Il ne faut pas faire peur aux hommes - Manon Moret - E-Book

Il ne faut pas faire peur aux hommes E-Book

Manon Moret

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Beschreibung

« “Il ne faut pas faire peur aux hommes.” Quelle femme n’a pas déjà entendu cette phrase ? On nous répète à longueur de temps que notre féminisme est trop violent, méchant et agressif… On nous dit que notre “radicalisme” nous dessert plus qu’autre chose… On nous dit qu’on doit être calmes, douces, gentilles, conciliantes, compréhensives… Qu’on ne doit pas faire peur à la gent masculine. Et si justement on commençait à leur faire peur ? Et si on arrêtait de laisser les hommes nous dire comment être féministes ? »


À PROPOS DE L'AUTEURE


Étudiante en sociologie et histoire, Manon Moret s’intéresse aux conditions de la gent féminine en France. Écrire ce livre lui a permis de mettre des mots sur sa colère, sa souffrance et sa rage. Ce manifeste l’a soignée et lui a donné l'envie d’avancer et de se battre. Elle veut ainsi donner de la force aux femmes, pour leur prouver qu’elles sont belles, capables et tellement incroyables, mais surtout qu’elles ne sont pas seules.

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Seitenzahl: 113

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Manon Moret

Il ne faut pas faire peur aux hommes

Mini manifeste féministe

Essai

© Lys Bleu Éditions – Manon Moret

ISBN : 979-10-377-7202-2

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

« Il ne faut pas faire peur aux hommes. »

« Tu sais, moi, je préfère ne pas me dire féministe parce que j’aime pas l’image que ça renvoie. »

« Je veux pas qu’on croie que je déteste les hommes, tu vois ? »

« Vous savez, moi, je pense qu’il ne faut pas effrayer les hommes et que le nouveau féminisme bah… ça les effraie et donc nous dessert encore plus… »

Toutes ces phrases tournent en boucle dans ma tête. N’avez-vous jamais entendu ces termes, ou bien encore, ne les avez-vous pas pensés vous-même ?

Certes, le féminisme commence à prendre de la place, mais n’y a-t-il pas encore un sentiment de honte omniprésent lorsqu’on se positionne fièrement sur le féminisme ?

J’ai longuement étudié la question, étudié mon entourage, les réactions que mes convictions féministes suscitaient, mes anciennes positions (où, parfois, j’ai clairement envie de m’en mettre une), et ce que j’ai vu m’a fait froid dans le dos. À travers la démocratisation du féminisme, les femmes doivent sans cesse se justifier, s’expliquer… Pour ne pas faire peur aux hommes.

Ce manifeste ne se veut pas haineux envers les hommes ; et non, je ne suis pas une féministe qui déteste les hommes, qui veut tous les émasculer et offrir leur masculinité en sacrifice au diable. Je suis simplement une femme qui tente de comprendre pourquoi le féminisme doit se plier devant les hommes pour ne pas paraître trop radical. Je veux savoir pourquoi, inconsciemment, je me justifie lorsque je me déclare féministe, et surtout, savoir pourquoi je ressens un devoir d’éduquer les hommes de ma vie, comme si j’étais leur mère. Je veux tenter de comprendre pourquoi, à travers mes combats de tous les jours, dans ma position de femme dominée par les hommes, qui vit des agressions perpétuelles juste parce que j’ai eu la chance, ou le malheur, de naître femme, je me sens obligée d’arrondir les bords lorsque je parle aux hommes. Pourquoi je me sens obligée de m’adoucir face à eux lorsque je parle de ma position et de mon ras-le-bol ? Pourquoi, au fond de moi, malgré tout ce que les hommes m’infligent à longueur de temps, je me sens forcée de ne pas être méchante avec eux, de les rassurer, de leur dire que, bien sûr, ils ne sont pas tous comme ça, que oui, eux sont différents, et surtout que, oui, le patriarcat est difficile pour eux aussi…

Pourquoi ?

Encore une fois, en écrivant ces lignes, j’ai inconsciemment envie de préciser que, oui, ils ne sont pas tous comme ça, qu’ils vivent, bien sûr, des choses dures, qu’ils n’ont pas le droit d’être faibles ou autre…

Pourtant, n’est-ce pas à la mode les hommes « fragiles » ? Ceux qui montrent leurs sentiments et leurs faiblesses ? N’est-ce pas ce que le cinéma, les livres et les séries nous vendent depuis plusieurs années maintenant ?

Si tu es encore en train de lire, c’est que, toi aussi, tu te poses ces questions, qu’inconsciemment, toi aussi, tu te remets en question, pas vrai ? Que lorsque tes amis hommes te disent, « pour rire », que tu es un peu casse-couilles sur les bords avec ton féminisme, tu te demandes s’ils n’ont pas raison tout en te disant que, bordel, non, tu ne dois pas penser comme ça, que c’est eux qui sont casse-couilles à délégitimer ton combat, car ils auront beau tenter de comprendre toute leur vie ce que c’est que d’être une femme dans un monde d’homme, ils ne le sauront jamais. Et au fond, ça les arrange bien de ne pas savoir ce que c’est, il y a un petit côté pervers, pas vrai ? Ils veulent comprendre et nous « aider », mais ils sont, au plus profond d’eux-mêmes, bien contents de ne pas être dans nos chaussures. Qui ne le serait pas ?

Alors, aujourd’hui, je me permets de témoigner, de réagir face à toutes les fois où, à travers mon féminisme, je me dis, ou on me dit : « Il ne faut pas, parce que tu comprends, les hommes… » Ce livre n’apportera en rien des réponses aux problèmes, juste un témoignage de plus qui peut éveiller les consciences, même celles des plus avertis(es)…

Il ne faut pas faire peur aux hommes…

Mais les femmes, elles, ont peur quotidiennement

Rien que ça, cette phrase de base qu’on nous rabâche à longueur de journée : Il ne faut pas faire peur aux hommes.

Pardon, c’est vrai, ces pauvres hommes qui sont si persécutés par la société pour être, tout simplement, des hommes. Pardonnez mon ton quelque peu agressif, mais ce sujet m’est de plus en plus sensible1.

Il ne faut pas faire peur aux hommes… Plus j’entends cette phrase, plus ma colère monte.

Je crois bien que si, justement, il faut faire peur aux hommes. Pourquoi les femmes auraient-elles le monopole de la peur ?

Les femmes ont peur en permanence, que ce soit la peur de prendre un kilo ou encore la peur de se faire agresser dans la rue, une femme a peur au moins une fois par jour, et non, ce n’est pas pareil pour les hommes.

Je me suis analysée, enfin, j’ai analysé mes réactions dans la rue. Le moindre bruit un peu étrange, je me retourne, me disant que potentiellement, un homme va m’agresser. Les voix d’hommes dans la rue sont terrifiantes lorsqu’on est une femme. Et au-delà des voix, le regard des hommes dans la rue me fout la boule au ventre. Sérieux, y a-t-il une seule d’entre nous qui n’a pas été harcelée dans la rue ? Personnellement, c’est tous les jours, que ce soit un « bonjour » glissé doucement en marchant tout près de moi, une interpellation à laquelle je ne réponds pas pour au final me faire insulter de pute. Ou encore, la meilleure : un vélo qui ralentit derrière moi, puis qui me glisse, en passant lentement : « Je pourrais pédaler derrière vous toute la journée ». Je suis censée répondre quoi ? « Merci, connard, pour ce commentaire pas du tout personnel et irrespectueux ? »

Je sens déjà deux trois réactions un peu furieuses : « Non, mais c’est un compliment, ce n’est pas agressif », certes, il n’y a pas d’insulte, mais symboliquement, bordel, ce que ça met mal.

Tous les jours, lorsque je marche seule, un homme m’accoste, et peu importe la tenue. Que je sois habillée avec un pantalon adapté à mes courbes, un décolleté visible et des lèvres sublimées par un rouge à lèvres intense ou alors en sortant de la salle de sport, sentant la transpiration et avec un jogging beaucoup trop grand pour moi. Non, cela ne change rien, il y aura toujours un connard pour me siffler, pour baisser sa fenêtre et m’interpeller comme un chien.

C’est tout ça qui fait que la femme a peur perpétuellement, inconsciemment ou consciemment.

Mais cette peur est plus perverse. Une femme n’a pas que peur de se faire agresser. Non, une femme possède une multitude de peurs en elle.

Rien que le fait de ne pas oser mettre de vêtements trop vifs, trop voyants, « trop pute »… par peur de se faire juger, de paraître pour une salope… Je croyais qu’on avait évolué, mais apparemment on est encore à l’époque où les femmes ne voulaient pas apparaître comme des femmes de petite vertu. Ils doivent un peu se foutre de nous, nos ancêtres, à nous regarder les juger pour ce qu’ils infligeaient aux femmes en termes de réputation, mais au fond, rien n’a changé. On voit ton soutien-gorge à travers ton haut ? C’est un peu provocant quand même, tu ne trouves pas ? Tu portes du rouge à lèvres sous ton masque… Tu serais pas un peu une pétasse du coup ? Tu mets une mini-jupe pour aller en boîte et des talons avec un maquillage voyant ? Fais attention, tu es vulgaire, les hommes n’aiment pas les femmes vulgaires, enfin, si, le temps d’une nuit quoi… Tu veux vraiment être ce genre de filles ?

C’est de tous ces jugements-là, dont les femmes ont peur.

Les femmes ont peur d’être la femme qu’il ne faut pas être, la pétasse, la fille facile, la fille vulgaire, la fille trop stricte, la fille hautaine, la fille mégalo, la fille vénale, la fille qui ne prend pas soin d’elle, la fille qui prend trop soin d’elle, la fille casse-couilles, la fille stressée, la fille nian-nian, la fille égoïste, la pick-me, la fille qui parle trop fort, pas assez fort, en bref, la fille qui n’est pas acceptée par la société, ou alors qui est, en apparence, autorisée, mais qui est sans cesse harcelée par les rouages de notre monde.

Les femmes ont peur en permanence, elles craignent les hommes, les jugements, elles ont peur de ne pas être ce qu’il faut, et c’est à nous qu’on demande de ne pas faire peur aux hommes ? Les hommes ne font-ils pas peur aux femmes ?

Je crois que tu viens de répondre à cette question toi-même, la petite voix intérieure te crie la réponse, pas vrai ?

Il y a tellement d’exemples de situations où les femmes ont peur, qu’elles fusent toutes dans mon esprit et que je me perds presque dans mon écriture. Mais mon propos est que : la société est la première à montrer que la condition des femmes est mauvaise, que le harcèlement de rue est affreux… Mais qu’en est-il du sentiment de peur que les femmes subissent au quotidien ?

Lorsque j’étais enfant, une de mes peurs était que mon futur mari me frappe : vous rendez-vous compte que, même petites, les femmes craignent les hommes ? OK, je suis peut-être un cas particulier, mais les petites filles n’ont-elles pas, inconsciemment, peur des petits garçons dans la cour de récréation ?

Encore une fois, vous connaissez la réponse.

Donc les femmes, qui subissent en permanence le sentiment intériorisé de peur, ne doivent pas faire peur aux hommes qui sont la cause principale de la peur des femmes ?

Laissez-moi y réfléchir… ça pourrait presque faire un sujet de philo : La peur est-elle propre au genre ?

La femme, depuis l’antiquité, au travers des écrits des philosophes grecs est perçue comme inférieure, peureuse… Attendez, laissez-moi vous citer Xénophon :

« […] La divinité a donné en partage à la femme d’être plus peureuse que l’homme.2 »

Franchement, de quoi on se plaint ? Les femmes ont toujours eu peur quoi…

Non, c’est faux. La peur chez la femme est incrustée dans son corps à cause de la société patriarcale actuelle. La femme n’a pas naturellement peur, elle apprend à avoir peur tout au long de ses socialisations.

« Fais attention quand tu rentres près de la gare, essaye de longer le côté droit pour éviter les hommes lourds. »

« Fais attention, tu sais, dans ce travail, mettre un décolleté, c’est risqué, des remarques déplacées de la part des clients… C’est pas ta faute hein, ils savent pas se comporter. »

« Tu m’envoies un message quand tu rentres hein. »

« Attends, je vais te raccompagner, ça me rassure. »

« Évite d’habiter dans ce quartier-là, en tant que femme tu sais, ça craint vraiment. »

« Tu sais, si tu vas vers cette voie professionnelle… En tant que femme, fais gaffe quoi. »

Voilà ce que les femmes entendent depuis leur plus jeune âge. Non, la femme n’est pas peureuse de nature, mon petit Xénophon, la femme apprend à avoir peur au quotidien au travers des conseils et de l’éducation que ses pairs lui donnent.

La femme ne naît pas en ayant la peur incrustée dans sa chair, on lui incruste tout au long de sa vie.

Personnellement, j’ai peur tout le temps, pour tout. Peur de l’image que je renvoie, peur d’être habillée de manière trop provocante ou pas assez, peur de trop parler, peur de trop « casser les couilles » de mes chers amis hommes, peur de marcher seule dans la rue, peur de prendre la parole face à un homme, peur de prendre l’ascenseur et de me retrouver seule dans un groupe d’hommes, peur de mon choix de carrière.

Je vais me permettre de m’attarder un peu plus sur ma peur professionnelle.

En ce moment, je rêve de m’investir professionnellement dans les relations internationales, en matière de diplomatie. Mais parce qu’il y a toujours un mais quand on est une femme, c’est un monde pensé par les hommes et pour les hommes. Un article particulièrement pertinent d’Elsa Favier3, que je conseille fortement pour encore plus admirer nos chers hommes politiques, m’a foutu froid dans le dos.