L'enfant, l'adolescent et la chose publique - Yann Le Pennec - E-Book

L'enfant, l'adolescent et la chose publique E-Book

Yann Le Pennec

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Beschreibung

L'enfant l'adolescent, et la chose publique. La classe politique française ne semble guère cette ému, suite aux dernières élections, de la désinfection croissante du suffrage universel par la classe d'âge des 18 à 35 ans. Nul instance politique ne s'est interrogé publiquement sur le point de savoir si la cause de ce désintérêt ne devrait pas être recherché du côté de l'éducation. Une éducation qui n'insisterait pas les enfants et adolescents à s'intéresser progressivement à la chose publique et à l'exercice de la démocratie. La chose publique est un concept qui se réfère à un état gouverné en fonction du bien du peuple, par opposition à un état gouverné en fonction du bien privé des membres d'une classe ou d'une personne unique. Cet essai traite de la capacité du système éducatif global, institution et famille à préparer les enfants et les adolescents à vivre et à agir dans un tel état. Une première partie met en évidence les avatars et balbutiements du statut de l'enfant et de l'adolescent à diverses époques de l'histoire. La seconde partie traite des modalités d'une socialisation active visant à amener l'enfant, l'adolescent, à assumer sa position de citoyen à venir, par sa capacité à intervenir sur les structures sociales qui le déterminent. Les styles éducatifs que rencontre l'enfant, l'adolescent, la place qui lui est dévolue dans les institutions qu'il l'accueillent, les valeurs qui sont renforcées ou non, dans et par ses institutions, contribue à sa formation d'agent social. Certains s'offusqueront sans doute qu'un tel essai puisse inciter les enfants et adolescents à « faire de la politique ». Il leur serait alors demandé s'ils ont de la politique une vision si malsaine et dangereuse qu'enfant et adolescent devraient en être tenu à l'écart. Jusqu'au moment où il serait incité à glisser, enfin, un bulletin dans l'urne.

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Seitenzahl: 70

Veröffentlichungsjahr: 2024

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Pour Milo

L’éducation est l’arme la plus puissante

qu’on puisse utiliser pour changer le Monde.

Nelson Mandela

En 1979, un rapport de l’UNESCO concernant les droits et les responsabilités des jeunes faisait le constat que « dans le monde actuel, la jeunesse en tant que groupe social, est, en général, tenue à l’écart, aussi bien des processus socio-politiques qui aboutissent à la reconnaissance juridique de ses droits, que des modalités pratiques de sa mise en œuvre 1 » .

En 1989, la Convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée par l’État français, stipulait que « les enfants et les adolescents sont titulaires des mêmes droits fondamentaux que les adultes » ... bien qu’ils n’en aient, évidemment, pas le plein exercice. Elle comporte 7 articles concernant les libertés concrètes dont les enfants et les adolescents pourront revendiquer l’exercice qui les projette, dès leur naissance, en tant que futur-et-déjà citoyens dans une République et une démocratie.

Un demi-siècle plus tard, force est de constater qu’au regard de la désaffection croissante des jeunes de 18 à 35 ans pour le suffrage universel, lors des plus récentes élections, le rapport de l’Unesco, reste pertinent. Cet essai expose les ressources disponibles et propres à générer une culture éducative intégrant le projet démocratique. Il avance des propositions de nature à inventer de nouvelles modalités de rapports entre enfants, adolescents, parents et éducateurs afin que le système éducatif global, au travers des différents stades de leur maturation, dispose les enfants et les adolescents à s’intéresser à la chose publique.

Dans son Traité politique Spinoza observait, en 1677 :« Il est certain que les séditions, les guerres et le mépris ou la violation des lois sont imputables non tant à la malice des sujets qu’à un vice du régime institué. Les hommes ne naissent pas citoyens, mais ils le deviennent ».

Avant d’exposer, dans une deuxième partie, les propositions relatives à une culture éducative intégrant, par ses pratiques, le projet démocratique, seront d’abord mis en évidence, quelques aperçus, et, à titre d’illustrations, les balbutiements et les avatars du statut de l’enfant et de l’adolescent, ici et là, et à diverses époques.

1 1 Patriarchos Pr. (1979, Droits et responsabilités des jeunes, UNESCO, N°6, page 64.

Sommaire

PREMIÈRE PARTIE : UN STATUT INCERTAIN

De la survie à l'existence

Vers la découverte de l'enfance

Le rapport au droit

DEUXIÈME PARTIE : VERS UNE SOCIALISATION ACTIVE

Question de (dé)politisation

Question de stratégie de conversion

Question de compétences

Question de libertés

Question d’autorité

La chose publique en question

PREMIÈRE PARTIEUN STATUT INCERTAIN

De la survie à l'existence.

Les conceptions concernant son existence même fondent toute réflexion ou pratique des libertés de l'enfant.

Dans la Grèce antique, Hippocrate s'interroge ainsi sur les caractéristiques des enfants qu'il faut laisser vivre. Soranos propose de définir la puériculture comme l'art de décider quels nouveau-nés méritent qu'on les élève2. Il s'agit, à l'époque, de l'attitude d'une société toute entière 3

Le droit romain, inspiré par la philosophie grecque, soucieux de justice et d'humanité, ayant valeur de raison écrite, selon certains auteurs, néglige totalement la progéniture de ses citoyens.

Cicéron, que l'on ne peut accuser d'inhumanité, pensait que «la mort d'un enfant se supporte aequo animo (d'une âme égale)». Sénèque juge raisonnable de noyer les débiles et les faibles. Tacite qualifie d'excentrique la coutume des juifs de ne vouloir supprimer aucun nourrisson, et quand Justinien évoque le respect des chrétiens pour la vie de l'enfant, il précise : « fut-il nouveau-né 4

A Sparte, cité militaire et aristocratique par excellence, l'enfant mâle, promis au métier des armes, est laissé aux soins des femmes jusqu'à l'âge de sept ans. A partir de cet âge, le jeune Spartiate est pris en main par l’État. Jusqu'à sa mort, il lui appartient totalement. Embrigadé dans des formations de jeunesse de type militaire, il suit une voie strictement hiérarchisée, jusqu'à ses vingt ans. Ce modèle d'éducation fait écho dans les thèses totalitaires contemporaines.

L'éducation des filles fait l'objet d'un effort parallèle. Elle est subordonnée à la préoccupation d'eugénisme. Il s'agit de leur ôter « toute délicatesse et toute tendance efféminée, en endurcissant leur corps, en leur imposant de s'exhiber nues dans les fêtes et les cérémonies ; la Cité Spartiate cherche à en faire de robustes viragos, sans complications sentimentales, qui s'accompliront au mieux pour les intérêts de la race 5.

Dans ces conditions, la famille ne peut constituer le cadre principal de l'éducation. La femme n'y est reconnue compétente que pour l'élevage du petit enfant qui lui est retiré dès l'âge de sept ans. Quant au père aristocratique, préoccupé par la formation du futur citoyen libre, il est d'abord un personnage public avant d'occuper la place de chef de famille. L'orientation pédérastique apparaît comme la forme la plus belle et la plus parfaite d'une éducation fondée sur les rapports intimes. On unit un jeune esprit à un aîné, modèle, guide et initiateur.

L’avènement d’Athènes, en tant que puissance politique, aux VIe et VIIe siècles avant J.-C. pondère cette polarisation sur la préparation militaire et un dévouement total à la communauté. La réduction progressive du caractère disciplinaire et de la vocation sacrificielle ouvre quelques latitudes pour l'éducation. L'éducation athénienne des hommes libres, favorisés par les dons et la fortune, n'est pas exempte de préoccupation militaire. Cependant, elle prépare aussi le futur citoyen à l'exercice de ses droits et du pouvoir politique, aux vertus de la vie civile plus qu'aux valeurs guerrières. Platon disqualifie formellement l'idéal offensif de l'ancienne éducation spartiate. Il s'oppose aux méthodes préconisant un endoctrinement passif pour leur substituer les modalités de la méthode dialectique. Il n'en proclame pas moins, selon sa conception d'une cité idéale dominée par l'idée du Bien, que l'enfant appartient moins à ses parents qu'à l’État.

Jusqu'à l'âge de sept ans, l'enfant reste dans sa famille aux mains des femmes. Cela ne constitue toujours pas une préoccupation civile. Puis, et jusqu'à l'âge de quatorze ans environ, s'étend la période scolaire. La phase suivante est couronnée par un stage de formation civique et militaire : l'éphébie. Les filles fréquentent désormais, au même titre que les garçons, les écoles primaires et secondaires.

Au-delà de cette organisation de l'instruction qui traduit une aspiration à transmettre une culture générale, l'éducation proprement hellénistique en voie d'élaboration, repose fondamentalement sur la formation morale. Toute entière ordonnée vers l'avènement d'un homme total, figure de la norme idéale, elle ne s'attarde à l'enfant que pour lui apprendre à se transcender. Ainsi, l'humble esclave, le pédagogue, celui qui guide l'enfant 6 , joue un rôle déterminant dans sa formation. Le maître d'école est chargé seulement des acquisitions intellectuelles. Le pédagogue, déjà désigné comme éducateur, se trouve au coté du jeune garçon pendant la journée entière. Il l'initie aux bonnes manières et à la vertu, ce qui n'apparaît pas moins important que de savoir lire.

Vers la fin du VIe siècle, Rome et la culture romaine, sont dominées par une aristocratie rurale. Propriétaires fonciers exploitant directement leurs terres, cette classe sociale diffère par conséquent de la noblesse guerrière de l'époque homérique.

L'éducation destinée à assurer la reproduction de cette aristocratie repose sur la coutume ancestrale qu'elle a pour but de transmettre et de faire respecter comme norme de toute pensée et de toute action.

L'éducation s'exerce d'abord dans le cadre de la famille dont les historiens du droit soulignent la forte constitution. Le droit romain consacre le pater familias : père, propriétaire et, chez lui, grand prêtre, chef de famille au pouvoir sacré, sans aucune limite en ce qui concerne les enfants et les adolescents. Le droit de vie et de mort est un de ses attributs que les chrétiens récuseront au nom du respect de l'œuvre de Dieu.

A partir de sept ans, le garçon échappe à la direction exclusive des femmes pour passer sous celle du père, considéré comme le véritable éducateur. La différence est notable avec l'insouciance et l'incompétence des pères grecs menacés de ridicule s'ils viennent à s'occuper eux-mêmes de leur progéniture.

Tandis que les filles suivent les occupations domestiques sous l'autorité de leur mère, les garçons se préparent à la gestion de leurs futures charges en suivant leur père dans les activités publiques.

Influençant tout l'occident latinisé, ce modèle familial est progressivement investi par le christianisme qui y trouvera un lieu d'expression favorable.

Vers la découverte de l'enfance

L'éducation chrétienne, au sens sacré et transcendantal du terme, ne peut être dispensée à l'école comme l'enseignement profane. L'église