L’accessoire et l’essentiel - Pierre Péji - E-Book

L’accessoire et l’essentiel E-Book

Pierre Péji

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Beschreibung

Le monde romain et le monde grec ont disparu. Quant au nôtre, les constructions se poursuivent, conservent certains acquis essentiels et s’accommodent. La nature ayant horreur du vide, quelles actions allons-nous mener pour le combler ? Nos valeurs, directement issues de notre civilisation judéo-chrétienne, portées par une Europe conquérante durant des siècles, restent pourtant potentiellement adaptables car compatibles avec d’autres et avec certaines spiritualités.


À PROPOS DE L'AUTEUR 


Dans le cadre de diverses activités de médiation, Pierre Péji trouve indispensable de rappeler quelques fondamentaux nous concernant. L’avenir se construit par le dialogue dans le respect mutuel.

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Seitenzahl: 76

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Pierre Péji

L’accessoire et l’essentiel

Essai

© Lys Bleu Éditions – Pierre Péji

ISBN : 979-10-377-9435-2

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L. 122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.

Introduction

En ce temps-là, les semaines étaient rythmées par un rituel immuable : la messe du dimanche matin.

Ni ennuyeuse, ni distrayante, ni amusante, une habitude tout simplement. L’occasion de se vêtir de manière soignée, en signe de respect pour le Seigneur que nous allions invoquer, prier, saluer. Mais peut-être aussi l’opportunité d’afficher un modèle familial accompli, conforme aux valeurs en vigueur, une famille traditionnelle donc, tout simplement dans ce qu’elle peut avoir de rassurant ou d’attrayant à reproduire.

L’occasion aussi, notre place dans la Collégiale étant traditionnellement toujours la même (comme les gamins en classe qui instinctivement gardent la place qu’ils ont choisie ou que le hasard leur a attribuée le jour de la rentrée), de revoir face à nous comme un effet de miroir de l’autre côté du transept, le même modèle familial « endimanché », composé d’un père assez imposant et de ses filles – de belles brunes – plutôt attrayantes et qui ne nous laissaient pas indifférents…

Une pièce d’orgue en entrée, lectures diverses, homélie censée commenter l’Évangile du jour mais souvent truffée de quelques niaiseries ou banalités faciles sur l’amour de Dieu et nos devoirs à son égard.

Bien sûr, le prêtre n’est qu’un homme, et tous ne naissent pas orateurs, Bossuet, Bourdaloue, Fénelon ou Robert Badinter… Durant toute la messe, passage et repassage du « suisse » en habit bleu avec queue de pie de laquais du XVIIIe siècle, coiffé d’un magnifique bicorne, et dans une main une canne à pommeau d’argent avec laquelle il frappait le sol aux moments héroïques de la cérémonie pour marquer un changement de position suivant le déroulement du rituel (debout, à genoux, assis sans bouger…).

L’homme avait pour fonction ancestrale de maintenir l’ordre durant l’office, vestige toujours présent et actif d’une époque révolue où les églises, quelques siècles auparavant, étaient de grands espaces sans banc ni chaise, où l’on circulait, discutait, riait, échangeait car la messe était dite pour Dieu et non pour les hommes qui assistaient sans participer en fait, l’officiant tournant le dos aux fidèles. Vatican II n’avait pas encore sévi…

Ce bon Suisse donc nous faisait un peu peur et incarnait l’autorité avec une hallebarde aussi qui nous fascinait : l’impression de vivre au temps béni, pensions-nous, des chevaliers…

À la fin de la messe parfois, car la paroisse avait la chance d’avoir pour organiste un homme de très grand talent – l’abbé Rosenblatt – nous avions droit pour accompagner la sortie d’un office de fête à la « Pièce héroïque de Franck », bruissante, assourdissante presque, inspirante et héroïque en tout cas. Elle fascinait mon père et je dois avouer que je partageais en silence secrètement cette émotion. Un grand moment donc, pourtant incompréhensible pour le plus grand nombre. Pour beaucoup visiblement ce n’était que du bruit, sauf pour les initiés : le public se ruait littéralement alors hors de l’église, soit pour fuir ce qu’il considérait ou percevrait comme une souffrance insupportable, soit pour se précipiter encore plus rapidement chez soi ou chez sa belle-mère pour enfin pouvoir passer à table et faire ainsi honneur à tous les mets dont l’odeur imaginée avait meublé les rêvasseries ou troublé voire perturbé la prière et l’égrégore durant l’office.

C’est vrai aussi, ils seront donc bien évidemment pour cela pardonnés, qu’à l’époque il était recommandé d’arriver à la messe l’estomac creux pour ceux qui avaient l’intention de communier, bien que le jeûne eucharistique ait été réduit en 1964 par le pape Paul VI à une heure. Inimaginable aujourd’hui, et pourtant !

On ne mélangeait pas les torchons et serviettes…

Je n’étais pas très croyant, sans être vraiment agnostique, mais dans tous les cas réservé sur l’intérêt que pourrait avoir Dieu sur la marche du monde, et encore plus surtout sur ma vie, mon existence, ma raison d’être. Bien évidemment, cela ne m’empêchait pas de conserver secrètement quelques petites superstitions toujours vivantes en moi aujourd’hui.

Il m’arrivait d’ailleurs plus que régulièrement de quitter l’église durant la messe à laquelle nous assistions en famille parfois l’été à Munster, où nous nous arrêtions le dimanche matin avant de monter marcher en famille sur la crête vosgienne ; je profitais de ces discrètes sorties et escapades pour aller à la découverte des ruelles du village et revenais lorsque les cloches annonçaient la fin de l’office. Je savais que mes parents appréciaient moyennement mon comportement, mais sans jamais me faire un reproche quelconque, espérant sans doute qu’une grâce divine me ramènerait un jour sur la bonne voie.

Enfin, tout simplement étaient-ils tolérants à mon égard ? La tolérance, consistant à supporter l’altérité ou l’imperfection de l’autre, implique parfois une forme de condescendance envers celui qu’on estime incapable de faire les choses comme il convient de les faire… ! Tolérer c’est aussi parfois accepter ce que l’on ne peut éviter, qui de fait valorise le tolérant et humilie dans ce cas celui qui en bénéficie…

Non mes parents n’étaient en rien comme cela : ils pensaient simplement qu’avec le temps je finirais par opter pour la bonne voie. Concernant la tolérance d’ailleurs, il convient de se souvenir qu’on tolère naturellement d’un enfant des attitudes dont on pense qu’il est encore incapable d’en comprendre l’incongruité. On tolère enfin la diversité mais à la condition que cela ne bouleverse pas la marche du monde, du nôtre bien sûr.

Encore gamin, un instituteur nous a parlé un jour, pour nous émerveiller et nous faire appréhender l’immensité de la Création, de la manière de compter les distances dans l’Univers : on comptait en « année lumière » ! ce qui fit sur moi l’effet inverse de celui escompté par notre dévoué enseignant dont l’objectif pourtant sincère était de nous faire adorer Dieu pour la sublime beauté du monde et de la création. L’effet sur moi fut radical !

Comment alors dans une telle immensité situer ma petite personne, et les conséquences de mes actes ? Comment imaginer par quel miracle ou phénomène mon juste respect des règles établies me permettrait de bénéficier d’une grâce particulière ! J’avais bien compris et surtout déduit que je n’étais vraiment moins que rien dans l’Univers.

Je me suis alors contenté par la suite de penser comme mon chien de l’époque dont les angoisses métaphysiques étaient assez réduites, et me limitai à faire de mon mieux pour devenir ce que je souhaitais devenir, évitant, autant que faire se peut, de nuire à mes semblables. Non par bonté bien sûr ou parce que j’aurais été un type formidable, mais simplement par absence de méchanceté ou d’agressivité. Ce dernier point que certains considèrent comme une qualité, mais que personnellement je placerais plus volontiers à certaines occasions dans la catégorie des handicaps.

Partisan des stoïciens donc sans le savoir, en suivant leur recommandation de ne point troubler son âme en se préoccupant de choses qui ne dépendent pas de nous.

Ou du bouddhisme peut-être encore, qui à ce type de question oppose le silence.

Je suis donc né dans un environnement chrétien, pensais que le monde entier l’était d’ailleurs. Imaginant aussi que le modèle familial, Papa, Maman, deux grand-mères, 1 frère et 2 sœurs, de multiples cousins, une église au centre de la commune, vrai lieu de rencontres dominicales ritualisées, et que tout cela était la Vie, la seule pour tout le monde et pour toujours.

L’église, ce symbole architectural emblématique depuis des siècles d’une civilisation, d’une ville (que serait Strasbourg pour les millions de touristes du monde entier sans sa cathédrale Notre-Dame où se sont succédé rois et empereurs dont notamment Henri II, Henri V, Frédéric Barberousse, Rodolphe de Habsbourg, Maximilien, Louis XIV et Louis XV, Marie-Antoinette…), Angers, Bourges et autres, Reims, lieu du sacre de nos rois, de convivialités dominicales, de mariages, d’enterrements de ceux qui nous ont précédés (« les plus nombreux », disait-on en grec ancien pour les évoquer) et de festivités diverses sur ses parvis. Tout était clair, simple, structuré, rassurant et limpide.

L’époque n’était pourtant pas plus belle : pensons aux incessantes guerres et autres calamités diverses rencontrées par nos aïeux. Elle était « autre » tout simplement, mais ce cycle est achevé aujourd’hui. Reste à tenter d’expliquer pour quelles raisons la situation a évolué ainsi, et ce à quoi nous aspirons vraiment pour ces temps nouveaux, enfin de clarifier notre conception de la Modernité à venir qui sera le monde de nos enfants.