L’Ancre Rouge - Richard Héritier - E-Book

L’Ancre Rouge E-Book

Richard Héritier

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Beschreibung

Après avoir vécu les derniers instants de son amie, tuée avec son conjoint dans un attentat, Antoine sombre dans la dépression. Estelle, sa compagne, se sent délaissée et même trahie. Elle décide alors de le quitter. Pour Antoine, c’est une descente aux enfers qui le conduit au burn-out et à l’infarctus. Raphaël, présent à ses côtés depuis l’enfance, pourra-t-il le ramener à la vie ?


À PROPOS DE L'AUTEUR


Musicien, Richard Héritier a toujours fait jaillir de son saxophone un souffle chaud et puissant qu’il transmet aujourd’hui pour faire vibrer les personnages de ce roman. Son goût pour les mots s’est concrétisé depuis une dizaine d’années, faisant de lui l’auteur de plusieurs ouvrages. Celui qu’il propose ici est une édifiante histoire sur la force de l’amitié.

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Seitenzahl: 87

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Richard Héritier

L’Ancre Rouge

Roman

© Lys Bleu Éditions – Richard Héritier

ISBN : 979-10-377-7693-8

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Chapitre I

L’amitié fidèle est une perle rare, capable de défier le temps et l’espace par ses élans d’amour invincibles. Depuis tant d’années, ils ont partagé les joies et traversé les ravins, leurs sourires fortifiant les liens qui les unissent. Ce soir, Camille et Raphaël passeront la soirée chez leurs amis et tout sera simple, le repas, les rires, la musique, le bonheur d’être ensemble.

— Allo ? Estelle ? Est-ce que ça vous dirait qu’on se retrouve à l’Ancre Rouge pour un apéro avant de monter chez vous ?

— La terrasse où j’ai rencontré Antoine ! Merci de l’attention. Ce serait agréable mais il a déjà tout préparé, venez directement, on vous attend, ambiance latino !

— Alegria ! À tout à l’heure, bises.

L’appartement s’est paré d’Espagne, sangria, tapas, baie du balcon grande ouverte sur cette douceur inhabituelle en automne.

La voix profonde et éraillée de Buika complète le tableau, la niña de fuego sublime l’amitié qui unit les convives par son flot brûlant d’émotion musicale. Antoine est heureux, l’atmosphère chaleureuse lui fait oublier ses transactions boursières ; le stress habituel s’évapore, la suractivité de ses neurones se calme. L’esprit en paix, il goûte pleinement ce temps amical qui le réjouit et le détend.

Les calamars à la catalane, préparés avec amour par Estelle, viennent de faire les délices de la tablée.

— Que c’est bon de partager ce moment avec vous ! Il y a quelque chose de spécial dans l’air ce soir, vous ne trouvez pas ?

— C’est vrai, répond Estelle, quel calme ! J’ai envie de danser. Pas vous ?

— Oui ! Avant le dessert, c’est parfait.

Elle change déjà la playlist, la Morna du Cap Vert retentit, chantée par sa reine, Cesária Évora. Ils dansent, seuls ou en couples, laissant leurs corps s’exprimer librement. La danse d’Estelle est envoûtante, comme toujours. La fluidité, la vérité de ses mouvements font flamber le parquet ; ils sont emportés dans une spirale de joie, de sourires partagés. La beauté de leur âme se révèle, au gré de leur inspiration…

Soudain, au cœur de leur bonheur, des bruits de rue les alertent, inquiétants. Estelle arrête la musique. Ils restent debout, le souffle court et l’oreille tendue. Crissements de pneus, claquements de portières et rafales d’armes automatiques. Soudain, un cri glaçant, lancé à pleine voix, résonne en écho sur les façades, « Allahou Akbar ! » Ils sont tétanisés, aucun ne s’approche du balcon mais Antoine dévale l’escalier, poussé par une force irrésistible. Il traverse la rue alors qu’une voiture arrive sur lui en trombe : pour fuir un danger ? Pour le percuter volontairement ? Réflexe inouï pour l’éviter… il continue sa course.

Estelle a bondi sur le balcon :

— Antoine ! N’y va pas, c’est dangereux !

Mais Antoine court, ses pensées s’enchaînent à la vitesse de l’éclair. La terrasse de l’Ancre Rouge est à moins de deux cents mètres. En trente secondes, il est sur place, haletant. Une dizaine de personnes sont sans vie, baignant dans leur sang au milieu des tables renversées et des éclats de verre. Et là…

Rachel et Nicolas, au sol, massacrés par les tirs à bout portant. Nicolas est mort sur le coup, criblé d’impacts. Rachel respire encore. Il se penche sur elle, lui prend la main. Les blessures sont effroyables, elle a reçu au moins trois balles d’armes de guerre. L’une d’elles a traversé son ventre, tuant son bébé de six mois. Elle perd beaucoup de sang, Antoine sait instantanément qu’elle n’a aucune chance de s’en sortir. Le temps est compté. L’horreur indescriptible qui l’entoure s’efface. Il n’a qu’un seul désir : être là pour elle.

— Rachel ! Reste avec moi !

— Antoine…

Il a plongé son regard dans les grands yeux gris-bleu perlés de larmes, tout entier dans l’intensité du soutien qu’il lui donne. Elle a l’expression d’une gazelle blessée à mort par le prédateur qui va la dévorer. Sa respiration fragile et saccadée s’amenuise lentement.

— Tu as mal ?

— Un peu.

Son souffle diminue encore, elle s’accroche à ses yeux, à sa main.

— Je m’en vais.

— N’aie pas peur.

— Adieu…

Une expiration imperceptible suit le dernier mot, la lumière des yeux s’éteint, l’étreinte se relâche, la main s’ouvre. C’est fini.

Antoine est percuté par le tumulte, l’agitation et la panique extérieurs qui reviennent instantanément saturer tous ses sens. Cris, gémissements, odeur de sang, sirènes, gyrophares rouges, bleus… Intervention des premiers secours prenant en charge au plus vite ceux qui ont une chance de survivre. Le sang de Rachel est sur ses mains et son visage.

Non ! Pas vous deux, c’est impossible, un cauchemar…

— Monsieur, vous êtes blessé ?

— Non… non, ça va.

— Ne restez pas là, venez avec moi.

Voyant qu’il est choqué, le médecin-urgentiste l’accompagne en direction de l’ambulance, mais Estelle a surmonté sa peur pour le rejoindre, elle est là, tenue à distance par un cordon de sécurité posé d’urgence.

— Antoine !

— C’est ma femme.

— D’accord, vous êtes sûr que ça va aller ?

— Oui… ça va…

— N’hésitez pas à vous faire aider si vous vous sentez mal.

— Oui… merci.

Il vient à elle, hébété, se blottit dans ses bras, tel un enfant abandonné. La vision de carnage fait jaillir les larmes dans les yeux d’Estelle, mais lui ne pleure pas, son regard est perdu dans le vide. Une énergie au-delà de sa volonté l’a propulsé pour accompagner de tout son être les derniers instants de Rachel. Maintenant, il est en état de sidération, absent de lui-même, tremblant comme s’il avait froid.

Un secouriste lui apporte une couverture de survie :

— Vous habitez loin d’ici ?

Estelle répond :

— Non, tout près, nous avons entendu les coups de feu…

— Rentrez chez vous à l’abri, les secours sont là.

— D’accord, merci.

Antoine se rend compte qu’elle était trop loin de la terrasse pour reconnaître les victimes… Il parvient à articuler quelques mots, d’une voix brisée.

— Rachel… Nicolas… ils étaient là ! Ils sont morts !

Le cri reste étouffé au fond de la gorge nouée d’Estelle, ses larmes redoublent.

— Allons-nous-en d’ici !

***

Estelle annonce l’affreuse nouvelle à Camille et Raphaël, restés dans le salon, attendant avec anxiété le retour de leurs amis. Un vent de ténèbres souffle maintenant sur eux quatre. La danse a été fauchée en plein vol, une aberration monstrueuse a éteint la flamme. Comment résister, face à l’épouvante ? Ne pas sombrer dans la peur et l’abattement ? Combien de temps pour se relever ?

Antoine, assis sur le canapé, se réchauffe en buvant une tasse de thé qu’elle vient de préparer. Il est toujours absent, silencieux, son cerveau fonctionne en roue libre.

Pourquoi ? Ce n’est pas possible ! Nous aurions dû insister pour qu’ils viennent à notre soirée, ils auraient échappé à l’attentat… Heureusement que nous avons pris l’apéro à la maison, nous aurions pu mourir aussi ! Et cette voiture… elle devait me percuter, d’où vient mon saut impossible pour l’éviter ? Je me souviens que mon cerveau a fonctionné autrement, je voyais en noir et blanc et tout près de Rachel la couleur est revenue d’un coup. Tout ce sang… c’est atroce ! Pourquoi ? Pourquoi… ?

L’avalanche de questions tourne en boucle, ne lui laissant aucun répit, le plongeant dans un déferlement mortifère, l’absurdité de la violence aveugle le submerge, sans qu’il puisse reprendre le contrôle de lui-même.

Chapitre II

Une ambiance village à Paris. Au Quartier latin qui les a vus grandir, ils aiment se retrouver dans ce café plein de charme. L’Ancre Rouge s’est parée d’un décor assorti à son nom ; les touches de carmin ou vermillon sur les boiseries et le bar, légères et de bon goût, lui donnent un agréable esprit vintage. C’est le lieu de rendez-vous des artistes, la musique est bonne, ça va de soi ! Des affiches d’un autre temps ornent les murs, ainsi que quelques tableaux. Camille a offert une de ses toiles, une marine qui s’intègre parfaitement dans l’ambiance avec ses couleurs chaudes au soleil couchant, ses voiliers suggérés sur le bleu de l’océan. Elle peint à l’huile, au couteau, en plages colorées denses en matière, semi-figuratives, exprimant des scènes de la vie, des paysages. Inspirée surtout par Nicolas de Staël, elle déploie maintenant son propre style, qui s’affirme et attire les regards lors des expositions.

Ce soir, Antoine s’est installé en terrasse, il décompresse après une semaine de travail intense. En été, l’Ancre Rouge déploie son pouvoir de séduction grâce à cet espace en plein air, embelli par le somptueux rosier grimpant qui couvre la façade, exhalant son délicieux parfum.

Il se détend, allonge ses jambes et respire. Pour une fois, il est seul à sa table. Son ami d’enfance Raphaël, pianiste, est en concert ce week-end avec son groupe. La musique instrumentale enflamme sans doute son public, l’emportant dans l’univers coloré de ses créations et cette fois Camille l’a accompagné. Rachel et Nicolas ont pris une semaine de vacances à l’océan, juste après leur avoir annoncé l’heureux événement qui se prépare. Ils savourent en amoureux l’arrivée de ce tout petit qui grandit, bien caché dans le ventre maternel.

Antoine laisse vagabonder son esprit en sirotant un cocktail… Le souvenir de ses moments d’amour partagés avec Rachel remonte à la surface, joyeux et très doux. Quelques semaines seulement. Ils n’étaient pas faits pour vivre ensemble… Une évidence, la séparation fut paisible et amplifia encore l’amitié qui les unissait. Elle sera bientôt mère, en compagnie de l’homme qu’elle aime.

Comme tout est clair, se dit-il,