L'Évangile du Bouddha - Paul Carus - E-Book

L'Évangile du Bouddha E-Book

Paul Carus

0,0

Beschreibung

Inspiré des Évangiles, L'Évangile du Bouddha fut publié pour la première fois en 1894, en anglais, et de nombreuses rééditions se succédèrent depuis lors. Le monde du bouddhisme reçut cet évangile avec enthousiasme et l'introduisit officiellement dans les écoles et les temples bouddhistes du Japon et de Sri Lanka. En relatant la vie de Bouddha comme celle du Christ, Paul Carus, dans un style simple et concis, témoigne fidèlement de l'essence du bouddhisme à la lumière des anciens documents ; il met aussi en relief la grandeur poétique de la personnalité unique du Bouddha. Ce livre ne suit aucune doctrine, ne prône aucun dogme, mais relate avec simplicité et justesse ce que furent la vie et l'enseignement de Bouddha. Un classique pour tous les vrais bouddhistes.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 369

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Table des matières

AVERTISSEMENT

PRÉFACE DE L’AUTEUR

I - Allégresse !

II - Samsara et Nirvâna

III - La Vérité Rédemptrice

LE PRINCE SIDDHÂRTHA DEVIENT BOUDDHA

IV - Naissance de Bouddha

V - Les liens de la vie

VI - Les Trois Douleurs

VII - Le Bouddha renonce au monde

VIII - Le roi Bimbisâra

IX - Les Recherches du Bouddha

X - Pénitence à Ourouvilvâ

XI - Mâra le Méchant

XII - Illumination

XIII - Les premiers convertis

XIV - Requête de Brahmâ

FONDATION DU ROYAUME DE VÉRITÉ

XV - Oupaka

XVI - Le Sermon de Bénarès

XVII - Le Sangha

XVIII - Yachas, le jeune homme de Bénarès

XIX - Envoi des disciples en mission

XX - Kâçyapa

XXI - Le Sermon de Râdjâgrihâ

XXII - L’Offrande du Roi

XXIII - Çâripoutra et Maudgalyâyana

XXIV - Mécontentement du peuple

XXV - Anâthapindika

XXVI - Le sermon sur la charité

XXVII - Le Père du Bouddha

XXVIII - Yaçôdharâ

XXIX - Râhoula

XXX - Djêtavana

CONSOLIDATION DE LA RELIGION DU BOUDDHA

XXXI - Djîvaka, le médecin

XXXII. - Le père et la mère du Bouddha parviennent au Nirvâna

XXXIII. - Admission des femmes dans le Sangha

XXXIV - Règles de conduite des Bhikchous envers les femmes

XXXV - Vichâkhâ

XXXVI - Oupavasatha et Prâtimôkcha

XXXVII - Le schisme

XXXVIII - Rétablissement de la concorde

XXXIX - Les Bhikchous réprimandés

XL - Dêvadatta

XLI - Le But

XLII - Défense de faire des miracles

XLIII - Vanité du monde

XLIV - Préceptes pour les Novices

XLV - Règles pour l’ordre

XLVI - Les dix commandements

XLVII - La Mission du prédicateur

PRÉDICATION DU BOUDDHA

XLVIII - Le Dharmapada

XLIX - Les Deux Brâhmanes

L - Observez les six Quartiers

LI - Question de Simha sur l’anéantissement

LU - Toute existence est spirituelle

LUI - Identité et non-identité

LIV - Le Bouddha n’est plus Gautama

LV - Une seule essence, une seule loi, un seul but

LVI - Leçon donnée à Râhoula

LVII - Sermon sur l’injure

LVIII - Réponses du Bouddha à un Déva

LIX - Instructions

LX - Amitâbha

LXI - Le Maître inconnu

PARABOLES ET HISTOIRES

LXII - Paraboles

LXIII - La maison incendiée

LXIV - L’aveugle de naissance

LXV - Le Fils perdu

LXVI - Le poisson étourdi

LXVII - Le Dupeur dupé

LXVIII - Quatre sortes de mérite

LXIX - La Lumière du monde

LXX - Une vie de luxe

LXXI - Le partage de la félicité

LXXII - Le Fou insouciant

LXXIII - Assistance dans le désert

LXXIV - Le Bouddha semeur

LXXV - Le Paria

LXXVI - La femme au puits

LXX VII - Le Pacificateur

LXXVIII - Le Chien affamé

LXXIX - Le Despote

LXXX - Vâsavadattâ

LXXXI - Noces de Djâmboûnada

LXXXII - A la poursuite d’un voleur

LXXXIII - Au royaume d’Yamarâdja

LXXXIV - La Graine de moutarde

LXXXV - Çâripoutra suit le Maître sur l’eau

LXXXVI - Le Bhikchou malade

LES DERNIERS JOURS

LXXXVII - Conditions de prospérité

LXXXVIII - Droite conduite

LXXXIX - Pâtalipoutra

XC - La Foi de Châripoutra

XCI - Le Miroir de Vérité

XCII - Ambapâlî

XCIII - Sermon d’adieu du Bouddha

XCIV - Le Bouddha annonce sa mort

XCV - Le forgeron Tchounda

XCVI - Maitrêya

XCVII - Mort du Bouddha

CONCLUSION

XCVIII - Les trois personnes du Bouddha

XCIX - Le but de l’être

C - Louange de tous les Bouddhas

NOTES :

AVERTISSEMENT

La Direction du Musée Guimet a longtemps hésité à faire traduire et publier l’Évangile du Bouddha de M. Paul Carus, tout intéressant que soit cet ouvrage.

A première lecture, en effet, même avec les explications que l’auteur fournit dans sa préface, on dirait un livre de propagande en faveur du Bouddhisme. C’était une raison péremptoire pour le faire repousser, le prosélytisme nous étant interdit par la nature même de nos études, et puis ce travail ne paraissait pas avoir le caractère rigoureusement scientifique que la Direction tient à garder à toutes ses publications, même de vulgarisation.

Elle, redoutait aussi l’allure biblique de sa composition et de son style, à laquelle le lecteur français est pou accoutumé et qui aurait pu sembler à certaines personnes une sorte de parodie de mauvais goût de la Bible et de l’Evangile.

Toutefois, ses scrupules se sont évanouis devant cette considération que s’il ne s’agit pas ici d’une traduction littérale des Soûtras bouddhiques, si l’auteur a choisi çà et là dans leur masse énorme et groupé pour en faire un tout homogène les passages qui lui paraissaient les plus caractéristiques, les plus propres à mettre en pleine lumière les doctrines morales et philosophiques du Bouddhisme, il en a du moins toujours respecté scrupuleusement l’esprit et que même, par le groupement systématique de ces textes divers, son livre donne des conceptions bouddhiques une impression plus frappante et peut-être tout aussi juste que pourrait le faire une stricte traduction de ces écritures.

À part les trois premiers chapitres, l’imagination de l’auteur n’y est pour rien.

Ce livre est, en tout cas, plus facile et plus agréable à lire que les Soûtras originaux, avec leurs longueurs et leurs redites interminables, et auxquels, d’ailleurs, de nombreuses références permettent de se reporter facilement.

Les quelques notes qui ont paru indispensables pour compléter celles de l’auteur sont indiquées sous la rubrique N. T. (Notes du Traducteur.)

Paris, le 31 mars 1902.

LA DIRECTION.

PRÉFACE DE L’AUTEUR

Pour qui est familiarisé avec les Écritures sacrées du Bouddhisme, rendues accessibles au monde occidental par le zèle infatigable et le talent de savants tels que Burnouf, Hodgson, Bigandet, Bühler, Foucaux, Sénart, Weber, Fausböll, Alexandre Csoma, Wassiljew, Rhys Davids, F. Max-Müller, Childers, Oldenberg, Schiefner, Eitel, Beal, Spence Hardy, etc., ce petit livre n’a pas besoin de préface. À ceux qui les ignorent, je puis affirmer que l’ensemble de son contenu est tiré de l’ancien canon bouddhiste. Beaucoup de passages, et ce sont certainement les plus importants, sont copiés littéralement dans les traductions des textes originaux. Quelques-uns sont interprétés un peu librement afin de les rendre intelligibles pour la génération actuelle. Certains ont été remaniés, d’autres abrégés. À part les trois premiers et les trois derniers chapitres, il y a peu d’additions entièrement de mon fait et encore ce ne sont ni de purs enjolivements littéraires ni des altérations des doctrines bouddhiques. Ils ne contiennent que des idées dont on peut trouver les prototypes çà et là dans les traditions du Bouddhisme et n’ont été faits qu’en vue d’élucider ses principes fondamentaux. Ceux qui voudront remonter du Bouddhisme de ce livre à sa source originale trouveront à la fin du volume une table de références indiquant, aussi brièvement que possible, les documents où ont été puisés ces divers chapitres et les parallélismes qui se rencontrent avec les idées occidentales et particulièrement avec les évangiles chrétiens.

Comme le christianisme, le bouddhisme s’est divisé en sectes innombrables, séparées surtout par des superstitions ou des rites particuliers, et assez fréquemment elles considèrent les dogmes sectaires auxquelles elles sont attachées comme les traits les plus importants et les plus indispensables de leur religion. Ce livre ne suit aucune des doctrines sectaires, mais prend une position idéale que tous les vrais bouddhistes peuvent accepter comme un terrain commun. Ainsi sa principale originalité est l’arrangement de cet Évangile du Bouddha en un tout d’une forme harmonieuse et systématique. Cependant, en ce qui concerne l’ensemble de ses diverses parties, on peut les considérer comme une simple compilation, et le compilateur s’est efforcé de traiter ses matériaux de la même manière que, selon son opinion, l’auteur du quatrième Évangile du Nouveau Testament en a usé pour les récits de la vie de Jésus de Nazareth. Il s’est risqué à placer les faits de la vie de Bouddha dans la lumière de leur importance religieuse et philosophique : il a retranché la plupart de leurs enjolivements apocryphes, principalement ceux dont fourmillent les traditions septentrionales ; cependant il n’a pas cru qu’il fût sage d’hésiter à conserver le miraculeux qui se montre dans les récits, toutes les fois qu’un but moral semble justifier la mention qui en est faite ; il a seulement émondé l’exubérance de merveilleux qui se plaît à rapporter les choses les plus incroyables, évidemment destinées à frapper fortement l’esprit, tandis qu’en réalité elles ne peuvent que le fatiguer. Le miracle a cessé d’être une preuve en fait de religion ; cependant la croyance en la puissance du Maître témoigne encore de la sainte vénération des premiers disciples et reflète leur enthousiasme religieux.

S’il ne veut pas risquer de mal interpréter l’idée fondamentale des doctrines du Bouddha, le lecteur doit se souvenir qu’il faut prendre le terme « moi » dans le sens où le Bouddha l’emploie. Le « moi » de L’Homme peut être et a été compris dans un sens contre lequel le Bouddha n’aurait jamais fait aucune objection. Le Bouddha nie l’existence du « moi » tel qu’on le comprenait communément en son temps ; il ne nie pas la mentalité (?) de L’Homme, sa constitution spirituelle, l’importance de sa personnalité, en un mot, son âme. Mais il nie la mystérieuse entité égotiste, l’âtman, dans le sens d’une sorte de monade-âme que quelques écoles supposaient exister derrière ou dans l’activité corporelle et psychique de L’Homme, comme un être distinct, comme une sorte d’essence, et un agent métaphysique prétendu être l’âme. Cette superstition philosophique, si commune non seulement dans l’Inde mais dans le monde entier, correspond à l’égotisme habituel de L’Homme dans la vie pratique ; ce sont deux illusions provenant de la même source, la foire aux vanités de la mondanité, qui poussent L’Homme à croire que la raison d’être de sa vie est en son « moi. » Le Bouddha propose de détruire entièrement toute pensée du « moi », de façon ce qu’elle ne porte plus de fruit. Ainsi le Nirvana du Bouddha est un état idéal dans lequel l’âme de L’Homme, après s’être purifiée de tout égoïsme et du péché, est devenue la résidence de la vérité, qui lui apprend à se défier des entraînements du plaisir et à employer exclusivement toutes ses énergies à remplir les devoirs de la vie.

La doctrine du Bouddha n’est pas le nihilisme. L’étude de la nature de l’âme humaine prouve que s’il n’existe ni âtman ni entité égotiste, l’essence véritable de L’Homme est son karma, que ce karma n’est pas affecté par la mort et continue à vivre. Ainsi, en niant l’existence de ce que nous prenons pour notre âme et dont nous redoutons la destruction par la mort, le Bouddha ouvre réellement à l’humanité (comme il le dit lui-même) la porte de l’immortalité, et là gît la pierre d’angle de sa morale et aussi de la consolation et de l’enthousiasme que procure sa religion. Celui qui ne voit pas l’aspect positif du Bouddhisme, est incapable de comprendre comment il a pu exercer une influence si considérable sur des millions et des millions d’êtres.

Ce volume n’est pas fait pour contribuer à la solution des problèmes historiques. Le compilateur a étudié son sujet, aussi sérieusement qu’il le pouvait dans des circonstances données, mais il ne prétend pas présenter une œuvre scientifique. Ce livre ne tend pas non plus à populariser les écritures bouddhistes, ni à les montrer sous une forme poétique. Si cet « Évangile du Bouddha » aide à mieux comprendre le Bouddhisme et si dans sa simplicité il donne au lecteur l’impression de la poétique grandeur de la personnalité du Bouddha, ces résultats ne doivent être comptés que comme secondaires ; son vrai but est encore plus sérieux. Ce livre a été écrit pour faire réfléchir le lecteur sur les problèmes religieux d’aujourd’hui. Il trace l’image d’un maître religieux d’un passé lointain, afin de la faire agir sur le présent et devenir un facteur de la formation de l’avenir.

À notre avis, toutes les vérités morales essentielles du Christianisme ont de profondes racines dans la nature des choses, et ne sont pas en contradiction, comme on l’a souvent prétendu, avec l’ordre cosmique du monde. L’Église les a formulées en certains symboles, et parce que ces symboles contiennent des contradictions et entrent en conflit avec la science, les classes éclairées se sont écartées de la religion. Mais le Bouddhisme est une religion qui ne connaît aucune révélation surnaturelle, et proclame des doctrines qui n’ont pas besoin d’autres arguments que le « venez et voyez. » Le Bouddha fonde sa religion exclusivement sur la connaissance qu’a L’Homme de la nature des choses, sur une vérité démontrable. La comparaison du Christianisme et du Bouddhisme aidera puissamment à distinguer dans les deux religions ce qui est essentiel de ce qui est accidentel, ce qui est éternel de ce qui est transitoire, la vérité de l’allégorie dans laquelle elle a trouvé son expression symbolique. Nous désirons ardemment faire naître la conviction de la nécessité de distinguer entre le symbole et son sens, entre le dogme et la religion, entre les formules d’invention humaine et l’éternelle vérité. C’est dans cet esprit que nous offrons ce livre au public, nourrissant l’espoir qu’il aidera au développement, dans le Christianisme autant que dans le Bouddhisme, de la religion cosmique de la vérité.

C’est un fait digne de remarque que les deux religions les plus grandes du monde, le Christianisme et le Bouddhisme, aient tant de coïncidences frappantes dans leur base philosophique aussi bien que dans les applications morales de leur foi, tandis que leurs méthodes pour les exprimer en dogmes sont radicalement différentes. La force et aussi la faiblesse du Bouddhisme primitif c’est son caractère philosophique qui permettait au penseur, mais non aux masses, de comprendre l’explication de la loi morale qui pénètre le monde. C’est pourquoi le Bouddhisme primitif a été nommé par les bouddhistes « le petit vaisseau de salut » ou Hinayana, car il est comparable à un petit bateau dans lequel un homme peut traverser le courant de la mondanité et atteindre le rivage du Nirvâna. Obéissant à l’esprit d’une propagande missionnaire, si naturelle à des hommes pieux qui sont ardents dans leurs convictions, les bouddhistes qui suivirent popularisèrent les doctrines du Bouddha et les rendirent accessibles à la multitude. Il est vrai qu’ils acceptèrent beaucoup de notions mythiques et même fantastiques ; mais ils réussirent cependant à faire adopter ses vérités morales à des gens qui ne pouvaient saisir qu’incomplètement le sens philosophique de la religion du Bouddha. Ils construisirent, selon leur expression, un « grand vaisseau de salut, » le Mahayana, dans lequel, les multitudes pouvaient trouver place et qui était capable de les transporter avec sécurité. Bien que le Mahayana, ait indiscutablement des côtés faibles, il ne faut pas le condamner haut la main, car il remplit son but. Sans le considérer comme le summum du développement religieux des peuples parmi lesquels il domine, nous devons reconnaître qu’il s’adaptait à leur condition et qu’il a beaucoup fait pour leur éducation. Le Mahayana constitue un progrès, en ce qu’il a transformé une philosophie en religion et a tenté de prêcher comme des propositions positives des doctrines qui étaient exprimées sous une forme négative.

Bien éloigné de condamner le zèle religieux qui a fait éclore le Mahayana dans le Bouddhisme, nous pouvons encore moins nous associer à ceux qui reprochent au Christianisme sa dogmatologie et ses éléments mythologiques. Le Christianisme est plus qu’un Mahayana, et la dogmatologie chrétienne également avait une mission à remplir dans l’évolution religieuse de l’humanité. Le Christianisme est plus qu’un grand vaisseau propre à transporter les multitudes de ceux qui s’y embarquent ; c’est un grand pont, un Mahâsêtou, sur lequel un enfant peut traverser le torrent de l’égoïsme et du la vanité du monde avec autant de sécurité que le sage. Bien ne caractérise mieux la parole du Christ que ces mots « Laisser venir à moi les petits enfants. »

La comparaison des points communs nombreux et frappants du Christianisme et du Bouddhisme peut être fatale à une conception sectaire du Christianisme, mais en fin de compte nous aidera à mûrir notre conception de la nature essentielle du Christianisme et ainsi élèvera nos convictions religieuses. Elle fera éclore ce Christianisme plus noble qui aspire à être la religion cosmique de la vérité éternelle.

Espérons que cet Évangile du Bouddha aidera à la fois bouddhistes et chrétiens à pénétrer plus avant dans l’esprit de leur foi de façon à l’embrasser dans toute son étendue, sa largeur et sa profondeur.

Au-dessus de tout Hinayana, Mahayana et Mahâsêtou est la Religion de la Vérité.

PAUL CARUS.

I - Allégresse !

 - Réjouissez-vous de la bonne nouvelle ! Le Bouddha

1

notre Seigneur, a découvert la racine de tout mal. Il nous a montré la voie du salut.

2

 - Le Bouddha dissipe les illusions de notre esprit et nous délivre des terreurs de la mort.

 - Le Bouddha, notre Seigneur, apporte le soulagement à celui qui est fatigué et accablé par le chagrin ; il rend la paix à ceux qui sont écrasés sous le fardeau de la vie. Il donne du courage aux faibles alors qu’ils sont prêts à abandonner la confiance en eux-mêmes et l’espérance.

 - Vous qui souffrez des tribulations de la vie, vous qui avez à combattre et à peiner, vous qui aspirez à une vie de vérité, réjouissez-vous de la bonne nouvelle !

 - Voici du baume pout les blessés et du pain pour les affamés. Voici de l’eau pour ceux qui ont soif, et voici l’espoir pour les désespérés. Voici la lumière pour ceux qui sont dans les ténèbres, et voici une béatitude inépuisable pour les justes.

 - Guérissez vos blessures, vous qui êtes blessés, et mangez à votre faim, vous qui êtes affamés. Reposez-vous, vous qui êtes fatigués, et étanchez votre soif, vous qui êtes altérés. Levez les yeux vers la lumière, vous qui êtes assis dans les ténèbres ; reprenez bon courage, vous qui êtes abandonnés.

 - Ayez confiance en la vérité, vous qui aimez la vérité, car le royaume de vérité est fondé sur la terre. Les ténèbres de l’erreur sont dissipées par la lumière de la vérité. Nous pouvons voir notre chemin et marcher à pas fermes et sûrs.

 - Le Bouddha, notre Soigneur, a révélé la vérité.

 - La vérité guérit nos infirmités et nous sauve de la perdition : la vérité nous rend forts dans la vie et dans la mort ; seule la vérité peut détruire les maux de l’erreur.

 - Réjouissez-vous de la bonne nouvelle !

II - Samsara et Nirvâna

 - Regardez autour de vous et contemplez la vie.

 - Tout est passager, rien ne dure. C’est la naissance et la mort, le développement et le dépérissement ; c’est la combinaison et la dissolution.

 - La gloire du monde est semblable à une fleur ; elle est en pleine floraison le matin et se fane à la chaleur du jour.

 - De quelque côté que vous regardiez c’est la presse et la poussée, la course avide aux plaisirs, la peur de la peine de la mort, c’est la foire aux vanités, et la flamme des brûlants désirs. Le monde est rempli de changements et de transformations. Tout est Samsara.

3

 - N’y a-t-il rien de permanent dans le monde ? Dans l’universelle inquiétude n’y a-t-il pas un lieu de repos où notre cœur troublé puisse trouver la paix ? N’y a-t-il rien d’éternel ?

 - L’angoisse ne cessera-t-elle jamais ? Les désirs brûlants ne s’éteindront-ils pas ? Quand l’esprit pourra-t-il être tranquille et calme ?

 - Le Bouddha, notre Seigneur, s’est affligé des maux de la vie. Il a vu la vanité du bonheur du monde et a cherché le salut dans quelque chose qui ne se fane ni ne périsse, mais demeure à jamais et toujours.

 - Vous qui aspirez à la vie, sachez que l’immortalité se cache dans la qualité d’être périssable. Vous qui désirez un bonheur qui ne contienne pas des germes de désappointement ou de regret, suivez les conseils du grand Maître et menez une vie de rectitude. Vous qui souhaitez avidement les richesses, venez et recevez les trésors qui sont éternels.

 - La vérité est éternelle ; elle ne connaît ni naissance ni mort ; elle n’a pas de commencement et pas de fin. Appelez la vérité, O mortels ! Que la vérité prenne possession de vos âmes.

 - La vérité est la partie immortelle de l’esprit. La possession de la vérité est l’opulence, et une vie de vérité est le bonheur.

 - Établissez la vérité dans votre esprit, car la vérité est l’image de l’éternel ; elle peint (est le portrait de) l’immuable ; elle révèle ce qui dure toujours ; la vérité donne aux mortels le don de l’immortalité.

 - Le Bouddha est la vérité ; que le Bouddha habite dans votre cœur. Éteignez dans votre âme tout désir étranger au Bouddha, et à la fin de votre évolution spirituelle vous deviendrez semblable au Bouddha.

 - La partie de votre âme qui ne peut ou ne veut devenir Bouddha doit périr, car elle n’est que pure illusion et irréalité ; c’est la source de vos erreurs ; c’est la cause de votre misère.

 - Vous pouvez rendre votre âme immortelle en la remplissant de vérité. C’est pourquoi, devenez semblables à des vases propres à recevoir l’ambroisie des paroles du Maître. Purifiez-vous du péché et sanctifiez votre vie. Il n’est pas d’autre moyen d’atteindre la vérité.

 - Apprenez à distinguer le moi et la vérité. Le moi est la cause de l’égoïsme et la source du péché ; la vérité ne s’attache à aucun moi ; elle est universelle et conduit à la justice et à l’équité.

 - La personnalité, qui semble l’être de ceux qui chérissent, leur moi, n’est ni l’éternelle, ni l’immortelle, ni l’impérissable. Ne cherchez pas la personnalité, mais cherchez la vérité.

 - Si nous délivrons nos âmes de leurs personnalités mesquines, si nous ne souhaitons pas de mal à autrui, et devenons purs comme un clair diamant reflétant la lumière de la vérité, quelle radieuse peinture apparaîtra en nous reflétant les choses comme elles sont, sans mélange de désirs brûlants, sans la déformation de l’illusion trompeuse, sans l’agitation de l’inquiétude pleine de péché.

 - Celui qui cherche le moi doit distinguer entre le faux moi et le vrai moi. Son moi et son égoïsme sont le faux moi. Ce sont des illusions irréelles et des composés périssables. Celui-là seul qui identifie son moi avec la vérité atteindra le Nirvâna ; et celui qui a atteint le Nirvâna a atteint l’état de Bouddha ; il a acquis le plus grand des bonheurs ; il est devenu ce qui est éternel et impérissable.

 - Tous les composés doivent se dissoudre de nouveau, les mondes se briseront en pièces et nos individualités s’éparpilleront ; mais les paroles du Bouddha seront éternelles.

 - L’extinction du moi est le salut ; l’annihilation du moi est la condition de l’illumination ; l’effacement du moi est le Nirvâna. Heureux est celui qui a cessé de vivre pour le plaisir, et repose dans la vérité. En vérité, son calme et sa tranquillité d’esprit sont la plus haute félicité.

 - Cherchons refuge dans le Bouddha, car il a trouvé l’impérissable dans le périssable. Cherchons refuge dans ce qui est immuable au milieu des changements de l’existence. Cherchons refuge dans la vérité qui est établie par le moyen de la lumière du Bouddha.

III - La Vérité Rédemptrice

 - Les choses du monde et ses habitants sont soumis au changement ; ce sont les produits de choses qui oui existé précédemment ; tous les êtres vivants sont ce que les ont fait leurs actes antérieurs ; car la loi de cause et d’effet est uniforme et sans exceptions.

 - Mais dans les choses qui sans cesse changent se cache la vérité. La vérité donne aux choses la réalité. La vérité est immuable dans le changement.

 - Et la vérité désire se révéler ; la vérité aspire à devenir consciente ; la vérité s’efforce à se connaître elle-même.

 - La vérité existe dans la pierre, car la pierre existe véritablement, et il n’est pas une puissance au monde, Dieu, homme ou démon qui puisse faire qu’elle n’existe pas. Mais la pierre n’est pas consciente.

 - La vérité existe dans la plan, et sa vie peut prendre de l’expansion : la plante pousse, fleurit et porte des fruits. Sa beauté est merveilleuse, mais elle n’est pas consciente.

 - La vérité existe dans l’animal : il se meut et perçoit les choses qui l’environnent ; il distingue et apprend à choisir. Chez lui il y a conscience ; mais ce n’est pas encore la conscience de la vérité. C’est la conscience du

moi

seulement.

 - La conscience du

moi

aveugle les yeux de l’esprit et cache la vérité. C’est l’origine de l’erreur ; c’est la source de l’illusion, le germe du péché.

 - Le

moi

engendre l’égoïsme. Il n’existe aucun mal qui ne découle du

moi.

Il n’existe aucune injustice qui ne soit produite par l’affirmation du

moi.

 - Le

moi

est le principe de toute haine, de l’iniquité et de la calomnie, de l’impudence et de l’indécence, du vol et de l’escroquerie, de l’oppression et de l’effusion du sang. Le

moi

est

Mâra,

le tentateur, le malfaiteur, le créateur du mal.

 - Le

moi

séduit par les plaisirs. Le

moi

promets un paradis féérique. Le

moi

est le voile de Mâra l’enchanteur. Mais les plaisirs du moi sont sans réalité, son labyrinthe paradisiaque est le chemin de l’enfer, et sa beauté qui se fane allume les flammes du désir qui jamais ne peut être satisfait.

 - Qui nous affranchira de la tyrannie du

moi ?

Qui nous sauvera de nos misères ? Qui nous rétablira dans une vie de félicité ?

 - Tout est misère dans le monde de Samsâra

4

tout est misère et souffrance. Mais le bonheur de la vérité est plus grand que toutes les misères. La vérité donne la paix à l’esprit haletant ; elle vainc l’erreur ; elle éteint les flammes du désir et conduit au Nirvana.

 - Bienheureux est celui qui a trouvé la paix du Nirvâna. Il est calme dans les luttes et les tribulations de la vie ; il est à l’abri de tous les changements ; il défie la naissance et la mort ; il reste indifférent aux maux de la vie.

 - Bienheureux celui en qui s’est incarnée la vérité, car il a atteint son but et ne fait qu’un avec la vérité. Il est vainqueur sans pouvoir être blessé ; il est glorieux et heureux sans pouvoir souffrir ; il est fort alors même qu’il tomberait écrasé sous le fardeau de son labeur ; il est immortel alors même qu’il meurt. L’immortalité est l’essence de son âme.

 - Bienheureux celui qui a atteint l’état sacré de Bouddha, car il est à même d’effectuer le salut des êtres ses frères. La vérité réside en lui. La sagesse parfaite éclaire son entendement. La justice inspire toutes ses actions.

 - La vérité est une puissance agissante pour faire le bien, indestructible et invincible ! Cultivez la vérité en votre esprit et répandez-la à travers l’humanité ; car la vérité seule sauve du péché et de la misère. La vérité est le Bouddha, et le Bouddha est la vérité ! Béni soit le Bouddha !

LE PRINCE SIDDHÂRTHA DEVIENT BOUDDHA
IV - Naissance de Bouddha

 - Il y avait à Kapilavastou

5

un roi Çâkya

6

, ferme en ses desseins et révéré par tous les hommes, un des descendants d’Ikchvâkou

7

, qui s’appelait Gautama

8

et son nom personnel était Çouddhodana

9

ou Riz-Pur.

 - Son épouse, Mâyâ-dévî

10

, était aussi merveilleusement belle que le lis d’eau et d’un cœur aussi pur que le lotus. Ainsi que la Reine des deux

11

, elle vivait sur la terre pure de désirs et immaculée.

 - Le roi, son mari, la révérait en sa sainteté et l’esprit de vérité était descendu en elle.

 - Quand elle sut que l’heure de la maternité approchait, elle pria le roi de l’envoyer chez ses parents ; et Çouddhodana, plein de sollicitude pour sa femme et l’enfant qu’elle lui donnerait, acquiesça volontiers à sa demande.

 - Comme elle traversait le jardin de Loumbinît

12

, l’heure arriva ; on lui prépara une couche sous un Plakcha

13

altier, et l’enfant sortit de la matrice semblable au soleil levant, radieux et parfait.

 - Tous les mondes furent inondés de lumière. Les aveugles recouvrèrent la vue à cause de leur ardent désir de contempler l’arrivée de la gloire du Seigneur ; les sourds-muets se parlèrent les uns aux autres des heureux présages annonçant la venue du Bouddha. Les bossus se redressèrent ; les boiteux marchèrent. Tous les prisonniers virent tomber leurs chaînes, et les feux de tous les enfers s’éteignirent.

 - Aucun nuage ne se montra dans le ciel et les eaux souillées devinrent claires, tandis qu’une musique céleste emplissait les airs et que les anges se réjouissaient avec bonheur. Ce n’était pas d’une joie égoïste ou partiale qu’ils se réjouissaient mais pour l’amour de la Loi ; car la création submergée dans l’océan de la douleur allait enfin obtenir un adoucissement à ses peines.

 - Les cris des animaux firent silence ; tous les êtres malfaisants reçurent un cœur aimant, et la paix régna sur la terre. Mâra

14

, le méchant, seul était dans la peine et ne se réjouissait pas.

 - Les rois des Nâgas

15

, désirant avec ardeur faire montre de leur respect pour la très excellente Loi, de même qu’ils avaient rendu hommage aux Bouddhas antérieurs

16

vinrent rendre visite au Bodhisattva.

17

Ils répandirent devant lui des fleurs de mandâra, heureux, d’une joie sincère, d’apporter leurs hommages religieux.

 - Le royal père pesant en son esprit le sens de ces présages, était tantôt plein de joie, tantôt dans une cruelle détresse.

 - La reine, contemplant son fils et les prodiges causés par sa naissance, sentait dans son cœur timoré de femme les angoisses du doute.

 - Auprès de sa couche se tenait debout une vielle femme qui suppliait le ciel de bénir l’enfant.

 - Or, en ce temps vivait dans la forêt le rishi Asita qui y menait la vie d’un ermite.

18

C’était un brahmane de haute réputation, renommé non seulement pour sa sagesse et sa science, mais aussi pour son habileté à interpréter les présages. Et le roi l’invita à venir voir le royal enfant.

 - Le vieillard, quand il vit le prince, pleura et soupira profondément. Et lorsque le roi vit les larmes d’Asita il en fut alarmé et lui dit : « Pourquoi la vue de mon fils t’a-t-elle causé du chagrin et de la peine ? »

 - Mais le cœur d’Asita débordait de joie, et connaissant que l’esprit du roi était inquiet, il s’adressa à lui, disant :

 - « Le roi, tel que la lune quand elle est dans son plein, devrait éprouver une grande joie, car il a engendré un fils d’une merveilleuse noblesse.

 - « Je n’adore pas Brahmâ, mais l’adore cet enfant ; et les dieux qui sont dans les temples quitteront leurs places d’honneur pour l’adorer.

 - « Bannis toute crainte et tout doute. Les présages spirituels qui se sont manifestés indiquent que ce nouveau-né apportera la délivrance à l’univers tout entier.

 - « Me rappelant que je suis vieux, je n’ai pu retenir mes larmes ; car ma fin est proche. Mais ton fils gouvernera le monde. Il est né pour le bien de tous les vivants. »

 - « Sa doctrine pure sera semblable au rivage qui accueille les naufragés. Son pouvoir de méditation sera semblable à la fraîcheur d’un lac et toutes les créatures brûlées par l’ardeur de la luxure pourront s’y désaltérer librement. »

 - « Sur le feu de la concupiscence il fera s’étendre le nuage sa compassion, de sorte que la pluie de la loi puisse l’éteindre. »

 - « Il ouvrira les lourdes portes de la désespérance, et délivrera toutes les créatures prises au piège dans les rets, qu’elles ont elles-mêmes tressés, de la folie et de l’ignorance. »

 - « Le roi de la loi a paru pour délivrer du servage tous les pauvres, les misérables et les désespérés. »

 - Quand le roi et la reine eurent entendu les paroles d’Asita, ils se réjouirent en leurs cœurs, et donnèrent à l’enfant qui venait de leur naître le nom de Siddhârtha

19

, c’est-à-dire « celui qui a accompli ce qu’il se proposait. »

 - Et la reine dit à sa sœur Pradjâpatî

20

 : « La mère qui a enfanté un futur Bouddha ne donne jamais le jour à un autre enfant. Je quitterai bientôt ce monde, le roi mon époux et mon fils Siddhârtha.

21

Quand je ne serai plus, toi, sois une mère pour lui. »

 - Et Pradjâpatî pleura et promit.

 - Quand la reine fut morte, Pradjâpatî prit l’enfant Siddhârtha et l’éleva. Et de même que peu à peu croît la lumière de la lune, de même l’enfant royal grandit de jour en jour d’esprit et de corps ; et la vérité et l’amour résidaient en son cœur.

V - Les liens de la vie

 - Quand Siddhârtha eut atteint l’adolescence son père désira le voir marié, et envoya des messagers à tous ses parents leur commandant d’amener les princesses leurs filles, afin que le prince choisît sa femme parmi elles.

 - Mais ceux-ci refusèrent en disant : « Le prince est jeune et délicat ; il n’a appris aucune des sciences. Il ne serait pas capable de protéger notre fille, et si la guerre éclatait il serait incapable de tenir tête à l’ennemi. »

 - Le prince n’était pas turbulent mais pensif de sa nature. Il se plaisait à demeurer sous le grand jambou du jardin de son père, et, observant les voies du monde, se livrait à la méditation.

 - Et le prince dit à son père : « Invite nos parents afin qu’ils puissent me voir et mettre ma force à l’épreuve. » Et le père fit comme son fils le lui demandai t.

 - Quand tous furent venus et que le peuple de Kapilavastou se fut assemblé pour juger de la valeur et de la science du prince, il se montra accompli dans tous les exercices du corps aussi bien que de l’esprit, et il ne trouva parmi les jeunes gens et les hommes de l’Inde aucun rival qui put le surpasser dans aucune épreuve du corps ou de l’esprit.

 - Il répondit à toutes les questions des sages ; mais quand il les questionna, même les plus sages parmi eux furent réduits au silence.

 - Alors Siddhârtha se choisit une femme. Il distingua Yaçôdhârâ, sa cousine, la gentille fille du roi de Kôli. Et Yaçôdhârâ

22

fut fiancée au prince.

 - De leur mariage naquit un fils qu’ils nommèrent Râhoula, et le roi Çouddhodana, heureux qu’un héritier fût né à son fils, dit :

 - « Le prince ayant engendré un fils l’aimera comme je l’aime lui-même. Ce sera un lien puissant pour attacher le cœur de Siddhârtha aux intérêts du monde, et le royaume des Çâkyas restera sous le sceptre de mes descendants. »

 - Sans bût égoïste, mais ayant égard à son enfant et au peuple qui l’entourait, le prince Siddhârtha accomplissait ses devoirs religieux, baignait son corps dans l’eau sainte du Gange et purifiait son cœur dans les eaux de la loi. De même que les hommes souhaitent d’assurer la paix à leurs enfants, ainsi il aspirait avidement à donner le repos au monde.

VI - Les Trois Douleurs

 - Le palais, donné au prince par le roi, resplendissait de tout le luxe de l’inde ; car le roi voulait que son fils fût heureux.

 - Tout ce qui est pénible à voir, toutes les misères et toute notion de la souffrance étaient tenus à l’écart de Siddhârtha, et il ignorait que le mal régnât dans le monde.

 - Mais de même que l’éléphant captif soupire après les jongles sauvages, ainsi le prince était impatient de voir le monde, et il demanda au roi, son père, la permission de satisfaire son ardent désir.

 - Alors Çouddhodana ordonna d’atteler quatre coursiers magnifiques à un char orné par devant de pierreries, et de décorer les routes par où passerait Siddhârtha.

 - Les maisons de la cité étaient tendues de tapisseries, et de bannières ; les spectateurs alignés de chaque côté contemplaient avidement l’héritier du trône. Ainsi Siddhârtha se promena, avec Tchanna

24

son cocher, par les rues de la ville, et à travers une campagne arrosée de ruisselets et couverte d’arbres agréables.

 - Sur le bord de la route ils rencontrèrent un vieillard. Le prince voyant ce corps courbé, cette face ridée et ce sourcil douloureux, dit au cocher « Quel est celui-ci ? Sa tête est blanche, ses yeux sont chassieux et son corps brisé. Il peut à peine se soutenir à l’aide de son bâton ? »

 - Le cocher, très embarrassé, osait à peine dire la vérité. Il répondit : « Ce sont les marques de la vieillesse. Ce même homme a été jadis un petit enfant à la mamelle, puis un adolescent plein d’ardeur pour le plaisir ; mais les ans sont venus, et maintenant sa beauté s’en est allée et la vigueur de son corps est épuisée. »

 - Siddhârtha profondément affligé par les paroles du cocher soupira à cause de la souffrance du vieil âge. « Quelle joie ou quel plaisir les, hommes peuvent-ils goûter, pensa-t-il, quand ils savent que bientôt il leur faudra dépérir et s’en aller languissants ! »

 - Et voici que, comme ils passaient, apparut sur le bord du chemin un malade tout haletant, le corps défigure, convulsé et gémissant douloureusement.

 - Le prince interrogea son cocher : « Quelle espèce d’homme est-ce là ? » Et le cocher répondit et dit : « Cet homme est malade. Les quatre éléments de son corps sont confus et en désordre. Tous nous sommes sujets à de semblables accidents : le pauvre et le riche, l’ignorant et le sage, toutes les créatures qui ont un corps, sont exposés au même malheur. »

 - Et Siddhârtha fut encore plus ému. Tous les plaisirs lui parurent usés et il prit en dégoût les joies de la vie.

 - Le cocher pressait les chevaux pour fuir ce triste spectacle, quand tout à coup ils furent arrêtés dans leur course rapide.

 - Quatre personnes passaient portant un cadavre et le prince tressaillant à la vue du corps privé de vie interrogea le cocher : « Que portent-ils ? Je vois des banderoles et des guirlandes de fleurs, mais les hommes qui suivent sont accablés par le chagrin ! »

 - Le conducteur dit : « C’est un mort ; son corps est rigide, sa vie s’en est allée, sa pensée est éteinte ; sa famille et les amis qui l’aimaient portent maintenant son corps au tombeau. »

 - Et le prince fut pénétré d’horreur et de terreur : « Ceci est-il une exception, demanda-t-il, ou bien dans le monde y en a-t-il d’autres exemples ? »

 - D’un cœur oppressé le cocher reprit : « Partout dans le monde il en est de même. Celui qui commence la vie doit la finir. Nul ne peut échapper à la mort. »

 - D’une voix éteinte et en balbutiant le prince s’écria : « O hommes mondains ! Combien fatale est votre erreur ! Inévitablement votre corps tombera en poussière et cependant sans souci, sans y prendre garde, vous continuez à vivre. »

 - Le conducteur du char voyant la profonde impression que ces lugubres spectacles avaient fait sur Le prince, tourna ses chevaux et rentra dans la cité.

 - Comme ils passaient devant le palais de la noblesse, Krichâ Gautamî

23

, jeune princesse nièce du roi, vit Siddhârtha dans sa mâle beauté et observant son air préoccupé s’écria : « Heureux le père qui t’a engendré, heureuse la mère qui t’a nourri, heureuse l’épouse qui donne le nom d’époux à un seigneur si glorieux ! »

 - Le prince ayant entendu cette louange répondit : « heureux ceux qui ont trouvé le salut ! Aspirant à la paix de l’esprit, je chercherai le bonheur de Nirvâna. » Et lui offrant son collier de perles précieuses, comme pour la récompenser de la leçon qu’elle lui avait donnée, il rentra dans son palais.

 - Siddhârtha jeta un regard de dédain sur les trésors de son palais. À sa femme qui lui souhaitait la bienvenue et le suppliait de lui dire la cause de son chagrin, il dit : « Je vois partout l’empreinte du changement ; c’est pourquoi mon cœur est oppressé. Les hommes vieillissent, tombent malades et meurent. N’est-ce pas suffisant pour détruire le plaisir de vivre. »

 - Le roi, son père, apprenant que le cœur du prince était devenu étranger au plaisir, fut terriblement accablé par le chagrin qui, comme une épée, perça son cœur.

VII - Le Bouddha renonce au monde

 - Il était nuit. Le prince ne trouvait pas le repos sur ses moelleux coussins ; il se lova et sortit dans le jardin. « Hélas ! Pleurait-il, car le monde entier est rempli de ténèbres et d’ignorance ; nul ne sait comment guérir les maux de l’existence. » Et il gémissait douloureusement.

 - Siddhârtha s’assit sous le grand jambousier et s’abandonna à ses pensées, pesant la vie et la mort et les maux de la décrépitude. Concentrant son esprit il s’affranchit de toute confusion. Tous les désirs bas s’évanouirent de son cœur et un calme parfait se répandit sur lui.

 - Dans cet état d’extase il vit de son œil mental tout ce que le monde renferme de misère et de douleur ; il vit les peines du plaisir et l’inéluctable certitude de la mort qui pèse sur tous les êtres. Cependant les hommes ne sont pas encore éveillés à la vérité. Et une compassion profonde envahit son cœur.

 - Tandis qu’il méditait sur le problème du mal, le prince vit, avec l’œil de son esprit, sous le jambousier une grande figure revêtue de majesté, de calme et de dignité. « D’où viens-tu, et qui es-tu ? » demanda-t-il.

 - La vision lui répondit : « Je suis un Çramana.

24

Troublé par la pensée de la vieillesse, de la maladie et de la mort, j’ai fui mon foyer pour chercher le chemin du salut. Toutes les choses se hâtent vers la ruine ; seule la vérité est éternelle. Tout change et rien de dure ; cependant les paroles des Bouddhas sont immuables. J’aspire au bonheur qui n’a pas de déchéance ; au trésor qui ne périra jamais ; à la vie qui ne connaît ni commencement ni fin. C’est pourquoi j’ai détruit toute pensée mondaine. Je me suis retiré dans un vallon désert pour vivre dans la solitude, et, mendiant ma nourriture, je me consacre à la seule chose qui soit nécessaire. »

 - Siddhârtha demanda : « Peut-on obtenir la paix dans ce monde agité ? Je suis frappé de l’inanité du plaisir et j’ai pris le dégoût de la volupté. Tout m’oppresse et même l’existence me semble intolérable. »

 - Le Çramana répondit : « Là où existe la chaleur, peut aussi exister le froid. Les créatures sujettes à la peine possèdent la faculté du plaisir. L’origine du mal indique que le bien peut être développé. Car ces choses sont corrélatives. Ainsi là où il y a beaucoup de souffrance, il y aura beaucoup de bonheur, si seulement vous ouvrez les yeux pour le découvrir. De même qu’un homme qui est tombé dans un tas d’ordures doit chercher le grand étang couvert de lotus qui est dans le voisinage de même cherche le grand lac immortel du Nirvâna pour laver la souillure du péché. Si on ne cherche pas le lac, ce n’est pas la faute du lac ; de même aussi lorsqu’il y a une route bénie pour conduire au salut du Nirvâna L’Homme fortement tenu par le péché, ce n’est pas la faute de la route s’il n’y passe point, mais de l’individu. Et si un homme atteint de maladie, lorsqu’il y a un médecin qui peut le guérir, ne se sert pas de l’assistance du médecin, ce n’est pas la faute du médecin ; de même si un homme atteint de la maladie de faire le mal ne cherche pas le guide spirituel de la lumière, ce n’est pas la faute du guide destructeur du péché. »

 - Le prince écouta les nobles paroles de son visiteur et dit : « Tu es porteur de bonnes nouvelles, car maintenant je sais que mon projet s’accomplira. Mon père me conseille de jouir de la vie et de me vouer aux devoirs mondains susceptibles de rendre illustres moi et ma maison. Il me dit que je suis encore trop jeune et que mon pouls bat trop vite pour mener une vie religieuse. »

 - L’apparition vénérable secoua la tête et répliqua : « Tu devrais savoir que pour chercher la vraie religion il n’est jamais de temps qui puisse être inopportun. »

 - Un tressaillement de joie passa dans le cœur de Siddhârtha. « Maintenant c’est le moment de chercher une religion, dit-il ; maintenant c’est le moment de trancher tous les liens qui m’empêcheraient d’atteindre à l’illumination parfaite ; maintenant c’est le moment d’errer dans le désert et, menant une existence de mendiant, de trouver le chemin de la délivrance. »

 - Le messager céleste écouta avec approbation la résolution de Siddhârtha.

 - « Maintenant, en effet, dit-il, c’est le temps de chercher la religion. Va Siddhârtha et accomplis ton projet ; car, Bodhisattva

25

, tu es le Bouddha

26

élu ; tu es destiné à illuminer le monde.

 - « Tu es le Tathâgata

27

parfait, car tu accompliras toute justice et tu seras Dharma-râdja

28

, roi de Vérité. Tu es Bhâgavata

29

, le Bienheureux, car tu es appelé à devenir le sauveur et le rédempteur du monde. »

 - « Va, accomplis la perfection de la vérité. Alors même que la foudre frapperait ta tête, ne cède jamais aux illusions qui séduisent et écartent les hommes du chemin de la vérité. De même qu’en toutes saisons le soleil poursuit sa carrière et jamais une autre, de même si tu n’abandonnes pas le droit chemin de la justice, tu deviendras Bouddha. »