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Alors que la vie de Marick bascule dans l'horreur, son aventure spirituelle commence grâce à sa fille et des rencontres extraordinaires à l'autre bout du monde. A travers ce périple à la découverte de soi, elle nous fait vivre des aventures magiques et mystiques et nous fait découvrir des endroits merveilleux. Comment ? Pourquoi ? Elle l'ignore mais dès l'instant où elle réalise l'improbable, l'impensable, sa vie va prendre un tournant plein de rebondissements et de remises en question.
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Seitenzahl: 386
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Du même auteur :
Révélations Journal d’une Médium
En autoédition chez BOD 2020
« J’ai eu la chance de découvrir, en avant-première, le roman d’Aurélie Anquetil. Elle a ouvert un passage vers un monde ésotérique terriblement addictif. »
Nataly Roques Auteure
«Un merveilleux roman qui a su me rassurer et me réchauffer le coeur durant ma période de deuil. »
Charlotte bêta-lectrices
« La véritable spiritualité se reconnaît dans la façon de vivre et d’aborder l’existence, et non dans ce que l’on transmet ses croyances. »
Nathaniel Branden
« La clé qui ouvre l’accès à tous les niveaux de la spiritualité, c’estla volonté. »
Ostad Elahi
« Nous ne sommes pas des êtres humains vivant une expérience spirituelle, nous sommes des êtres spirituels vivant une expérience humaine. »
Pierre Teilhard de Chardin
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Épilogue
Lily
Dans l’arrière-boutique où ma mère m’a installé un espace, aux murs de couleurs vives, joyeuses et variées. De l’orange au turquoise en passant par un vert pomme, le sol en lino est au motif d’un puzzle géant portant les mêmes couleurs. Seul un mur est recouvert du noir d’une peinture ardoise, mais ce que je préfère avant tout c’est ma cabane. Montée sur quatre pieds en bambou, surplombée d’un toit en feuilles de palmier où se balancent par leur queue de petits singes en peluches colorés, elle est éclairée par des guirlandes de fleurs lumineuses. Elle a même installé des rideaux pour que je puisse faire ma bulle loin des regards des personnes qui entrent dans le magasin.
Je l’observe sans vraiment la regarder, plonger sur un gros pouf deux fois plus grand que moi et dans mes pensées. Cela m’arrive souvent d’être absente.
Ma mère me dit souvent que je suis dans la lune, mais moi, je suis persuadée de bien plus…
Je suis une enfant de la Lune !
Souvent le nez en l’air pour observer le ciel constellé d’étoiles et surveiller la lune, jolie sphère miroitante et apaisante formant un berceau de lumière. Je ressens comme un abandon maternel lorsque le firmament est vide de sa présence.
Chaque fin de journée, je rejoins ma mère après l’école qui est à deux pas de sa boutique. Je viens de rentrer en CP dans un nouvel établissement. Tout le monde me connaît en ville car cela fait bientôt quatre années que maman s’y est installée. Mais ses affaires vont mal, la boutique est en vente depuis plusieurs mois au grand regret de celle-ci.
Nous allons devoir partir…
J’ai peur de ce nouveau départ, car c’est l’inconnu. Mais je comprends que maman en ai besoin, ces dernières années ont été mouvementées, elle est épuisée dans sa tête et dans son corps.
Moi, j’ai hâte de la retrouver. Ces quatre années ont surtout été consacrées à son travail. Bien qu’elle me laisse une place au sein de son magasin, elle me manque, c’est le travail et les clients d’abord. Je sais qu’elle s’en veut et que ça la ronge mais, comme elle le dit si bien, « il faut bien que… ». Moi dans tout ça, sans lui avouer, je suis contente que s’arrête cette course frénétique au travail, car son état physique se dégrade, les soucis la rongent et lui ont volé quelques kilos. Ses yeux portent les valises remplies de problèmes et de manque de sommeil, mais bien entendu comme « il faut bien que » elle garde le sourire pour ses clients et pour moi surtout. Cependant je vois bien que ce n’est qu’un masque pour faire bonne figure. Je vais enfin avoir maman rien que pour moi, je n’ose pas le lui dire. Elle s’en veut déjà bien assez et je ne veux pas qu’elle ne ressente que de l’égoïsme et de la méchanceté dans le plaisir que j’y trouve.
Elle passe de l’arrière-boutique, où elle m’observe du coin de l’oeil avec le sourire tendre d’une maman vide de force mais, pas d’amour. Je fais semblant de ne pas le remarquer mon nez plongé dans un livre. Puis elle chemine dans le magasin. Nous sommes mardi, jour d’arrivage.
Elle soigne plus que tout la mise en place de la boutique pour attirer, le peu de clientèle qui s’offre ou offre encore des fleurs. Elle m’a expliqué que c’est la crise et que l’achat de fleurs n’est plus une nécessité première, que c’est un luxe que beaucoup ne peuvent plus se permettre. Souvent elle s’excuse auprès de moi par des mots, des attitudes et des regards, d’avoir échoué. Mais moi je suis fière d’elle, du courage qu’elle a de tenir toute notre vie à bout de bras.
Papa est parti trop tôt, la laissant seule avec une petite fille de 4 ans. Je commence à l’oublier doucement, il s’évanouit dans mes rêves rejoignant la lune. Il brille dans mon coeur. Je ressens encore l’intensité de son amour mais telle ma mère du ciel et de la nuit, je n’arrive plus à distinguer ses traits. Son visage s’efface de ma mémoire, son odeur et sa voix ne sont qu’un souvenir que maman me rappelle, lorsque par besoin ou par nécessité de survie, je l’entends, après m’avoir couché, écouter des films de l’époque où il était encore là et qu’elle pleure sur les rires perdus.
Je ne sais pas comment la réconforter alors je reste silencieuse et là… tout simplement là, bien que je ne puisse combler cet amour qui lui manque tant.
La journée est finie, nous allons enfin rentrer, mais pas avant notre petit rituel. Quotidien que nous avons continué malgré l’absence de Papa, peut-être pour un peu le garder près de nous. Sur le trottoir, pendant que maman verrouille sa boutique, s’il n’a pas de client, je passe mon nez par la porte du commerce voisin, une pizzeria. Nicolas me fait un petit signe, je me retourne vers maman.
- Je peux ?
- Oui ma chérie mais ne tarde pas et ne dérange pas Nicolas !
J’ai le droit à une petite boule de pâte à pizza qu’il me laisse rouler du bout des doigts tel de la pâte à modeler. Il la met ensuite dans le gros four à bois qui, comme par magie, la fait devenir plus grosse. Je me ravis d’y plonger mes dents pour la faire croustiller.
Puis nous traversons la place surplombée de l’église que maman ne regarde plus, même si elle, nous regarde de haut avec toute sa bienveillance. J’adore entrer dans les églises, je ne suis pourtant pas élevée dans la religion. Maman me laisse y entrer. Mais elle m’attend assise sur les marches lui tournant le dos, depuis que son plus beau souvenir avec Papa au sein de cette église est devenu le pire.
Ce soir-là, elle n’a pas eu le temps de faire des courses puisque debout depuis 2 h 00 du matin pour aller à Rungis, afin d’être revenue avant mon lever pour s’occuper de moi. Une fois déposé à l’école elle s’empresse de rejoindre son magasin.
Nous voilà donc sur le trottoir d’en face, passant devant une pharmacie, un tabac qui la transporte vers les mêmes sentiments que ceux apportés par la vision de l’église. Les souvenirs sont durs à gérer pour elle. J’espère que ce départ lui permettra de ne plus vivre avec quotidiennement.
À la suite, la boucherie, où nous entrons pour acheter des steaks hachés frais. Je trépigne car je sais que le boucher va me donner un petit bonbon que maman me demande de garder pour après le repas, mais que je m’empresse de mettre dans ma bouche. Son regard me gronde avec plein de tendresse puis elle m’embrasse le front du bout des lèvres en me disant.
- Coquine !
Enfin nous allons à la boulangerie pour prendre une baguette et deux petits gâteaux pour notre dessert de ce soir. Cette fois la boulangère me donne une chouquette, je suis tellement gourmande que celle-ci est finie avant même que nous soyons ressorties de la boutique, laissant sur mes joues de gros grains de sucre bien collants. Maman rigole.
- Tu ne vas plus rien manger ce soir !
Dit-elle en me faisant un clin d’oeil complice et en m’enlevant avec tendresse les petits grains perdus. Puis comme toutes les fins de journée, nous nous dirigeons vers un petit bar où se retrouvent tous les commerçants en fin de journée ; une récréation pour eux.
« L’instant Thé » est sur la place de la mairie. En son centre une grande pelouse, où je me mets à courir comme chaque soir vers lui pour y retrouver mon ami Wouston le petit chien des propriétaires. J’adore jouer avec lui car nous ne pouvons avoir d’animaux ; pas assez de temps. Maman me rejoint tranquillement, éreintée par une journée plus qu’éprouvante, comme si ces journées se cumulaient entre elles sans jamais s’effacer de son corps fatigué et meurtri de douleurs. Elle prend place sur un tabouret de bar sur la terrasse et commande généralement une grenadine mais ce soir c’est Monaco ! C’est jour de fête ; c’est son anniversaire, elle a 30 ans aujourd’hui, mais m’a fait promettre de ne rien dire.
Les commerçants arrivent au compte-gouttes mais bientôt la terrasse se remplit, elle parle, elle rit, elle oublie…
J’aime la regarder se mélanger au monde et retrouver cette joie de vivre perdue. Elle est vivante et je la dévore du regard pour ne pas en perdre une miette, assise en tailleur dans l’herbe avec Wouston en boule au creux de mes jambes pour recevoir sa séance de câlins quotidienne.
D’un coup, je la vois partir loin dans ses pensées, ces yeux se troublent. Papa est là à côté d’elle, il me semble avoir pénétré son rêve éveillé, il se tient debout à côté d’elle et l’entoure de ses bras, il lui dit qu’il est là.
Elle n’entend plus ce qui se passe autour d’elle, enfermée dans ses songes… des éclats de rire la sortent brutalement de ses illusions et l’image de papa s’évapore.
- Lily, nous rentrons viens !
Le temps d’une caresse à mon ami, nous reprenons notre route pour la maison. Nous habitons juste derrière la mairie dans un immeuble récent. Toutes deux côte à côte dans l’ascenseur, elle ne dit pas un mot, je me demande si c’est la présence de Papa qui la met dans cet état. Je ne préfère rien dire.
Arrivées devant la porte de l’appartement, un colis est posé sur notre paillasson portant le nom de maman.
Mme JUIN Marick Résidence La Belle Vue 47 Rue des Oliviers - Apt 222 78360 Montesson
Elle se met à pleurer quand elle reconnaît l’écriture de papa… Il avait trouvé en Mamie une complice pour faire parvenir en temps voulu son cadeau. Elle rentre dans l’appartement et s’écroule dans l’entrée à peine la porte refermée derrière nous. Je fais de même et la prends dans mes bras.
- Maman, je t’aime, ne t’inquiète pas, tout ira bien, je poursuis.
- Je savais bien que papa était là !
Elle me regarde avec ses grands yeux bruns écarquillés, l’air de rien y comprendre.
- Tu n’as pas vu papa sur la terrasse tout à l’heure ?
Elle ne comprend pas ce que je lui dis et ne relève pas, préférant sûrement ne pas saisir, et surtout pressée et intriguée par ce que peut bien pouvoir renfermer ce présent. Elle l’ouvre avec une délicatesse improbable comme si elle se délectait de l’instant pour que celui-ci ne s’arrête jamais. Comme si ce moment le ramenait.
Dedans s’y trouve une petite boite noire dans lequel trône un bracelet argenté plein de pampilles diverses et variées. Ses larmes se décuplent et se mélangent à des sourires. Elle les regarde une à une, c’est moi qui ne comprends plus. Malgré cela je l’accompagne de mes larmes de tristesse et de joie, je sens bien que cette intention la touche de toutes les manières qu’il soit.
Elle me regarde et me dit :
- Ne pleure pas ma chérie, je ne veux pas te rendre triste par mes larmes.
Elle m’invite à m’asseoir prêt d’elle dans le canapé, blottie parmi les coussins soyeux qu’elle prend à plein bras le soir venu comme pour se réconforter.
- Tu vois ce bracelet ? C’est ton papa qui me l’offre de là-haut. Chaque petite pampille représente un moment important de notre vie ensemble. Cette petite voiture représente notre premier rendez-vous, nous y avons passé notre première nuit à y échanger pendant des heures main dans la main. Cette petite bulle que tu trouves dans tes BD symbolise nos longues conversations, lorsque nous nous disions tout, il n’y avait pas de secret entre nous, il était mon mari mais aussi mon meilleur ami, tu sais.
Ce petit vélo, ce sont nos balades, ce bébé, c’est toi ma chérie, la plus belle chose qui nous soit arrivée à ton père et moi. Cet ourson, c’est le premier cadeau qu’il m’a fait alors que nous étions à la fête des Loges. Ce petit coeur, c’était sa façon de signer les petits mots qu’il me laissait dans la maison et que je trouvais parsemés partout le matin quand il était déjà parti au travail.
Ce petit sphinx représente notre voyage de noces et celui-ci… je ne sais pas, c’est bizarre !
C’est un petit avion. J’écoute maman me raconter avec tendresse leurs histoires à travers ce bracelet. Au fond du colis, une lettre. Tout en la lisant pour elle-même ses larmes coulent doucement sur ses joues blanches et tombent sur le papier, elle dit :
« Mon cher amour, ma tendresse, ma femme chérie. Je suis désolé de ne pas être là en ce jour si important, j’ai été retenu au ciel parmi les étoiles. Je vous regarde depuis la lune si chère à notre fille. Mais je suis là, pas loin dans ton coeur et celui de Lily. Et je veux que tu me promettes de retrouver ton sourire et de vivre à nouveau. Je te connais, tu ne dois pas vivre juste dans mon souvenir et t’enfermer dans ton travail. Prends ton envol mon amour et retrouve-toi, pour toi et pour notre si jolie petite fille qui a dû bien grandir depuis c’est deux années. Ouvre la seconde enveloppe et promet moi de le faire ! Ton mari qui te chérit depuis les cieux »
Maman me lit la lettre avec beaucoup de difficulté tant sa gorge est remplie d’émotion et de sanglots. Elle ouvre cette seconde enveloppe. Il y a deux billets d’avion pour la Polynésie, avec un petit post-it comme ces mots que lui laissait papa.
« Fais le pour nous s’il te plaît, nous serons ensemble car je suis dans ton coeur à jamais »
Et comme signature un petit coeur.
- C’était notre projet avec ton papa, ma puce.
- Nous partons en vacances, maman ?
Cela faisait tellement de temps que nous n’étions pas parties, j’en rêve. Elle reste muette, puis ensemble nous lui promettons de le faire ce voyage dès que tout sera réglé avec la vente du magasin. Maman veut partir faire cette expédition l’esprit tranquille pour s’en imprégner du plus profond de son coeur pour que papa y soit vraiment. Elle veut y aller avec son coeur et non avec ses pensées contrariées, il faut que ce voyage signe un nouveau départ et une fin.
Hier soir avec Maman, nous avons préparé à quatre mains un petit repas avec notre steak accompagné de frites au four. Ce repas ressemblait plus à celui d’un anniversaire d’enfant. Parfois elle aime revenir en enfance près de moi, comme deux complices. Comme si elle était ma meilleure amie qui venait à la maison pour une soirée pyjama. Nous avons fini bien entendu par nos succulents gâteaux et comme c’était jour de fête, nous avons mangé sur la table basse devant la télé en regardant des vidéos d’anciennes fêtes d’anniversaire. Ainsi nous étions tous les trois réunis.
Nous avons beaucoup ri, même si de temps à autre, quelques larmes rebelles coulaient de ses yeux. Son visage a retrouvé ses jolies pommettes, rosies par tout cet amour reçu et par les sourires qui illuminaient ses traits asséchés par le malheur. Elle a soufflé ses bougies en fermant les yeux pour envoyer au plus haut dans la galaxie son voeu. J’espère que ma mère la lune l’a bien reçu et qu’elle fera tout son possible pour qu’il se réalise, mais je ne m’inquiète pas. Elle est bienveillante avec son visage arrondi et étincelant, il ne peut en être autrement.
Puis nous nous sommes couchées un peu plus tard qu’à l’habitude, mais ce n’était pas grave car demain c’est mercredi, nous passerons donc la journée ensemble.
J’aime le mercredi parce que je ne reste pas dans l’arrière-boutique toute seule. Depuis quelques temps, comme le magasin ne fonctionne pas bien, maman a monté une association de loisirs créatifs pour les enfants. La boutique est donc fermée toute la matinée et prend des airs d’atelier d’artiste. L’association se nomme « Les Artistes en Herbe » J’ai donc de la compagnie et je partage avec elle cette matinée telle une petite assistante, j’aide les plus petits.
-Bonjour mon ange, as-tu bien dormi ?
Elle me dépose un doux baiser sur ma joue en me caressant tendrement le dos.
-C’est l’heure de se lever ma petite marmotte, sinon nous allons être en retard pour l’atelier.
-L’atelier, chouette !
Je bondis de mon lit comme une petite grenouille branchée sur l’électricité.
-Tu vas à la douche, je te prépare ton petit déjeuner.
Elle ouvre légèrement les volets pour que les lueurs de cette belle journée ensoleillée entre subtilement dans ma chambre et laisse la fenêtre entre-ouverte. Les piaillements des oiseaux envahissent l’appartement.
J’aime l’ambiance délectable que cela apporte à notre demeure ainsi que le calme de maman, encore anesthésiée par sa nuit de sommeil. C’est le moment que je préfère, quand ses pensées et ses tourments sont encore coincés dans ses rêves et ses cauchemars nocturnes. Ça ne dure jamais plus que jusqu’au moment de mettre la clé dans la serrure de la boutique, mais je savoure cette heure.
-Nous voilà prêtes ! Dit-elle.
C’est pour elle aussi un moment de répit. Cette matinée en compagnie des enfants est un moment de légèreté où elle arrive à oublier pour quelques heures de plus ses soucis. Elle retrouve son âme d’enfant et se transforme en clown pour le plus grand bonheur de ces derniers.
Nous descendons par l’ascenseur refaisant le trajet inverse de la veille, nous arrêtons boire un thé rapidement à « L’instant Thé » avec les commerçants sur le point d’ouvrir leurs commerces. Échange, qui ressemble à une motivation collective, lançant pour certains des « bonne journée » et pour d’autres des « bon courage » au moment de se séparer. Le commerce va mal pour bien d’autres collègues de ma mère, hormis les boutiques alimentaires tout le monde en prend un coup. Puis nous remontons la rue qui mène à la place de l’église pour enfin la traverser.
-As-tu entendu ? Me dit-elle surprise.
Elle se retourne vivement, prétendant avoir été interpeller, mais ni elle ni moi ne remarquons une quelconque présence dans la rue encore déserte du petit matin. Elle hausse les épaules puis nous reprenons notre route.
-Encore !!! Mais qui m’appelle ? Entends-tu ?
Je n’ai malheureusement rien entendu, elle me fait peur ! La fatigue l’emmène-t-elle vers la folie ? Elle reprend le pas avec des yeux pleins d’interrogations. Elle me dit qu’elle doit être fatiguée et pour la première fois depuis deux ans dépose son regard sur cette église maudite à son coeur, elle a presque l’impression que cette voix vient de celle-ci.
Elle lance un regard furtif autour de nous, espérant que personne ne l’a surprise à entendre des voix. Pour qui passerait-elle ? Elle ne veut surtout pas que les gens la prennent en pitié et puisse dire « la pauvre elle perd la tête avec tout ça ». De toute façon, il y a forcément une raison logique.
La fatigue doit vraiment être sa pire ennemie.
- Allons-y, nous avons l’atelier à mettre en place avant que les loustiques m’arrivent !
Le premier groupe d’enfant arrive, il est 9 h 30 tapantes. L’atelier des 3 à 5 ans est mon préféré car je peux vraiment prendre toute ma position d’assistante auprès de ma mère. Les groupes s’enchaînent sans que nous ayons conscience du temps qui passe, la matinée a été dévorée par des enfants avides d’art.
C’est le dernier jour de mai et le soleil nous offre une chaleur douce et suave qui nous réchauffe le corps. Maman a décidé que nous allions nous prendre un sandwich à la boulangerie d’en face dont la rue monte à un parc. Un pique-nique improvisé, génial ! Une pause s’impose nous avons bien bossé et c’est amplement mérité pour reprendre une après-midi de boulot classique et sûrement sans grand intérêt comme la plupart des mercredis. Nous profitons de ce moment pour nous détendre, je joue dans les toboggans, les balançoires et autres cages à écureuils. Maman allongée sur le sol, observe les branches des arbres se balancer dans la légère brise du printemps. Elle ferme les yeux et écoute les oiseaux, je la rejoins, m’allonge prêt d’elle sans bruit. Je pose ma tête sur son épaule et nous cherchons dans le ciel les nuages aux formes de notre imagination, se chuchotant à l’oreille nos découvertes mutuelles et parfois communes. Elle sourit et je suis tout simplement heureuse.
De retour à la boutique, elle sort de son sac les deux billets d’avion et les épingle sur les portes des placards de l’arrière-boutique en me disant :
-Comme ça, nous garderons le moral, c’est notre carotte pour garder notre motivation.
Maman n’a qu’une crainte : c’est d’être obligée de changer la date du départ. Si par malheur la boutique ne se vendait pas, mais elle veut y croire et peut-être que papa de là-haut sait qu’à cette date, nous serons libérées de ce fardeau trop lourd pour nous.
Marick
Les jours, les semaines passent, il n’y a eu que très peu de visites et la seule proposition d’achat était presque injurieuse. Je ne peux l’accepter sans me mettre des dettes sur le dos. Ce n’est pas envisageable pour mon avenir avec Lily, les charges sont bien trop élevées pour qu’elles soient couvertes par un quelconque boulot. Je suis déjà dans le rouge.
J’ai réfléchi longuement à une solution, mais la seule qui m’apparaît ne va sûrement pas plaire à Lily.
J’ai décidé de lui en parler en fin de semaine, après la visite d’un acheteur éventuel qui d’après l’agence immobilière est assurément intéressé. Je croise les doigts et si tout va bien nous caressons un début de nouvelle vie. Cela devient pressant, nous sommes presque mi-juin et la boutique ne fait que très peu de chiffre d’affaires. Plus nous nous approchons de la saison estivale, vacances sans fin, moins j’ai de chance de la vendre.
Ça aurait été pourtant impeccable de pouvoir faire une rentrée des classes dans une nouvelle école pour éviter un changement en cours d’année scolaire.
Les jours passent et il me languit de voir venir dans ma boutique ce fameux acheteur. J-3, J-2, J-1 c’est interminable ! J’apprête ma boutique de ses plus beaux atouts pour charmer mon acquéreur. Je ne dors plus, je ne mange plus, j’ai même l’impression de vivre en apnée. Je prie tous les dieux et tous ceux qui voudront bien entendre cette prière de mon coeur. J’implore pour Lily, pour moi, que l’on nous mette sur un nouveau chemin. J’ai perdu 9 kilos en deux mois tellement le poids de cette boutique me pèse, mon rêve est devenu mon pire cauchemar. Et depuis le départ de Paul, je n’ai plus la force de me battre.
Le jour est arrivé, l’agence vient ce matin, je suis excitée, heureuse et triste car ce n’est pas rien de quitter ma boutique. Les émotions se mélangent dans mon corps et mes pensées envahissent ma tête.
J’ai passé la soirée et une partie de la nuit à regarder les annonces de locations essayant de me donner le courage de tourner la page et me projeter ailleurs, dans une autre vie, une autre ville. Quitte à partir, nous allons tout recommencer. J’ai peut-être trouvé notre futur nid, mais tout dépend de ma rencontre avec cet acheteur potentiel.
Comme à mon habitude, après avoir déposé Lily à l’école, je passe prendre un thé à mon QG, ne parlant à personne de cette visite. Je préfère garder cela pour moi, comme ça si ça ne se fait pas je n’aurais pas à me justifier.
Arrivant à la boutique, je fais ma mise en place comme si nous étions un jour de fête. Les premiers passants commencent à envahir le centreville, certains courant après leur bus pour aller au travail, d’autres allant chercher leur pain. C’est une journée ordinaire pour tous ces gens. Moi je suis dans mes pensées, néanmoins j’entends parfois un bonjour au loin auquel je réponds machinalement sans trop savoir qui je viens de saluer. Occupée à ma mise en place, personne ne prête attention qu’en fin de compte je suis là sur mon trottoir mais que mon esprit, lui, est ailleurs.
Un dernier coup de balai à l’intérieur et nous voilà prêtes, ma boutique et moi. Nous attendons…
Le voilà enfin ! Un homme d’une bonne cinquantaine d’années est devant en train de discuter avec l’agent. Il n’a pas l’air très commode ou en tout cas, pas très avenant. Je ne bouge pas de mon comptoir faisant mine d’être occupée et essaie de lire sur leurs lèvres. Une discussion qui, pour le moment, m’a l’air plus focalisée sur l’emplacement du magasin que portée sur le local lui-même.
Ils rentrent enfin, merci ! Ce supplice était bien trop long ! Ils me saluent mais pas plus, dans un sens ça m’arrange car j’ai la gorge trop serrée pour parler. Il a l’air content de ce qu’il voit. Au bout de quelques minutes de visite, accompagné par l’agent, il finit par s’adresser à moi, pour parler bilan, chiffre d’affaires.
Je me décompose intérieurement. De toute façon je ne peux pas lui cacher et lui présente mes quatre bilans. La perte de chiffre d’affaires n’a pas eu l’air de lui faire peur, mais bien entendu il s’en sert pour la négociation, il ne s’en cache pas.
Ils cheminent vers la sortie en m’annonçant revenir vers moi rapidement. J’ai envie d’y croire, mais cet homme a le sens des affaires et sait jouer sur la corde sensible. Je m’attends à tout et à rien de sa part.
C’est là que commence l’attente interminable.
J’en profite, comme je me le suis promis, pour parler à Lily de mon idée de projet.
Dimanche midi est enfin arrivé ! Je ferme la boutique jusqu’à mardi matin, pour repartir encore et toujours sur une nouvelle semaine ressemblant à tant d’autres.
Je vais chercher ma puce chez ses grands-parents avec hâte, elle me manque comme chaque dimanche. Je l’ai déposé vendredi soir comme chaque week-end depuis que Paul a pris son envol. Je n’ai pas le choix, je ne peux délibérément pas laisser Lily seule si longtemps ou enfermée dans l’arrière-boutique. C’est le seul jour encore convenable pour faire un peu de chiffre d’affaires et je peux oublier le temps, quand tête baissée je m’enfonce dans le travail. De plus, tout le monde y trouve son compte. Sa mamie est ravie de profiter égoïstement le samedi de sa petite-fille, son « ange » comme elle aime la surnommer puis la partage avec Papy le dimanche matin. Je les rejoins pour le déjeuner. Nous ne prenons guère le temps de discuter, depuis quelques temps une gêne s’est installée entre nous. À peine le dessert fini, nous reprenons la route, pour enfin profiter de nos moments à nous.
Notre petit rituel en rentrant chez nous, est de nous réfugier l’une contre l’autre, calées dans les nombreux coussins du canapé, pour regarder un de ses Disney préféré. Je finis souvent par m’écrouler d’épuisement contre elle, respirant son odeur de bébé, écoutant sa petite respiration légère et régulière presque inaudible, ses cheveux châtains me caressant le visage. Elle me laisse me reposer sans rien dire.
Lily finit l’école dans un peu plus de quinze jours et ne fait plus grandchose à part des jeux de société. Je lui propose de rester avec moi lundi, pour nous retrouver un peu et lui annonce que je souhaite que nous parlions d’une idée dont je voudrais qu’elle me donne son avis. Elle n’a que 6 ans, malgré cela je veux que nos décisions soient prises ensemble. Après tout, elle a aussi le droit d’avoir son avis et ses sentiments vis-à-vis de la situation. D’un air très sérieux, du haut de son petit âge, elle accepte la proposition, sans cacher son interrogation et une légère anxiété.
Lily
De quoi maman veut-elle me parler ? Je suis heureuse de passer une journée avec elle mais la raison de ces retrouvailles brise ma joie tant cette discussion a l’air importante au point de m’étrangler le ventre.
Une petite musique flotte dans l’air et maman fredonne doucement, je l’entends du fond de mon sommeil. Une odeur de croissant chaud vient me lécher les narines et mon ventre répond à cet appel par de petits ronronnements. Un filet de lumière vient se déposer légèrement sur mon visage, ma porte de chambre s’ouvre sur le couloir menant au salon. J’ai envie de profiter de ce moment, entourée d’un million de peluches dont un énorme lion que papa m’a gagné à la fête. Je m’étire doucement, profitant de la douce chaleur de ma couette, quand maman entre sur le seuil de ma chambre.
-Le p’tit déj est prêt ! Debout ma puce ! Je t’attends dans la cuisine.
La table de la cuisine n’est pas bien grande et ce matin avec ce petit déjeuner gargantuesque, elle a presque disparu. Il y a deux grands verres de jus d’orange fraîchement pressé, un panier débordant de croissants et pains au chocolat, de la confiture, des kiwis et deux mugs de thé fumant. La fenêtre est grande ouverte donnant sur la cour intérieure de la résidence verdoyante, des résidus de pain posés sur son rebord, les moineaux se posent furtivement pour attraper presque en vol les maigres miettes.
-Tu as faim ma petite marmotte ?
Je lui fais un signe positif de la tête et prends place à table, ne sachant par quoi commencer.
- Veux-tu des oeufs brouillés ?
- Non, merci maman.
- Et bien moi, je vais m’en faire ! J’ai une faim de loup.
Elle est de très bonne humeur et chantonne en cuisinant ses oeufs faisant mine de les envoyer en l’air, elle me fait rire. Que me vaut cet enthousiasme ? La nuit lui a sûrement été profitable. Je préfère taire mes questionnements, ne voulant gâcher ce moment. À la radio passe une musique très entraînante, elle se met à danser telle une gitane endiablée. Je me mets debout sur ma chaise pour l’accompagner, riant à plein poumon. Elle me soulève de ma chaise et m’emmène dans ses bras pour que nous partagions cette danse folle à travers l’appartement, le son Latino envahit les lieux. Nous nous mettons à rire avant de nous mettre enfin les gourmandises du petit déjeuner sous la dent.
-Mmmh, c’est bon ! Dis-je la bouche pleine d’un croissant dégoulinant de confiture de framboise.
-Je vois ça, tu en as partout me dit-elle avec un clin d’oeil.
-Qu’en dis-tu ? Si nous allions faire un pique-nique dans la forêt aujourd’hui, nous prendrions ton vélo !
-Ah ouiiii, ce serait super ! Dis-je la bouche pleine.
-Alors préparons-nous vite fait et allons à Franprix faire une petite course. Je mets tout de suite des blocs de glace au congélateur et je sors mon panier à pique-nique.
Maman est tout excitée, j’aime ça ! Cette journée s’annonce très gaie. Il me semble qu’un miracle s’est passé dans la nuit. La fée de l’oubli lui a peut-être volé ses contrariétés pour la libérer, ne serait-ce qu’une journée ?
Maman, chante à tue-tête sous la douche, pendant que je l’attends en tailleur entre les pattes de mon lion géant. Je lis un livre qui raconte l’histoire d’un poisson arc-en-ciel. J’adore ce livre, pas seulement pour l’histoire mais aussi pour toutes les couleurs qui se côtoient sur ses pages ainsi que toutes ses paillettes qui m’emmènent dans un autre monde.
- Allons-y je suis prête ! Dit-elle en sortant de la salle de bain dans un halo de vapeur d’eau. On dirait un ange.
Ses cheveux mouillés frisent sur ses épaules nues, que seules les fines bretelles de son débardeur rompent. Elle a l’air d’une femme bohème avec sa jupe longue à dentelle laissant entrevoir à quelques endroits sa peau blanche qui n’a encore pas pris le soleil. Elle a mis du rose sur ses paupières et un trait noir souligne ses yeux de poupées.
-Tu es belle !
-Merci ma chérie ! me répond-elle me faisant une révérence de princesse en tenant du bout de ses doigts abîmés par la sève des fleurs son jupon.
Je lui réponds de la même façon avec un sourire.
-Mademoiselle, je vous en prie, après vous !
Elle ouvre la porte de l’entrée pour partir vers cette journée qui commence telle une aventure féerique.
Arrivées dans la rue le soleil nous chauffe la peau immédiatement. Nous sommes d’accord pour admettre que nous adorons toutes deux cette saison où tout semble revivre. Le printemps nous emmène dans sa renaissance pour ressusciter avec lui.
La rue est calme et la plupart des commerces sont fermés. Quelques badauds se promènent profitant de la douceur du matin se mélangeant aux odeurs des fournées de pains des boulangeries avoisinantes. Le temps à l’air de s’être arrêté. Les courses faites et remplissant notre panier tel un trésor, nous embarquons dans l’utilitaire de maman. Il est moche mais pratique, le panier et mon vélo dans le fourgon ont toute la place pour nous accompagner dans notre journée. Ce que j’aime encore plus c’est que je peux monter à l’avant comme une grande et du haut de mon rehausseur je peux contempler le paysage. La radio déverse de la musique entraînante dans les hauts parleurs et nous chantons à en perdre la voix. Quel exutoire de se lâcher comme ça toutes les deux ! Le moteur se met à vibrer, nous voilà parties pour l’aventure. La voiture monte la rampe du garage souterrain qui ouvre sa gueule vers une lumière presque agressive.
-Youhou !!!
-Tu es heureuse ma puce ?
-Oh oui maman ! Nous allons passer une superbe journée, je le sens.Elle prend la route de la campagne, pour me surprendre.
-Nous n’allons pas dans notre forêt habituelle ?
-Changeons un peu nos habitudes ! S’exclama-t-elle.
La route défile sous mes yeux et le balancement de la voiture m’emporte dans un sommeil profond, je m’évapore dans mes rêves. Revoyant nos moments de bonheur. Même si papa n’a plus de visage je sais que c’est lui car je reconnais sa présence décuplée par sa mort. Il est un ange j’en suis sûre ! Je me sens près de lui et en même temps si loin. Je le vois me prendre dans ses bras et me lancer en l’air m’arrachant des éclats de rire, maman lui ordonnant de faire attention et lui, répondant par son rire si vivant que je peux le sentir, se moquant d’elle tendrement en la traitant de maman poule.
-Ma p’tite marmotte, réveille-toi nous sommes arrivées.
Sa voix me sort de ce rêve qui n’en avait pas l’air. Nous sommes dans un bois, entourant un étang, l’eau scintille sous les reflets du soleil qui transperce. Les branches des arbres recouvertes de feuilles de tous les verts du monde. Elle m’a emmenée dans un monde féerique, je reste là, à rêvasser. Je suis sûre qu’il y a des fées dans cet endroit et peut-être d’autres esprits de la nature, j’irai à leur rencontre plus tard.
-Tu viens prendre ton vélo ma puce ! Nous allons nous trouver un petit coin tranquille pour pique-niquer et peut-être même pouvoir tremper nos pieds dans l’eau. Regarde comme elle est belle avec sa couleur turquoise on dirait qu’elle est colorée au sirop de menthe.
Nous avons trouvé le lieu idéal, il me fait penser à une petite crique. Maman étale sur l’herbe un grand drap fleuri et y place en son centre notre panier de victuailles.
-Enlevons nos chaussures pour faire goûter à nos pieds cette herbe grasse.
C’est notre truc, marcher pieds nus dans l’herbe fraîche nous chatouillant entre les orteils. Maman, me dit que ça la rend vivante, moi je ressens seulement la fraîcheur et son bonheur. Nous prenons place sur le sol et commençons à manger, en regardant silencieusement l’étendue d’eau exhibant devant nous sa robe luisante, qui par moment nous fait plisser les yeux. J’ai l’impression de rentrer dans un autre monde. Maman, elle, part doucement dans ses pensées, c’est plus fort qu’elle, les silences l’emmènent toujours loin de moi comme happée par la terre. Elle redevient si sérieuse, je la perds déjà. Pourquoi son cerveau ne peut pas la laisser tranquille plus de quelques heures, la laissant me rejoindre dans le monde de l’insouciance et de l’amour où rien ni personne ne peut nous atteindre ? Je n’ai pas envie de devenir une adulte, je promets de ne jamais le devenir pour ne pas subir ce fléau qu’est le monde des grands !
Elle interrompt ce silence qui devient trop lourd et pesant.
-Tu es là ? Ma petite rêveuse… je veux te parler.
Ne me regardant même pas, les yeux noyés dans l’eau, elle continue.
-J’ai pensé qu’il serait temps de changer de vie mais pas seulement en vendant la boutique de fleurs mais en repartant à zéro, en déménageant. Je sais que tu aimes notre ville et que tu as toutes tes amies ici, mais il devient nécessaire pour moi de partir loin de notre histoire. J’ai commencé à regarder les annonces immobilières dans le Vexin, c’est une très belle région gorgée de nature, je suis sûre que tu te feras de nouvelles connaissances. De toute façon ce qui compte c’est que nous soyons ensemble.
Elle ne laisse pas la place au dialogue comme si elle craignait que je puisse m’interposer dans son nouveau projet, qui a l’air d’avoir bien grandi dans son esprit. Elle continue en m’expliquant qu’elle nous a trouvé une petite maison de ville près de tous les commerces et même d’une école et qu’elle ne veut pas passer à côté. Que même si la vente de la boutique ne se fait pas encore cette-fois-ci, elle souhaite que nous partions immédiatement, quitte à faire des allers-retours.
-C’est sûr ce sera un peu fatigant, mais tu as bientôt fini ton année de CP et si c’est trop dur nous demanderons à tes grands-parents de te prendre chez eux au mois de juillet le temps que je ferme aussi la boutique pour les vacances. Qu’en penses-tu ?
Me demande-t-elle en me montrant les photos d’une petite maison avec une petite cour. Ce n’est pas si formidable que ça mais j’ai bien compris que c’est la seule chose à quoi elle pourrait prétendre.
J’ai simplement répondu.
-Maman, je te suivrais n’importe où du moment que je t’y retrouve.
Je la prends dans mes bras et lui dépose un baiser léger comme un papillon sur sa joue réchauffée par le soleil ainsi que par le courage qu’elle a surmonté pour me parler. Mais également par l’émotion de verbaliser cette décision qui l’éloignera de nos souvenirs.
Ses yeux ont volé de l’eau du lac et une goutte s’en échappe roulant jusqu’à ses lèvres roses.
-Je t’aime ma petite marmotte, tu me manques tant.
La journée passe trop vite, comme tout ce qui est bon. Maman s’est ressourcée dans cette nature qui l’a enveloppée d’un sommeil dans lequel elle doit, elle aussi, nous y retrouver tous les trois.
C’est décidé, nous déménagerons coûte que coûte. Je décroche le téléphone pour m’assurer que la maison est encore disponible et organiser une visite. Je fermerai exceptionnellement mercredi après-midi pour y aller avec Lily. Je m’occuperai de regrouper les papiers nécessaires pour mon dossier de location, comme cela si la maison nous plaît, je leur laisserai immédiatement.
Je sème du positif pour notre avenir, me mettant en tête que plus rien ne peut m’arrêter dans cet élan. La roue va tourner, même si ça doit être dur, nous y arriverons, j’y arriverai.
Quelques jours viennent de passer et l’agence qui avait amené jusque moi l’homme qui porte notre destin au bout de ses lèvres, n’est toujours pas revenu vers moi. Je les appelle donc.
-Bonjour, madame Juin au téléphone, comment allez-vous ? Je me permets de revenir vers vous pour que vous me donniez vos impressions sur M. Raliot.
-Eh bien, il a eu l’air intéressé, mais je ne vous cache pas, que malgré ses moyens, il va sûrement négocier. Vous savez c’est un homme d’affaires qui a déjà plusieurs fonds de commerce à qui on ne peut faire croire des choses. Il va jouer sur votre perte de chiffre.
-J’en ai tout à fait conscience, mais comme vous le savez ça devient plus qu’urgent. Je suis donc prête à tout entendre. Je vous remercie. Bonne journée à vous.
- A vous aussi Madame Juin.
J’avais peu d’espoir sur la valeur de cette offre et l’agent immobilier vient de valider mon ressenti, je vais devoir réfléchir sérieusement. Jusqu’où suis-je prête à descendre pour vendre cette boutique ? A combien j’estime mon nouveau départ ? La réponse n’a pas attendu. L’offre est basse mais je n’ai jamais eu mieux et les jours passant me mettent de plus en plus en difficulté. J’accepte !
J’annoncerai la nouvelle à Lily dès ce soir. J’ai déjà hâte qu’elle rentre de l’école ! La journée me paraît une éternité, je me languis tellement de la voir pointer le bout de son nez dans la boutique et de lui annoncer les nouvelles. J’espère qu’elle est prête pour ce nouveau départ imminent. Coupée par son entrée fulgurante, je sors immédiatement de mes pensées.
-Maman, j’ai eu un bon point aujourd’hui !
-Eh bien … ça nous fera beaucoup de choses à fêter au dîner !
Elle me regarde avec son air interrogateur et malicieux, son petit nez retroussé se plissant sur un sourire resplendissant. Elle essaie de me faire parler mais, même sous la torture de ses guilis, je résiste. Nous parlerons de tout ça en rentrant. En plus je ne suis pas en avance sur la préparation de mon arrivage et demain c’est mercredi. L’après-midi nous prendrons la route. Tout devait être impeccable.
Devant notre assiette, je dis :
-Tu n’es pas très curieuse, toi qui te languissais tout à l’heure, tu es bien silencieuse.
-Je goûte ton bonheur ma p’tite maman.
Parfois elle m’impressionne par sa poésie qui vient d’un autre monde. Sa mamie avait raison c’est un ange, elle me vient du ciel.
-Je t’écoute ! reprit-elle.
-Eh bien aujourd’hui l’agent immobilier est venu avec le monsieur qui est intéressé par la boutique, lui dis-je avec un clin d’oeil.
-Et m’a annoncé qu’il me fait une proposition. Je vais réfléchir un peu par principe mais je pense l’accepter. Ce qui veux dire que la boutique va être vendue !
-Alors nous allons partir en vacances ?
-Oui ma puce ! Mais ce n’est pas tout. Demain nous allons visiter notre future maison… enfin si elle nous plaît !
Elle se lève sans un mot et me saute au cou.
-Je vais enfin te retrouver !
Sa joie est si pure qu’une larme de bonheur s’échappe de mes yeux fatigués par cette journée, ces années.
-Ne pleure pas maman, tu verras tout ira bien, tu peux le faire et tu vas revivre comme papa te l’a demandé.
-Ne t’inquiète pas ma puce, ce sont des larmes de joie.
Comment peut-elle être aussi mûre du haut de ses trois pommes ? Les enfants sont impressionnants, ils peuvent être bien plus raisonnables que certains et même beaucoup d’adultes ! Nous allons nous coucher calmement, je pense que nous avons toutes deux besoins de ce temps de calme pour digérer toutes ces nouvelles.
La nuit m’a parue ne durer qu’une fraction de seconde. Je suis un peu plus reposée mais j’en veux encore. C’est tellement rare que je puisse trouver le sommeil si rapidement et qu’il s’installe pour une nuit entière sans coupure ! Mais toutes bonnes choses ont une fin et je ne dois pas traîner ! Cette journée doit être décisive, la visite à Asnières-sur-Seine est à 15 h 00, nous partirons à 13 h 00 pour ne pas être en retard et avoir le temps de visiter la ville. Faire un peu de repérage. Je vais commander des sandwichs pour manger dans la voiture.
Toutes deux en mode professeur de loisirs créatifs, nous nous jetons des regards qui en disent long. Notre esprit est ailleurs, dans notre futur, nos espoirs et notre nouvelle vie qui se profilent doucement à l’horizon de cette journée concluante.
La route est peu fréquentée à cette heure de la journée. Nous sommes arrivées en 45 minutes bien trop en avance. Ce n’est pas grave, nous trouverons bien un endroit pour nous restaurer à l’ombre d’un arbre. Bonnières est en bord de Seine, nous y repérerons un banc. Nous avons traversé plusieurs villes depuis la sortie de l’autoroute, mais rien de bien joli, je commence à craindre un peu de m’être trompée. Les villes sont austères, les façades des maisons portent le noir de la pollution de la route, les commerces sont pour ainsi dire inexistants ou fermés depuis plusieurs années. Lily ne dit pas un mot non plus et regarde par la fenêtre le moindre détail. Parfois elle sent mon regard se poser sur elle et l’interroger, elle me répond d’un sourire poli mais sans chaleur. Elle doit être dans les mêmes dispositions que moi.
Nous descendons enfin une route et le GPS annonce notre arrivée dans quelques mètres. Il y a des grands magasins puis la rue se transforme en une ville dont les commerces sont parsemés de çà et là et ce tout le long de cette rue centrale. Nous avons repéré l’agence où nous avons rendez-vous. J’ai mis dans le GPS une rue au hasard qui longe la Seine. Ce chemin nous fait traverser un centre-ville très vivant, avec écoles, boulangerie, boucherie, poste, tabac, fleuriste, épicerie, primeur, banque et coiffeurs. Tout y est, je retrouve le sourire et Lily le verbe.