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J'avais toujours pensé que la nuit on dormait, mais depuis quelques temps, quand je dors je me retrouve transporté dans un monde peuplé d'elfes, un monde où je suis un autre... Vous pensez que je rêve ? J'ai bien peur que non...
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Seitenzahl: 97
Veröffentlichungsjahr: 2017
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Du même auteur :
Editions BoD
Riff, 2017
Editions Le Manuscrit
Les Carnets cul de Gab, 2013 (épuisé)
Mortelle, 2009
La Main coupée, 2003
Merci à Susie Morgenstern, cette grande dame de la littérature jeunesse, qui a toujours su donner de son temps et de sa bonne humeur, à ses lecteurs et aux apprentis écrivains qui croisaient sa route…
-"Enfin tu te réveilles."
Un visage grave se penche vers moi. Cheveux longs noirs, yeux gris pénétrants, oreilles pointues : un visage d’elfe, il n’y a aucun doute.
Je sursaute : un soubresaut qui m'agite de la tête aux pieds.
J'ouvre les yeux. Personne ne se tient devant moi. Je suis dans ma chambre. Je parcours du regard les murs indistincts dans le noir.
Les ombres de mes objets me rassurent.
Quelle réalité dans ce rêve ! Car ce n'était que ça, malgré la précision. J’aurai pu toucher cet elfe ! Il semblait si proche ; je l'entendais si nettement !
Je me force à respirer doucement. Je commence à me sentir mieux.
Je me débarrasse d'une couverture : il doit faire trop chaud dans ma chambre. Il parait que ça favorise les mauvais rêves. En tout cas, je n'ai aucune envie de me rendormir!
Ce matin, je dors dans mon café. Ma tartine trempe depuis tellement longtemps qu'elle doit déjà transformer le liquide en soupe.
Du coup, Mathilde, ma sœur, en oublie même de me taquiner, ou alors, je ne l'entends pas.
-"Et bien, ça ne va pas aujourd'hui."
Ma mère me fixe tendrement.
J'essaie de récupérer le restant de tartine avant qu'il ne s'écroule dans le liquide : sans succès.
-"J'ai mal dormi. J'ai fait un drôle de rêve."
-"Un cauchemar ?"
-"Non, plutôt un rêve… qui semblait vraiment très réel."
Mathilde hausse les épaules.
-"Si c’est pas un cauchemar, ça n'empêche pas de dormir."
Elle cherche à m'énerver. Mais ce matin, je n'ai pas envie de réagir. Je reste aux "abonnés absents" ; et puis, c'est vrai que cette visite nocturne me laisse une désagréable impression sans que je puisse vraiment dire pourquoi : il n'y avait rien de visiblement dangereux dans cette scène : un rêve n'est qu'un rêve.
Je me lève.
-"Je prends la salle de bain."
-"Non, moi !" Mathilde bondit de sa chaise, fonce dans le couloir, claque la porte derrière elle.
Tous les matins, c'est le même cirque. Après, elle met des heures à se préparer. En général, ma mère pousse un soupir désabusé mais n'intervient pas.
-"Salut tout le monde."
-"Salut papa."
De nous tous, mon père est le pire : le matin est son ennemi juré. Il est toujours le dernier levé et avant son deuxième café, il ne faut pas attendre d'attention de sa part.
Heureusement pour lui, dans son métier, il a des horaires souples : il est ingénieur au CNRS, le fameux Centre National de la Recherche Scientifique. Il commence tard et du coup finit encore plus tard. Les devoirs du soir, les courses journalières, les rencontres parents professeurs, c'est ma mère qui s'en occupe… sans raller d'ailleurs… Elle travaille dans la ville. Elle est documentaliste dans un cabinet d'avocats.
Je m'assois sur le tabouret justement placé devant la salle de bain. Je pousse un "Mathilde, active !" peu convaincu.
-"Voilà, voilà !"
Elle ressort toute "pomponnée" : vêtements à la mode, gilet coloré, petit collier et barrette dans les cheveux. Elle est plutôt jolie ma chipie de sœur et coquette pour une fille de 10 ans !
-"Merci."
Je me traîne dans la salle de bain, referme derrière moi.
Là, dans la glace, mon reflet me cause un choc : une vraie tête de déterré. Comme après une nuit blanche, j'ai les yeux cernés de mauve et les paupières lourdes. Je ne me souviens pas avoir déjà eu cette allure là… sauf peut être après l'anniversaire de Sébastien, un de mes meilleurs amis. On avait refait le monde toute la nuit.
En tout cas, aujourd'hui au collège, je vais avoir du mal à me concentrer.
-"Pascal, dépêches toi !"
Mon père, après deux cafés. Maintenant, il va se presser, raller sur son éternel retard.
-" Revenons à cette équation."
La craie crisse au tableau. Monsieur Toulouse, prof de math, reprend sa démonstration.
Je pique du nez. La matinée a été dure, mais là, après la cantine, c'est encore pire. Par trois fois déjà, je me suis redressé juste avant de m'écraser sur ma table. Pourtant, je fais des efforts. J'essaie de me concentrer sur chaque mot du prof. Ca ne devrait pas être trop difficile puisque j'aime les maths.
-"Prenez vos livres, page →."
Je sursaute. J'étais encore en train de m'endormir. Quelle horreur : la page → est couverte d'équations, et tous les petits chiffres dansent traîtreusement devant mes yeux.
Une petite tache rouge se forme soudain sur le bas des exercices, suivie d'une autre, et d'encore une. Instinctivement je relève la main vers mon nez : je saigne. Vite j'applique un mouchoir sur mes narines avant de transformer mon livre en chapitre "gore". Mais le flux ne s'arrête pas. Je lève la main.
-"Oui Pascal ?"
-"Excusez-moi monsieur, mais il faut que je sorte."
Je n'ai pas besoin d'en expliquer plus : mon mouchoir est déjà entièrement rouge.
-"Bien sur mon petit… Hugo, accompagne-le."
Hugo se lève d'un bond, trop content d'échapper aux exercices.
Je suis penché au dessus du lavabo. Le flux commence à se tarir. Hugo me tend un nouveau sopalin. Il en a déjà gentiment jeté deux.
-"Ben dis donc ! Tu t'es cogné le nez ?"
Je lui fais signe que non.
-"T'es crevé alors ? Ma sœur, ça lui fait ça quand elle est trop fatiguée… un manque de je ne sais plus quoi…"
Je me redresse.
-"C'est vrai que j'ai mal dormi hier."
Il approuve, content que son explication "médicale" me convienne.
-"Tu devrais te faire faire une prise de sang, pour voir ce qui manque."
Je souris en regardant le lavabo où les dernières traces rouges disparaissent.
-"Plus tard la prise de sang, j'ai déjà donné."
Il rit presque.
-"Alors les garçons, pas à l'infirmerie ?"
Monsieur Toulouse passe la tête par la porte.
C'est un curieux professeur : sévère et en même temps "maternant."
-"Ca va mieux monsieur."
-"Il m'a dit qu'il était vachement fatigué en ce moment." Replace Hugo, apparemment fier de ses connaissances.
-"Tu finis à quelle heure aujourd'hui Pascal ?"
-"Quinze heures."
-"Bien. Dès que tu seras chez toi, prends un bon goûter, avec du chocolat. C'est revigorant."
A sa manière de le dire, on devine qu'il vénère le chocolat. Il en prend certainement lui-même.
-"D'accord."
-"Allez maintenant." Il regarde sa montre"Je vais prévenir Monsieur Metil que vous serez un peu en retard à son cours. Hugo, tu l'accompagnes d'abord à l'infirmerie."
Le visage d'Hugo s'éclaire. Métil : français, il aime encore moins que les maths. Il me capture plusieurs essuies -touts.
-"Je t'en prends une cargaison, au cas où."
Il ne veut pas démériter de son rôle de chaperon.
Je regarde fixement mon lit. Je le regarde avec plaisir. Je vais suivre le conseil de monsieur Toulouse : me reposer, mieux : me coucher. Je prendrais le chocolat à mon réveil. C'est fou ! Rien que l'idée de m'étendre me réjouit.
Je me débarrasse de mon sac, de mon blouson, et je me laisse tomber comme une brute sur mon matelas… Juste un petit somme pour me remettre.
Quelqu'un remonte une couverture sur moi.
J'entends des voix indistinctes, une autre plus marquée qui les renvoie. "Besoin de repos" est la seule formule que je perçois distinctement. Est-ce que mes parents savent pour le collège et mon coup de fatigue ? Je ne reconnais aucune de ces voix pourtant. Je ne reconnais même pas le creux habituel de mon lit. J'essaie d'ouvrir un œil.
La fatigue m'écrase. Là, sur ma table de chevet, une main dépose une bougie ouvragée allumée. Une bougie ? Je n'arrive toujours pas à m'extirper de ma torpeur. Un instant une lueur bleue s'accroche à cette main inconnue : un anneau avec un saphir… sur une main d'homme ? Je m'agite. Où est ce que je suis ? Je dois me réveiller !
-"Il faut le laisser. Il faut qu'il dorme."
Celui qui a parlé souffle la bougie… La même voix que l’autre fois…
-"Pascal ?"
-"Maman ?"
J'émerge avec difficulté.
Elle est assise à côté de moi sur mon lit. Elle tâte mon front.
-"Tu ne te sens pas bien ?"
Sa main me détend. Ma mère a toujours les mains fraîches. Je me retourne, un peu plus alerte cette fois.
-"Crevé, c'est tout."
Visiblement, elle vient d'arriver avec Mathilde, récupérée à la sortie des classes.
Son côté mère poule : elle s'arrange pour que ma bécasse de frangine ne rentre pas seule… à son âge…
Elle se redresse.
-"Repose toi encore."
-"Non, non, ça va maintenant… Dis, tu viens d'arriver ?"
-"Oui."
-"Papa n'est pas rentré ?"
-"Non, pas encore."
Je n'ajoute rien. D'où venaient donc ces voix, ces gens qui m'entouraient ? Un autre rêve ? Toujours aussi réaliste ?
Mathilde m'observe du coin de l'œil. Elle me laisse étonnamment tranquille ce soir. Ma fatigue a au moins ça d’agréable : elle est tellement visible que « peste 1ère » n’ose pas me taquiner.
Je chipote mes haricots verts dans mon assiette.
-"Quand même Pascal, essaie de finir ça."
Mon père me désigne les légumes que j'ai torturés.
-"Je n'ai pas très faim."
-"Moi, j'ai tout finit !" ma soeur exhibe fièrement son assiette nettoyée.
-"Pour une fois." Plaisante gentiment ma mère, mais déjà, elle boude. Ce soir, son cirque m'est complètement égal. Je suis fatigué.
-"Pascal ?" Je sursaute. Ma mère me tapote le bras. "Prends un dessert et va te coucher.
Ca ira mieux demain."
J'approuve d'un hochement de tête.
-"Il se couche maintenant ?" "Peste 1ère" me suit des yeux.
-"Tu veux faire comme lui ?" Elle se retourne vivement vers mon père.
-"Non, non, je vais bien moi."
-"Alors laisse le tranquille."
Certainement que sa mine s'est renfrognée à cette remarque, mais je ne vérifie pas. Je veux juste me coucher. Malgré ma sieste de l'après-midi et le chocolat qui a suivi, je me sens toujours aussi fatigué.
Je suis changé, équipé : en pyjama, lavé, dents brossées et mon lit m'attend. Pourtant, je ne me résous pas à y entrer. Et si je refaisais ce même rêve si réel ? Si je me retrouvais encore au même endroit, avec le seigneur elfe ? Est-ce qu'on peut reprendre un rêve comme ça ?
Mes paupières sont lourdes. Je les sens qui se ferment. Si je reste là, je vais "dormir debout" et pas au sens figuré.
Depuis sa chambre, Mathilde me lance un "Bonne nuit" guilleret : une victoire sur mon droit d'aînesse : elle ne se couchera pas avant une bonne heure.
Je finis par me glisser entre les draps. De toute façon, qu'est-ce que je risque ? Les rêves n'ont jamais fait de mal à personne et j'ai tellement sommeil…
-"Ne fait pas de bruit. Son esprit erre encore."
Une odeur mentholée s'infiltre dans mon nez. Elle me détend. Je suis sur que je souris, même si je dors. La voix que j'entendais comme un lointain fond musical reprend : elle lit. C'est une langue que je ne connais pas. J'ai déjà entendu cette voix grave et douce deux fois dans mes autres rêves : c’est celle du seigneur elfe.
Réveil matin. Café noir. Autour de la table : silence. Mathilde mâchonne ses céréales, mon père attaque son deuxième café, ma mère beurre une tartine et moi je songe. J'ai passé la nuit dans un autre lit que le mien : le lit de ce monde imaginaire, tellement réel que je me souviens même de l'odeur des draps.
-"Tu boudes ?"
-"Tu parles la bouche pleine, c’est dégoûtant. » Mathilde avale bruyamment, insiste.
-"Alors tu boudes ?"
Elle ne me laissera pas tranquille. Autant répondre.
-"Non, je réfléchis."