J'arrête quand je veux ! - Nicolas Ancion - E-Book

J'arrête quand je veux ! E-Book

Nicolas Ancion

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Beschreibung

Une fiction qui retrace l'addiction d'une adolescent aux jeux vidéo, et de l'isolement social que celle-ci a pour conséquence.

Théo est un jeune garçon passionné par les jeux vidéo. Lors de l’anniversaire de son ami Mathieu, il découvre le jeu dernier cri « Land of the living dead ».
S’il n’y avait pas l’école, il y jouerait tout le temps. Peu à peu, Théo s’enferme dans un monde virtuel. Plus rien d’autre n’a d’importance, ni ses amis, ni l’école, ni la jolie Yaëlle!
Théo parviendra-t-il à quitter le jeu pour revenir dans notre monde? 

Réalisé à la demande de l’association Infor-Drogues, J’arrête quand je veux ! est une histoire entièrement fictive.  Cependant, l’auteur a rencontré des élèves de 5e et 6e primaire qui lui ont raconté leurs addictions.

EXTRAIT 

Vague de chaleur

Il fait si chaud, depuis le matin, qu’on a été obligé d’ouvrir les fenêtres de la classe, pour qu’un peu de vent tiède vienne rafraîchir l’air surchauffé. Mais le résultat n’est pas celui qu’on espérait : à la chaleur de la classe, il faut à présent ajouter le brouhaha de la cour, où un prof de gym en nage tente d’apprendre à ses élèves les rudiments du base-ball.
– Théo, ça t’intéresse, ce que je dis ? Madame Lommen est une chouette prof de français. Elle porte des lunettes et des jupes à fleurs, elle a un petit rire aigu et rougit à chaque fois qu’on lui demande si elle a un fiancé. Théo n’aime pas du tout qu’elle lui fasse une remarque.
– J’écoute, Madame.
– Alors, regarde vers le tableau. Le cours, c’est de ce côté-ci, pas par la fenêtre
.– Il fait chaud, Madame, explique Angélique. Elle est assise dans le fond de la classe, deux rangées plus loin que Théo. Elle tend la main entre la vitre et elle, pour se protéger des rayons du soleil.
– Il n’y a pas une loi qui dit qu’on ne peut pas donner cours quand il fait si chaud, Madame ? demande un grand garçon à cheveux bruns, assis près de la porte.
– Mathieu, il y a surtout une loi qui s’appelle l’obligation scolaire. Jusqu’à nouvel ordre, vous avez le devoir de travailler en classe, même quand il fait chaud.

À PROPOS DE L'AUTEUR 

Nicolas Ancion est licencié en philologie romanes. Il a publié son premier récit, Ciel bleu trop bleu, à 24 ans. De nombreux autres romans ont suivi, pour les adultes comme pour la jeunesse. Il a notamment reçu le Prix des Lycéens en 2001 et le Prix Rossel en 2009 pour L’Homme qui valait 35 milliards.

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1

Vague de chaleur

Il fait si chaud, depuis le matin, qu’on a été obligé d’ouvrir les fenêtres de la classe, pour qu’un peu de vent tiède vienne rafraîchir l’air surchauffé. Mais le résultat n’est pas celui qu’on espérait : à la chaleur de la classe, il faut à présent ajouter le brouhaha de la cour, où un prof de gym en nage tente d’apprendre à ses élèves les rudiments du base-ball.

– Théo, ça t’intéresse, ce que je dis ?

Madame Lommen est une chouette prof de français. Elle porte des lunettes et des jupes à fleurs, elle a un petit rire aigu et rougit à chaque fois qu’on lui demande si elle a un fiancé. Théo n’aime pas du tout qu’elle lui fasse une remarque.

– J’écoute, Madame.

– Alors, regarde vers le tableau. Le cours, c’est de ce côté-ci, pas par la fenêtre.

– Il fait chaud, Madame, explique Angélique.

Elle est assise dans le fond de la classe, deux rangées plus loin que Théo. Elle tend la main entre la vitre et elle, pour se protéger des rayons du soleil.

– Il n’y a pas une loi qui dit qu’on ne peut pas donner cours quand il fait si chaud, Madame ? demande un grand garçon à cheveux bruns, assis près de la porte.

– Mathieu, il y a surtout une loi qui s’appelle l’obligation scolaire. Jusqu’à nouvel ordre, vous avez le devoir de travailler en classe, même quand il fait chaud.

La tentative a échoué. Repli stratégique, on replonge le nez dans son cahier.

Mathieu, c’est le meilleur copain de Théo. On l’a assis de l’autre côté de la classe pour qu’ils arrêtent de papoter tous deux à longueur de journée. Comme son père est avocat, Mathieu passe son temps à chercher des arguments dans les règlements pour que les cours soient suspendus. Ça ne marche jamais, mais ça ne l’empêche pas d’essayer.

Madame Lommen s’assied sur son bureau, en appui sur une seule jambe, et croise les bras d’un air sévère. Elle attend que le silence revienne dans la classe. Elle ne se rend pas compte qu’en prenant place sur le bureau, elle a repoussé son classeur, qui a lui-même déplacé sa pile de livres, qui a fait avancer son sac jusqu’au bord de la table.

Avec un bruit assourdissant, le sac s’écrase sur le sol.

La classe pouffe de rire et Madame Lommen doit se pencher pour ramasser ses cahiers.

– Bon, d’accord, vous avez gagné, ce n’est pas vraiment l’après-midi idéale pour le contrôle sur l’analyse des contes de fées. Je pense que nous allons tout de suite attaquer notre prochain projet…

Un lourd silence traverse la pièce, il vole bas, en zig zag entre les bancs, comme un bourdon en fin de journée. Madame Lommen s’approche du tableau et, à l’aide d’un feutre sec bleu vif et de sa jolie écriture bien régulière, trace deux mots.

L’exposé.

C’est déjà fini. Elle souligne trois fois et rejoint son bureau.

Quand ce qu’elle écrit est important, elle souligne toujours trois fois.

– Dans deux semaines, explique-t-elle, nous commencerons les exposés. Chacun viendra ici, au tableau, à ma place, et moi j’irai m’asseoir comme vous, sur un banc. Vous aurez dix minutes pour parler d’un sujet qui vous tient à cœur.

Le bourdon du silence laisse place à un murmure qui saute d’un banc à l’autre. Les cerveaux fonctionnent à toute vitesse, chacune et chacun cherche le thème qui lui plaît le plus, l’idée qui donne envie de travailler et de soigner son intervention…

– Un instant. Un instant, s’il vous plaît.

Madame Lommen parvient à rétablir le calme.

– Vous êtes libres de choisir le sujet qui vous plaît, mais je vous demande tout de même d’éviter quelques thèmes que je ne trouve pas très intéressants. En voici la liste : pas de chanteurs, pas d’acteurs, pas de séries ou d’émissions télévisées. Est-ce que c’est clair ?

L’enthousiasme est tout d’un coup beaucoup moins vibrant. Le brouhaha laisse place à un joli silence. Le bourdon retraverse sans doute la salle de classe dans l’autre sens, histoire de rejoindre la fenêtre et de se jeter dans le vide.

– Je peux parler de mon chien, Madame ? demande Angélique.

– Est-ce que ton chien est acteur ou chanteur ? Est-ce qu’il passe à la télé ?

Angélique rougit un peu, quelques têtes se tournent vers elle avec des sourires bêtes. Elle hausse les épaules.

– Mais il faut pouvoir parler dix minutes. C’est long pour parler d’un chien… Si vous voulez, nous allons réfléchir ensemble à la meilleure façon de préparer un exposé.

Pour Théo, le reste du cours file comme un train à grande vitesse. Il a déjà trouvé son sujet, bien entendu. Il a hâte d’être à la récré pour en parler à Són et Mathieu.

2

Judo, tribunal et petit secret

– Moi, je sais, je vais faire mon exposé sur le judo, explique Són, dans la cour de l’école.

Mathieu, Théo et Són sont assis contre la porte de secours de la salle de sport. C’est là qu’ils se retrouvent à chaque fois. Són est le plus petit des trois, il a les cheveux noirs, un grand visage rond et des yeux en amande, pétillants de malice. Il a un prénom vietnamien, qui ne se prononce pas du tout comme il s’écrit. Il faut dire « chonne » mais, il a beau le répéter depuis le début de l’année, la moitié des profs continuent à prononcer son prénom comme un déterminant possessif, sans se soucier de ses réclamations.

Mathieu et Théo ne sont pas le moins du monde étonnés par le sujet que leur ami a choisi. Són a sa ceinture marron depuis plusieurs mois, il parle tout le temps des combats qu’il a gagnés, de ceux qu’il va gagner bientôt et des techniques pour se défendre quand on est attaqué avec un couteau.

– Et si on t’attaque avec un mixer ? demande parfois Mathieu.

– Ou avec un épluche-patates ? propose Théo.

– Oh, c’est la même chose, répond Són, qui reprend son explication sans se laisser démonter.

Mathieu a annoncé dès le début de la récré qu’il va parler du tribunal. Grâce à son père, il en connaît tous les recoins. Puis il peut poser toutes les questions qu’il veut…

Théo n’a encore rien dit, mais il affiche un large sourire.

– Et toi ? lui demande Mathieu.

À ce moment, Sergio, l’éducateur, passe près des trois garçons.

– Alors, les gars, c’est la forme, ce matin ?

– Ouais, ouais, répondent-ils en chœur, prenant soudain un air blasé. Dès que l’éducateur est parti, Mathieu revient à la charge.

– Alors, Théo, tu nous dis ? C’est à ton tour.

– Moi, c’est un secret. Je ne dis rien…

Són et Mathieu ne trouvent pas ça drôle du tout. Ils sont presque fâchés.

– Eh, ce n’est pas juste, nous, on t’a tout dit tout de suite… Tu dois nous le dire.

– Non, un secret, ça ne se dit pas comme ça.

– Tu dois nous le dire, Théo, on est tes meilleurs amis !

– Non, si je vous le dis, vous allez me piquer l’idée…

Les deux garçons se regardent, l’air interloqué.

– T’es fou, ou quoi ? J’ai trop envie de parler du judo, moi…

– Et moi, mon sujet, je le connais par cœur, ajoute Mathieu. Allez, dis-le-nous… Tu vois bien qu’on ne va pas te la voler, ton idée.

Théo réfléchit un instant, puis reprend son air malicieux.

– Je vous le dirai ce soir, chez toi, Mathieu, pour ton anniversaire.

– Qu’est-ce que tu peux être embêtant ! Ce n’est pas drôle. Mais ce soir, tu ne pourras pas te débiner.

– Je ne me débinerai pas, conclut Théo, sans perdre son sourire, bien au contraire.

3

Attention au mégaphone

La maison de Mathieu, ce n’est pas vraiment une maison, c’est plutôt un hôtel. Et ce n’est pas lui qui le dit, c’est sa mère. Parfois, il y a deux enfants qui logent ; certains soirs, il y en a cinq, plus les copains et les copines, qui s’entassent sur des matelas pneumatiques, serrés dans les lits superposés. La maison n’est pas grande pourtant, mais presque toutes les pièces ont été réquisitionnées comme chambres et le garage transformé en salle de jeu.

Mathieu, lui, est installé sous le toit en pente, dans une chambre immense avec une seule fenêtre qui donne sur un panorama de petits terrains identiques, où dorment des maisons familiales. Les jardins sont grands, ils se ressemblent tous avec leurs haies de conifères, leurs abris de jardin disproportionnés, leurs piscines amovibles en été et le portique toboggan toute l’année.

Avant, dans ce coin de la planète, c’était la campagne. Pas plus d’une ferme ou deux, perdues au cœur des prairies ; on y voyait des vaches, des poules, un puits sans doute et des céréales qui poussaient là où l’on avait déjà rasé la forêt. Depuis lors, on a tracé l’autoroute à travers les champs, du coup, les fermes ont vendu leurs terrains pour qu’on y construise de fausses vieilles maisons en brique beige, avec des châssis double vitrage et des garages suffisamment larges pour abriter deux voitures et un bac congélateur.

De la fenêtre de sa chambre, Mathieu observe, saison après saison, le ballet des voisins qui tondent la pelouse, taillent les haies, passent l’allée dallée au nettoyeur haute pression. Il entend aussi les éclats de voix lors des soirées barbecue et des anniversaires festifs, quand les familles se rassemblent sous des tonnelles blanches, tandis que les chiens aboient et les enfants crient. Certains jours, il filme ça avec une vieille caméra super-8. Il se dit que ça lui fera des souvenirs, plus tard, quand toutes ces maisons auront été rasées par un tsunami, quand la ville aura grandi jusqu’à avaler sa banlieue, quand l’eau de l’océan aura recouvert les terres basses, jusqu’aux Alpes et aux Pyrénées…

– Y a quoi, là-dedans ? demande Théo.

Il a saisi entre ses doigts un coffret de métal, soigneusement fermé à clef. Un autocollant avec une tête de mort affiche en lettres majuscules :

« DANGER ».

– Tu ne sais pas lire ?

– Oui, mais, reprend Théo, « danger », ça ne veut pas dire grand-chose… Il y a quoi dans ton coffre-fort ? Un virus super violent ? Un serpent venimeux ? Des œufs de zébu ?

– Les zébus ne pondent pas d’œufs, ce sont des mammifères, corrige Són, concentré sur sa console portable. Merde, tu m’as fait rater le ninja.

– Laisse, c’est super facile, le ninja, je vais te le passer, moi…

Mathieu s’approche de Són pour prendre la console, mais ce dernier ne se laisse pas faire. D’un geste du coude, il écarte son ami qui s’approche, sans quitter l’écran des yeux.

– Tu touches pas ! Si tu veux jouer, tu prends la tienne…

– Tu n’as pas répondu, Mathieu, qu’est-ce qu’il y a dans ton coffre ?

Mathieu n’a pas vraiment envie de répondre. Ça ne regarde que lui, ce qu’il y a là, à l’intérieur. Il aime bien ses copains mais il tient aussi à garder ses petits secrets. C’est son droit. Et son souhait, surtout. Il ne va pas lâcher le morceau comme ça.

– Il n’y a pas que moi qui suis cachottier. Toi, tu ne nous as toujours pas dit le sujet de ton exposé, tiens !

– C’est vrai, ça, renchérit Són, sans lever les yeux de l’écran.

Une voix, grave et amplifiée, vient interrompre leur conversation.

– Les enfants ! À table ! Le repas est prêt !

Quand la maman de Mathieu utilise son mégaphone, toute la famille laisse tomber ses occupations et se précipite dans la cuisine.

4

Repas en famille

Ce vendredi soir, la famille est au complet. Il y a Mathieu et sa sœur, les trois enfants de leur beau-père Frédéric, la mère et Frédéric, bien entendu, plus Són et Théo. À cela, il faut encore ajouter les deux chiens vautrés à côté de leur écuelle et les huit poissons exotiques, qui observent la scène depuis leur aquarium au-dessus du frigo. La cuisine est envahie par une jolie vapeur toute bleue, qui humidifie les vitres et les objets de métal froid.

– Ce sont des pâtes, maman ? demande Mathieu.

– Des raviolis aux cèpes… C’est ton anniversaire, non ?

– T’es trop forte, maman, répond le garçon en lui collant un bisou sur la joue.

Les enfants prennent place autour de la grande table. Théo et Són se serrent sur deux tabourets qu’on a ajoutés près de la porte, juste à côté des deux immenses plats, d’où Frédéric, le beau-père de Mathieu, tire des louchées entières de raviolis, qu’il pose dans les assiettes.

– C’est quoi, des cèpes ? demande Théo, à mi-voix.

– Je ne sais pas, murmure Són plus bas encore, mais ça sent bizarre…

– Vous allez voir, les gars, c’est des champignons, ma mère les prépare avec une sauce à la crème, gratinée à la mozzarella, c’est à tomber mort par terre !

– Des champignons venimeux ? demande Són.

– Vénéneux ! corrige Théo. Ça m’étonnerait, de toute façon…

– Mais non, reprend Frédéric, en posant la première assiette devant Són, c’est un régal. C’est le plat préféré de Maître Yoda.

– De qui ? demande Lili, la plus petite des demi-sœurs de Mathieu.

– Yoda, Lili ! répond Mathieu. C’est un maître Jedi, il est petit, il est tout vert avec des oreilles pointues, il est très puissant et très sage…

– Et il mange des racines, c’est bien connu, complète Théo.

Tout le monde rigole, sauf Lili, qui fait la grimace :

– Beurk, des racines ! Mais les raviolis de Martine, j’adore !

Un peu réticents à la première cuillerée, les deux amis de Mathieu sont conquis.

– Waouh, ch’est chuper bon cha, avoue Théo en tendant son assiette pour un deuxième service.

– Garde un peu de place pour le gâteau, glisse Mathieu à l’oreille de son ami. Ma mère en a préparés deux et ils sont gi-gan-tes-ques.

– Il y a toujours de la plache pour le dechert, tu chais, fait Théo, en avalant enfin sa bouchée.

– On ne parle pas la bouche pleine, corrige Lili, avec un grand sourire.

Le repas se déroule dans la bonne humeur. Tout le monde veut une deuxième ration et les assiettes passent de main en main jusqu’à la casserole.

– Les garçons, explique Frédéric quand toutes les assiettes sont empilées, j’ai installé le lecteur de DVD dans le garage, avec l’écran géant et le nouvel ampli. Ça déménage. Après le repas, vous pourrez regarder un film ou deux, ceux que vous préférez.

Mathieu baisse les yeux, jette un regard en coin à ses deux amis.

– C’est gentil, Frédéric, mais on va rester dans ma chambre, on a super envie de papoter. Pour une fois qu’on peut dormir tous les trois…

– Vous dormez ensemble presque une fois par mois ! sourit la maman avec un air amusé.

– Ça n’a pas d’importance, ça, reprend le beau-père. C’est ton anniversaire, c’est toi qui décides. Mais, d’abord, le gâteau ! D’un coup, les lumières de la cuisine s’éteignent et, dans l’encadrement de la porte, apparaissent Annaëlle et Clara, tenant deux gâteaux couverts de bougies à bout de bras. Les petites flammes tremblent et envoient de grandes ombres courir sur le plafond tandis que tous les convives entament un « Joyeux anniversaire » plein de joie, comme il se doit.

5

Un peu de sport

– Oh, là, là, qu’est-ce que j’ai bouffé, s’écrie Téo en s’écroulant sur le lit.

Són s’assied sur la moquette, le dos contre le pied du lit.

– C’est vrai, Mathieu, un repas d’anniversaire comme ça, on en rêverait tous.

– Bon, on joue, maintenant ? demande Théo.

– Non, non, pas tout de suite… Attendez les gars, je vais voir.

Mathieu entrouvre la porte qui donne sur le palier, jette un œil, puis la referme.

– C’est bon, ils sont en bas, ils font sans doute la vaisselle. Pas de danger qu’ils montent.

Les trois garçons sortent leurs consoles portables, s’installent confortablement et allument leurs engins.

– On commence par une course de chars ? demande Théo. J’ai installé l’extension pour que la course puisse sortir du Colisée et continuer dans les rues de Rome.

– Je prends le char impérial, alors, lance Mathieu sur un ton qui ne laisse pas beaucoup le choix aux deux autres. Après tout, c’est son anniversaire. Mais quand il ajoute quatre étalons pour tirer son char, c’est Són qui tire une drôle de tronche.

– T’as le meilleur char et les meilleurs chevaux. On est foutus, grommelle-t-il.

– T’inquiète, répond Théo, il ne connaît pas le parcours dans les rues de Rome.

– Mais moi non plus, râle Són.

– Si tu préfères, on joue au Scrabble avec mes parents, lance Mathieu.

Les trois garçons rigolent et se lancent dans leur course. Ils s’amusent si bien qu’ils en font une deuxième, puis une troisième et enchaînent enfin avec un jeu de plate-forme multi-joueurs avec des aliens en forme d’alligators armés jusqu’aux dents. Ils achèvent les trois premiers niveaux en moins d’une heure, lorsque Mathieu se redresse d’un bond et file jusqu’à l’entrée de la chambre.

Il fait signe à ses amis de ranger les consoles, passe la tête par la porte et entend un pas dans l’escalier.

– Vite, tous au pieu, les gars, voilà le gendarme !

Sans même prendre la peine de se déshabiller, les trois garçons se glissent dans le lit de Mathieu, avec les chaussures et tout le reste.

Martine, la mère de Mathieu entre dans la chambre. Elle sourit. D’où elle se tient, contre le chambranle, elle ne voit que trois têtes souriantes qui dépassent de la couette.

– Tu as vu, maman, on est sage, hein ? La mère sourit de plus belle.

– Je ne vais quand même pas vous laisser aller au lit sans un dernier bisou, lance-t-elle avec un regard complice.

Elle s’approche du lit et, d’un geste brusque, retire la couette.

– Ah ! Ah ! J’avais bien l’impression que vous n’étiez pas passés par la salle de bains… Allez brosser vos pyjamas et enfiler vos dents !

Les enfants rient de bon cœur.

– Je veux dire le contraire, évidemment : enfilez vite vos brosses et dentez vos pyjamas.

Ils rient à nouveau.

– Allez, sérieusement, en pyjama, tous les trois et rassemblement à la salle de bains dans deux minutes.

– À vos ordres, mon capitaine ! lance Mathieu. Les garçons s’exécutent, passent par la case brossage de dents et reviennent, tous les trois, dans la chambre à coucher.

– J’ai déposé les deux matelas pneumatiques et le gonfleur, explique le beau-père de Mathieu qui a rejoint l’étage à son tour. Vous pourrez vous débrouiller ?

Són prend le matelas bleu, un peu poussiéreux, le pose sur le sol, place l’embout de la pompe et, d’un geste ferme du pied, se met au travail.

– C’était mon matelas, ça, Són, quand j’avais ton âge, glisse Frédéric. Et encore bien après.

Il prend un air rêveur et regarde le plafond.

– Si tu savais le nombre de nuits que j’ai passées dessus avec les copains. On allait même dormir dans les bois, à la belle étoile.

– C’est où ça ? demande Són.

– À la belle étoile, c’est une expression. Ça veut dire dormir en plein air, avec les étoiles comme toit, si tu veux.

– Les étoiles comme moi ? demande Són, qui n’a pas compris.

– Mais non, comme toit