L'Envieux - Voltaire - E-Book

L'Envieux E-Book

Voltaire

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Beschreibung

Extrait : "ZOÏLIN, une gazette à la main, se promenant dans l'antichambre d'Hortense : Que ces gazettes-là sont des choses cruelles ! J'y vois presque toujours d'affligeantes nouvelles. À de plats écrivains l'on donne pension, À Valère un emploi, des honneurs à Damon ; Le petit monsieur Pince est de l'Académie ; À la riche Chloé Dalinval se marie. De parvenir comme eux n'aurais-je aucun moyen ? Ô Fortune bizarre ! ils ont tout, et moi rien. Aujourd'hui le mérite à cent..."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de qualité de grands livres de la littérature classique mais également des livres rares en partenariat avec la BNF. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes.

LIGARAN propose des grands classiques dans les domaines suivants :

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EAN : 9782335067323

©Ligaran 2015

Avertissement de Beuchot

L’abbé de Lamare étant venu passer quelque temps à Cirey, dans les derniers mois de 1738, Voltaire, qui lui avait souvent envoyé de l’argent, ne put lui donner que cent livres ; mais il lui remit le manuscrit d’une comédie dont il devait partager le produit avec un jeune homme plus sage et plus pauvre que lui. Cette comédie était celle de l’Envieux. Voltaire croyait n’avoir fait qu’une action de bon chrétien, et non un bon ouvrage, en peignant l’abbé Desfontaines sous le nom de l’Envieux.

Mme du Châtelet n’approuvait pas cet ouvrage, puisqu’elle désirait qu’il ne parût point. Il n’était question de rien moins que de le faire représenter sur le Théâtre-Français ; Voltaire tenait beaucoup à ce projet ; Mme du Châtelet voulait qu’on l’abandonnât.

Voltaire était malade lorsque Lamare envoya à Cirey un gros paquet que Mme du Châtelet, par sollicitude pour Voltaire, ouvrit à son insu : il contenait le manuscrit de l’Envieux.

Mme du Châtelet parle encore de l’Envieux dans ses lettres des 7 janvier et 10 janvier 1739. Ce qu’elle désirait eut lieu : cette comédie ne fut pas représentée. L’auteur la perdit totalement de vue, et longtemps on la crut anéantie. Les éditeurs de Kehl n’avaient pu se la procurer. Mais longtemps après l’édition terminée, feu Decroix, l’un de ces éditeurs, constant dans ses recherches sur tout ce qui concernait Voltaire, parvint à la trouver.

Elle devait faire partie d’un supplément qu’il préparait pour les éditions de Kehl II est mort en 1827 sans exécuter ce projet. Quelques heures avant de mourir, il m’envoya la copie qu’il avait faite de l’Envieux, et c’est sur cette copie unique que j’imprime cette pièce, qui n’avait pas encore vu le jour.

Paris, ce 14 décembre 1833.

Personnages

CLÉON, officier général commandant de la province.

HORTENSE, épouse de Cléon.

ARISTON, ami de Cléon et d’Hortense.

CLITANDRE, ami d’Ariston.

ZOÏLIN, écrivain de feuilles littéraires périodiques, introduit et accueilli chez Cléon sous les auspices d’Ariston.

NICODON, neveu de Zoïlin.

LAURE, suivante d’Hortense.

UN EXEMPT de maréchaussée.

LA FLEUR, valet de chambre d’Hortense.

UN LAQUAIS.

GARDES.

Plusieurs valets de la suite de Cléon.

 

La scène est dans le château de Cléon.

Acte premier
Scène I
ZOÏLIN, une gazette à la main, se promenant dans l’antichambre d’Hortense.
Que ces gazettes-là sont des choses cruelles !
J’y vois presque toujours d’affligeantes nouvelles.
À de plats écrivains l’on donne pension,
À Valère un emploi, des honneurs à Damon ;
Le petit monsieur Pince est de l’Académie ;
À la riche Chloé Dalinval se marie.
De parvenir comme eux n’aurais-je aucun moyen ?
Ô Fortune bizarre ! ils ont tout, et moi rien.
Aujourd’hui le mérite à cent dégoûts s’expose.
Autrefois, au bon temps, c’était tout autre chose…
Voyons, tâchons d’entrer.
Scène II

Zoïlin, la fleur, sortant de l’appartement d’Hortense.

ZOÏLIN
Bonjour, monsieur La Fleur.
Puis-je vous demander si j’obtiendrai l’honneur
D’entrer à la toilette, et si madame Hortense
Voudra bien agréer mon humble révérence ?
LA FLEUR
Non, monsieur Zoïlin.
ZOÏLIN
Je n’entrerai point ?
LA FLEUR
Non ;
Madame en ce moment est avec Ariston.

Il sort.

Scène III
ZOÏLIN
Ce monsieur Ariston est heureux, je l’avoue :
Partout on le reçoit, on le fête, on le loue.
Le maître de céans, Cléon, est son appui,
Et laisse, en tout honneur, son épouse avec lui.
Je ne suis point jaloux, mais je sens qu’à mon âge
Piquer une antichambre est d’un bas personnage ;
Tandis que mon égal, du haut de sa faveur,
Se donne encor les airs d’être mon protecteur.
Cette amitié d’Hortense est pour moi fort suspecte…
Je sais que le public l’estime et la respecte…
Le public est un sot ; j’appelle, sans détour,
Une telle amitié le masque de l’amour.
Que le sort d’Ariston m’humilie et m’outrage !
Scène IV

Zoïlin, un laquais, porteur d’une lettre.

LE LAQUAIS
Monsieur…
ZOÏLIN
Que me veux-tu ?
LE LAQUAIS
C’est, monsieur, un message.
Pour moi ?
LE LAQUAIS
Non pas, c’est pour Ariston, votre ami.
Le duc d’Elbourg l’attend à quelques pas d’ici.
On doit souper ce soir chez madame Tullie,
Qui nous donne le bal avec la comédie.
ZOÏLIN
Et moi, je n’en suis point ?
LE LAQUAIS
Non, monsieur. Dites-moi
Où je pourrai trouver votre ami.
ZOÏLIN
Par ma foi,
Je n’en sais rien. Cours, cherche.

Le laquais sort.

Scène V
ZOÏLIN, seul.
Ha ! je perds patience.
Que je souffre en secret ! Quels dégoûts ! Plus j’y pense,
Moins je puis concevoir comment certaines gens,
Avec très peu d’esprit, nul savoir, sans talents,
Ont trouvé le secret d’éblouir le vulgaire,
De captiver des grands la faveur passagère,
De faire adroitement leur réputation.
Chacun veut réussir, veut percer, cherche un nom.
Le plus petit gredin, dans l’estime du monde,
Croit s’ériger un trône où son orgueil se fonde ;
Et ce trône si vain, ce règne des esprits,
Ce crédit, ces honneurs, de quoi sont-ils le prix ?
Je vois qu’on y parvient par cent brigues secrètes,
Par de mauvais dîners que l’on donne aux poètes
Qui font bruit au Pont-Neuf, aux cafés, aux tripots.
Réussir quelquefois est le grand art des sots.
Pour moi, depuis trente ans j’intrigue, je compose,
J’écris tous les huit jours quelque pamphlet en prose.
Quels tours n’ai-je pas faits ? que n’ai-je point tenté ?
Cependant je croupis dans mon obscurité.
Scène VI

Zoïlin, Laure, sortant de l’appartement d’Hortense

ZOÏLIN
Eh bien, pourrai-je entrer ?
LAURE
Non, monsieur, pas encore.
ZOÏLIN
Du moins, en attendant, parlez-moi, belle Laure.
Faut-il que le destin, qui comble de ses dons
Tant d’illustres faquins, tant de fières laidrons,
Puisse au méchant métier d’une fille suivante
Réduire une beauté si fine et si piquante !
LAURE
Servir auprès d’Hortense est un sort assez doux.
ZOÏLIN
Allez, vous vous moquez ; il n’est pas fait pour vous.
LAURE
Vous le croyez, monsieur ?
ZOÏLIN
De vous avec Hortense,
Savez-vous, entre nous, quelle est la différence ?
LAURE
Eh mais, oui.
ZOÏLIN
L’avantage est de votre côté.
Vous avez tout, jeunesse, esprit, grâces, beauté.