L’École des femmes - Molière - E-Book

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Moliere

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Beschreibung

L’École des femmes est une comédie de Molière en cinq actes et en vers (1 779 dont 1 737 alexandrins), créée au théâtre du Palais-Royal le 26 décembre 1662.
La pièce de théâtre, novatrice par son mélange inédit des ressources de la farce et de la grande comédie en vers, est un immense succès, et suscite une série de débats connus sous le nom de « Querelle de L’École des femmes. » Cette querelle, habilement exploitée par Molière, lui donne l’occasion de répondre aux critiques qui lui sont adressées et de préciser son projet dramatique dans une comédie intitulée La Critique de L’École des femmes, représentée sur la scène du même théâtre au mois de juin de l’année suivante.

Extrait
| Scène I
CHRYSALDE, ARNOLPHE

CHRYSALDE
Vous venez, dites-vous, pour lui donner la main ?

ARNOLPHE
Oui, je veux terminer la chose dans demain.

CHRYSALDE
Nous sommes ici seuls ; et l’on peut, ce me semble,
Sans craindre d’être ouïs, y discourir ensemble.
Voulez-vous qu’en ami je vous ouvre mon cœur ?
Votre dessein pour vous me fait trembler de peur ;
Et de quelque façon que vous tourniez l’affaire,
Prendre femme est à vous un coup bien téméraire.

ARNOLPHE
Il est vrai, notre ami. Peut-être que chez vous
Vous trouvez des sujets de craindre pour chez nous ;
Et votre front, je crois, veut que du mariage
Les cornes soient partout l’infaillible apanage.

CHRYSALDE
Ce sont coups du hasard, dont on n’est point garant,
Et bien sot, ce me semble, est le soin qu’on en prend.
Mais quand je crains pour vous, c’est cette raillerie
Dont cent pauvres maris ont souffert la furie :
Car enfin vous savez qu’il n’est grands, ni petits,
Que de votre critique on ait vus garantis ;
Que vos plus grands plaisirs sont, partout où vous êtes,
De faire cent éclats des intrigues secrète...|

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SOMMMAIRE

NOTICE

ÉPÎTRE DÉDICATOIRE

PRÉFACE

PERSONNAGES

ACTE PREMIER

ACTE II

ACTE III

ACTE IV

ACTE CINQ

Notes

MOLIÈRE

L'ÉCOLE DES FEMMES

| 1662 |

COMÉDIE EN 5 ACTES

Œuvres complètes, volume I Texte établi par Charles Louandre Charpentier | 1910

Raanan Éditeur

Livre numérique 432 | édition 2

NOTICE

Cette pièce fut représentée, pour la première fois, sur le théâtre du Palais-Royal, le 26 décembre 1662. Habitué déjà à de brillants succès, Molière obtint encore, ce jour-là, auprès du public, un triomphe éclatant. Son ouvrage, dit Loret,

… Fit rire leurs majestés

Jusqu’à s’en tenir les côtés ;

mais si ses admirateurs furent nombreux, les détracteurs ne le furent pas moins. Ils attaquèrent la pièce au nom du goût, de la morale, de la grammaire, et, ce qui était plus grave et plus dangereux pour l’auteur, au nom de la religion. Les gens pieux s’en offensèrent, et la scène dans laquelle Arnolphe veut endoctriner sa pupille, leur parut et non sans cause, dit M. Bazin, « parodier insolemment les formes d’un sermon ; le vers même qui la termine reproduisait presque textuellement la bénédiction finale du prédicateur. « Les chaudières bouillantes » dont il menace Agnès, la « blancheur du lis » qu’il promet à « son âme » en récompense dune bonne conduite, la « noirceur du charbon » dont il lui fait peur si elle agit mal, et enfin ces Maximes du Mariage ou Devoirs de la Femme mariée avec son exercice journalier, dont il veut qu’elle lise dix commandements, ressemblaient trop en effet au langage le moins éclairé, et par conséquent le plus usité, du catéchisme ou du confessionnal, pour ne point paraître aux dévots un attentat contre les choses saintes. Ils n’allaient pourtant pas encore jusqu’à le dire publiquement ; car la dispute, sur ce terrain, était périlleuse ; mais ils s’en prenaient à d’autres licences qui offensaient seulement les bonnes mœurs. Le prince de Conti, l’ancien protecteur de la troupe de Molière en Languedoc, devenu fervent janséniste et théologien, écrivait ce qui suit dans son Traité de la Comédie etdes Spectacles : « Il faut avouer de bonne foi que la comédie moderne est exempte d’idolâtrie et de superstition, mais il faut qu’on convienne aussi qu’elle n’est pas exempte d’impureté ; qu’au contraire cette honnêteté apparente, qui avoit été le prétexte des approbations mal fondées qu’on lui donnoit, commence présentement à céder à une immodestie ouverte et sans ménagement, et qu’il n’y a rien, par exemple, de plus scandaleux que la cinquième scène du second acte de l’École des Femmes, qui est une des plus nouvelles comédies. »

Heureusement pour Molière, Louis XIV se rangea au nombre de ses défenseurs, et comme compensation des insultes de la critique, Boileau lui adressa pour étrennes le 1er janvier 1663, des stances où se trouvent ces vers :

En vain mille jaloux esprits, Molière, osent avec mépris Censurer un si bel ouvrage ; Ta charmante naïveté S’en va pour jamais d’âge en âge Enjouer la postérité.

Ceux même qui attaquaient la nouvelle comédie avec le plus d’acharnement, lui donnaient à côté du blâme les plus pompeux éloges, témoin ce passage où de Visé, l’un des critiques les plus ardents, après avoir dit « qu’on ne vit jamais tant de méchantes choses ensemble, » ajoute : « Mais il y en a de si naturelles, qu’il semble que la nature ait elle-même travaillé à les faire : il y a des endroits qui sont inimitables, et qui sont si bien exprimés, que je manque de termes assez forts et assez significatifs pour les bien faire concevoir. Il n’y a personne au monde qui les pût si bien exprimer, à moins qu’il n’eût son génie, quand il seroit un siècle à les tourner. Ce sont des portraits de la nature qui peuvent passer pour des originaux : il semble qu’elle y parle elle-même ; et ces endroits ne se rencontrent pas seulement dans ce que dit Agnès, mais dans tous les rôles de la pièce. »

Les avis, on le voit, au moment même de l’apparition de l’École des Femmes, furent très-partagés ; et depuis Molière jusqu’à nos jours, ou retrouve la même divergence entre les diverses opinions des critiques. Fénelon, Jean-Jacques Rousseau et Geoffroy, entre autres, se sont montrés fort sévères.

« Molière, dit Geoffroy à propos de la pièce qui nous occupe, a flatté le goût du siècle qui voulait secouer le joug de l’ancienne sévérité, et opérer un plus grand rapprochement entre les sexes. De son temps la galanterie, la politesse et les plaisirs étaient concentrés à la cour et dans les premières maisons de la ville. La bourgeoisie et le peuple étaient encore dans l’état d’une demi-barbarie ; c’est Molière qui a poli l’ordre mitoyen et les dernières classes ; c’est lui qui a ébranlé ces vieux préjugés de l’éducation, soutiens des vieilles mœurs ; c’est lui quia brisé les entraves qui retenaient chacun dans la dépendance de son état et de ses devoirs, et cette impulsion qu’il a donnée aux penchants de son siècle, a beaucoup contribué à son succès. »

En d’autres termes, Molière, d’après Geoffroy, introduisait dans la comédie la morale relâchée des nouveaux casuistes, et c’était surtout par l’attrait du scandale qu’elle attirait la foule. « Aujourd’hui, ajoute Geoffroy, on joue encore de temps en temps l’École des Femmes… mais les changements survenus dans nos mœurs, le grand progrès de nos lumières ont proscrit le ridicule attaqué dans cette pièce… c’est un chef-d’œuvre comique, comme don Quichotte, sur un travers qui n’existe plus. Le préjugé qui attachait l’honneur d’un mari à la vertu de sa femme, est absolument détruit ; la folie d’un homme qui regarde l’infidélité conjugale comme le premier des affronts et le dernier des malheurs, n’est plus au nombre des folies convenues qui circulent librement dans la société. Aujourd’hui toutes les plaisanteries sur le mariage et ses accidents sont ignobles et du plus mauvais ton. Le silence est recommandé sur cet article délicat. »

M. Aimé Martin, qui ne laisse jamais passer, sans essayer de les réfuter, les critiques adressées à Molière, s’est livré à une discussion approfondie pour montrer que si l’on avait accusé l’auteur de l’École des Femmes de donner un ton gracieux au vice et une austérité ridicule et odieuse à la vertu, c’était faute d’avoir suffisamment compris la pièce. Comme notre rôle, dans cette édition variorum, est avant tout un rôle de rapporteur, nous compléterons l’exposé de ces appréciations critiques, en citant l’opinion de M. Aimé Martin. « Il est évident, dit le commentateur que nous venons de citer, que Molière a voulu avertir les femmes qu’elles doivent surtout éviter d’unir leur sort à celui d’un égoïste. Arnolphe n’a qu’un but : il veut asservir l’innocence, la jeunesse, la beauté, aux caprices de sa bizarre humeur ; peu lui importe de rendre sa femme heureuse, son propre bonheur lui suffit. Voilà justement ce qui doit causer sa perte ; et l’on verra tous ses efforts, tous ses soins, toutes les ruses de son égoïsme, tomber devant le simple bon sens d’une jeune fille. Molière est plein de ces combinaisons, souvent inaperçues des commentateurs, bien qu’elles fassent rire le vulgaire et penser les bons esprits… Dans cette pièce, dit encore le même écrivain, Molière a voulu montrer un de ces hommes qui, s’éloignant encore plus des goûts de la jeunesse par leur austérité que par leur âge, ne laissent pas de s’abandonner à toutes les passions ; prennent les conseils de leur égoïsme pour ceux de l’expérience, les systèmes les plus bizarres pour les inspirations de la sagesse, et prétendent changer les lois éternelles de la nature en assujettissant à leurs caprices tout ce qui les environne. Tel est le caractère d’Arnolphe ; et il faut remarquer que le développement de ce caractère fait tout le sujet et toute l’intrigue de la pièce. La simplicité d’Agnès, la sottise des valets, les confidences d’Horace, les raisonnements de Chrysalde, tendent à faire ressortir le travers d’esprit de ce singulier personnage ; son ridicule système met tout en mouvement ; lui seul porte le poids de l’action. Toujours en scène pendant les cinq actes, il va, il vient, s’agite, combine, gronde, s’adoucit ; et, quoique toujours averti, il ne peut rien empêcher : tout est déception, ruse, adresse, dans sa conduite ; tout est simplicité, innocence, naïveté, dans celle d’Agnès. Veut-il la surprendre, la séduire, la tromper, lui exagérer ses bienfaits, elle oppose la vérité au mensonge ; et c’est en montrant le fond de son cœur qu’elle punit son tyran. Mais ce qui rend la situation plus vive et la leçon plus frappante, c’est que les précautions d’Arnolphe ne servent qu’à assurer son malheur ; sa punition ressort de l’accomplissement de tous ses vœux ; il a voulu des valets imbéciles, les siens le sont à l’excès ; il a voulu qu’Agnès ne fût qu’une sotte, elle a toute la sottise que donne l’ignorance. Elle avoue avec la même naïveté son amour pour Horace, son indifférence pour Arnolphe, et son goût pour le mariage ; enfin elle se sauve avec son amant,

Et ne voit pas de mal à tout ce qu’elle a fait.

Quelle profondeur dans ce vers ! il résume la pièce, il justifie Agnès, il confond Arnolphe, il commence son châtiment ; car enfin la voilà telle qu’il l’a souhaitée. Mais la justice ne seroit pas entière si chaque travers de ce personnage ne recevoit sa punition. Arnolphe s’est moqué des maris trompés, il sera moqué par Chrysalde ; il s’est joué de la confiance d’Horace, il le verra triompher ; il a sacrifié le bonheur d’Agnès au sien, il sera le plus malheureux des hommes. Faire recueillir à chacun le fruit de ses œuvres, c’est la morale du théâtre ; et jamais Molière n’a mieux atteint ce but que dans l’École des Femmes. »

Le passage que l’on vient de lire résume ce qui a été dit de plus saillant par les commentateurs pour justifier l’École des Femmes, on verra plus loin comment Molière a lui-même défendu son œuvre, en se moquant de ceux qui l’attaquaient.

La Précaution inutile, de Scarron, le Jaloux, de Cervantes, ont été utilisés dans le premier et le second acte de la comédie qu’on va lire. La Quatrième nuit de Straparole a fourni quelques données aux actes trois et quatre. Quant au cinquième acte, il est tout entier de création originale.

ÉPÎTRE DÉDICATOIRE

À MADAME 1. 

 

Madame,

Je suis le plus embarrassé homme du monde, lorsqu’il me faut dédier un livre ; et je me trouve si peu fait au style d’épître dédicatoire, que je ne sais par où sortir de celle-ci. Un autre auteur, qui seroit en ma place, trouveroit d’abord cent belles choses à dire de Votre Altesse Royale, sur ce titre de l’École des Femmes, et l’offre qu’il vous en feroit. Mais, pour moi, Madame, je vous avoue mon foible. Je ne sais point cet art de trouver des rapports entre des choses si peu proportionnées ; et, quelques belles lumières que mes confrères les auteurs me donnent tous les jours sur de pareils sujets, je ne vois point ce que Votre Altesse Royale pourroit avoir à démêler avec la comédie que je lui présente. On n’est pas en peine, sans doute, comment il faut faire pour vous louer. La matière, Madame, ne saute que trop aux yeux ; et, de quelque côté qu’on vous regarde, on rencontre gloire sur gloire, et qualités sur qualités. Vous en avez, Madame, du côté du rang et de la naissance, qui vous font respecter de toute la terre. Vous en avez du côté des grâces, et de l’esprit, et du corps, qui vous font admirer de toutes les personnes qui vous voient. Vous en avez du côté de l’ame, qui, si l’on ose parler ainsi, vous font aimer de tous ceux qui ont l’honneur d’approcher de vous : je veux dire cette douceur pleine de charmes dont vous daignez tempérer la fierté des grands titres que vous portez ; cette bonté tout obligeante, cette affabilité généreuse que vous faites paroître pour tout le monde. Et ce sont particulièrement ces dernières pour qui je suis, et dont je sens fort bien que je ne me pourrai taire quelque jour. Mais encore une fois, Madame, je ne sais point le biais de faire entrer ici des vérités si éclatantes ; et ce sont choses, à mon avis, et d’une trop vaste étendue, et d’un mérite trop élevé, pour les vouloir renfermer dans une épître, et les mêler avec des bagatelles. Tout bien considéré, Madame, je ne vois rien à faire ici pour moi que de vous dédier simplement ma comédie, et de vous assurer, avec tout le respect qu’il m’est possible, que je suis,

 

DE VOTRE ALTESSE ROYALE,

 

MADAME,

 

Le très humble, très obéissant, et très obligé serviteur,Molière.

PRÉFACE

 

Bien des gens ont frondé d’abord cette comédie ; mais les rieurs ont été pour elle, et tout le mal qu’on en a pu dire n’a pu faire qu’elle n’ait eu un succès dont je me contente.

Je sais qu’on attend de moi dans cette impression quelque préface qui réponde aux censeurs, et rende raison de mon ouvrage ; et sans doute que je suis assez redevable à toutes les personnes qui lui ont donné leur approbation, pour me croire obligé de défendre leur jugement contre celui des autres ; mais il se trouve qu’une grande partie des choses que j’aurois à dire sur ce sujet est déjà dans une dissertation que j’ai faite en dialogue, et dont je ne sais encore ce que je ferai.

L’idée de ce dialogue, ou, si l’on veut, de cette petite comédie 2, me vint après les deux ou trois premières représentations de ma pièce. 

Je la dis, cette idée, dans une maison où je me trouvai un soir ; et d’abord une personne de qualité, dont l’esprit est assez connu dans le monde 3, et qui me fait l’honneur de m’aimer, trouva le projet assez à son gré, non-seulement pour me solliciter d’y mettre la main, mais encore pour l’y mettre lui-même ; et je fus étonné que deux jours après il me montra toute l’affaire exécutée d’une manière à la vérité beaucoup plus galante et plus spirituelle que je ne puis faire, mais où je trouvai des choses trop avantageuses pour moi ; et j’eus peur que, si je produisois cet ouvrage sur notre théâtre, on ne m’accusât d’avoir mendié les louanges qu’on m’y donnoit. Cependant cela m’empêcha, par quelque considération, d’achever ce que j’avois commencé. Mais tant de gens me pressent tous les jours de le faire, que je ne sais ce qui en sera ; et cette incertitude est cause que ne mets point dans cette préface ce qu’on verra dans la Critique, en cas que je me résolve à la faire paroître. S’il faut que cela soit, je le dis encore, ce sera seulement pour venger le public du chagrin délicat de certaines gens ; car, pour moi, je m’en tiens assez vengé par la réussite de ma comédie ; et je souhaite que toutes celles que je pourrai faire soient traitées par eux comme celle-ci pourvu que le reste soit de même. 

PERSONNAGES

 

ARNOLPHE, autrement M. de la Souche 4. 

AGNÈS 5, jeune fille innocente, élevée par Arnolphe 6. 

HORACE, amant d’Agnès 7. 

ALAIN, paysan, valet d’Arnolphe 8. 

GEORGETTE, paysanne, servante d’Arnolphe 9. 

CHRYSALDE, ami d’Arnolphe 10. 

ENRIQUE, beau-frère de Chrysalde.

ORONTE, père d’Horace et grand ami d’Arnolphe.

UN NOTAIRE 11. 

 

La scène est dans une place de ville

ACTE PREMIER

 

 

Scène I

CHRYSALDE, ARNOLPHE

 

 

CHRYSALDE

Vous venez, dites-vous, pour lui donner la main ?

 

ARNOLPHE

Oui, je veux terminer la chose dans demain.

 

CHRYSALDE

Nous sommes ici seuls ; et l’on peut, ce me semble,

Sans craindre d’être ouïs, y discourir ensemble. Voulez-vous qu’en ami je vous ouvre mon cœur ? Votre dessein pour vous me fait trembler de peur ; Et de quelque façon que vous tourniez l’affaire, Prendre femme est à vous un coup bien téméraire.

 

ARNOLPHE

Il est vrai, notre ami. Peut-être que chez vous Vous trouvez des sujets de craindre pour chez nous ; Et votre front, je crois, veut que du mariage Les cornes soient partout l’infaillible apanage.

 

CHRYSALDE

Ce sont coups du hasard, dont on n’est point garant, Et bien sot, ce me semble, est le soin qu’on en prend. Mais quand je crains pour vous, c’est cette raillerie Dont cent pauvres maris ont souffert la furie : Car enfin vous savez qu’il n’est grands, ni petits, Que de votre critique on ait vus garantis ; Que vos plus grands plaisirs sont, partout où vous êtes, De faire cent éclats des intrigues secrètes…

 

ARNOLPHE

Fort bien : est-il au monde une autre ville aussi Où l’on ait des maris si patients qu’ici ? Est-ce qu’on n’en voit pas, de toutes les espèces, Qui sont accommodés chez eux de toutes pièces ? L’un amasse du bien, dont sa femme fait part À ceux qui prennent soin de le faire cornard ; L’autre, un peu plus heureux, mais non pas moins infâme, Voit faire tous les jours des présents à sa femme, Et d’aucun soin jaloux n’a l’esprit combattu, Parce qu’elle lui dit que c’est pour sa vertu. L’un fait beaucoup de bruit qui ne lui sert de guères, L’autre en toute douceur laisse aller les affaires, Et, voyant arriver chez lui le damoiseau, Prend fort honnêtement ses gants et son manteau. L’une, de son galant, en adroite femelle, Fait fausse confidence à son époux fidèle, Qui dort en sûreté sur un pareil appas, Et le plaint, ce galant, des soins qu’il ne perd pas 12 ; L’autre, pour se purger de sa magnificence, 

Dit qu’elle gagne au jeu l’argent qu’elle dépense ; Et le mari benêt, sans songer à quel jeu, Sur les gains qu’elle fait rend des grâces à Dieu. Enfin, ce sont partout des sujets de satire ; Et comme spectateur ne puis-je pas en rire ? Puis-je pas de nos sots…13  ?

 

CHRYSALDE