Les Fourberies de Scapin - - Molière - E-Book

Les Fourberies de Scapin E-Book

Moliere

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Beschreibung

En l'absence de leurs pères partis en voyage, Octave, fils d'Argante s'est épris de Hyacinte, jeune fille pauvre et de naissance inconnue qu'il vient d'épouser, tandis que Léandre, fils de Géronte, est tombé amoureux d'une « jeune Égyptienne », Zerbinette, de passage dans sa troupe. Argante, père d'Octave revient en ville pour le marier. Il ne sait pas que son fils s'est marié pendant son absence. Octave, très inquiet de la réaction paternelle à l'annonce de son union et, de plus, fort à court d'argent, implore l'aide de Scapin, valet de Léandre. Mais cet « habile ouvrier de ressorts et d'intrigues » ne parvient pourtant pas à faire fléchir le vieillard.

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Personnages

ARGANTE, père d’Octave et de Zerbinette.

GÉRONTE, père de Léandre et d’Hyacinthe.

OCTAVE, fils d’Argante, et amant d’Hyacinthe.

LÉANDRE, fils de Géronte, et amant de Zerbinette.

ZERBINETTE, crue Égyptienne, et reconnue fille d’Argante, amante de Léandre.

HYACINTHE, fille de Géronte, et amante d’Octave.

SCAPIN, valet de Léandre.

SILVESTRE, valet d’Octave.

NÉRINE, nourrice d’Hyacinthe.

CARLE, ami de Scapin.

DEUX PORTEURS.

La scène est à Naples.

Sommaire

Acte I

Scène I

Scène II

Scène III

Scène IV

Scène V

Acte II

Scène I

Scène II

Scène III

Scène IV

Scène V

Scène VI

Scène VII

Scène VIII

Acte III

Scène I

Scène II

Scène III

Scène IV

Scène V

Scène VI

Scène VII

Scène VIII

Scène IX

Scène X

Scène XI

Scène XII

Scène dernière

Acte I

Scène I

Octave, Silvestre.

OCTAVE

Ah ! fâcheuses nouvelles pour un cœur amoureux ! Dures extrémités où je me vois réduit ! Tu viens, Silvestre, d’apprendre au port que mon père revient ?

SILVESTRE

Oui.

OCTAVE

Qu’il arrive ce matin même ?

SILVESTRE

Ce matin même.

OCTAVE

Et qu’il revient dans la résolution de me marier ?

SILVESTRE

Oui.

OCTAVE

Avec une fille du seigneur Géronte ?

SILVESTRE

Du seigneur Géronte.

OCTAVE

Et que cette fille est mandée de Tarente ici pour cela ?

SILVESTRE

Oui.

OCTAVE

Et tu tiens ces nouvelles de mon oncle ?

SILVESTRE

De votre oncle.

OCTAVE

À qui mon père les a mandées par une lettre ?

SILVESTRE

Par une lettre.

OCTAVE

Et cet oncle, dis-tu, suit toutes nos affaires.

SILVESTRE

Toutes nos affaires.

OCTAVE

Ah ! parle, si tu veux, et ne te fais point, de la sorte, arracher les mots de la bouche.

SILVESTRE

Qu’ai-je à parler davantage ? Vous n’oubliez aucune circonstance, et vous dites les choses tout justement comme elles sont.

OCTAVE

Conseille-moi, du moins, et me dis ce que je dois faire dans ces cruelles conjonctures.

SILVESTRE

Ma foi ! je m’y trouve autant embarrassé que vous, et j’aurais bon besoin que l’on me conseillât moi-même.

OCTAVE

Je suis assassiné par ce maudit retour.

SILVESTRE

Je ne le suis pas moins.

OCTAVE

Lorsque mon père apprendra les choses, je vais voir fondre sur moi un orage soudain d’impétueuses réprimandes.

SILVESTRE

Les réprimandes ne sont rien ; et plût au Ciel que j’en fusse quitte à ce prix ! mais j’ai bien la mine, pour moi, de payer plus cher vos folies, et je vois se former de loin un nuage de coups de bâton qui crèvera sur mes épaules.

OCTAVE

Ô Ciel ! par où sortir de l’embarras où je me trouve ?

SILVESTRE

C’est à quoi vous deviez songer, avant que de vous y jeter.

OCTAVE

Ah ! tu me fais mourir par tes leçons hors de saison.

SILVESTRE

Vous me faites bien plus mourir par vos actions étourdies.

OCTAVE

Que dois-je faire ? Quelle résolution prendre ? À quel remède recourir ?

Scène II

Scapin, Octave, Silvestre.

SCAPIN

Qu’est-ce, seigneur Octave, qu’avez-vous ? Qu’y a-t-il ? Quel désordre est-ce là ? Je vous vois tout troublé.

OCTAVE

Ah ! mon pauvre Scapin, je suis perdu, je suis désespéré, je suis le plus infortuné de tous les hommes.

SCAPIN

Comment ?

OCTAVE

N’as-tu rien appris de ce qui me regarde ?

SCAPIN

Non.

OCTAVE

Mon père arrive avec le seigneur Géronte, et ils me veulent marier.

SCAPIN

Eh bien ! qu’y a-t-il là de si funeste ?

OCTAVE

Hélas ! tu ne sais pas la cause de mon inquiétude ?

SCAPIN

Non ; mais il ne tiendra qu’à vous que je ne la sache bientôt ; et je suis homme consolatif, homme à m’intéresser aux affaires des jeunes gens.

OCTAVE

Ah ! Scapin, si tu pouvais trouver quelque invention, forger quelque machine, pour me tirer de la peine où je suis, je croirais t’être redevable de plus que de la vie.

SCAPIN

À vous dire la vérité, il y a peu de choses qui me soient impossibles, quand je m’en veux mêler. J’ai sans doute reçu du Ciel un génie assez beau pour toutes les fabriques de ces gentillesses d’esprit, de ces galanteries ingénieuses à qui le vulgaire ignorant donne le nom de fourberies ; et je puis dire, sans vanité, qu’on n’a guère vu d’homme qui fût plus habile ouvrier de ressorts et d’intrigues, qui ait acquis plus de gloire que moi dans ce noble métier : mais, ma foi ! le mérite est trop maltraité aujourd’hui, et j’ai renoncé à toutes choses depuis certain chagrin d’une affaire qui m’arriva.

OCTAVE

Comment ? quelle affaire, Scapin ?

SCAPIN

Une aventure où je me brouillai avec la justice.

OCTAVE

La justice ?

SCAPIN

Oui, nous eûmes un petit démêlé ensemble.

SILVESTRE

Toi et la justice !

SCAPIN

Oui. Elle en usa fort mal avec moi, et je me dépitai de telle sorte contre l’ingratitude du siècle que je résolus de ne plus rien faire. Baste ! Ne laissez pas de me conter votre aventure.

OCTAVE

Tu sais, Scapin, qu’il y a deux mois que le seigneur Géronte et mon père s’embarquèrent ensemble pour un voyage qui regarde certain commerce où leurs intérêts sont mêlés.

SCAPIN

Je sais cela.

OCTAVE

Et que Léandre et moi nous fûmes laissés par nos pères, moi sous la conduite de Silvestre, et Léandre sous ta direction.

SCAPIN

Oui : je me suis fort bien acquitté de ma charge.

OCTAVE

Quelque temps après, Léandre fit rencontre d’une jeune Égyptienne dont il devint amoureux.

SCAPIN

Je sais cela encore.

OCTAVE

Comme nous sommes grands amis, il me fit aussitôt confidence de son amour, et me mena voir cette fille, que je trouvai belle à la vérité, mais non pas tant qu’il voulait que je la trouvasse. Il ne m’entretenait que d’elle chaque jour ; m’exagérait à tous moments sa beauté et sa grâce ; me louait son esprit, et me parlait avec transport des charmes de son entretien, dont il me rapportait jusqu’aux moindres paroles, qu’il s’efforçait toujours de me faire trouver les plus spirituelles du monde. Il me querellait quelquefois de n’être pas assez sensible aux choses qu’il me venait dire, et me blâmait sans cesse de l’indifférence où j’étais pour les jeux de l’amour.

SCAPIN

Je ne vois pas encore où ceci veut aller.

OCTAVE

Un jour que je l’accompagnais pour aller chez les gens qui gardent l’objet de ses vœux, nous entendîmes, dans une petite maison d’une rue écartée, quelques plaintes mêlées de beaucoup de sanglots. Nous demandons ce que c’est. Une femme nous dit, en soupirant, que nous pouvions voir là quelque chose de pitoyable en des personnes étrangères, et qu’à moins que d’être insensibles, nous en serions touchés.

SCAPIN

Où est-ce que cela nous mène ?

OCTAVE

La curiosité me fit presser Léandre de voir ce que c’était. Nous entrons dans une salle, où nous voyons une vieille femme mourante, assistée d’une servante qui faisait des regrets, et d’une jeune fille toute fondante en larmes, la plus belle et la plus touchante qu’on puisse jamais voir.

SCAPIN

Ah, ah ?

OCTAVE

Un autre aurait paru effroyable en l’état où elle était ; car elle n’avait pour habillement qu’une méchante petite jupe avec des brassières de nuit qui étaient de simple futaine ; et sa coiffure était une cornette jaune, retroussée au haut de sa tête, qui laissait tomber en désordre ses cheveux sur ses épaules ; et cependant, faite comme cela, elle brillait de mille attraits, et ce n’était qu’agréments et que charmes que toute sa personne.

SCAPIN

Je sens venir les choses.

OCTAVE

Si tu l’avais vue, Scapin, en l’état que je dis, tu l’aurais trouvée admirable.

SCAPIN

Oh ! je n’en doute point ; et, sans l’avoir vue, je vois bien qu’elle était tout à fait charmante.

OCTAVE

Ses larmes n’étaient point de ces larmes désagréables qui défigurent un visage ; elle avait à pleure une grâce touchante, et sa douleur était la plus belle du monde.

SCAPIN

Je vois tout cela.

OCTAVE

Elle faisait fondre chacun en larmes, en se jetant amoureusement sur le corps de cette mourante, qu’elle appelait sa chère mère ; et il n’y avait personne qui n’eût l’âme percée de voir un si bon naturel.

SCAPIN

En effet, cela est touchant ; et je vois bien que ce bon naturel-là vous la fit aimer.

OCTAVE

Ah ! Scapin, un barbare l’aurait aimée.

SCAPIN

Assurément : le moyen de s’en empêcher ?

OCTAVE

Après quelques paroles, dont je tâchai d’adoucir la douleur de cette charmante affligée, nous sortîmes de là ; et demandant à Léandre ce qu’il lui semblait de cette personne, il me répondit froidement qu’il la trouvait assez jolie. Je fus piqué de la froideur avec laquelle il m’en parlait, et je ne voulus point lui découvrir l’effet que ses beautés avaient fait sur mon âme.

SYLVESTRE