Jeux d'oies Je dois... - Ansley Roland Moyez - E-Book

Jeux d'oies Je dois... E-Book

Ansley Roland Moyez

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2036, Monde moderne aseptisé... Civilisation responsable... Ici l'embonpoint est une qualité. l'obésité étant fortement conseillée, et même célébrée. Xavier est mort. C'était un magnat de la viande... Un égocentrique, acariâtre ! Les héritiers sont convoqués par le notaire. Surprise : l'héritage ne se passe pas du tout comme prévu. Tous les biens du défunt on été vendu secrètement et transformé en or pur, sauf la villa dans laquelle tous sont réunis. Et justement, cet or, cet énorme trésor se trouve caché en ce lieu. Xavier a laissé des directives incontournables, celui ou celle qui trouve ce trésor aura seul pouvoir de décision sans obligation de partager. Il y aura fatalement de la casse... Et chacun devra trouver sa case !

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Illustrations couverture Ansley Roland MOYEZ

En ce mois de juin de l’année 2036, une jolie banlieue parisienne aux apparences nettes, une petite ville proprette, parfaitement entretenue, un monde parfaitement réglé normalisé, suivait une rue au goudron étincelant avec des trottoirs parfaitement assainis, des maisons d’un même style architectural aux couleurs désolantes, aux toits identiques, maisons toutes enquillées les unes à la suite des autres dans un quartier quasi désert… En ces lieux régnait inévitablement un certain silence, une certaine tranquillité.

Ici, un petit robot balayeur, tout de clignotement, passait doucement nettoyant un caniveau pourtant déjà propre, l’engin s’arrêta. Un mécanisme s’actionna. Une pelle sortit du corps métallique et ramassa minutieusement un étron de chien alors qu’une voix numérisée répercutait signalait l’acte en question ainsi que sa géolocalisation… 43e parcelle, rue du Général Boulanger - Étron canin signalé sur voie publique - Ramassage - Relais vidéo… Analyse des excréments en cours…

Une petite caméra semblait analyser l’étron. Le robot clignota un peu plus encore, finalisa l’acte en concluant : Fox Terrier à poil dur – Probable apparence : Robe blanche - Tête aubère. Demande d’introspection immédiate - Recherche du propriétaire annoncé…

Puis, l’engin balayeur continua sa route, son œuvre et disparut au loin.

Un certain silence s’imposa jusqu’à l’incursion de quelques rares automobiles, aux formes futuristes empruntent d’un gris saturé, elles filaient le long de la rue, émettant un sifflement diffus de moteur électrique, sonorité étouffée, compressée...

Ville calme sur fond de ciel bleu à peine trahi par quelques nuages épars. Sur les bords des trottoirs d’un moderne pont à l’architecture sobre, aux lignes franches et efficaces, de nombreux écrans multiples étaient plantés là, exhibant quelques publicités exaltantes en de rapides montages fustigeant ces odieuses invasions pestilentielles liées aux déchets habituels, excréments, odeurs de fioul, de fumée de cigarettes, de rejets industriels, de transpiration excessive... Tout cela à bannir dans ce monde de l’excellence !...

Netteté, clarté, pureté, semblaient être les slogans racoleurs insérés dans ces montages vidéos médiocres et formatés que l’on voyait s’afficher ici et là…

Un piéton affirmant sa quarantaine bien entamée et parfaitement célébrée ; homme digne dans son costume classique bleu marine, forte corpulence, tête ronde sous chapeau melon noir couvrant de blonds cheveux gominés, il marchait le long de ce même trottoir immanquablement nettoyé et précisément désert.

Son regard, très vite, fut attiré par un élément perturbateur tout près d’un écran noir voué à la publicité. Il s’en approcha d’un air déterminé. L’écran s’anima automatiquement exhibant un jeune blondinet d’une dizaine d’années, bien peigné, tout soigné, plutôt potelé, en culotte courte, chemise et cardigan blancs, reprenant ainsi la mode huppée des enfants des années 1920… Le gamin semblait se régaler du contenu d’une boîte de conserve qu’il avalait goulûment en arborant un regard pétillant de malice. Il dit alors : - Chez Duplat, tout est bon !... Surtout le gras !

Notre piéton, face à cette vidéo publicitaire secoua la tête en haussant les épaules jusqu’à ce qu’un petit détail l’intéresse. Il sortit un minable petit sac en papier de sa poche, y enfila délicatement sa main droite, se baissa et ramassa cet autre papier froissé, que, délicatement, du bout des doigts, d’un air écœuré, il alla porter au plus vite dans la corbeille la plus proche ; corbeille, par ailleurs, toute neuve et toute vide. À ce moment, satisfait de son geste, il se redressa, encore un peu plus digne, la tête bien haute, le torse bombé, et il reprit son chemin…

Digne citoyen !

Longeant le trottoir, il croisa une femme d’une quarantaine d’années, vêtue d’un tailleur gris moulant qui épousait un peu trop les formes rondelettes de son corps. Toute aussi digne et hautaine, elle tenait par la main son fils qui devait avoir cinq ou six ans, il était vêtu d’un costume marin, et était tout aussi rondouillard que sa mère. Leurs tailles volumineuses faisaient qu’en marchant leurs corps se dandinaient à l’image de placides oies dans une basse-cour.

Le piéton s’arrêta face à eux, salua la dame, en retirant son chapeau melon, on put ainsi distinguer que ses cheveux étaient d’une blondeur soutenue, brillants et plaqués grâce à une incontournable crème d’argan. Il caressa tendrement la tête ronde de l’enfant. La mère lui renvoya un sourire de politesse, mais semblant toute empressée, presque méfiante, continua son chemin, poussant son fils à accélérer le pas… Celui-ci se retourna, regard contemplatif envers cet inconnu si poli et si prévenant qui s’en allait tranquillement dans l’autre sens.

En cet instant, face à eux, une vieille automobile de sport, un rare et ravissant cabriolet Triumph TR5 des années 1970, dans un rutilant vermillon, filait sur la voie inverse de la route. Elle enrichissait l’ambiance sonore par l’un de ces sons oubliés des moteurs atmosphériques six cylindres en ligne, dont le vrombissement sourd et impressionnant sous chaque accélération s’imposait à l’espace giflant singulièrement le silence environnant…

Le fils, visage et regard affecté par la surprise, tirant sur un pan de la jupe de sa mère, lui montra cet engin bizarre qui les croisait. À cet instant, la maman se figea, paniqua presque en s’efforçant de protéger, d’une main dodue et bienveillante le visage et les oreilles de son enfant comme s’il était dangereusement menacé, puis vociféra contre l’automobiliste… — Honte !... Salopard !... Pollueur !... Irresponsable !...

Elle aboya ainsi contre ce gentleman driver que l’on n’eut le temps de distinguer, cette voix de crécelle se fondant dans l’univers musical du générique de la publicité qui continuait de défiler sur le panneau alors que le bolide suivait sa route.

Derrière le haut du pare-brise de la Triumph TR5, on découvrait les cimes des bâtisses neuves de la ville moderne, nombreux lotissements, rues, maisons, jardins toujours édifiés d’une façon identique… Suivaient dans la continuité les feux de signalisation régulateurs du flux routier et piétonnier.

La route défilait ainsi moitié ciel, moitié portion de ville.

L’auto déboucha dans une rue plus ancienne, puis ralentit en virant vers un grand portail en bois massif dont la peinture était particulièrement craquelée, un aspect vieillot et presque inquiétant…

La fameuse sportive anglaise des années 70 s'engagea et traversa un grand parc désert. En son centre, une maison bourgeoise du début du XVIIIe siècle.

Au volant de cette Triumph TR5, Axiome, l’homme accusait une bonne cinquantaine. Visage joufflu, accentué par des pommettes rosies exagérément, bouche entrouverte, presque agressive, tête coiffée d'une casquette vichy sur cheveux grisonnants, yeux noircis au crayon selon la mode du moment… Il gardait malgré tout, cette allure de gentleman driver emmitouflé dans une grande veste en cuir. Émanait de lui ce plaisir de piloter ce cabriolet, jouissance d’être différent de ses semblables… Il s’arrêta à proximité près de hautes haies sombres, là, d'autres véhicules modernes étaient garés, ceux-ci, électriques selon des lignes élancées parfois trop simplistes donc vulgaires car tant communes.

Se hissant en s’appuyant lourdement sur ses avant-bras, il sembla décidé à sauter par-dessus la portière… Manquant sérieusement de souplesse, du coup, il se vautra sur le sol. Fier, il se redressa aussitôt, reprenant instantanément dignité. Puis, il se dirigea vers la villa, monta d'un pas lourd les quelques marches du perron.

Il fut accueilli, sur le pas-de-porte, par Félix, le majordome qui abordait, avec contenance, la soixantaine. Obésité flagrante dans sa stricte tenue, ça dépassait et ça débordait de partout, du gilet comme du pantalon. Il avait un visage au maquillage grossier, des yeux soulignés, des pommettes soutenues qui relataient un style un peu désuet par rapport à la mode du moment.

Il l'invita, comme il se devait, à entrer. En cet instant, sur le perron, s’imposaient deux bedaines massives qui devaient s’introduire dans cette entrée baroque.

— Voyage prometteur, n’est-ce pas ? D’emblée, lui dit Félix, en gardant la tête haute, regard jouissif, une ambiguïté certaine…

Axiome entra en grognant, afficha un air suffisant, souffla abondamment tout en retirant sa longue veste en cuir, la lui déposa sur cet avant-bras tendu pour cela. Félix, obséquieux, sourit furtivement en silence, et le devança dans le couloir. Axiome le suivit. Au passage, il ramassa, posé sur un guéridon le journal numérique du jour, le glissa dans sa poche arrière de pantalon.

La tablette clignota et afficha en clignotant : La Nouvelle du gourmand, puis la date du jour : 16 Mars 2036… On ne pouvait entrevoir qu’une partie du texte : Forte baisse de l’action Mc Don... Puis une voix numérisée, légèrement affaiblie, apparut…

Suite à l’audit, le rapport des experts nommés par le gouvernement américain confirme que l’immense trust serait sur le point de péricliter... Les titres sont sérieusement en baisse ! Ayant perdu vingt points en deux semaines... Cela sembla agacer Axiome, tout en marchant, son index cliqua sèchement sur l’appareil pour l’éteindre.

Les silhouettes corpulentes des deux hommes suivaient le long couloir au décor bourgeois du début du XXIe siècle offrant des œuvres artistiques qui témoignaient, rendaient un véritable hommage à l’embonpoint, un hymne à la rondeur. Au bout du couloir reposaient quatre grands vases identiques avec des bouquets d’œillets d'Indes aux couleurs flamboyantes.

Gai, euphorique, voire un peu fou, Félix, fredonna l’air d’une chanson ridicule, un peu sur le ton d’une pub.

— P’tite volaille en train de mijoter à feu doux !... P’tite oie à la Bordelaise !... À moins qu’une bonne bouillabaisse !...

Il se tourna subrepticement vers Axiome,

— Monsieur Xavier en raffolait !... dit-il, exposant un regard de gourmandise, de passion, néanmoins, il sembla se raisonner amèrement, évacuant une vilaine grimace… Axiome acquiesça, hochant brièvement la tête. Peu courtois un rien ignoble, il se gratta le cul, afficha une moue dubitative qui vira très vite à un air un peu plus agacé… Dédaigneux, il continuait d'avancer en grognant.

Euphorique, Félix se pencha, sentit les fleurs avec délectation… — Ça aussi, Monsieur Xavier en raffolait !

Il resta grave. Tandis qu’Axiome s'approchait, l’air mauvais, pervers, rumina encore sa mauvaise humeur tout en souriant méchamment, il se pencha tout près de son visage et lui gueula dans les oreilles,

— Y'a pas plus vulgaire que les œillets… Y’sais pas ça ? Trois petits détails m'horripilent : Fiente d'oiseaux - Viandes mal cuites - Parfum de fleurs !... Bon, maintenant si nous parlions de nos affaires... Il canalisa sa colère, serrant les dents comme s’il avait envie de faire mal.

— Ah, en mauvaise voie, Monsieur Axiome !

— Enfin, quoi, je ne comprends pas… Un testament retrouvé dans une soupière... Ça devrait pimenter la soupe d’un notaire. Non ?

Félix soupira, l’air pas très convaincu de la chose. Cela agaça sérieusement Axiome qui le chopa brutalement par l'avant-bras, puis au col, il grogna plus fort, se faisant fauve, le secoua et le colla contre un mur. Il sortit de sa poche une liasse de billets de cent Euros, lui fouetta le visage avec en insistant sur la représentation des billets et en lui pressant les billets sur les yeux, lui fouetta encore le visage avec la liasse…

— Il me semble qu’il était un peu plus loquace, ce cher Félix, quand il s’agissait de flairer le blé… Cent mille Euros ! Que des ponts et des aqueducs !... Hein ? Pour fournir l’eau au moulin, il y a de quoi pétrir... Non ? Il faudrait bien enfoncer dans ce crâne de meunier que, du fond du cœur, j’ai vraiment envie de voir la couleur de la farine. Je ne tiens pas à rater mon pain !... PIGÉ ?

Félix se dégagea sèchement, ferme, définitif.

— Votre plan n'a pas fonctionné !

Il lui fit comprendre qu'il devait parler moins fort, les autres attendaient...

Axiome, perturbé, vexé, se massa nerveusement le visage pour évacuer son excitation.

— Vautours ! Mange-chiasses ! J’adore les voir poireauter, les boyaux bien entortillés !...

Félix ouvrit la porte de la bibliothèque tout en restant sur le pas-de-porte lui proposa d’entrer, observant durant quelques secondes, les invités.

Correctement assis ou franchement affalés, tous endimanchés selon des modes affirmées, maquillage fort prononcé en des couleurs extravagantes, la famille et les amis étaient réunis. Tous piochaient ici et là dans quelques plats posés sur une table basse, friandises, gâteaux ou autres amuse-gueules. La majorité d’entre eux était de forte corpulence, tous, engoncés sur des sièges bergères ou sur des sofas leur obésité reposait.

Cristobal, la cinquantaine ; plutôt pansu dans un strict complet noir, semblait très ému en voyant arriver son frère.

Axiome adressa à l’ensemble de l’assistance subrepticement un mièvre sourire de reconnaissance, remit nerveusement sa mèche rebelle, embrassa sur le front Quenelle et Frangipane, ses deux nièces, adressa à Victoire, la femme de Cristobal, un vague regard troublé suivit d’un baiser sur la joue gauche, du bout des lèvres. Puis, il s’orienta droit vers Cristobal qu'il serra fortement dans ses bras, ensuite, se tourna vers Capuccino et Parmentier, les deux neveux, à qui, viril, il serra fermement la main.

Félix s’empressa de rapprocher un siège supplémentaire qu’il positionna précisément selon des directives fixées préalablement.

Victoire, la quarantaine parfaitement entretenue dans son beige tailleur Chanel, était toute aussi étoffée. Elle lui sourit, l’air ému en le détaillant d'un air attendri.

Parmentier, l’un des deux fils de Cristobal et Victoire, un ado potelé, boutonneux proche des quinze ans, piocha dans une coupe en cristal une poignée de cacahuètes que sa bouche engouffra voracement.

Capuccino, l’aîné, plus grand, plus costaud mais rondouillard, altier, se la jouant bellâtre, du bout des doigts prit un canapé au saumon et s’assit aussitôt en regardant les autres invités. Tandis que Quenelle, la petite sœur, d’une vingtaine d’années, dépareillait totalement par sa maigreur affirmée dans son ensemble Jean rose cintré, des cheveux violets fluo hérissés en éventail, un visage sombre, des traits soutenus au gris et au noir… Elle essuya une petite larme. Alors que Frangipane, plus âgée de quelques années ; rondeurs affirmées dans un ensemble très chic, un visage maquillé sobrement aux couleurs harmonieuses, des cheveux blonds coupés courts ; sembla s’efforcer de sourire à Axiome.

Dans le fond de la pièce, les amis, François-Marie-René, un vieux garçon d’une quarantaine d’années, maniéré en des allures féminines, plutôt de petite taille, le corps à la fois rond et musclé, un visage bien dessiné avec une houppette mauve sur son crâne rasé, il salua modestement Axiome. Biscuit ; une vingtaine d’années, beau gosse, bien potelé, cheveux teintés, striés en divers tons fluo, se leva et le salua en hochant la tête. Tandis que Mademoiselle Moussaka, d’une trentaine d’année, plutôt ronde, black travesti, dont l’image véhiculée semblait calquée sur l’esprit des cabarets Parisiens d’une époque du passé, s’évertuait en une gestuelle caricaturale de femme fatale. Erdal, physique élancé, le seul maigrelet du groupe, un visage plutôt fin à l’apparence fragile, très excentrique dans un stylé costume gris rayé de gros traits noirs dont le pantalon laissait particulièrement se dégager de belles courbes au niveau du sexe, le crâne rasé quant à lui, était peint d'un cercle doré avec une grosse perle fantaisie plantée en son centre, il lui adressa un moindre signe de tête en guise de salutation.

La main droite, d’Axiome, impatiente, rafla très vite, une bonne poignée dans le bol de cacahuètes et d’amandes grillées salées, qu'il ramena vivement à sa bouche. Il mâcha l’ensemble goulûment.

Mandarine, la vingtaine, petite maigrichonne, parmi cette majorité de physiques imposants ; l’assesseur qui accompagnait Maître Fuca, sourire commercial, tenant fermement contre sa poitrine affriolante la tablette numérique officielle, attendait patiemment que les retrouvailles familiales soient terminées. Elle s'approcha du groupe, avec son air déterminé, replaçant sèchement son chemisier qui lui collait un peu trop à la peau. Elle n’hésita pas une seconde à s’empiffrer un canapé débordant de charcuterie, mais, aussitôt, d’un air blasé de déception, le reposa dans un cendrier. Tout en cochant sur sa tablette à l’aide d’un crayon magnétique, elle invita Axiome à s'avancer, il répondit par un vague hochement de tête, en soufflant, tout en continuant d’engloutir quelques autres amuse-gueules qu’il venait de rafler.

Resté raide et posté derrière un bureau, Maître Fuca, la cinquantaine grisonnante, style garanti de la bourgeoisie banlieusarde, un costume bleu marine parfaitement tiré à quatre épingles dissimulant un corps imposant, visage joufflu, bouche rougie par la bonne ripaille, le notaire, vivement s’avança à la rencontre d’Axiome en lui tendant une main chaleureuse…

— Axiome… Vraiment, je suis enchanté de vous rencontrer, malgré ces circonstances attristantes… Le cinématographe, ah, le cinématographe…

Cristobal, percevant le petit sourire hypocrite du notaire, se pencha discrètement vers sa femme en ricanant. Axiome qui semblait aimer la flatterie sourit au notaire pour seule réponse. En cet instant, les ventres proéminents des deux hommes se frôlaient, alors que les deux mains droites se serraient poliment.

Mandarine confirma à Maître Fuca, sur sa tablette que c’était bien la dernière place qui avait été attribuée, et qu’il pouvait commencer. Il lui sourit sensiblement, vérifia, pour la contenance, d’un vif coup d’œil contrôleur, se retourna faisant un signe à Axiome de prendre place aux côtés de son frère.

Félix, avec son air obséquieux, referma la porte derrière lui, restant figé sur place.

Victoire l’observait stupéfaite, deux grosses joues rouges d'exaspération, de fait ses intestins réagirent promptement, elle péta un bon coup. La famille fit mine de ne rien avoir entendu. Les autres discrètement se bouchèrent le nez, en grognant à mivoix leur stupéfaction... Furibonde, Victoire fixa alors durement Félix, celui-ci croisant son regard, chercha à être courtois, empreint de bienséance, s’approcha d’elle à voix basse...

— Oserais-je, me permettre, Madame, comme j’ai pu le faire lors de maintes soirées mondaines en la présence de feu Monsieur Xavier, il se tourna vers les autres, …Donc, je prendrais le pet de madame à mon compte ! Je vous prie, tous, de m’excuser !

Sûr de lui, il croyait faire plaisir. Toute l’assistance se mit à rire.

Victoire, vexée, resta rouge de confusion et donna un bon coup de coude à Cristobal, lequel posa un regard dédaigneux sur Félix le dévisageant derrière sa paire de lunettes de luxe, contenance hautaine et méprisante.

— Intention d'épousseter meubles ?... De laver carreaux ? Réunion n'intéressant que famille ou proches ! Tâches ménagères, tâches à l’intendance devraient sans aucun doute occuper… Ferme, par le ton, la construction de ses phrases était pour le moins courte, forme très administrative qui se rapprochait de ce que l’on appelait en d’autres temps : Texto. Clair et définitif, il lui fit un bref signe désobligeant de déguerpir...

Félix, gêné, baissa la tête. Puis, s’affirma, provocant, dignement il leva la tête bien haut, ne bougea pas d’un poil.

Cristobal sidéré de ne pas être écouté, se releva d’un coup, perdant son sang-froid… Le notaire intervint aussitôt.

— Cher Cristobal, Monsieur Félix Croustade est ici présent, selon le souhait de votre défunt frère.

Il lui tendit l'acte signé où figuraient tous les noms des futurs légataires. Aussitôt les regards fumants de Victoire et d'Axiome, redressés comme un seul homme, convergèrent immédiatement sur cet imprimé. Axiome foudroyé par cette annonce, lança un regard flingueur à Félix. Cristobal estomaqué, déglutit sa salive mêlée aux restes du canapé au saumon qu'il avait entamé et cracha dans un cendrier sur la table. Victoire tenta de masquer sa consternation en restant muette. Quant aux enfants, ils s'en moquaient, continuaient de piocher d’autres canapés et petits sandwichs dans les plats.

Les amis excentriques, semblaient eux, s'amuser de la situation, se donnant même quelques coups de coudes chaleureux…

Cela dit, comme tous ici présents, ils grignotaient tout autant, amuse-gueule, canapés et autres friandises.

Félix, sourire forcé et embarrassé, alla s'asseoir à la place qui lui revenait, près du groupe d’amis.

Mandarine vint se placer aux cotés de Maître Fuca. La disposition des sièges de tous les protagonistes était en cet instant minutieusement inspectée par Mandarine qui suivait un plan dressé sur son PC.

Félix se pencha vers la petite table placée au centre de la pièce s'osa à prendre un petit-four, foie gras cerise. Il le croqua, sous le regard soupçonneux d'Axiome.

La plupart des protagonistes mâchaient et ingurgitaient sans discrétion, tout en écoutant le notaire.

— Mesdemoiselles, Madame, Messieurs, en ce jour du 16 mars 2036, suite au décès de Monsieur Xavier Duplat, nous procéderons selon ses vœux à définir sa succession. Le règlement voudrait que cette réunion eût lieu en mon étude. Cependant le défunt a désiré pour des raisons sentimentales qui devraient tous vous toucher, que la répartition de ses biens soit réalisée en son domicile principal.

Tout sourire commercial, il lança, par la même occasion, un vif coup d'œil à Mandarine, puis, porta son regard sur les autres.

Capuccino qui s'impatientait déjà soupira,

— Je sens que ça va être interminable cet héritage !...

Victoire la fustigea du regard en grognonnant, et, du bout de ses doigts, délicatement porta à sa bouche un autre canapé. Parmentier l’observant éclata d'un rire étouffé. Cristobal, mine agacée, réactions pressantes, fixa durement, tour à tour, les ses enfants ainsi que les autres protagonistes.

Mandarine, sourire snob, prit la vieille serviette en cuir de son patron, l'ouvrit, en ressortit un minuscule boîtier plastique scellé par un cachet de cire, qu'elle lui tendit.

— Monsieur, feu Xavier Duplat m'a remis une clé numérique cachetée sous cire... Je ne sais absolument pas ce qu’elle contient. Clause formelle : Ne visionner son contenu qu’à cette seule condition, que, tous les intéressés soient réunis ici, en cette bibliothèque, selon un plan précis, et cela moins de trente jours suivant son décès. Voilà qui est fait. Je découvrirais donc, tout comme vous, le contenu du testament... Outre cela, j’ouvre une parenthèse : le 28 Février 2036 a été trouvé dans une pièce de vaisselle, un testament antidaté… Il soupira, évoquant une forme de doute qu’il évacua très vite de sa pensée… N’ayant été moi-même prévenu de son existence par feu Monsieur Xavier Duplat, je n'ai pu prendre en considération ce contenu venant mal à propos, et qui risquait inévitablement de provoquer quelques dissensions… Pour quelles raisons ne l'ai-je pas fait ? Il dirigea un vif regard sympa vers Axiome, qui, rageur, serra les dents et les poings jusqu'au sang, …Afin de lever toute équivoque, sachez que les recommandations de feu Monsieur Xavier Duplat étaient des plus explicites, il est dit, suite à son décès, aucun acte ne pourrait changer l'ordre contenu dans l’enregistrement qu’il m’avait confié !

De fait, Maître Fuca décacheta méticuleusement le paquet scellé. Tous semblaient tendus.

Frangipane délivra de son emballage plastique, s’aidant de ses dents bien blanches une pastille de menthe, elle la fit naviguer dans sa bouche close, ce qui lui faisait gonfler exagérément ses joues.

Quenelle semblait indifférente, maintenant un air désabusé...

Parmentier jouait avec ses doigts, en les entrecroisant bêtement.

Félix, lui, se refusait au regard d'Axiome qui le fixait par intermittence cherchant à dissimuler un épouvantable doute par un sourire plein d’assurance.

Dans cette attente, les visages s'illuminaient.

Biscuit gratta sa tignasse, une main bien blanche dans cette masse de cheveux teint en orange fluo zébré noir et blanc, il chuchota quelques mots à l'oreille de François-Marie-René, qui sourit.

Mandarine sourcilla, mais en bonne professionnelle, élima toute émotion sur son visage.

Cristobal sembla peu s’intéresser, avala tranquillement ce qu'il avait fini de mâcher, se frotta la paupière droite avec une certaine insistance.

Axiome devenait presque anxieux.

Victoire surexcitée, se grattait avec insistance la jambe droite du bout des ongles. De plus en plus nerveuse, elle ne cessait de croiser et décroiser les jambes.

Capuccino, lui, attendait avec impatience, les deux poings posés sur ses hanches.

Frangipane, enfouie dans sa curiosité, malgré sa pastille mentholée qu’elle faisait glisser sur le bord de ses lèvres avec son air de prétentieuse attestée, coquine, maniérée, reluquait avec insistance le bel Erdal, en effet, se dégageait de lui un certain charme… Celui-ci s’aperçut de cette observation, il resta stoïque et l’observa, à son tour, en silence.

— Le vieux coupé Bentley des années 20, je le veux… affirma Frangipane qui se délectait déjà de l’acquisition.

— 2020… Oh, une tire archi démodée ?... opposa Capuccino. Sa sœur lui répondit par une grimace désobligeante.

Maître Fuca ayant enfin décacheté le paquet ressortit une simple boule de lecture vidéo projection, il la détailla méticuleusement à la lumière du jour… Et il l’installa dans le lecteur de son PC portable.

— Je préfère la new Jag H Type ! Totalement bléca de ouf, cette tire… argumenta Capuccino auprès de Frangipane, à voix basse.

Tandis que Parmentier ne cherchait juste qu’à se goinfrer de friandise ou de charcuterie.

— Et les autres ? Vous croyez qu’ils sont là que pour l’apéro !

Dit Quenelle en s'agitant sur son siège, étirant nerveusement une mèche rebelle de ses cheveux. Elle remarqua le jeu de sa sœur, et fixa, à son tour, le bel Erdal... Machinalement, elle mordit à pleines dents un canapé débordant de crème, toutefois, aussitôt écœurée, elle le reposa en grimaçant sur une assiette vide et recracha discrètement dans un mouchoir en papier ce qu’elle n’avait pu avaler. Tout cela l’agaça...

Tandis qu’à voix basse, à l’oreille de son mari, Victoire imposait ses souhaits.

— Cristobal... Comprenez bien que je veux, j’exige, la villa de St Raphaël ?

— Vous êtes entendue, ma femme ! Vous êtes entendue ! chuchota-t-il lassé.

— Dans ce cas, j’aurais en retour cette, euh, la vieille demeure dans le Périgord noir !

— Ben voyons... Vieux corps de ferme - Gentilhommière vingt-deux pièces - Parc trente hectares… insinua le frère, tout en posant des regards accusateurs en direction du groupe d’opportunistes.

François-Marie-René, croisant ce regard haineux comprit bien que leur présence n’était pas pour plaire à ces gros bourges. Erdal, souriant, lui donna un coup de coude d’approbation.

Maître Fuca s’empressa d’allumer la minuscule boule enregistrée et la plaça aussitôt dans son PC. Il paniquait un peu, sentant monter la tension, il s’empressa de lancer la projection.

Une vidéo holographique montra Xavier Duplat qui faisait face à l’ensemble des héritiers, ainsi il se retrouvait assis sur le Voltaire resté vide et placé judicieusement au centre de la bibliothèque faisant face à tous. L’homme semblait être resté bon gaillard, bonne allure générale, mais il avait tout de même un visage affaibli, fatigué.

— Mon Dieu, quelle horreur, il était devenu si maigre !... Le pauvre, lui, si bel homme, pensa tout haut Victoire.

Cela crispa Cristobal, gêné, il la fustigea d’un regard accusateur. — Bel homme ! Bel homme ?... On a vu mieux, contredisait

déjà Quenelle d’un air provocateur.

— Un mètre quatre-vingt, cent quarante kilos. Blindé de fric. Il avait de quoi en séduire de la belle enveloppée ! Répliqua Capuccino.

Cela fit sourire son frère qui savait fort bien que son oncle était un grand consommateur de beaux hommes. Froidement et cyniquement, il adressa un regard mesquin destiné aux amis de Xavier. Cristobal bien que décontenancé, lui aussi, leur destina de subreptices et obliques regards et se tourna vers ce voltaire où était projetée l’image holographique de son frère. Il y eut aussi un léger murmure teinté de nostalgie.

Xavier fixait droit devant lui la caméra qui le filmait tout en essayant de garder un œil vif, malin. Il porta un cigare allumé à sa bouche, en tira une bonne bouffée et souffla aussitôt un nuage de fumée.

— Alors, vous êtes tous là !... il amorça un coquin regard de gauche à droite, comme s’il les observait tous, tour à tour. Il sourit mièvrement, reprit son sérieux, yeux pétillants de malice. Incertitude ! Expectative ! Que d’agitation pour vos cervelets endurcis, n’est-ce pas ?

Mademoiselle Moussaka, vexée, se pencha près de l’oreille de François-Marie-René, à voix basse annonça que, s’il les avait fait venir ici pour leur dire simplement qu’il les détestait, qu’elle s’en torchait royalement, ce à quoi, François-Marie-René, amusé par sa crédulité, lui confirma que les louanges, ne faisaient pas partie de l’entendement de Xavier.

La vidéo virtuelle de Xavier continua. Il affirmait sous un sourire vicieux noyé dans un épais nuage de fumée de son cigare, qu’il avait vendu tous ses biens.

— Que raconte-t-il, là ? On est bien dans sa maison ?... s’étonna Mademoiselle Moussaka, en se tournant vivement vers Maître Fuca qui lui fit signe de se taire et de continuer à regarder et à écouter.

Xavier continuait sa présentation d’un regard illuminé sous une intention obscure avançant que tout ce qui allait se passer maintenant serait, selon ses dires, du brut de brut !

Axiome ne put s’empêcher d’argumenter craignant que la maladie l’ait réellement fait dérailler…

Un chut général s’imposa.

Xavier tirant sur son cigare, semblait y prendre encore un grand plaisir, toutefois, ses yeux de malade en fin de course, le trahissaient dans cette réalité, puisque humectés de larmes de douleur, de rancœur, de désaveux... Il avait tout vendu. Sauf, cette chère demeure.

— Je ne voudrais pas qu'elle finisse dans les griffes d’un de ces vendangeurs d’espoirs... En une zone pavillonnaire ! Ah, il faut se l'avouer, aucun d'entre vous n'aurait été capable de gérer convenablement la moindre de mes entreprises... Le commerce de la viande n'est pas fait pour du demi-sel !

Cristobal, piqué au vif, de stupeur, tendit sa tête en arrière.

Dans le regard de Félix se lisait une certaine jubilation masquée par de fréquentes mimiques sous un sourire hypocrite. Pour s’en cacher plus aisément il mordit à pleine dent une rondelle de saucisson Italien.

Axiome qui continuait de l’observer par intermittence lui adressa un sourire sardonique, tout comme son frère.

À cet instant, Xavier, amusé, par avance de la portée de cette vidéo holographique semblait fixer droit devant lui, là, justement, Cristobal.

— Oh ! Cher "Cristo" !... railleur, il se mit à chantonner une chanson de Charles Aznavour, …Je m'voyais déjà en haut de l'affiche !... Il se coupa pour redevenir sérieux et développa que pour édifier, créer une belle affaire il fallait avoir du talent, de l'intelligence... Mais, l’énarque, par définition, un énarque, ça ne sait que dépenser !... Ah, se faufiler, orchestrer parmi les lois ou les codes que ses paires ont pu pondre, savoir gruger, alors, là, l’énarque est passé maître en la matière. Mais, faire fructifier une affaire dans des normes purement commerciales... Non. Ça, pas possible ! Dans ce milieu-là, certes on ambitionne, mais on n’a jamais su réaliser !... Son sourire s’estompa pour redevenir des plus sérieux et ferme, …Mes finances dans les pattes d'un énarque... Jamais !

La famille fut choquée tandis que sourires ici et là dans l’assistance s’affirmaient. Cristobal grogna mollement en haussant les épaules, remit en place son nœud de cravate, s'essuya le front suintant de sueur.

Tous les regards convergeaient sur cette vidéo holographique. Situation incommodante pour tous.

Xavier tira encore une bouffée de ce cigare. Se tournant en s'adressant cette fois-ci à Axiome, il le fixa d'un œil malin et souffla la fumée qui envahissait juste les limites du cadre de l’image holographique.

— Ah, Axiome !... Véritable torture que d'imaginer distribuer des perles aux cochons !... N'est-ce pas ?... Tous frais déduits : Ça se monte à... Oh, oui, quand même à deux cents trente millions d'Euros ! Bel héritage, non ?

Il sembla fixer les autres, lentement, les regardant tous, tour à tour, provocateur, cynique.

— Mes héritiers... Et le monde va devoir encore tourner pour eux, des baltringues à 3,50 Euros la tonne !

Tous s’excitèrent. Langue de vipère ! Pensaient-ils tous… Même qu’ils n’hésitaient plus à dire que seul son fric les passionnait. Les enfants, eux, trouvaient que cette vidéo s’éternisait, déjà ils s’ennuyaient. Xavier les dévisageait au point de devenir très invasif dans les esprits.… Il argumenta qu’il aurait pu faire un simple partage, équitable, conforme à l'usage et à la règle, mais, il s’en remettait à la loi de 2028 qui donnait le droit définitif de faire hériter de sa fortune à qui bon lui semblait, même au détriment de sa famille la plus proche...

Axiome et Cristobal se redressèrent excédés, le con, le salaud ! Maître Fuca contraint par les excitations diverses dut arrêter la vidéo. Axiome se tourna d’un air agressif vers Cristobal.

— Ouais, à qui la faute ? C’est bien ton gouvernement qui les a pondues ces putains de lois libérales…

Cristobal haussa les épaules, pesta, en secouant la tête de dépit. Capuccino ne put s’empêcher de réagir.

— Non mais, ça, un oncle… Une raclure, oui !...

Tous protestèrent, Frangipane avait perdu sa journée pour ce vieux dégaspère ! (Expression à la mode qui voulait illustrer une personne déplaisante).

Quenelle prétextant qu’il n’y avait là rien de bon à prendre, affirma en se redressant, furibonde, qu’elle était prête à partir…

— Si c’est ça, moi, j’enlève !

Victoire, autoritaire, l’obligea à se rasseoir aussitôt.

Maître Fuca appuya sur la lecture de la vidéo.

Xavier affirmait qu’il aurait pu tout léguer à une œuvre caritative. Mais, comme il n'avait pas cette fibre chrétienne de distribuer aux pauvres, les pauvres l'avaient toujours agacé…

— J'en ai connu qui, à force de donner, avaient des callosités aux mains ! Eh, eh, eh... Je suis sûr que cet aphorisme signé Nietzsche vous va droit au cœur !... Ouais… Tout ce patrimoine financier, il fallait bien en faire quelque chose. OR !...OR ! OR ! Tout est devenu : OR !

Ainsi il confirma que ces tonnes d’or, pour les voir, les découvrir, il les invitait tous à participer à un petit jeu dont il avait établi les règles...

Cristobal protesta.

— Qu’est-ce que ce cirque ?...

— Tu t’en étonnes de la part de Xavier ? Pas moi… lui répondit agressivement et peu aimable, son frère.

En ces circonstances dramatiques, ce serait là un moyen idéal de lui rendre hommage, soulignait Xavier d’un sourire malicieux, un plaisir pervers. Il insistait sur le fait que cela devrait leur plaire, en premier lieu à ses neveux et nièces qu’il traita de petits morpions qui ne s'intéressaient à lui qu'aux périodes des fêtes, lorsqu’il devait faire tomber cadeaux et chèques...

— Une course au trésor ! Hein, ça vous dit ?... insista-t-il, regard malicieux.

— Pervers !... hurla Cristobal.

De petits rictus s’affichaient sur certains visages, suivis de grognements de stupéfaction ou d’insatisfactions...

Erdal, blême, ravala un jet de salive. Taciturne, il était probablement le seul, yeux rivés à l’écran, à éprouver un réel sentiment pour Xavier.

Tous, perplexes, s’interrogeaient.

Xavier, dans sa vidéo, argumentait, souligné d’un air de satisfaction immodérée : Un coffre-fort… Un stock de deux mille ligots d’or… Il accentuait le terme or d’un sourire jubilatoire et de grognements de satisfaction,

1/ Chercher dans la villa un probable coffre-fort - 2/ Trouver la combinaison - 3/ Celui qui trouve, garde tout, y compris la villa Aucune obligation de partage ; juste un problème d’entendement au monde, de conscience, de lucidité… Ravi à l’avance du dilemme qu’il posait ainsi, il se frotta exagérément les mains à la manière des Grecs, comme s’il s’en fichait royalement. Puis, affichant un large sourire sarcastique, il pivota sur son fauteuil, et, comme dans la réalité fit face à Maître Fuca.

— Telles seront mes dernières volontés, Maître !

Définitivement amusé par le jeu et les risques, il les fixa tous d’un regard lumineux. Alors l’image holographique se gela et resta ainsi affichée à l’écran.

Cristobal était furieux, agressif, il s’adressa au notaire qui, bien enquiquiné, ne put qu’évoquer le souhait du défunt et que tous ici se devaient de s’y conformer. Aucun de la famille ne voulait l’écouter. Il se retourna aussitôt vers l’autre groupe excentrique.

Ceux-là restèrent silencieux, n’affichant aucun contentement, attendant patiemment la suite des événements... Nonobstant, ils pressentaient qu’ils avaient tout à y gagner. Cristobal, excité, regard interrogateur se retourna vers Félix qui haussa les épaules en secouant la tête négativement, il se tourna alors vers son frère.

— Saurait-il quelque chose, qu’il ne nous le dirait pas… subodora-t-il avec véhémence en fixant Félix. Furax, il se pencha vers l'oreille de son frère,

— Notre fric, dans les poches de taraudeurs de bagouzes ou d’un épousseteur de meubles... Je ne laisserai pas faire ça !...

Les autres qui venaient d’entendre marmottèrent entre eux quelques mots tendres à l’encontre des deux frères et de la famille, leur dédicaçant des regards acrimonieux.

Seul, Erdal resta coi devant cette image holographique gelée de Xavier qui, maintenant, doucement s’effaçait.

Axiome, tout de naïveté affichée, s’approcha du notaire, regard presque effronté qui en disait long, il évoqua ce fameux et récent testament trouvé. L’autre répondit que son devoir commandait à le détruire. Ce qu’il avait fait immédiatement. Cette réponse électrisa Axiome, qui répondit par un regard désobligeant, destructeur et se prit la tête à deux mains en grognant de rage…

Le notaire, accoutumé à des situations toutes aussi grotesques, laissa faire, garda le silence et resta stoïque.

Axiome, furieux, sortit de la bibliothèque.

C’est alors que tous se mirent à fouiller dans la villa, ne sachant trop par où commencer. Chacun orientait ses recherches là, où il entendait pouvoir trouver ce fameux coffre qui devait renfermer des tonnes d’or !

Le rez-de-chaussée de la villa fut vite retourné. Cristobal, resta dans le salon, stupéfait de voir ces acharnés à l’œuvre ; hors de question pour lui de s’abaisser à de telles bassesses, il observait en serrant les dents, ne pensant qu’au prochain procès qu’il devrait intenter. Maître Fuca et Mandarine, eux, surveillaient… Erdal, si pâle, si triste, ne bougeait pas d’un poil, il restait figé devant ce siège Voltaire qui n’annonçait plus que vide et solitude.

Axiome soulevait, un à un, tous les tableaux accrochés aux murs, cherchant d’éventuelles ouvertures. Déçu à chaque fois, il grognait son insatisfaction. Cristobal le rejoignit.

— Notre nom, Duplat, fierté Française, rabaissé à un pareil ridicule !...

Mandarine focalisant d’un air inquiet sur tout ce remue-ménage, s’épouvantait, courrait, ici et là, de pièces en pièce. Elle revint d’urgence vers son patron.

— Maître, Maître c’est épouvantable... Cela va mal finir !

— En vingt ans de carrière, je n’ai jamais rien vu de tel !...

Furibond, il fonça dans la cuisine, revint aussitôt avec une poêle à frire et une louche, il se mit à frapper vivement sur le cul de la poêle, s’efforça de garder son calme.

— Approchez tous s’il vous plait ! Votre attention, je vous prie !...

Mandarine insista, les invita à rappliquer au plus vite dans le couloir au pied de l’escalier. Le notaire monta quelques marches de l’escalier pour mieux dominer. Tous arrivèrent dans le couloir. Il évoqua qu’en ces circonstances et cette grande confusion occasionnée ; après réflexions, il allait devoir, quelque peu, bousculer les règles... Eu égard à cette situation très équivoque, il souffla un bon coup en adressant un subreptice regard embarrassé vers Mandarine, il leur proposa, si tous le désiraient, dès à présent, de considérer cette épreuve comme inopportune. Ainsi il serait possible de tabler pour un accord tacite entre les parties...

— C’est-à-dire ?... questionna Axiome d’un air suspicieux.

— Comment ça, parties ? Plaisanterie j’espère ? Seule, famille, me semble-t-il, ne peut qu’être intéressée, s’excita Cristobal.

— Le défunt a fait un choix Monsieur Duplat. Nous devons nous tenir à cette décision. Donc, je nommerais une équipe de recherche et, lorsque nous aurons trouvé ce coffre et cet or, ce trésor, nous procéderons à une répartition logique de l'héritage en tenant compte du degré de parenté ou d'amitié avec le défunt, déduction faite, des frais divers, impôts, forfait recherches et honoraires…

Victoire, furibonde, interrogea du regard Cristobal.

— Moi, je ne vois en cela aucune répartition logique, réfuta Axiome.

— Logique… Tu parles, quelle LOGIQUE ?... hurla Cristobal Victoire lui assura son soutien par un vif hochement de tête. Les autres, ne sachant trop que répondre, se regardèrent, en s’interrogeant.

Axiome, furibond, haussa les épaules, secoua la tête de dépit, il ne pouvait rien faire dans l’immédiat.

Le notaire proposa un vote à main nue. Ceux qui désiraient le renvoi en justice du testament devaient lever la main. Cristobal, Victoire, Axiome, Frangipane et Capuccino s’empressèrent de voter, tous étaient sûrs de leur coup, ils se refusaient à regarder l’autre groupe qu’ils considéraient avec mépris.

Maître Fuca et Mandarine constatèrent. Le notaire enchaîna aussitôt pour ceux qui désiraient le maintient du testament, Mademoiselle Moussaka, François-Marie-René et Biscuit tirant Erdal par la manche afin qu’il reprenne conscience de la nécessité du vote, levèrent la main, ainsi que Félix, tandis que Parmentier et Quenelle restés au fond couloir donnèrent leur accord… Maître Fuca pour la forme compta vite fait : Sept !...

Cristobal et Axiome entendirent, estomaqués, se retournèrent, comme un seul homme, constatèrent, et, de concert,

— Sept ?...

— Quenelle, Parmentier, mes propres enfants, folie vous prend ?.... De colère, Cristobal se rua vers eux, leur fila une claque sur la joue.

Le notaire, désolé du résultat, secoua la tête, lança un bref regard vers Mandarine qui sembla lui faire comprendre qu’il n’avait pas le choix que d’accepter ce vote…

Malgré les regards désemparés de leurs parents, Parmentier et Quenelle restèrent sur leur position.

— Ah, elle est belle cette famille !... maugréa Axiome.

Tandis que Cristobal et Victoire lançaient des regards d’exaspération à leurs deux enfants.

— Ah, mon mari, pourquoi les avez-vous donc frappé ? Toujours là à affirmer ostensiblement cette volonté rigoriste. Voyez donc le résultat… fit remarquer amèrement Victoire, tous bas à l’oreille de Cristobal, la direction que prenait cet héritage l’horripilait.

Maître Fuca affirma alors, que, compte tenu des résultats du vote, les parties engagées devraient se soumettre aux vœux du défunt.

Pendant ce temps, Mandarine, scrupuleuse, enregistrait sur son PC, les données du nouveau testament. Se dictant à voix basse, les nouvelles conventions. Maître Fuca, pas très à l’aise, voulut définir l’organisation du choix des parties. Tous décidèrent que la recherche du magot se ferait tout de suite, et sans attendre… Alors le notaire dut se plier à cette décision, néanmoins il put imposer des règles... Pas de recherche sans son accord et sa surveillance et cela se ferait étage par étage. La cave et le grenier en dernier.

Mandarine revint très vite près de Maître Fuca, discrètement près à l’oreille, lui dit que cette succession n’allait pas être simple. Grimaçant, il secoua la tête en signe d’approbation.

Mademoiselle Moussaka qui ne jouissait pas d’une culture appropriée demanda interrogea François-Marie-René.

— Ça veut dire quoi ostensiblement ?

Biscuit, énervé, lui répondit, sèchement la raillant… — Ça veut dire : ferme ton suçoir !

Elle se vexa un peu, mais ne rétorqua pas. Elle alla aussitôt bousculer Erdal, à voix couverte, autoritaire, ce n’était pas le moment de rêvasser, il y avait beaucoup à gagner.

Maître Fuca annonça que son assesseur, Mandarine, allait passer parmi eux afin qu’ils paraphent les pages du contrat, signent l'acceptation de la convention. Mandarine, tout sourire commercial, leur tendit, tour à tour, crayon optique et Tablette… Tous, sans perdre un instant, s’exécutèrent sans discuter, puis se mirent en recherche.

Cristobal, rage au cœur fit de même.

Axiome, qui se refusait de signer, ne put qu’accepter le principe, vu que les autres cherchaient déjà…