2,99 €
L'Archipel en feu est un roman historique de Jules Verne, paru en 1884. Le récit se déroule sur fond de lutte entre Grecs et Turcs dans les îles de la mer Égée, dans les années 1820.L’Archipel en feu est publié au moment où Jules Verne aborde un tournant dans son inspiration. Après le voyage lunaire, le tour du monde sous-marin ou en quatre-vingts jours, quelles autres intrigues « technologiques » inventer ? Verne se rabat donc sur l'exotisme et le romantisme.
Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:
Veröffentlichungsjahr: 2017
Navire au large
Le 18 octobre 1827, vers cinq heures du soir, un petit bâtiment levantin serrait le vent pour essayer d'atteindre avant la nuit le port de Vitylo, à l'entrée du golfe de Coron.
Ce port, l'ancien Oetylos d'Homère, est situé dans l'une de ces trois profondes indentations qui découpent, sur la mer Ionienne et sur la mer Égée, cette feuille de platane, à laquelle on a très justement comparé la Grèce méridionale. Sur cette feuille se développe l'antique Péloponnèse, la Morée de la géographie moderne. La première de ces dentelures, à l'ouest, c'est le golfe de Coron, ouvert entre la Messénie et le Magne; la seconde, c'est le golfe de Marathon, qui échancre largement le littoral de la sévère Laconie; le troisième, c'est le golfe de Nauplie, dont les eaux séparent cette Laconie de l'Argolide.
Au premier de ces trois golfes appartient le port de Vitylo. Creusé à la lisière de sa rive orientale, au fond d'une anse irrégulière, il occupe les premiers contreforts maritimes du Taygète, dont le prolongement orographique forme l'ossature de ce pays du Magne. La sûreté de ses fonds, l'orientation de ses passes, les hauteurs qui le couvrent, en font l'un des meilleurs refuges d'une côte incessamment battue par tous les vents de ces mers méditerranéennes.
Le bâtiment, qui s'élevait, au plus près, contre une assez fraîche brise de nord-nord-ouest, ne pouvait être visible des quais de Vitylo. Une distance de six à sept milles l'en séparait encore. Bien que le temps fût très clair, c'est à peine si la bordure de ses plus hautes voiles se découpait sur le fond lumineux de l'extrême horizon.
Mais ce qui ne pouvait se voir d'en bas pouvait se voir d'en haut, c'est-à-dire du sommet de ces crêtes qui dominent le village. Vitylo est construit en amphithéâtre sur d'abruptes roches que défend l'ancienne acropole de Kélapha. Au-dessus se dressent quelques vieilles tours en ruine, d'une origine postérieure à ces curieux débris d'un temple de Sérapis, dont les colonnes et les chapiteaux d'ordre ionique ornent encore l'église de Vitylo. Près de ces tours s'élèvent aussi deux ou trois petites chapelles peu fréquentées, desservies par des moines.
Ici, il convient de s'entendre sur ce mot «desservies» et même sur cette qualification de «moine», appliquée aux caloyers de la côte messénienne. L'un d'eux, d'ailleurs, qui venait de quitter sa chapelle, va pouvoir être jugé d'après nature.
À cette époque, la religion, en Grèce, était encore un singulier mélange des légendes du paganisme et des croyances du christianisme. Bien des fidèles regardaient les déesses de l'antiquité comme des saintes de la religion nouvelle. Actuellement même, ainsi que l'a fait remarquer M. Henry Belle, «ils amalgament les demi-dieux avec les saints, les farfadets des vallons enchantés avec les anges du paradis, invoquant aussi bien les sirènes et les furies que la Panagia». De là, certaines pratiques bizarres, des anomalies qui font sourire, et, parfois, un clergé fort empêché de débrouiller ce chaos peu orthodoxe.
Lesen Sie weiter in der vollständigen Ausgabe!