaient une vie très austère : on prétend même qu’ils faisaient vœu de chasteté. Afin de ne point être distraits dans leurs importantes occupations, ils faisaient leur séjour habituel dans les forêts de chênes et y tenaient leurs écoles en plein air.
Les Pères de l’Église assimilent les Druïdes, à cause de leur profond savoir, aux Mages de Perse, aux Chaldéens de Babylone, aux Gymnosophistes et aux Brachmanes des Indes. Ils prétendent que les prêtres Gaulois furent les auteurs et les modèles de la philosophie des Grecs. Ces Pères sont en cela d’accord avec Socrate, Sotion et les plus grands hommes de l’antiquité.
Les Druïdes étaient chargés du culte, exclusivement à tous autres. Ils veillaient au maintien des lois ; en établissaient de nouvelles ; étaient juges compétents et suprêmes dans les causes criminelles et civiles ; jugeaient publiquement ou à huis clos, selon leur bon plaisir. Ils déclaraient la guerre et faisaient la paix. Ils confirmaient ou rejetaient l’élection des Rois, des Vergobrets et des autres officiers de l’État.
Les aspirants au Druïdisme recevaient en commençant leur noviciat l’accolade de leurs confrères. On les revêtait ensuite d’une tunique si courte et si échancrée dans sa partie antérieure, que le sexe des candidats paraissait de manière à ne laisser aucun doute sur ce point. Il est à présumer que cette précaution avait pour but d’écarter des mystères du Sacerdoce, les femmes qui auraient pu s’introduire, à la faveur d’un déguisement, parmi eux.
Quant au costume des Druïdes, ils n’en avaient pas précisément d’uniforme, malgré qu’ils n’eussent tous qu’un même chef et une même doctrine. Ces prêtres adoptaient relativement à leurs habits, les usages reçus dans les provinces où ils résidaient.
Les commencements de l’Église Gallicane suivirent de près la naissance du Christianisme : il paraît certain que St. Paul en jeta les premiers fondements. Cet apôtre, allant en Espagne, laissa Crescent son disciple à Vienne (en Dauphiné), et St. Pierre envoya Trophime à Arles. St. Luc, lui-même, prêcha la foi dans les Gaules. Plusieurs Pères Grecs et Latins assurent que l’Évangile y fut annoncé dès le temps des Apôtres. Cependant Grégoire de Tours et Sulpice-Sevère croient que ce pays ne doit point être compté avant le milieu du troisième siècle, parmi les nations soumises à Jésus-Christ. Les Églises qui attribuent leur origine aux premiers hommes Apostoliques, sont obligées de descendre jusqu’à cette époque, pour trouver les successeurs de ceux qu’elles se donnent pour fondateurs ; et c’est ce long intervalle qui a déterminé plusieurs savants à retarder la publication de l’Évangile chez les Gaulois ; mais on peut dire, avec beaucoup de vraisemblance, que la Religion Chrétienne, quoiqu’établie chez les Gaulois, dès sa naissance, n’y fit que peu de progrès pendant les deux premiers siècles. C’était le sentiment de sept Évêques qui écrivaient à Ste. Radegonde, reine de France ; et ces Prélats méritent plus de confiance que les prétendues traditions d’un grand nombre d’Églises qui se glorifient d’avoir été florissantes dès le temps des Apôtres ou de leurs disciples. Si l’on devait ajouter foi aux traditions, il faudrait croire que St. Martial de Limoges, St. Saturnin de Toulouse, St. Denis de Paris, St. Gatien de Tours, St. Front de Périgueux, St. Savinien et St. Potentien de Sens, St. Austremoine de Clermont, St. Ursin de Bourges, St. Paul de Narbonne, St. Julien du Mans, Sts. Euchaire, Valère et Materne de Trèves et de Cologne, St. Saintin de Meaux et de Verdun, St. Lucien de Beauvais, St. Rieul de Senlis, St. Taurin d’Évreux, St. Eutrope de Saintes, St. Sinice de Soissons, St. Mange de Châlons-sur-Marne, St. Mansuy de Toul, et plusieurs autres, ont été envoyés dans les Gaules par St. Pierre ou par St. Clément, et qu’ils y ont établi, dès le premier siècle, de florissantes Églises. Mais il en est de ces traditions comme de celles de, plusieurs peuples sur leur origine, ou comme des prétentions de différentes familles sur l’ancienneté de leur noblesse.
La décadence de l’Empire Romain changea la face de la religion dans les Gaules : Clovis s’étant converti à la foi Chrétienne, après la bataille de Tolbiac, la majeure partie de son armée, ainsi qu’un bon nombre de ses nouveaux sujets, imitèrent son pieux exemple. Ceux qui ne renoncèrent point au culte des Idoles se retirèrent dans les états de Ragnacaire, roi de Cambrai. Les canons de divers Conciles nous donnent assez à connaître que, dans plusieurs parties de notre Monarchie, l’abolition du Paganisme fut encore lente à s’opérer. Les décisions du Concile d’Orléans, tenu sur la fin du règne de Clovis, ne touchent pourtant point cet article. Il paraît, qu’à cette époque, quoique le Christianisme fut la religion dominante de l’état, néanmoins un grand nombre de Français et de Gaulois tenaient encore à leurs anciennes erreurs ; et il n’entrait sans doute pas dans la politique du gouvernement, d’employer des voies acerbes contre les récalcitrants. Le second Concile d’Orléans, lequel eut lieu sous Childebert, premier fils de Clovis, n’osa point encore heurter de front les coutumes du Paganisme ; il se contenta d’excommunier les relaps qui, après leur conversion, retournaient au culte des faux-Dieux, ou s’avisaient de manger la chair des animaux immolés aux Idoles. Un autre Concile, tenu neuf années après celui-ci, dans la même ville et sous le même Roi, renouvela de semblables anathèmes. Il combattit surtout l’usage où étaient les Payens, de faire leurs serments en imposant les mains sur la tête de certains animaux. Enfin, le même roi Childebert, fit, vers l’an 554, une constitution, par laquelle il défendit, sous les peines les plus sévères, l’exercice du Paganisme dans l’étendue de ses États. Il enjoignit, en outre, à ses sujets, sans distinction, d’avoir à briser les images des faux-Dieux, ou de permettre aux Prêtres Chrétiens de le faire. Cette défense n’empêcha ceux qui n’avaient pu abandonner le culte de leurs pères, d’en pratiquer les cérémonies secrètement et dans l’intérieur de leurs familles. Pour excuser leur désobéissance, ces Payens prétendaient que, par cela même qu’ils ne donnaient pas de publicité à leur culte, ils ne péchaient point contre l’édit Royal. C’est ce que nous apprenons par le second Concile de Tours, tenu sous le roi Caribert, neveu de Childebert et son successeur au trône de Paris. Quelques Français, devenus Chrétiens, avaient conservé l’usage de ne point travailler le jeudi ; un Concile, tenu à Narbonne en 589, défendit cet usage, qu’il considérait comme dérivant du culte de Jupiter. L’idolâtrie ne fut pas sitôt détruite dans le royaume d’Austrasie, ou dans ses dépendances, c’est-à-dire parmi les Français qui habitaient la rive droite du Rhin ; car plus de 40 ans après l’édit de Childebert, St. Grégoire le Grand exhortait encore la reine Brunehaut, régente des royaumes d’Austrasie et de Bourgogne, à prendre des mesures énergiques pour anéantir, dans ses états, le culte des faux-Dieux.
Depuis l’introduction de la religion du Christ dans les Gaules, parmi les Français, jusqu’à l’élévation de Pepin au trône, c’est-à-dire pendant l’espace de plus de 250 ans, on ne vit point d’hérétiques en France. L’Arianisme, que les Français trouvèrent établi au-delà de la Loire, après la défection des Visigoths, y fut bientôt aboli.
Sous les Rois Fainéants, on avait vu tout à la fois chanceler le trône et l’autel, l’autorité royale méconnue, les biens ecclésiastiques usurpés et l’Épiscopat avili. La gloire de Pepin et de Charlemagne son fils, rejaillirent sur l’Église comme sur la Monarchie. De sages capitulaires firent refleurir l’une et l’autre avec une majesté nouvelle. Mais elles dégénérèrent bientôt, aussitôt que la postérité de Charlemagnes, et Hugues Capet, n’y trouvèrent plus que des débris. Dans ces siècles ténébreux, soumises à l’influence du corps politique, les Églises partagèrent les secousses de l’autorité souveraine, balancée par des vassaux puissants. Du sein de l’anarchie féodale, sortirent en foule des tyrans, qui opprimèrent ceux qu’ils devaient défendre. Enfin, tant que les règnes furent sans vigueur, le Clergé gémit sous le joug du caprice et de la tyrannie.
Les descendants de Hugues Capet reprenaient insensiblement les droits de la couronne, lorsque des secousses redoublées agitèrent l’Allemagne par les démêlés célèbres qui divisèrent l’Empire et le Sacerdoce. Le schisme enfin cessa, et fit place à la fameuse querelle des Investitures. Pendant cette querelle, l’ardeur guerrière s’empara tout à coup des états, des provinces, des villes et des campagnes. Armées par la religion et encore plus par la politique, les troupes Françaises franchirent les mers. Tout ce que la piété a de plus respectable, la superstition de plus bizarre, la débauche de plus scandaleux, s’offrit en spectacle aux Sarrazins. Jérusalem subit le joug des croisés. Neuf rois, tous Français, y régnèrent pendant près d’un siècle. Le Languedoc eut sa croisade ainsi que la Palestine et l’Afrique : déjà les Albigeois étaient domptés, lorsque les infidèles éprouvèrent nos derniers efforts. Le siège de Tunis fut le terme de nos victoires et de nos pertes.
Tandis que l’Europe entière allait se ruer sur l’Asie, le Dauphiné, la Picardie, le Languedoc et l’Italie furent le berceau des quatre ordres religieux. Bruno, Norbert, Dominique et Augustin en furent les fondateurs. De ces ordres célèbres on vit sortir, dans la suite, des hommes devant qui s’abaissèrent les trônes et les dominations.
La France retentissait encore du démêlé de son roi Philippe avec le pape Boniface, lorsque les mouvements qui agitaient l’Italie et la Toscane déterminèrent la translation du Saint-Siège à Avignon. L’élection d’Urbain VI fut le signal de la discorde et dès lors commencèrent les scandaleuses scènes du grand schisme qui désola l’Église. L’église Gallicane, outre les troubles de l’église Universelle, eut encore ses propres malheurs à supporter : la France en proie à des ennemis victorieux, ravagée par une foule de brigands, désolée par des guerres intestines, la captivité de son Roi, et la puissance du Dauphin balancée par des états factieux, un roi de Navarre soufflant la discorde, le silence des lois, l’épuisement des finances, telles furent les causes du deuil profond qui couvrit nos Églises pendant que le roi Jean fut prisonnier des Anglais. Des guerres domestiques et étrangères, un Monarque chassé de son trône, obligé de le conquérir, enfin un nouveau schisme, donnèrent lieu à bien des désordres.
La pragmatique sanction, revêtue de l’autorité de Charles VII, éleva un mur de division entre les cours de Rome et de France. Louis XI osa l’abattre : mais, changeant au gré des caprices de sa politique il tenta de le rétablir. Sixte IV sut temporiser, et le nuage se dissipa. Bien différents de ces deux hommes, Louis XII et Jules II firent éclater leurs querelles. Au lieu de ménager son ennemi par des délais, à l’exemple de Sixte IV, Jules se montra aussi prompt à prendre les armes qu’à lancer des anathèmes. Au lieu de se borner à des menaces, comme Louis XI, Louis XII se vengea de Sixte par les forces réunies du glaive et du ridicule. Léon X et François Ier ouvrirent une scène nouvelle : les restaurateurs des lettres, le furent de la discipline ecclésiastique. Le célèbre concordat qui eut lieu entre eux, quoique tout à l’avantage de la politique de la cour de Rome, fit néanmoins cesser, pour quelque temps, les réserves, les brigues et les expectatives. Ce concordat promettait à l’Église des jours sereins, lorsque parut le novateur Luther. La France fournit aussi à la réforme un zélateur dont les succès égalèrent les talents. Luther et Calvin, rivaux par l’amour de la célébrité, réunirent leurs efforts contre l’église Romaine. Plus austère et plus politique, Calvin fut plus respecté de sa secte ; moins impétueux que son précurseur, il parut moins hardi ; mais plus profond dans ses desseins, il fut plus dangereux. La licence sans frein, les temples profanés, les asiles de la piété violés et détruits, les ministres des autels égorgés, les villes transformées en des champs de combat, des fleuves de sang, voici quel fut le spectacle que produisirent ces querelles religieuses. Aux soldats du fanatisme, on vit se joindre une foule de mécontents et d’ambitieux. Chose inouïe ! on vit l’autorité du Roi défendue par les ennemis de sa religion, et la religion du Monarque défendue par les ennemis de sa puissance. Le rétablissement de l’ordre était réservé aux armes victorieuses de Louis XIII et au génie de Richelieu.
Lors de l’établissement de la Religion Chrétienne dans les Gaules, les villes déjà reconnues comme Métropoles civiles furent désignées également Métropoles ecclésiastiques. On y plaça des Archevêques qui avaient sous eux un certain nombre d’Évêques que l’on nommait Suffragants. L’étendue de chacune de ces subdivisions ecclésiastiques fut nommée Diocèse, mot dont on se servait dans le bas Empire pour désigner un petit gouvernement. Les Métropoles ecclésiastiques de la Gaule étaient au nombre de 25 : savoir, Albi, Aix, Arles, Auch, Avignon, Besançon, Bordeaux, Bourges, Cambrai, Cologne, Embrun, Lyon, Malines, Mayence, Monstiers, Narbonne, Paris, Reims, Rouen, Sens, Toulouse, Trèves, Tours, Vienne et Utrecht. Cent quarante-deux Évêchés suffragants dépendaient de ces Métropoles. L’Évêché de Limoges était suffragant de l’Archevêché de Bourges.
En 1789, la France était divisée en 18 Métropoles et 112 Évêchés. Les 18 Métropoles étaient Cambrai, Rouen, Paris, Reims, Sens, Tours, Bourges, Besançon, Lyon, Vienne, Embrun, Arles, Aix, Narbonne, Alby, Toulouse, Auch et Bordeaux. L’Évêque de Limoges était suffragant de celui de Bourges.
Le Diocèse de Limoges était jadis d’une telle étendue, que les Évêques se trouvaient dans l’impossibilité de vaquer avec exactitude au gouvernement de leur Église. On voit, dans nos annales, qu’un ancien Évêque de Limoges, nommé Eble, fit approuver qu’il aurait un suffragant pour partager ses travaux. Ce fut sans doute un des motifs qui portèrent le Pape Jean XXII à démembrer une portion de ce Diocèse pour en composer l’Évêché de Tulle. Il rendit en même temps ces deux Prélats suffragants de l’Archevêque de Bourges dont il venait d’ériger le siège. Avant ce démembrement, l’Évêché de Limoges avait Bordeaux pour Métropole. Nonobstant cela, l’Évêché de Limoges était encore très considérable en 1789. Il comprenait, à cette époque, le haut Limousin en entier, une partie du bas : savoir, le canton de Brive, toute la Marche-Limousine et une partie de l’Angoumois. Cette étendue donna lieu à l’établissement de plusieurs Officiaux : savoir, un à Limoges, un à Brive, un à Guéret et un à Chenerailles.